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Presquevoix...
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31 janvier 2019

une photo et un texte

A nouveau la photo, croquis main gauche, de Mado. Aujourd'hui, voici mon texte.

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Décor

Ce nu, c’était celui d'un homme qu'elle avait aimé, mais  était-ce possible ? Un  nu est-il ce que l’on veut qu’il soit ou dessine-t-il une pure image de l’esprit qui sombre dans l’inconscient. Qui aurait pu lui répondre ?

Elle a regardé à nouveau son dessin, le modèle, a fermé les yeux et les a rouverts quelques minutes plus tard. Toujours cette ébauche, celle d’un être qui, dans une pause que l’on aurait pu imaginer rêveuse, fermait son corps à lui-même.

Son esprit  est aussitôt devenu le siège d’une pensée obsessionnelle : quel était le nom de l’allégorie que ce nu représentait ? De quel fantasme était-il le reflet ? Mais surtout, quel était l’envers du décor de celle qui avait choisi un homme pour en imaginer un autre ?

4 février 2019

L'enfant

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L’enfant

Elle passait des jours dans les arbres, à lire. Personne ne la retrouvait. Si elle avait voulu disparaître à jamais, elle aurait pu, mais ce qu’elle voulait, elle, c’était s’échapper, fuir ce monde où chacun jouait un rôle qui le rendait prisonnier des autres et de lui-même.

A chaque lecture, elle poursuivait son voyage interrompu la veille. Les livres se succédaient les uns aux autres et elle y passait des heures et des heures, l’été.

Ses pieds et ses bras nus recevaient les caresses du soleil et un amour que nul, jamais, ne lui avait apporté. Amour que pourtant ils pensaient lui donner depuis sa naissance. D’ailleurs, tous deux l’appelaient « ma chérie », mais de quelle chérie s’agissait-il ?

 

PS : photo prise à Rouen, rue des Bons-Enfants, rue où a été fondé, semble-t-il, le collège dit des Bons Enfants, en 1358.

8 février 2019

L’homme aux longues oreilles

 

 

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Quand elle avait rencontré l’homme aux longues oreilles et au nœud papillon, celui-ci l’avait immédiatement avertie.

-          Les monstres ne dorment pas toujours, parfois ils font semblant.

Elle aurait voulu lui demander pourquoi, mais il ne semblait pas être de ceux qui répondent aux questions des clients d’un jour.

Pourtant, cliente, elle ne l’était pas ou alors, pas une cliente comme les autres, puisqu’elle l’avait rencontré lors d’un rêve, un seul et unique  rêve qu’elle avait fait dans sa chambre où le soleil avait imprimé sur les murs noirs une lumière de printemps.

Alors, elle avait imaginé une autre question.

-          Et si j’étais moi-même un monstre ?

-          Petite mademoiselle, a-t-il répondu en souriant, un homme aux oreilles aussi longues que les miennes sait immédiatement quand on lui dit un mensonge.

-          Mais vos longues oreilles contiennent tellement de souvenirs qu’elles peuvent se tromper.

L’homme a éclaté de rire et elle a remarqué que ses grandes dents jaunes donnaient à sa mâchoire un air semi-tragique.

-          Sachez que le monstre est derrière vous mais hélas, vous ne le voyez pas. Quand vous le verrez, vous pourrez parler en votre nom propre.

Une fois ces mots prononcés, il a quitté le miroir et elle s’est réveillée.

Les jours ont passé et elle a oublié l'homme du rêve, jusqu’au jour où elle l’a retrouvé, rue des Bons-enfants, dans la vitrine d’une bien étrange boutique. Elle s’est arrêtée  face à lui et  lui a montré ses longues oreilles qui maintenant ressemblaient aux siennes. C’est à ce moment-là qu’il lui a dit d’entrer dans la boutique. Elle a obéi et, jamais elle ne l’a quitté.

 

17 février 2019

duo de février

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Nouveau duo du mois de février avec Caro. Cette fois-ci, j’ai choisi une photo gentiment prêtée par PastelleAujourd’hui vous pouvez lire mon texte.

 

L’homme au complet noir

 

Elle l’avait suivi à distance et l’avait entendu répéter une presque lamentation « Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi.».

Suivre quelqu'un dans un musée n’est pas chose facile ; seulement cet homme-là, elle croyait l'avoir aimé un jour, et l'observer se taper la tête dans les murs d’une galerie l’effrayait. Comment en était-il arrivé là ? Evidemment, en 15 ans il peut s’en passer des choses. Elle-même n’avait-elle pas été professeur avant de  devenir gardienne de musée ?

Inutile de s’adresser  à lui, ce voyage au pays du bleu et du rouge ne pouvait se terminer par un voyage dans le passé. Oubli, ressentiment,  qui savait ce que le passé pouvait déclencher ?

Il passa ensuite des psaulmes  à une mélodie envoutante  où les couleurs se succédaient les unes aux autres dans des tons graves qui semblaient venir du fond de ses entrailles. Heureusement la salle était vide, mais que faire si des visiteurs arrivaient ?

Soudain, il fit silence, s’éloigna du mur, fit demi-tour et avança droit vers elle pour lui dire.

-          Vous vous inquiétez ?

-          Euh, je, enfin, vous voyez, votre comportement n’est pas habituel dans un musée.

-          A vrai dire j’observe ce que mon œil perçoit et je le note à l’intérieur de mon cerveau grâce à mes neurones spécialement entraînés à cet effet. Et, quand mes neurones se fatiguent, les sons pennent le relai.

Elle le regarda silencieuse. Ses yeux bleu-violet s’irisaient étrangement.

-          Joli travail Michel, finit-elle par dire.

-          Vous connaissez mon prénom ?

C’est à ce moment-là que deux hommes en blouse blanche pénétrèrent dans la salle du musée. L’homme appelé Michel les fixa et hurla.

-          Non, ne m’enlevez pas mon complet, pas mon complet, c’est ce qui me permet de sortir de mon île !

Chacun lui empoigna un bras et, sans violence aucune, ils l’empêchèrent de bouger.

-          Michel voulait vous voir, dit une blouse blanche, mais je crains qu’il ne puisse résister aux couleurs.

-          Il est fragile, continua l’autre blouse, même si son complet lui donne l’air d’un ministre.

-          Et, c’est quoi le métier de Michel ? demanda-t-elle

-          Physicien aujourd’hui, semble-t-il, mais demain est un autre jour, et il sera peut-être peintre ou poète, reprit une blouse blanche.

Michel lui sourit mais son visage était triste. Il lui tendit la main, lui laissa un papier de couleur claire, puis il sortit de la salle accompagné de son équipe de choc.

Après avoir déplié le papier elle lit :

 « Pas ici, pas d’ailleurs, je ne suis de nulle part mais  je me souviens de toi. Et si nous changions de couleurs pour changer le monde ? »

 Elle ne sut que penser. Qui était fou dans ce trio étrange, les blancs ou le noir ? Et fallait-il venir de nulle part pour changer les couleurs du monde ? Ses yeux passèrent du rouge au bleu puis elle se dirigea vers la seule chaise présente, effrayée par les vertiges qui envahissaient son cerveau ébloui.

 

PS : prochain texte, mercredi 20 février.

28 février 2019

L’énigme

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-          Tu l’as vue ? Mais elle se prend pour un sphinx ?

 Elle savait parfaitement que cette fille était cinglée, mais à ce point ! Se prenait-elle pour un oiseau de proie, une muse, un monstre peut-être ?

 Sans doute l’enviait-elle un peu, comme on envie ce que l’on souhaiterait être soi-même sans jamais y parvenir. Elle aussi aurait voulu, en plein désert, poser à chaque voyageur l’énigme à laquelle personne ne saurait répondre, sauf Œdipe ; mais avait-il vraiment existé cet Œdipe que son complexe avait tourmenté des années durant ?

 Alors qu’elle réfléchissait, son ami finit par lui dire.

-          On dirait que tu l’envies, non ?

-          Je n’envie personne, sache-le ! a-t-elle répondu vertement.

Mais elle savait au fond d’elle-même qu’il avait raison. Pourtant jamais, au grand jamais, elle ne prendrait le chemin de ce désert où elle pourrait peut-être résoudre l’énigme…

 

PS : photo prise à Rouen, non loin de la gare, dans une petite rue paisible, ou qui l’était avant les travaux qui actuellement donnent à Rouen un étrange visage...

16 mars 2019

La statue

 

 

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A 80 ans passés, il était lourd et presque sourd. Son dos s’était courbé et il marchait à petits pas. La vie ne l’avait pas épargné ; lui non plus n’avait pas épargné la vie. C’est en entendant des pleurs qu’il se tourna vers l’homme nu. Etait-ce lui qui pleurait ou un autre ? Et cet homme immobile, les yeux  perdus, n’était-ce pas lui, jeune ? Mais n'était-ce pas l’autre ? Il est vrai que l’autre lui ressemblait tant, qu’il s’était parfois demandé si lui et l'autre était une seule et unique personne. Puis il entendit la statue prononcer une phrase, une seule, et c’est juste après l’avoir entendue qu’il disparut à jamais. Voici cette phrase qui m’a été transmise par quelqu’un qui était en ce jardin, à ce moment-là. Et depuis, cette phrase me hante. Voici ce qu’elle disait :

« Un jour, vous croiserez un être qui vous ressemble mais que vous aviez oublié ; et ce qu’il vous montre, c’est exactement ce que vous n’avez jamais voulu voir en vous. »

PS : photo prêtée par Espiguette, merci à elle.

20 mars 2019

Le retour de Mado

De retour de La Havane - sans avoir vu Raul -  Mado est de passage sur Presquevoix. Voici la photo, suit son texte.

 

Pr txt Ensemble

 

L'attente

 

« Nous serons comme Philémon et Baucis », avait-il promis, l’œil espiègle. Bientôt, ils vivraient face à la mer, dans leur alcôve du  Malecón, amoureux liés à jamais. Comme eux… Sinon, qu’ils étaient jeunes encore, qu’elle n’était pas de bois ; et qu’il tardait à la rejoindre… Pour l’heure, elle attendait  de le voir réapparaître sous les arcades de l’Hôtel Deauville.

Deauville… Elle se souvenait de la France. Il y revenait  pour affaire et l’y avait emmenée quelquefois. Avant de courir vers ses rendez-vous, il l’accompagnait toujours sur le rivage : « Mi amor, attends-moi là. Fais provision  de lumière et d’écume, de silence et de songe. J’ai  tant besoin de toi. » C’était un peu comme s’il la trainait avec lui, mieux qu’un livre qui tient peu de place et qu’on peut oublier sur un banc sans l’ouvrir. Mais elle l’aimait, avait choisi sa vie ; et  son esprit  voyageait  de cette plage à une autre, la ramenait irrésistiblement  vers son île à la  beauté fière et complexe.

Le jour où, sur le Paseo del Prado, il s’était attardé devant ses tableaux, qu’aurait-elle pu imaginer, espérer? Elle était artiste, est-ce la raison pour laquelle le talent de cet homme l’avait  aussitôt conquise ?  Elle avait renoncé aux pinceaux, s’était glissée dans les rêves du sculpteur, où elle s’épanouissait, lui insufflant sa grâce créative ;  elle l’encourageait aussi, le remotivait dans les moments de doute. « Mi Corazón, mon égérie »… Elle n’avait jamais  dû poser pour lui, sa présence suffisait ; il avait l’art de la sublimer, semait en chaque œuvre  les indices d’un  mystère qui  la fascinait depuis toujours. Entre eux, une alchimie miraculeuse…

Cette fois pourtant,  il lui avait proposé de se tenir immobile face à la mer, le regard au lointain, vers l’immensité de l’avenir. Tout en maniant  pinces et cisailles, il l’avait enveloppée de cette voix  à la fois profonde  et soyeuse qui l’avait charmée dès leur rencontre : « Le temps est venu. Je  nous   façonne  une bulle d’univers ;  ensemble nous  y  ferons  oeuvre  pour l’éternité ». A demi-consciente,elle s’était perdue dans la contemplation de l’horizon. Quand  elle avait repris ses esprits, elle était arrimée au sol, enveloppe de métal ciselée entre ciel et terre, la tête à portée de nuages. Elle avait  eu  le temps de l’apercevoir,  son ombre avalée par l’hôtel d’en face.

Depuis  des heures, la vue brouillée,  elle fixait l’entrée du Deauville. L’air s’assombrissait et les rafales de vent froid venu  du Golfe  lui transperçaient le corps et l’âme. Elle ne sentait rien.

22 mars 2019

Le zèbre

 

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La première fois qu’elle avait vu le zèbre c’était à l’intérieur d’une boutique de meubles. Elle avait été séduite : quelle élégance, quel profil, quelle beauté. Il était si différent d’elle.

Ils s’étaient rencontrés face à un lit deux places qui lui avait donné envie de s’allonger immédiatement. Elle avait ri quand il lui avait dit.

-          C’est tentant, mais il vaut mieux ne pas fabuler.

-          Mais vous, on croirait que vous sortez d’une fable ?

-          Erreur, petite madame, il faut prendre garde aux interprétations.

Leur discours s’était sans doute égaré car à un moment donné, il lui avait dit en souriant.

-          Nous avons le pouvoir de l’histoire que nous nous racontons à nous-mêmes.

-          Eh bien continuons alors, lui avait-elle dit, car votre présence fait entrer en moi  un bien être et une douceur que je n’avais pas ressentis depuis longtemps.

Il n’avait rien répondu et elle avait continué.

-          Vos zébrures sont de toute beauté.

-          Vous me draguez ?

-          Non, bien sûr, je suis mariée.

-          Dommage.

Pourquoi lui avait-elle menti ? Ce zèbre décidément l’intriguait. De quel pays venait-il et que symbolisait-il dans le monde qui était le sien ? Il avait conclu.

-          Je dois partir. Le travail m’attend. Sans doute nous reverrons-nous un jour ?

Sa déception était à la mesure de son désir, mais elle était sage et prude, comme les femmes qui attendent que le désir de l’autre se manifeste afin de  faire connaître le leur.

La dernière fois qu’elle l’avait vu - un mois plus tard  - c’était dans la vitrine d’une boutique, rue des Bons-enfants. Elle lui avait fait un signe de la main et un sourire, mais il l’avait ignorée, sans doute bouffi de ce costume qui lui donnait la dignité des hommes de pouvoir.

Elle partit immédiatement, vexée par cet oubli, le cœur chagriné et les yeux noircis de larmes. Adieu le zèbre, adieu l’amour, bonjour tristesse, chanta-t-elle le cœur aigri.

 

PS : photo prise rue des Bons-enfants à Rouen

2 juin 2016

Vivre...

20160523_102457Quand elle est passée devant les grilles du parc de son ancien  lycée, elle a cru voir un éléphant rose. Etait-ce les effets de l’alcool ? 

Elle avait commencé à boire cinq ans plus tôt, pour des raisons toutes aussi louables les unes que les autres : supporter son mari, ses enfants adolescents et une profession qui la minait. Aujourd’hui, toutes ces bonnes raisons avaient disparu - elle n’avait plus ni travail, ni mari, ni enfants – mais elle ne pouvait se décider à abandonner  ce breuvage auquel elle s’accrochait comme à un ami d’enfance. Pourtant, ne devait-elle pas convenir que la situation devenait préoccupante ? Si elle  buvait au point de voir un éléphant rose dans un parc, que verrait-elle ensuite ?

 

 PS : photo prise à l’extérieur du parc du lycée.

Le prochain texte paraîtra le dimanche 5 juin.

11 juin 2016

Le paradis

20160515_100240La rouille de la culpabilité rongeait chaque grain de sa peau et elle devait en finir. Qui était-elle finalement ?

Ce jour-là, elle avait mis sa robe mauve, à peine égayée par quelques touches de vert et un décolleté effronté.

Arrivée sur la place, elle s’est fondue dans la foule, sans peur, contrairement aux jours précédents. Dans son sac, la bombe, celle qu’elle devait déposer dans une poubelle, juste à l’entrée de la station de métro.

Cette fois-ci, sa main serait ferme car maintenant, elle était sûre que cet acte purificatoire lui ouvrirait les portes du paradis…

 

PS : photo prise par GB

23 juin 2016

La corde

20160523_114300Le nœud coulant avait certainement été placé sur son chemin par un Dieu bienveillant. Il lui suffisait de peu de choses, grimper sur ce qui pourrait faire office de support, placer sa tête au bon endroit et donner un coup de pied énergique pour envoyer balader ce sur quoi il était monté. 

S’il faisait le bilan de sa courte vie, la colonne « passif » débordait, alors que la colonne « actif » restait désespérément vide. Il y a deux jours, il aurait pu noter le nom de Béatrice dans la colonne « actif », mais elle était partie.

« Marre de toi, ne cherche surtout pas à me revoir. » avait-elle écrit sur une petite feuille rose qu’elle avait mis en évidence sur la table de la salle à manger.

Le simple fait de penser à Béatrice le fit sangloter. Tout à sa douleur, il n’avait pas vu une petite fille d’une huitaine d'années qui le regardait attentivement. En le voyant pleurer, elle s’approcha.

-          Ça va pas ?

Il la considéra avec stupeur. Il n’allait tout de même pas lui dire qu’il en avait marre au point de se suicider. Que répondre à une enfant ? Il n’avait pas l’habitude des enfants ; d’ailleurs, en général, il les fuyait.

Il décida de jouer la franchise.

-          Eh bien, comment te dire, j’ai du chagrin et je me demande bien comment je vais me sortir de tout ça.

-          Ton amoureuse t’a quitté ?

-          Tu as deviné. C’est ça, et ça fait mal.

La petite fille se risqua à ajouter une phrase d’encouragement.

-          Ben t’en trouveras une autre.

-          Tu crois ?

-          Forcément, tu as l’air gentil.

-          Merci de m’avoir consolé. Tu vois, ça va mieux.

-          Bon, alors à bientôt, conclut-elle en faisant un petit signe de la main.

-          A bientôt, dit-il en lui rendant son salut.

Cette petite fille n’imaginait certainement pas que ce « à bientôt » lui avait évité le pire…

 

PS : photo prise par moi-même dans le parc du lycée.

13 juillet 2016

Duo de juillet

Sur une photo proposée par Corinne - du blog les heures de coton -  voici la deuxième partie de notre Duo de juillet avec la publication de mon texte.

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Comment les idées viennent aux filles 

 

Sa mère aimait les petites filles modèles, celles qui ne se salissent pas, celles qui ne bougent pas,  celles dont les yeux papillons rêvent de contes de fées, celles qui jamais ne butineraient le moindre pollen défendu.

Seulement sa mère n’était plus et les portes de la prison s’étaient ouvertes, offrant à ses yeux le vaste monde qu’elle avait embrassé avec fougue malgré la réprobation familiale.

Un frère de la disparue  – sans doute délégué par la famille -  lui avait dit.

-          Tu n’en as pas marre de changer de type tous les deux jours ?

-          Tu me trouves trop  gourmande ?

-          Je trouve juste que tu vas trop loin, d’ailleurs même ton père...

Elle lui avait rétorqué sèchement de laisser son père là où il était et de se mêler de ses affaires ! Son oncle était parti fâché et jamais plus elle ne l’avait revu, sauf le jour de son enterrement, 15 ans plus tard, allongé dans un cercueil de bois sombre.

Après  la cérémonie religieuse au terme de laquelle on lui avait décerné le "label" du  meilleur époux et du meilleur père, les questions avait fusé de toute part, tous voulaient savoir : Mais que deviens-tu ? Que fais-tu ? Où vis-tu ?

Satisfaire leur curiosité vorace ne l’enchantait guère mais elle avait fini par leur dire qu’elle vivait seule, qu’elle  n’avait pas d’enfants et qu’elle habitait à l’étranger.

Une cousine  – mais laquelle précisément ?  – avait conclu avec férocité : « C’est étrange, certains parents vous dégoûtent tellement de la vie de famille que le couple et la « reproduction » vous sont barrés à jamais… »

Elle n’aurait pas mieux dit.

7 février 2015

La nef du traducteur

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15 h 36 et elle n’avait toujours pas fini de traduire le livre, pourtant, elle aurait dû expédier la traduction ce jour. Elle l’avait promis, juré, après avoir déjà retardé par deux  fois l’envoi.

Elle se remit à son bureau avec une tasse de thé de chine. Ce livre touffu, tel une nef dont les voiles  de mots scindent le vent de la littérature, elle ne pouvait en venir à bout, comme si la prose du narrateur l’empêchait de faire route vers le port.

Que devait-elle faire ? L’appeler, lui parler de ses difficultés ? C’était la première fois qu’elle traduisait un livre de cet auteur. Si elle pouvait l’entendre ou mieux, le voir, sans doute pourrait-elle dépasser cet obstacle sur lequel elle ne pouvait encore mettre de mots.

Ainsi fut-il fait en accord avec son éditrice qui  lui donna son numéro de téléphone. Et quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit que Manuela da Costa, la romancière, était en fait un homme…

 

PS : couverture éditée par ce fameux générateur de titres et de couvertures

16 juin 2020

Duo de juin

Nouveau Duo, avec Caro, du blog " les heures de coton " et le tout à partir de cette photo de Gilbert Garcin où l'on peut apprécier le tableau " Un autre jour " d' Edward Hopper. 

Aujourd'hui, voici mon texte.

 

Garcin

 

Les seins

Toute ma vie, j’ai tourné le dos aux femmes. Elles m'ont terrifié,  dès ma naissance – je suis un prématuré - et, dans le ciel de ma vie, les nuages passent et ma peur demeure.

Jeune, j’avais une moustache, non que j’aimais les moustaches, mais elle me servait à effacer ce que je ne voulais montrer à personne, ma bouche. A cinquante ans, j’ai rasé ma moustache, mais ma bouche n’a pu s’ouvrir aux femmes et rien n’a changé.

Aujourd’hui, j’ai 75 ans ; j’ai grossi, beaucoup, et Les femmes me font toujours peur. Je l’ai remarqué dimanche, en entrant dans un musée où les toiles semblaient imposer un silence qui faisait entrer les hommes dans le secret de leur âme.

Ce dimanche-là, rien ne fut comme les autres dimanches. Je suis passé devant une toile où une femme nue s’offrait au soleil. Je n’ai pu m’éloigner, mais mes yeux ne la regardaient pas. Je voyais pourtant son corps nu et ses seins aussi durs que neige au soleil, ses seins qui me disaient :

-          Tu vois, tu ne nous as jamais touchés mais il est encore temps. Il te suffirait de nous toucher, une fois, une seule, et peut-être que ton corps pourrait enfin s’ouvrir au soleil levant.

C’est à ce moment-là que j’ai crié cette phrase nue qui a déchiré mon corps : « Donnez-moi ces seins, tous les seins de la terre, maintenant ! ».

Aussitôt le gardien est arrivé, puis le SAMU, et maintenant je suis dans une chambre blanche ou une femme en blanc m’apporte six médicaments matin et soir.

Hier, j’ai vu ses seins - elle s’est penchée pour me donner un verre d’eau – et, pour la première fois, mon pénis s’est érigé vers le ciel…

14 octobre 2015

La chute

20150807_204218Il lui avait dit : « quand j’ouvrirai les volets, ce sera le moment. »

Et effectivement : il avait ouvert les volets, la balustrade avait cédé et il avait chuté sur un tas d’immondices qui n’avaient pas amorti sa chute.

Son amie avait fait inscrire sur sa tombe l’épitaphe suivante : « Tombé sur le champ d’horreur ! »

 

 

PS : photo prise par mes bons soins.

8 septembre 2016

Les moutons

20160811_121253Elle ne pouvait plus voir les moutons en peinture, qu’ils soient blancs, noirs ou roses.  Bêêêê, c’était leur cri de ralliement, un bêlement qui couvrait tous les sursauts d’intelligence.

Ils partaient gentiment vers la falaise, les yeux rivés sur leur smartphone. Bêêêê, reprenaient-ils en cœur, contents de leur sort.

« L’élite », elle, se frottait les mains ; il faut bien sacrifier la majorité afin que les « meilleurs » survivent et puissent se goberger...

 

PS : photo prise à Paris. Voici un article qui pourrait vous intéresser...

28 octobre 2016

Le lion

20160912_102134Un jour, il sortirait de son tombeau de pierre. Il avait bien essayé de savoir quand, mais le Destin n’avait pas daigné lui donner de date. Il s’était contenté de répéter de sa voix caverneuse : « Un jour, un jour peut-être. »

Et il s’était résigné, comme d' habitude.

La délivrance arriva le jour où des enfants, telle une bande de moineaux étourdis de liberté, le montrèrent du doigt en criant. Croyant qu'ils se moquaient de lui, sa rage fut telle qu’un rugissement  sortit de l’enfer de ses entrailles. La statue se fendit de part en part et les barreaux de la prison plièrent. Les enfants, eux, furent aussitôt pétrifiés.

Une fois dégagé de son carcan, le lion descendit l’allée que délimitaient les statues des enfants et, à chacun d’entre eux, il adressa un mot ; peut-être le secret de leur délivrance, un jour, un jour peut-être..

 

PS : photo prise à Lyon en septembre 2016

4 août 2016

Duo d'août

Voici mon texte pour ce duo :

 

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Le magicien

 

On lui avait parlé du magasin de mots dans le  rêve qu'elle avait fait la veille : elle discutait avec un ami sur un canapé «  toi et moi » rose et, quand  minuit avait sonné, il lui avait dit.

-          C’est un endroit pour toi. tu verras. Je t’assure que dans ce magasin, ils ont des trucs incroyables : des boîtes à transformer les chagrins, des sacs à soucis, des mots pour avoir la foi, pour rêver… Cours-y vite

Elle se souvint d’avoir souri à la naïveté de ses propos ; comme si les mots pouvaient transformer la grisaille de la dépression en prairies noyées de soleil !

Au réveil, elle avait tout de même cherché sur internet et elle l’avait trouvé. Le magasin existait bel et bien, à Nancy, non loin de la rue « mon désert », là où elle habitait. Comment pouvait-elle ne l’avoir jamais vu ? Sans doute regardait-elle les choses et les êtres aussi distraitement que les objets qu’elle époussetait une fois par mois.

Quand elle poussa la porte du magasin, un son joyeux se fit entendre. Personne à l’intérieur. Elle observa la décoration : des tiroirs aux minuscules inscriptions, des sachets dorés et argentés, des lumières tendres, et des cartes postales aux dessins  naïfs. Elle inspecta tous les tiroirs, les uns après les autres et c’est à ce moment que le «  Magicien des mots » apparut dans son habit rouge et or. A la main, il tenait un miroir ovale qu’il plaça devant elle.

-          Miroir mon beau miroir à mots… lui dit-il en guise d’introduction.

-          Je n’aime pas les miroirs.

-          Vous avez bien tort, gentille madame, les miroirs à mots reflètent notre âme.

-          Mon âme est noire comme le charbon.

-          Détrompez-vous, et en matière d’âmes, je m’y connais. Vous avez juste l'âme un peu grise, comme tous ceux que l’on a abandonnés. Voulez-vous une pépite de rêve directement importée de votre enfance ou un mot magique qui vous fera obtenir tout ce que vous voulez ?

-          Un mot magique.

Il lui tendit la boîte et lui demanda de prendre un mot  au hasard.

-          Alors ?

-           « Les beaux mots cœur »

-          Soufflez sur le mot et donnez-le-moi.

Il prit le mot que son souffle avait bercé,  il le plaça sur son cœur puis sur celui de la jeune femme. Elle sentit une onde de chaleur sur sa peau glacée. Ensuite,  il mit le miroir à mots devant elle mais cette fois,  elle ne protesta pas.

-          Alors ?

-          Je ne me reconnais pas.

-          C’est bien ce que je pensais. Qui croit se connaître ne se connait pas. Saviez-vous que  les mots  tissent des étoffes pour guérir nos blessures ?

Elle resta silencieuse.

Avant son départ, il lui donna une petite boîte entourée d'un ruban bleu.

-          Un cadeau à n’ouvrir qu’en arrivant chez vous. Au revoir petite madame.

Une fois chez elle, la précieuse boîte fut ouverte et ce qu’elle lut au cœur du tissu de soie rouge la fit pleurer : « graine d’estime de toi : pour te permettre de faire grandir ce qu’il y a de beau en toi. »

 

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9 novembre 2016

duo de novembre

Pour notre duo de novembre, Caro a choisi cette photo comme amorce. Novembre sera peut-être le mois de l'amour, qui sait ? Aujourd'hui vous pouvez lire son texte, le mien paraîtra vendredi 11 novembre.

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Les faux serments

« C’est quoi ça ! » Incrédule, je regarde Antoine qui agite devant moi une photo, ma photo. Il n’a pas eu à fouiller mon sac. Un geste maladroit et elle a glissé avec tout le fourbi que je trimballe. Je distingue un léger sourire sur ses lèvres. Parce que c’est Antoine, je n’ai pas la force de la  lui reprendre et de la ranger à sa place.

Je n’aime pas les photographies, que ce soit dans les expos ou les réunions de famille. Un monde trop figé ou trop mièvre, trop conceptuel ou trop instantané. Regardez le flux incessant des Facebook Snapchat Instagram ! Remarquez, la plupart de celles que j’ai côtoyées tape dans le genre famille, dégoulinantes de bons sentiments. Une sorte de carpe diem factice, sous papier mat/brillant, emprisonnée à perpétuité.

Pas de photos chez moi, les rescapées demeurent bien cachées dans un fichier de mon disque dur. Sauf une, aux bords usés, à la surface pâlie, celle que tient Antoine.

Je n’arrive pas à lever les yeux. La salle du restaurant semble saturée du bruit des portes qui claquent, des verres et des plats qui s’entrechoquent. Et tous ces gens qui mangent, qui s’aiment, s’ignorent, se détestent. Le garçon passe une nouvelle fois. Il se tient droit comme un i alors que ni Antoine ni moi ne commandons quoi que ce soit. Soulagement,  une autre table, la 3, réclame un supplément de frites, il se précipite et nous laisse.

Antoine ne dit rien, il est en train de m’avoir à l’usure. Il sait que je ne suis pas romantique, je ne crois pas à grand-chose, pas besoin de faire un bilan psy qui étalerait mes trente-et-une années sans en ôter les aspérités. Voilà, maintenant Antoine sait ; je garde comme un talisman la photo que quelqu’un a prise de mon premier amour. On s’était tatoué au feutre indélébile un serment, une phrase qu’on avait dû entendre dans une chanson. Quelqu’un avait dû trouver cela mignon, clic, clac et un petit pola* pour la vie ! N’empêche, ce garçon, j’ai rêvé de lui longtemps, même après qu’il a déménagé. J’ai oublié son prénom, son visage mais pas ce frissonnement quand il m’offrait un bonbon, une fleur, une babiole.

« Ne me regarde pas comme ça Antoine, j’avais dix ans. C’est l’âge où les idiotes de filles croient encore au bellâtre de prince charmant. En tout cas, ma stupide génération. » Il se lève, je contemple la chaise vide. J’espère que je n’ai pas fait une connerie en lui déballant cette niaiserie enfantine, ni que je l’ai blessé avec ma manie d’être abrupte. Trois mois qu’on vit ensemble et les nuits et les jours sont devenus plus légers. N’oublie pas ça Lou, et aussi de tourner ta langue sept fois dans ta bouche avant de causer.

Antoine est revenu, suivi de près par le garçon qui pose devant nous deux Manhattan. « Lou, je garde la photo. En échange, dans trois semaines, prépare-toi pour la route 66 et une grande halte en Californie. » Il pose devant moi des billets d’avion, des réservations, une carte. Il n’y a rien dire. Oui je n’ai rien promis comme je n’ai jamais dit non quand il s’emballait devant un documentaire ou qu’il revenait avec tous les guides US de la FNAC. Souris Lou, car je sens que tu vas aligner ta deuxième connerie de la journée… Trop tard, c’est fait. « Il y a plein de tatoueurs là-bas, on pourra le faire pour de vrai. » Il rit comme si c’était une bonne blague mais je sais que je viens de signer mon arrêt de mort. Antoine n’oublie jamais rien et je parierais sur la tête de Jack Kerouac, s’il était encore en vie, que nous échangerons ces mots d’encre sur nos peaux comme d’autres troquent des alliances et des serments dorées.

Pendant qu’Antoine range la photo dans la poche de sa veste, je l’observe à travers mon verre. J’ai toujours pressenti que ma mauvaise foi ne tiendrait pas face à notre histoire. Là, je viens de signer ma reddition.

* polaroïd

13 décembre 2016

Le chien

spectacle de rue avec chienIl l’attendait tous les jours au même endroit, et l’attente pouvait durer des heures.

La fidélité des chiens n’a d’égal que l’indifférence des hommes. La dernière fois qu’il avait vu Rosy, c’était à cet endroit. Elle était sortie ivre d'un bar de la troisième avenue avec un type à son bras, un pauvre type qui se baladait avec des santiags et un pistolet à la ceinture.

En voyant le drôle de petit chien, le type avait dit : « Regarde honey, d’ici, je l’ai dans le mille, à tous les coups. »

Et il avait tué le chien. Rosy avait ri, mais elle avait tellement bu... Il lui pardonnait tout, même d’avoir oublié qu’avant d’être un chien, il avait été un homme comme les autres.

Le regretterait-elle, maintenant qu’il avait définitivement disparu ? Hélas, on ne sait jamais rien des regrets de ceux que l’on quitte.

« Bye bye my love goodbye » avait-il chantonné pour Rosy juste avant que les portes du paradis ne s’ouvrent...

 

PS : photo gentiment prêtée par Sylvie Farges  

 

 

5 décembre 2016

le rêve

20160702_112738Enfant, il rêvait de glisser sur la rampe de la cage d’escalier qui dessinait des courbes sans fin. Jamais il ne l’avait fait ; on ne plaisante pas avec une éducation. Aujourd’hui, à trente ans passés,  il y pense encore.

La veille, dans un drôle de rêve qui s’est terminé par une chute,  il était assis sur un lustre qui se balançait dans le vide, longtemps, longtemps, sans jamais se stabiliser. Finalement, le lustre tombait, lui aussi, et du haut de l’escalier son père lui criait : «  ça t’apprendra à ne pas glisser sur la rampe ! »

Il a passé sa journée à tourner et retourner son rêve dans sa tête et il en est arrivé à la conclusion qu’il devait faire table rase du passé. Mais comment ?

 

PS : photo prise à Nancy, au musée des Beaux Arts.

17 décembre 2016

Le jour où…

espiguette

Le jour où la lune a disparu, ce fut la nuit la plus longue que l’on n’eut jamais connue. Les bêtes hurlèrent, les femmes pleurèrent agrippées à leurs enfants et les hommes oublièrent l’héroïsme qu’on leur prêtait.

Certains disent que cette nuit-là, la lune n'avait éclairé qu'une seule maison : celle  où l’Humanité allait naître.

Sa naissance  fut célébrée avec force prières et offrandes, et la lune l'avait berçée de sa  lumière pâle.

Hélas,  l’Humanité était morte sept jours après sa naissance. Nombreux furent ceux qui s'empressèrent de lui trouver un meurtrier ; les boucs émissaires forgent la bonne conscience des hommes.

Jamais personne n'a pensé que l'humanité avait pu souffrir d'une hostilité sourde, sauf la lune qui, stoïque, avait repris ses rondes habituelles et n'en avait soufflé mot à personne.

 

PS : photo gentiment prêtée par Espiguette

 

25 avril 2016

Elle

20160417_140402C’est là, derrière le nuage qu’il l’avait vue la première et unique fois, et son visage ne l’avait plus quitté. Une tocade avait pensé sa mère – toujours bien-pensante -  mais une tocade qui dure encore. Et le visage de l'inconnue se superpose sur le visage de toutes les femmes qu’il rencontre. Il cherche une parfaite symétrie. Il n’est pas pressé. Il a toute la vie devant lui, du moins le pense-t-il, car il est à un âge où la mort ne joue pas encore à cache-cache avec la vie.

Et si elle arrive, que lui dira-t-il ? Doit-il y penser ? L’écrire ? L’apprendre par cœur ? Mais apprend-on par cœur ce que le cœur nous dicte ? Tant de questions... car il ne sait pas encore que le cœur est l’ennemi de la géométrie.

 

PS : photo prise à Rouen en avril 2016.

9 décembre 2016

mourir de rire ?

20160227_111401Avec toi, la vie est un éclat de rire, lui avait-elle dit cinq ans plus tôt. Et c’était vrai, à l’époque il était aussi drôle qu’attentionné. Cinq ans plus tard, elle avait peine à le reconnaître ; ses « saillies » humoristiques se faisaient aussi rares que ses attentions.

N’était-il pas temps qu’elle le fasse disparaître ? Elle profita du Festival du nouveau rire à Trouville. Ce fut son cadeau d’anniversaire, le dernier. Il rit tant et si bien qu’il fit un arrêt cardiaque ; il faut dire qu’elle avait un peu préparé le terrain…

 

PS : photo prise à Trouville en février 2016

7 mars 2017

La maison

20160227_145532La mort émiette les corps comme les biens. La maison avait été démembrée. Marie, à la différence de ses deux frères, n’aimait pas cet endroit. Elle en était partie le jour de ses 18 ans et n’y était revenue que pour  l’enterrement.

Elle a dormi dans la chambre qu’elle occupait enfant, mais une fois la lumière éteinte, elle a senti un  souffle glacé sur son visage : il était toujours là.

-          Maintenant, c’est ma chambre, lui a-t-il dit d’une voix assurée.

Elle n’a rien répondu, mais elle a compris qu’en son absence le fantôme s’était approprié les lieux.

-          Tu ne t’es jamais demandée pourquoi tu m’entendais et me  voyais alors que tes frères ignoraient tout de moi ?

-          Non.

-          Parce que tes peines ont toujours été plus grandes que tes joies.

Elle a allumé la lumière ; c’était comme ça qu’elle le chassait avant. Mais il n’est pas parti. Il a crié.

-          Va-t’en ! Ici ce n’est pas chez toi. Ça ne l’a jamais été.

Elle a  abandonné sa chambre et s’est réfugiée dans la cuisine où elle a allumé toutes les lumières. C’est là que son frère l’a trouvée au petit matin, la tête dans les bras. Elle s’est réveillée avec le bruit de la cafetière.

-          Tu as dormi ici ?

-          Oui. L’autre est dans la chambre.

-          L’autre ? Le fantôme dont tu nous parlais quand tu étais enfant ?

-          Oui.

-          Tu as toujours tes hallucinations alors ?

Elle l’a regardé silencieuse, a bu le café qu’il lui a préparé, puis elle a dit.

-          Je vous vends ma part. Jamais je ne remettrai les pieds ici. C’est fini. Quant au fantôme, je parierai qu’il trouvera un bouc émissaire, si ce n’est pas vous, ce sera vos femmes ou vos enfants, les fantômes n’aiment pas le bonheur…

 

PS : photo prise à Cabourg en février 2016

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