Au fil des jours, elle s’était transformée en femme sandwich. Au début le même texte devant et derrière : « je ne veux pas être offerte à la finance et au marché ». Ensuite, elle avait écrit devant « je ne veux pas être offerte à la finance et au marché » et, derrière elle avait ajouté en rouge « J’encule la Renaissance et tutti quanti ! Oui au terrorisme non violent ! »
Le jour où elle avait transformé le texte qu’elle portait au dos, elle s’était retrouvée au poste suite à son refus de donner son « matériel » à deux policiers. Ils lui avaient d’abord demandé de s’arrêter. Ce qu’elle avait refusé. Ils avaient insisté et elle avait dit.
- M’arrêter pourquoi ?
- Insulte à l’ordre public !
- Je ne parle pas.
- Oui mais vous écrivez.
- Et alors, c’est interdit d’écrire ?
- Ce que vous avez écrit derrière, oui.
- On ne peut pas écrire « j’encule » ?
- Vos papiers madame.
- Je ne les ai pas.
Les deux policiers ont immédiatement appelé le commissariat pour avoir un renfort, rapidement venu. Elle s’est retrouvée dans la fourgonnette où elle les avait regardés en souriant. « Pauvres garçons, si jeunes, si cons » s’était-elle répétée intérieurement. Les flics, eux, sont restés calmes. Elle a fini par leur dire.
- Je dois aller aux toilettes.
- On arrive, a répondu le plus jeune.
- Tant mieux, sinon, je pisse dans votre jolie voiture.
Une fois au poste, une policière l’a conduite aux toilettes puis on l’a interrogée : nom, âge, prénoms, profession, adresse, numéro de téléphone, et les questions ont succédé aux questions.
- De quelle Renaissance vous parlez ?
- Vous le savez bien, celle du parti.
- Insulte donc.
- Penser est un sport de combat, mais certains politiques ne pensent pas, n’écoutent pas, et mentent.
- Et le terrorisme non violent ?
- C’est un oxymore, vous le savez bien.
- Et ?
- C’est supposé être drôle, voilà.
- Le terrorisme est drôle, donc ?
- Vous faites exprès de ne pas réfléchir monsieur le chef en chef ?
- Eh bien, je vais vous faire entrer en cellule, madame, pour que vous réfléchissiez, justement. Et après, on verra.
La cellule était sale. Afin d’éviter l’énervement, elle a énuméré une suite de phrases qu’elle s’est répétée en boucle, de plus en plus fort : Doit-on être mise en cellule quand on exprime ses idées à l’écrit ? Que penser de la paralysie de la démocratie ? Pourquoi un président qui ment reste encore président ? Purifier la politique dans les eaux de la finance, impossible ; mais purifier la politique dans les eaux de la révolution, c’est possible. Je pisse sur les ennemis du peuple et je leur dis MERDE.
A un moment, l’agent de garde lui a demandé si elle pouvait parler plus bas et elle a répondu.
- Ça, quand je serai au ciel peut-être, et maintenant de vais chanter très fort sur les mêmes phrases.
- Chanter sur quelle mélodie ? A-t-il ajouté.
- Sur la marseillaise. Vous allez voir, ça va être dur mais je vais y arriver. Bien sûr, ça ne va pas être beau à entendre. Vous feriez mieux d’appeler mon mari tout de suite et de me libérer.
Au bout d’une heure, Le commissaire, à bout de nerfs, a fini par dire.
- Si vous continuez j’appelle un psychiatre et on passe aux médicaments.
Elle a répliqué.
- Ah, les sorcières sont toujours à l’ordre du jour dans la police !
Epuisé, le commissaire a décidé de la faire sortir : il n’y avait plus de boules Quies "XXL" au poste…
PS : prochain texte, dimanche.