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29 septembre 2018

Duo de septembre

Voici notre Duo de Septembre. Aujourd’hui voici mon texte, suite à celui de Caro.

L’inducteur est « Elle fait la liste de tout ce qui aurait pu être pire » de Catherine Enjolet dans son livre « Sous silence ».

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Sur la piste des mots

 

Elle fait la liste de tout ce qui aurait pu être pire :

Suite à son traumatisme, elle aurait  pu attendre un mois avant de se souvenir du nom de ses enfants, de son mari et de ses amis. Quant à des  mots aussi banals que œuf, viande, train, voiture, table, chaise, arbre, micro-ondes, cuisinière, marteau, clou, ils auraient pu ne refaire surface qu’au bout de trois mois. Même chose pour le nom de sa rue, de sa ville, de son pays ou de ceux qui peuplent le monde.

Mais le reste, ce qui n’est toujours pas revenu, quand s’en souviendra-t-elle ?

Tous ces synonymes et antonymes, toutes ces figures de style, toutes ces connaissances acquises dans le domaine de la littérature, du cinéma, de la psychanalyse ou de l’économie, elle se languissait de leur absence ; quand allait elle les revoir  ?

Et tous ces mots portugais, anglais et espagnols qu'elle aimait presque, quand revivront-ils la vie  qui était la leur dans son cerveau ?

J'imagine les mots comme  de solides clefs qui ouvrent les portes de la vie. Que faire quand nombre d’entre eux ont perdu les chemins qui étaient les leurs ?

 

PS : Cette  citation m’a immédiatement reconduite vers la chute  que j'ai faite le 25 mai. J'aurais pu faire preuve d’humour, mais impossible de parler ainsi de l' aphasie, cette nouvelle compagne.

 

27 septembre 2018

Duo de septembre

Voici notre Duo de Septembre. Aujourd’hui vous pourrez lire le texte de Caro du blog les heures de coton.

L’inducteur est « Elle fait la liste de tout ce qui aurait pu être pire » de Catherine Enjolet dans son livre « Sous silence ».

Mon texte paraîtra le 29 septembre.

 

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 Le pire du pire du pire du pire, est-ce le pire ?

« Elle fait la liste de tout ce qui pourrait arriver de pire.                           

- Répète ? Mais elle a un grain, ça va mal finir cette histoire. »

Devant moi, Christophe regarde sa bière sans se décider à la boire. Une demi-heure que nous sommes là, dans ce bistrot où nous nous voyons presque toutes les semaines. D’habitude, j’essaie de lui changer les idées. Après tout on a été amis, amants, amis – bon y’a bien une fois dans cette dernière période où… mais ça ne compte pas vraiment, une petite fois ? !. Et puis on a trouvé chacun quelqu’un, on a eu une maison, des enfants, un boulot, un PEL, des vacances en location, une gerbille, un hamster, tout ça dans le désordre. On se voit toujours. Plus facilement en duo, mais aussi tous ensemble parce que nos enfants, nos ados maintenant, s’adorent. Nos conjoints moins. Au début ça gène aux entournures mais une fois qu’on a supporté la belle-famille et les copains de l’autre, on passe facilement outre. Cela s’appelle des concessions. Je ne suis pas sûre que ça sauve un mariage mais ça rallonge le bail.

« Allez on trinque. » Et de nous commander une deuxième pression.

Christophe et moi on a un accord tacite, on s’écoute, on se réconforte. On s’aide à vivre. Ok c’est pas l’amitié héroïque et transcendante, juste un espace de répit. Ça nous rappelle qu’on est autre chose que des parents, des conjoints, des amants - pas si souvent -, des gens avec un boulot, une maison à nettoyer, de la famille qu’on aime aux grandes occasions, des potes, et qu’il ne nous reste pas beaucoup d’espace à soi. Avec Christophe, on parle de plein de sujets qui semblent n’intéresser personne autour de nous, de ce qui nous a toujours rapprochés. Ça paraît dingue mais les mêmes trucs nous font vibrer : les dames et le basket, les BD et les gravures d’Epinal, les découvertes scientifiques. Heureusement on ne collectionne plus les timbres comme quand on était petit. Alors se voir, c’est notre parenthèse, rien qu’à nous. Et on y apporte nos problèmes persos que quand ça passe pas. On s’est toujours dit ça : parler sérieux de nos vies de couple ce sera quand on pensera que c’est notre dernière issue de secours avant la sortie. Crever l’abcès.

A sa tête, ça passe vraiment plus.

« Je vais la quitter.

- On l’a toujours su.

- Toi aussi, tu le quitteras un jour.

- Y’a pas photo.

- Mais pas tout de suite.

- Non. Pas tout de suite. Tu sais bien, les gosses sont trop petits et c’est la dèche garantie. »

Christophe pose les dames et le plateau sur la table. Je lève la tête vers le ciel qui éclaire les hautes tours de la Bibliothèque François Mitterrand. On bosse pas loin. C’est notre territoire. Le patron s’est mis à rigoler quand on s’est levé d’un coup pour s’installer en terrasse. Une fois le damier nickel avec ses jetons blancs et noirs chacun sur leurs cases, Christophe démarre.

« Oui. C’est pas très drôle mais bon. Ta nana frise la dépression tous les matins et le mien a un égo qui tutoie le culte de la personnalité – je hausse les épaules et je continue – On est assez cons pour pas se barrer. Mais, nous, on se quittera pas. Et quand la grande fracture arrivera, à toi ou à moi, il faudra juste qu’on soit bien préparé. » Les bières sont là, je lève mon verre à cet été qui n’en finit pas.

« Oui t’as raison. On va se préparer – il se marre – on va avoir une stratégie. Mais pas tout de suite. » 

Il avance un blanc, quelques coups en artiste. Mon salaud, ton attaque est bien menée. Finalement, malgré sa nana en crise, il assure ; y’a pas je l’adore.

« Une stratégie OK. Mais fais gaffe, faire des listes du pire du pire du pire qui peut t’arriver. Elle a un grain, enfin plus qu’avant. » Il a rien dit mais je crois que c’est parce que j’ai lancé la contre-attaque : déstabilisation psychologique avant de sortir la manœuvre qu’il n’a pas anticipée.

Caro Mennesson Ll – 22 septembre 2018 – Le Pain perdu

 

25 septembre 2018

L’amant de ma femme

Hélène m’avait apporté des fleurs de tournesol mais moi, je déteste les fleurs, surtout les jaunes. Je ne peux pas passer devant un fleuriste sans pleurer. Je lui avais pourtant dit qu’à chaque fois que je voyais des fleurs, je pensais à l’amant de ma femme.

Ma femme et moi étions mariés depuis un an, quand un inconnu a commencé à la couvrir de fleurs, nos vases n’y suffisaient plus. Il les envoyait par brassées, rouges, roses ou jaunes. Moi je m’étonnais - toutes ces fleurs, pour toi ? Lui disais-je - mais ma femme me répondait invariablement que c’était certainement une erreur… jusqu’au jour où j’ai trouvé un billet sur la table de la salle à manger : « J’en aime un autre, je te quitte. Oublie-moi. » Comme si on pouvait imposer à quelqu’un, par décret,  de vous oublier. Une journée lui avait suffi pour emballer toutes ses affaires.

Le jaune, c’est la couleur des cocus, la mienne. J’ai eu, très tôt, le pressentiment que je serais cocu. Vous savez, c’est comme ces maladies infantiles qu’on est sûr d’attraper un jour. Le problème c’est qu’avoir été cocu une fois ne m’immunise pas pour autant, et maintenant, avec les femmes, je me méfie. Je me demande même si elles ne nous disent pas qu’elles nous aiment au moment où la courbe de température de leur amour flirte dangereusement avec le zéro : une façon perverse d’avoir la paix pour vaquer à leurs amours interdites.

Pourquoi m’avait-elle apporté des fleurs de tournesol ? J’ai cru y lire un présage, alors j’ai pris les devant, ne vaut-il pas mieux quitter qu’être quitté ? Je lui ai écrit un mot tout simple : « J’en aime une autre, je te quitte. Oublie-moi.  » - que j’ai envoyé à son adresse. 

L’enveloppe m’est revenue quatre jours plus tard. Son adresse à elle avait été barrée à la règle et une écriture soignée avait écrit la mienne. Un tournesol somptueux avait aussi été dessiné sur la partie droite de l’enveloppe et, au cœur de la fleur, on pouvait lire ce mot : « lâche ».

23 septembre 2018

Je suis...

 

OMBRELLEJe suis une ombrelle. Chaque jour je me protège du soleil et du sommeil dans l’ombre de ma vie. Les tissus, quels qu’ils soient, rendent mon être invisible à la pluie du temps. Celui qui suit mon âme dans l’étincelle d’un soupçon d’amour,  aura le vert et le noir comme cantique du jour.

Ces deux couleurs, parfois griffées  de blanc ou de rose,  donneront aux  mots des amoureux la sensibilité des rêves du soir. Leur vie voyagera ainsi sur la barque des poèmes du temps…

 

PS : « l’ombrelle » a été empruntée - grâce à l’aide de Patrick -  à Patricia qui est décédée  il y a trois ans. Son blog, lui, reste en vie.

 

 

 

 

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21 septembre 2018

Les chiens

Plus je connais les Hommes, plus j'adore les chiens. Les humains me dépriment, surtout ceux qui se réjouissent de la vie, avec leur bonne conscience poisseuse. Franchement, merde, donnez-moi une bonne raison d’être heureux dans la vie, une seule ? Je déteste ceux qui insistent avec leurs « Et puis toi, tu peux décemment pas te plaindre, t’as un travail ! » C’est vrai que j’ai un travail et qu’est-ce qu’il me rapporte mon travail, à part des problèmes !

Le matin, quand mon réveil sonne, je n'ai qu’une envie,  lui asséner un grand coup de poing dans sa gueule farcie de minutes ! Et quand j’arrive au boulot, ça me démange de défoncer le portrait de mon chef de service qui nous rabâche toujours les mêmes slogans éculés : « Il ne suffit pas de répondre aux demandes des clients, il faut aller au-devant de leurs demandes »  etc.

Le triple imbécile. Un jour je lui serrerai le cou jusqu’à ce qu’il ne puisse plus respirer. Et à ce moment-là il se rendra compte que vivre, ce n'est pas vendre.

Oui,  je plains les chiens. Je me demande comment ils font pour supporter les hommes, les chiens ? A chaque fois que je vois un chien avec son maître, j’ai envie de me mettre à chialer et de lui dire : « Pauvre bête, obéir, toujours obéir, même quand on te dit des conneries tu obéis, tu ne crois pas que tu devrais partir ?  »

Pourtant je ne dis rien. Je me demande  si je ne suis pas  lâche. Si je ne l'étais pas, il y a longtemps que j’aurais  dit  à ma mère ce que je pensais d'elle, elle qui n’a jamais arrêté d'emmerder ses chiens…

 

19 septembre 2018

La lettre

IMG_0142Violente, cette lettre qu’il lui avait laissée à cet endroit précis. Lettre que tout le monde avait peut-être lue, qui sait ?

Il annonçait :

« Chère Adeline ou Chère Anne ou Chère Agnès ?

Combien de prénoms pour une même fille ? Je ne comprends pas cette variation en A. J’avoue que je préfère Anne entre les trois, ce prénom te va mieux au visage.

Alors tu vis ici.

Drôle d’endroit pour une vie, mais la peinture de la porte verte semble aussi fragile que ta peinture intérieure.

Drôle de rencontre que la nôtre, car nous étions appelés à ne pas nous voir : ce que tu aimes m’ennuie et ce que j’aime te déplait.

Trois semaines de voyages au cœur de l’inconnue m’ont suffi.

Maintenant je pars vers d’autres voyages et te dis adieu.

Mathieu »

 

17 septembre 2018

La nuit du dragon

La nuit où j'ai volé sur le dos du dragon, la vie pour moi avait perdu ses couleurs les plus vives. Il y avait juste l’absence qui me dévorait les entrailles. Quand le dragon m’a dit « Viens ! », je n’ai pas hésité une seconde, même si je n’ignorais pas que les dragons n’existaient pas. C’était la première fois que je voyageais sur le dos d’un dragon. J’avais un peu peur mais je savais qu’il m’emmènerait hors de moi et je voulais me fuir à jamais.

Nous avons longtemps voyagé, traversé bien des pays, vu l’Alaska et la terre de feu, Le Colorado et le Kilimandjaro, parlé avec des eskimos et des Indiens navajos… puis un jour, j’ai voulu rentrer chez moi. Je croyais que j’étais enfin prête à me retrouver. Lui ne m’a rien dit, c’était un dragon discret, de ceux qui parlent peu mais qui voient tout.

Nous avons à nouveau traversé déserts et forêts, villes et campagnes et par une  nuit d’été, il m’a déposée devant la porte de chez moi. Rien n’avait changé, la maison avait toujours deux étages, deux pommiers en gardaient toujours l’entrée et il y avait encore le chien qui aboyait au moindre bruit. Avant de partir, il m’a embrassée, les baisers de dragon ont la douceur des nuits étoilées. Je me souviens que j’ai pleuré lorsque ses ailes ont disparu dans le ciel.

C’était il y a longtemps, tu vois… Je ne sais pas pourquoi je te raconte cette histoire, peut-être parce que tu es le premier à ne m’avoir jamais rien demandé.

 

15 septembre 2018

Siffler ?

Il lui avait dit.

- Ce soir, si tu siffles les premières notes de notre chanson,   ça voudra dire que tu m'aimes.

Elle n’avait pas sifflé et il était parti. Longtemps elle l’avait attendu, blottie dans le silence de ses rêves, flottant au gré d’une partition inachevée.

Quand elle le revit par hasard, quinze ans plus tard, le pas énervé et la voix tranchante, elle remercia le ciel  de ne lui avoir jamais appris à siffler.

 

13 septembre 2018

Monsieur Augustin

20180301_123149Elle voyait M. Augustin à 17 heures, tous les mardi, depuis deux ans. Il  lui disait bonjour le regard sombre, s'allongeait avec lenteur sur le divan, puis il restait silencieux pendant deux minutes.

La vie de Monsieur Augustin était d'une terrible morosité et ses répétitions permanentes la plongeait parfois dans un endormissement léger.  Quand allait-il en finir avec ses ressassements ?

Cette photo, elle l'a prise discrètement le mardi 11 septembre pour une étrange raison : Monsieur Augustin avait réussi à dire qu'un jour il tuerait sa mère pour que son père puisse enfin vivre tranquille. Sauf que son père était déjà  mort...

PS : photo prise à Caen, dans une jolie chambre d'hôtes.

11 septembre 2018

Fin programmée ?

Et si je ne rentrais pas ? Chaque année la même question, chaque année la même réponse, le même manège désenchanté, le même fiasco.

Evidemment elle était libre de ne pas rentrer. Il suffisait de prendre un billet de train au hasard et hop, le tour était joué.

Soudain la voix de son mari résonna dans leur maison pimpante du bord de mer.

-          Chérie, qu’est-ce qu’on mange ce soir ?

Elle répondit.

-          Je n'en sais rien et je m’en moque complètement !

C’est à ce moment-là, précisément, que tout bascula.

Vous souhaiteriez sans doute savoir, lecteurs, où elle est aujourd’hui ? Mais comment le saurais-je ? Elle ne m’a rien dit.

Je sais simplement, qu’en cette fin d’après-midi, quelqu’un la vit disparaître dans la mer avec une valise à la main et ce fut la dernière fois où on l’aperçut.

De mauvaises langues racontent qu’elle s’est suicidée mais je sûre que non. Ce n’était pas son genre.

Je crois plutôt qu’elle a longtemps nagé pour chercher d’autres ports, des îles heureuses où les femmes caressent des hommes qui n’existent pas.

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