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29 août 2020

Le discours imaginaire de rentrée scolaire 2020

Un bourdonnement couvre la voix du Proviseur, comme d’habitude, mais cette année, on a des masques. Au programme, les résultats du bac – excellents, pour une fois, car c’était un bac COVID et il y a eu 99, 99 % de réussite alors que d’habitude on touche les 70 % – les classes à 35 élèves, 36 parfois, les premières et terminales versus réforme Blanquer, les consignes de rentrée du rectorat etc. L’ennui aidant, je me concentre sur les « éléments de langage », c’est tout de même plus drôle.

Ce nouveau Proviseur fait de son mieux pour mettre en application les mots clefs de la « novlangue ». Il commence d’entrée avec le « protocole sanitaire » - port de masques, gel, gestes barrières, brassage etc. - il « balaie le conducteur », avant d’« impacter » » et « d’élargir le périmètre » parle de « bienveillance » – forcément – et soudain surgit le « retour sur investissement », suivi des « cohortes d’élèves »  qui  me terrifient et m’évoquent les troupes d’invasion de Gengis Khan.

Au bout de 40 minutes, le bourdonnement s’accentue et, avec les masques on ne comprend plus rien.  Certains professeurs, distraits, auront raté – tant pis pour eux - les plus belles envolées poétiques du discours, avec « le travail en distanciel », le « décalage temporel », « la mouvance ». Emue, j’ai presque eu envie d’applaudir, voire de pleurer, l’émotion de la rentrée sous le regard du COVID 19.

Une année scolaire qui s’annonce sans doute aussi atypique que la précédente, mais ce n’est pas grave, l’essentiel c’est d’innover et de participer, encore et toujours.  D’ailleurs, question participation, nous sommes les meilleurs, c’est certain, car l’année dernière nous avons tellement participé que nous avons travaillé en distanciel et en présence pour le même salaire. Qui dit mieux ?

 

PS : prochain texte mercredi matin.

24 août 2020

Otage ou professeur ?

Encore une année et demi, ou peut-être deux, de travail avant la retraite. Il est vrai que le temps passe vite, même avec un masque, mais dix-huit longs mois ou plus, ce n’est pas rien, raison pour laquelle elle se demandait tout de même si, aux prochaines vacances de la Toussaint, elle n’irait pas à Niamey, son lieu de naissance.

Tout le monde ne revient-il pas sur les lieux de son enfance afin de cueillir à pleines brassées de merveilleux souvenirs ? Certes, elle en était partie à l’âge de neuf mois et n’en avait aucun souvenir mais n’était-ce pas ce Niger natal qui l’avait conduite, dès son adolescence, à écouter toutes les musiques africaines possibles et imaginables ?

L’enfance, la musique, les voix du désert, le voyage parfait. Et si, au cours de son voyage au Niger, elle était prise en otage – situation périlleuse s’il en est car elle risquait de passer de la vie à la mort, mais ne mourrait-on pas tous un jour ?  -  elle  pourrait ainsi passer du statut d’otage à celui  de retraitée en évitant de passer de longs mois par la case professeur !

 

PS : prochain texte samedi 29 aout !

 

10 août 2020

Lieu saint

Elle avait lu dans un article que Lourdes attendait l'aide financière des pèlerins, pandémie oblige.  Généreuse – elle avait fait un don important pour l’événement baptisé « Lourdes United » -  elle avait ensuite souhaité  aller jusqu'au lieu saint, en blablacar. Certes, il ne s’agissait point pour elle de prier afin de lutter contre la pandémie, mais dans l’espoir que son jardin et ceux de sa région - aussi secs que ceux du Mali -  puissent recevoir les pluies du ciel.

En arrivant à Lourdes, elle fut surprise par le silence qui régnait sur ce lieu saint. Pour l’occasion, elle s’était acheté un ex-voto – celui en forme de cœur – et elle s’était mise à genoux dans l’un des cercles prévus pour assister au télé-pèlerinage organisée par la très sainte ville.

Hélas, au bout d’une demi-heure sous une température de 38 degrés, elle s’était évanouie sur le béton noir.

Au moment où ses yeux s'étaient ouverts, dans un état de semi-conscience, elle s'était demandée si la vierge l’avait abandonnée parce qu’elle s’intéressait plus à son jardin qu’à la pandémie ou  parce qu’elle aurait dû aller voir son père en maison de retraite plutôt que d'aller à Lourdes ? Ne recevant aucune réponse, elle avait fermé les yeux et attendu patiemment que l'on décide de son sort...

 

PS : prochain texte après le 23 aout, si je reviens vivante après mon pèlerinage sur un lieu de villégiature !

 

2 août 2020

Les roses blanches

C’était son anniversaire - impossible d’y couper cela revenait à date fixe -  et il fallait lui offrir quelque chose, traditions obligent. S’il n’offrait rien, ce ne serait que regards en coin et mine patibulaire lors du cérémonial du repas. Il décida donc de lui offrir des roses, mais des roses spéciales, des roses qui ne dureraient qu’une journée et se faneraient aussitôt. Elles coutaient bien moins cher et avaient l’inestimable avantage de ne pas faire durer le plaisir que l’on avait à les regarder. Pourquoi lui ferait-il plaisir ? Lui avait-elle fait plaisir, elle, en le mettant au monde cinquante ans plus tôt ?

Quand, le lendemain de son anniversaire, elle remarqua que les roses avaient flétri, elle ne mâcha pas ses mots quand il revint chez elle.

-          J’en étais sûre. Quel radin tu fais. Les roses ont flétri du jour au lendemain. Ça m’étonnait aussi ces 6 roses blanches.

Il aurait dû lui dire que jamais rien ne la satisfaisait, mais il n’osa pas, jamais il n'avait osé. Alors, il se contenta de répondre.

-          Le blanc c’est la pureté, mais c’est aussi le vide et l’absence.

-          Tu es bien comme ton père, dit-elle énervée. Sauf que lui, il est mort.

Il décida de descendre au jardin, seul endroit où l’air était respirable lorsqu’il se trouvait chez sa mère. N’était-ce pas en raison de cet air toxique que son père était mort si tôt ?

Maintenant, lui-même était seul – sa femme l’avait quitté – et il se demandait si elle n’était pas partie non à cause de lui, mais à cause de cette mère qui l’étouffait et le ferait peut-être disparaître, tout comme son père, à cinquante-cinq ans.

 

PS : prochain texte, après le 9 aout...

 

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