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Presquevoix...
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29 novembre 2016

L’enseignant

Il enseignait dans l'Education Nationale depuis 3 ans et, par mesure de précaution, il prenait chaque jour des antidépresseurs ...

27 novembre 2016

La vallée des flocons

PastelleLe jour où l’instituteur du village s’était perdu dans la vallée des flocons on avait fait des recherches, mais le corps n’avait jamais été retrouvé. La famille avait pleuré, les amis aussi, et la vie avait repris son cours.

L’hiver suivant, la boulangère s’était perdue dans la même vallée. La police avait enquêté, en vain.

Un enfant, pourtant, savait où se trouvaient les corps. Il était sur les lieux de la disparition la première et la deuxième fois. La police lui avait bien posé une ou deux questions, mais qui aurait pu imaginer qu’il avait vu de ses yeux vus l’impensable ?

C’était un enfant du village, d’une douzaine d’années. Il furetait partout, voyait tout, savait tout. Il savait que le maire couchait avec la boulangère, que l’épicier buvait en cachette dans le garage, que la femme du maire votait Front National pour se venger de son mari – membre du parti communiste - qui la trompait, que l’instituteur fréquentait les prostituées… il savait l’inavouable et personne ne savait qu’il savait, à part la petite Marie – une jeune adolescente un peu drôlette -  celle qui disait avoir vu la Vierge au sommet d’un sapin enneigé le soir de Noël. Bien sûr, personne ne l’avait crue.

Pourtant, la Vierge lui était apparue et lui avait demandé de tuer l’instituteur et la boulangère pour les guérir de leur impureté. Marie avait obéi. Depuis, la Vierge lui rendait visite chaque soir et lui caressait les cheveux avant qu'elle ne s’endorme.

 

PS : photo gentiment prêtée par Pastelle.

25 novembre 2016

L’oxygène

Le ministère de l'Education Nationale venait de trouver une nouvelle appellation contrôlée qui suscitait nombre de commentaires humoristiques dans la salle des professeurs du collège où elle travaillait : le dispositif oxygène.

Un collègue a ricané : « Ah bon, parce que maintenant, en plus du reste, il va falloir réanimer les élèves ? », un autre a enchaîné «  Ouais, on va leur mettre des masques à oxygène à haute tension pédagogique », un troisième a renchéri  « Après l’internet haut débit, l’oxygène haut débit, ils vont se ruiner au ministère et on va toujours pas  augmenter nos salaires ! » et, en guise de conclusion un dernier a conclu : « Moi, la réanimation cardio-pédagogique, ça me connaît, je veux bien vous faire un stage le mois prochain ! »

Il faut dire que le projet oxygène succédait à une foultitude d'autres projets - aux labels aussi "originaux" les uns que les autres - qui changeaient assez peu le quotidien de leur collège de ZEP...

 

 

23 novembre 2016

La madeleine

20160227_164157« J’ai reconnu sur la digue de Cabourg » Etienne Dumont, un ancien élève du lycée Henri IV. Son pardessus  s’accordait aux couleurs  du ciel qui, ce jour, avait décidé de se fondre dans la mer en une fusion de gris. Je suis restée longtemps à le regarder s’éloigner parmi les promeneurs  aux allures rythmées par le mouvement des nuages.

Il ne m’a pas reconnu, mais aurais-je souhaité qu’il vît en la digne bourgeoise qui s’avançait sur la digue la frêle jeune fille qu’il avait un temps aimé ? Lui n’avait pas changé. Son long visage mélancolique me ramenait aux années 60 et à leur cortège d’insouciances. Il y eut un temps où je riais et traversais la vie sans une once de gravité. Lui non, et nos deux vies s’étaient un instant nouées sur ce désaccord parfait.

Pour célébrer cette non-rencontre, j’ai poussé la porte du Grand Hôtel afin de déguster un goûter Proustien dont la finesse aurait certainement étonné Marcel lui-même. Juste au moment où j’allais croquer une madeleine dorée, Etienne Dumont s’est assis à ma table, sans attendre mon invitation ; il faut dire que j’étais seule. En guise d’introduction, sa voix douce a susurré : « J’étais sûr que c’était toi sur la promenade. Tu n’as pas changé… »

 

PS : photo prise à Cabourg en février 2016

 

21 novembre 2016

RLDP

Après avoir médit des uns et des autres pendant une demi-heure, elle lui a dit.

-           Je crois que toi et moi on devrait créer une radio locale. On l’appellerait RLDP.

-           Tu sais, je n’ai aucune compétence en matière de radio.

-           En matière de radio peut-être, mais pour le reste…

-           Et à propos, RLDP, ça veut dire quoi ? a-t-elle dit l'air intriguée

-           Radio Langue De Putes, bien sûr !

Elle l’a regardée médusée. Elle ? Une « langue de pute » ?  Elle se foutait d’elle ! Qui avait passé son temps à critiquer tout le monde : elle ou elle ?

19 novembre 2016

L’auto stoppeuse

20160227_164721Quand la voiture s’était arrêtée, elle en était restée bouche bée. D’abord à cause de la Rolls, et ensuite à cause de l’âge du conducteur : 25 ans, tout au plus.

Elle s’est calée sur les fauteuils et après les préliminaires d’usage, elle s’est tue. Il écoutait Edith Piaf.

-          J’aime bien Piaf, c’est pas prise de tête, s’est-il justifié.

Il avait de drôles de façon de s’exprimer et elle a remarqué que ses mains étaient maculées de tâches de  cambouis. Quand il a vu que son regard se posait sur elles, il s’est tout de suite justifié.

-          Ouais j’ai eu une panne sur l’autoroute. J’en ai chié pour réparer.

« Non, rien de rien, non je ne regrette rien » chantait Piaf à tue-tête, car il avait augmenté le son.

-          Et toi, il y a des trucs que tu regrettes ? Lui a-t-il demandé soudain curieux.

Elle ne savait pas quoi répondre et surtout, elle avait mal au cœur, la crème renversée avalée en vitesse au déjeuner ne passait pas.

-          Moi, il y a un truc que je regrette, a-t-il continué, j’aurais jamais dû voler cette bagnole. Bien trop grosse

Elle l’a regardé affolée.

-          Elle est vraiment volée ?

-          Oui, mais c’était juste pour faire une promenade.

-          Vous êtes fou ! Vous avez pensé à moi ?

Il a souri et lui a dit de ne pas s’inquiéter, qu’il allait la remettre exactement où il l’avait prise, devant le Grand Hôtel de Cabourg.

-          Mais pourquoi vous m’embarquez là-dedans ?

-          Tu n’aimes pas te promener en Rolls Royce ?

Elle l’aurait giflé cet imbécile.

-          Arrêtez-moi avant que la police ne vous arrête !

-          Pas question, je vais garer la voiture devant le Grand hôtel.

Et c’est ce qu’il a fait. Un fois la voiture garée,  il est sorti prestement pour lui ouvrir la portière.

-          Madame, a-t-il dit en feignant une révérence… Tu veux visiter l’hôtel ?

-          Vous vous fichez de moi ?

-          T’es un peu rabat-joie, toi ! Au fait, je te l’ai pas dit avant pour pas t’affoler, mais il y a un cadavre dans le coffre.

-          Quoi ?

Il l’a prise par la main et l’a emmenée devant le coffre. Quand il l’a eu ouvert, elle a poussé un cri de stupeur : une femme en robe de mariée était recroquevillée à l’intérieur.

-          Tu vois, je  mens jamais. 

Elle tremblait de tous ses membres.

-          Mais il faut appeler la police, c’est un cauchemar cette histoire.

-          Ne compte pas sur moi. J’ai autre chose à faire. Maintenant, toi, tu fais ce que tu veux, en ton âme et conscience. Et il est parti en courant.

C’est eactement à ce moment-là que les policiers sont arrivés…

 

PS : photo prise à Cabourg en février 2016

17 novembre 2016

Le Fürher

Sa mère exerçait sur lui un pouvoir impitoyable. Elle lui dictait tout, même ses souvenirs. Le jour où, à 15 ans, dans un accès d’humour improbable il lui a répondu  «  Ya vol  mein Führer ! », elle l’a giflé aussitôt.

Il en est resté sidéré.  Etait-elle la seule à ne pas savoir qu’elle se comportait comme un dictateur ?

 

15 novembre 2016

Deux vies

cour st Emilion l'hommeTous les matins, il était là à la même heure, enveloppé dans sa gabardine. Prenait-il la même photo tous les jours ?

Elle a décidé de le suivre aussi bien par désœuvrement que par curiosité. Au début, elle n’y a consacré que peu de temps mais, de jour en jour, sa filature s’est faite plus longue. Elle finissait par s’attacher à lui, non pour son physique – très banal – mais pour autre chose qu’elle n’aurait su nommer.

Quand il s’asseyait au café des trois maillets, elle faisait de même, jusqu’au jour où il l’a rejointe à sa table.

-          J’ai remarqué que vous me suiviez, lui a-t-il dit sans détour.

-          C’est exact.

-          Vous n’avez rien de mieux à faire ?

-          Je suis au chômage.

-          Je peux m’asseoir ?

Elle lui a indiqué la chaise libre en face d’elle.

Ses yeux bleus délavés étaient assortis à la couleur de sa gabardine et il fixait les siens sans retenue. Elle les a baissés pour s’arrêter sur ses mains, noueuses et tourmentées.

Elle a rompu le silence qui devenait oppressant.

-          Je sais, on ne doit pas suivre les gens dans la rue, mais vous m’intriguiez. Enfin, plus maintenant.

-          C’est à cause de l’appareil photo ?

-          Oui.

Elle a cru remarquer une certaine inquiétude dans sa voix, mais c'était sans doute une impression, l’envie d’être surprise alors que la vie de cet homme semblait refléter une infinie monotonie.

-          Les photos, c’est à cause de ma femme.

Elle a attendu qu’il poursuive.

-          Ma femme aimait beaucoup cet endroit, seulement elle n’est plus là pour l’apprécier.

-          Elle est partie ?

-          En fait elle a disparu. Vous êtes la première à qui je le dis.

Ses yeux presque sans expression s’attardaient sur elle. Qu’attendait-il ?

-          Pour être franc, c’est moi qui l’ai fait disparaître. Sa présence me minait.

Comment ce type falot pouvait-il lui raconter une chose pareille ?

-          Vous plaisantez ? a-t-elle dit pour se donner une contenance.

-          Non, pas du tout. C’est la stricte vérité.

-          Mais pourquoi vous me dites ça, je pourrais tout raconter à la police ?

Il a souri  et son visage était presque doux.

-          Je pense que vous aussi vous avez une forme de folie.

-          Moi ?  Et elle  tremblait tellement elle trouvait son affirmation injuste.

-          Oui, vous ! Voilà quinze jours que vous me suivez, comme si vous aviez deviné que chez vous, il y a en germe ce qui est en moi.

Elle a voulu se lever, mais l’homme lui a intimé de s’asseoir.

-          Arrêtez vos enfantillages ! Je vois bien que vous avez quelque chose à vous reprocher.

-          Mais d’où vous sortez ça ?

-          Je vous l’ai dit, je suis fou, je n’ai pas peur de le dire, moi. Alors ?

Elle s'est noyée dans l’étendue bleue de ses yeux délavés puis elle s'est ressaisie.

-          Vous avez raison, moi aussi.

-          Vous aussi, quoi ?

-          Moi aussi j’ai fait disparaître quelqu’un, il y a longtemps.

-          Qui ?

Allait-elle le lui dire ou allait-elle botter en touche, comme toujours.

-          Je peux vous faire confiance ?

-          Je suis une tombe.

-          C’est ce que je me suis dit tout de suite en vous voyant.

Il n’a pas eu l’air surpris par ses propos.

-          Moi  aussi j’ai fait disparaître quelqu’un, il y a longtemps : ma soeur !

L’homme n’a pu cacher sa surprise.

-          C’est bizarre. Je ne pensais pas que vous étiez allée jusque-là.

-          Comment ça ?

-          J’aurais imaginé autre chose, mais bon, on se trompe parfois, on ne peut pas avoir « bon » à tous les coups.

-          Elle me pourrissait la vie.

-          Surtout ne m’expliquez rien. Vous avez vos raisons, j’ai les miennes. Nos solutions étaient radicales mais nous devons vivre avec.

Ce type lui semblait maintenant beaucoup moins banal qu’au départ. Il cachait bien son jeu.  Elle lui a demandé.

-          Et maintenant, que fait-on ?

-          Eh bien, on pourrait se voir une fois par mois, ici, et parler de banalités, comme si de rien n'était.

Il a insisté pour payer les consommations et ils se sont donné rendez-vous un mois plus tard, au même endroit, mais l’un comme l’autre savaient pertinemment qu’ils ne se reverraient plus.

 

PS : merci à Sylvie Farges de m’avoir prêté cette photo.

 

13 novembre 2016

L’association

Leur association culturelle s’était peu à peu éloignée de l’objectif initial. Il est vrai qu’après chaque cours ils terminaient par un apéro ; la convivialité y avait beaucoup gagné, la culture un peu moins.

Au bout de deux ans,  l’hymne de l’association n’était plus « Vive la culture ! », mais : « Vive le pinard ! ». La culture, elle,  n’était plus qu’un prétexte qui permettait d’avoir quelques maigres subventions de la mairie…

 

 

11 novembre 2016

duo de novembre

Après le texte de Caro, voici le mien pour ce duo de novembre.

graine de culotte

MA-A-A-RIE

La première fois qu’il l’avait vue, 15 ans plus tôt, elle faisait le tour de la place à cloche pieds en riant à perdre haleine. Aujourd’hui, elle est assise en face de lui, dans ce métro qui va de la porte de Clignancourt à la Mairie de Montrouge. Elle ne semble pas le reconnaitre.

Il a voulu lui adresser la parole, impossible,  pourtant son prénom lui brûle les lèvres. Marie, c’est pourtant simple à dire Marie, deux syllabes qu’il transformait en 4 lorsqu’enfant il l’appelait à tue-tête au pied de son immeuble : MA-A-A-RIE ! Elle apparaissait aussitôt à la fenêtre de sa chambre en disant: « Attends-moi, j’arrive ! »

Jusqu’au jour où elle a disparu. Elle avait 12 ans.

Il la regarde à la dérobée. Elle lit des messages sur son portable. Elle doit avoir beaucoup d’amis Marie, comme avant. On doit l’aimer, la désirer. Elle ne doit jamais être seule, c’est certain.

Il remarque qu’elle a de drôles de cicatrices à son poignet gauche qu’elle gratte de temps à autre. Sans doute s’est-elle blessée ?

Le jour de ses 9 ans, il avait écrit sur son bras : « Je t’aime ». Et elle avait répondu sur le sien « moi aussi », avec un cœur minuscule.

Marie qu’il n’avait plus attendue parce qu’elle avait déménagé sans laisser d’adresse. On n’avait jamais su pourquoi elle était partie. Tout le monde l’aimait Marie. Et lui, qui l’avait aimé à part Marie ?

Il lève les yeux de son roman-alibi et son regard croise celui de Marie.

-          Paul ? murmure-t-elle.

-          Marie ?

Elle sourit en hochant la tête.

-          Tu es vivante ? Dit-il bêtement.

-          Comment tu as su ? Répond-elle gênée.

-          Je ne sais pas, c’est tout ce qu’il trouve à dire.

Elle remonte la manche de son pullover et lui dit.

-          C’était écrit là, tu te souviens ?

-          Je me souviens

-          Je ne t’ai jamais oublié.

-          Moi non plus.

Puis il croit l’entendre chuchoter : « Tu sais, j’ai voulu mourir. »

Mais a-t-il bien entendu ? Le vacarme du métro qui roule dans les couloirs sombres dévore les mots et les visages.

-          Je descends au terminus, j’ai un studio à Montrouge, tu m’accompagnes ?

-          Bien sûr, s’empresse-t-il de répondre.

Ils marchent en silence dans la rue. Elle lui désigne un immeuble.

-          C’est là, au deuxième. J’aimerais bien que tu restes ici et que tu m’appelles d’en bas, comme avant.

Il lui fait signe que oui et il attend deux minutes avant de crier « MA-A-A-RIE ». La fenêtre s’ouvre et elle lui dit : « Viens, j’ai une surprise pour toi. »

Il monte les escaliers quatre à quatre et quand il arrive au deuxième, Marie est sur le palier. Elle le fait entrer dans un studio aux murs blancs, presque vide. Au moment où il allait poser une question, elle lui met un doigt sur la bouche et dit.

-          Ferme les yeux.

Il les ferme. Alors Marie s’approche de lui et l’embrasse sur la bouche…

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