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Presquevoix...
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30 juin 2011

Le café

L’horrible  roquet aboie à tort et à travers et renifle les mollets des clients. En riant, la patronne dit au propriétaire.
-    Tu l’as pas dressé ton chien, Gérard !
-    Non, je l’ai pas dressé, c’est lui qui m’a dressé, répond Gérard fataliste.
Une petite fille de six ans, maigrichonne, juchée sur le comptoir, regarde son père avaler un demi alors qu’un homme au bronzage éthylique commande un ballon de rouge et déchaîne les jappements du chien. Gérard dit crescendo « Tais-toi Félix…  La ferme… Ta gueule ! » et la petite fille rigole en regardant Gérard. Son père la fait taire  et réclame un autre demi. La patronne caresse la joue de l’enfant qui  lui sourit en retour. Le deuxième demi arrive sur le comptoir. Le père de l’enfant y trempe déjà  ses lèvres…

29 juin 2011

Le cadeau

Il mesurait  un mètre soixante-quinze et pesait 90 kilos. Allergique aux régimes et à l’exercice physique, il n’aimait rien tant qu’une petite choucroute garnie ou un pavé au poivre accompagné de frites maison. C’est  à la taverne de Maître Kanter qu’elle l’a invité pour son anniversaire. Juste après l’apéritif, elle lui a remis son cadeau emballé dans un papier bleu aux reflets argentés. Il s’est étonné de la taille minuscule du cadeau et de sa consistance molle, mais il l’a chaleureusement remerciée, ému de cette attention touchante.
 Quand, à l’intérieur, il a découvert le string bonbon, il n’a pu éviter une mine déconfite qu’elle a  remarquée aussitôt.
-    la couleur ne te plaît pas ? lui a-t-elle fait l’air candide…



28 juin 2011

Duo

caroAujourd’hui, Caro-carito du blog « les heures de coton » est l’invitée de Presquevoix avec son texte « Il faut savoir » ; mon texte se trouve sur son blog.
La consigne était la suivante : écrire un texte à partir d’une photo et de bribes de la chanson toboggan de Julien Clerc.

 

Il faut savoir…


Le café est coincé entre un étalage de pompes pour clientes friquées et un immeuble aux volutes art déco. La table ronde est coincée entre un bout de trottoir et la vitre qui affiche les prix de trente bières. Je suis coincé entre une bande d’adolescents blonds au verbe germanophone et un couple qui bat de l’aile. Je vois tout au bout de l’enfilade de voitures la Rhumerie. Je tiens prisonnier un verre de bière fraîche entre mes doigts. Demain, ce sera la canicule. Demain sept heures du soir à la gare d’Austerlitz. J’éteins le bavardage de mon i-phone. Il faut savoir prendre le temps.


Je t’ai rencontrée en septembre. J’avais passé les douze derniers mois de ma vie à photographier des visages, des groupes, des entreprises sous tous les angles et j’avais besoin d’un thème plus minéral. J’ai mis ma petite entreprise en pause pour trois semaines et j’ai pris une autoroute, n’importe laquelle. En tête, le sud. J’ai croisé des vacanciers en fin de parcours et je suis arrivé finalement à La Ciotat.


Le soir approchait, pourquoi pas faire un tour ? Un seul bar était ouvert. Tu étais sans doute là au milieu des rires et des potes, mais je me suis arrêté plus loin. J’ai regardé le port qui s’endormait, j’ai rêvé de lâcher la barre, couper l’amarre, suivre le vent. Les jours suivants, j’ai passé des heures à ausculter des pierres et l’herbe rare, abîmer des rouleaux de pellicule jusqu’à ce parpaing marié à des coquelicots. Rester immobile quand, devant moi, l’instant prend la pause. J’avais trente-huit ans et je croyais attendre l’automne de ma vie, quand les désillusions se mêlent à la nostalgie.


Je buvais en grimaçant un Ricard qu’un de tes ex m’avait offert. Un gars comme ça, qui parlait sans que j’entende ses paroles. Remarque, écouter la musique de l’autre, c’est déjà s’exiler. Tu es arrivée et, sans sommation, tu t’es juchée sur moi. Je tenais soudain contre moi un corps mince et haletant, un souffle qui sentait la fraise et le désir. Tu as mis tes bras autour de mon cou et tu t’es pressée contre mon torse. Je n’ai pas cru alors que tu mettrais ma vie dans un tel état, que tu serais pire qu’un tsunami, un bar à bagarres. Pourtant.


Pourtant je suis là. Je tiens prisonnier un verre de bière fraîche entre mes doigts. Demain, ce sera la canicule. Demain sept heures du soir à la gare d’Austerlitz, je t’attendrai. Car moi, si nonchalant, moi que plus grand-chose n’étonne, il faudrait : demain sept heures du soir, etc. Puisque tu as écrit sur le cadran vierge de mon téléphone : « Partirai tard, + tard qu’hier, pas 14 h, + tard…dis-moi : qq part, tu m’attends m’attendras. »


Une gorgée encore, être là puisque, toi, tu veux que je t’attende. Un frisson, si un jour, l’automne, le notre se pointait. Il faudrait retourner à La Ciotat, lâcher la barre, couper l’amarre, suivre le vent…


Pour cela, voudrais-tu lâcher la barre... Sais-tu seulement, ma bourrasque, mon ouragan, ma fantasque, qu’il te faudrait... Qu’il nous faudrait, à tous les deux, prendre le temps.


27 juin 2011

Le devoir

Tous les samedis, à 22 heures, elle sortait de chez elle pour faire la tournée des voitures mal garées. Armée d’un compas – elle était professeur de mathématiques - elle rayait les carrosseries en jubilant. A chaque sillon elle murmurait : « ça t’apprendra, crétin ! ». Ensuite elle rentrait et se mettait au lit avec la satisfaction du devoir accompli.

26 juin 2011

L’autoportrait au couteau

Il avait décidé de faire son autoportrait au couteau. Lui-même était né entre deux lancées de couteau ; sa mère avait servi de cible à son père jusqu’au jour où le couteau s’était fiché dans son cœur. Hasard ou accident ? Personne n’avait jamais su et son père avait bénéficié du doute.
Le chevalet était en place, face au miroir, et la palette l’attendait ; le couteau aussi. Soudain, le téléphone sonna. Il hésita à répondre mais décrocha tout de même. C’était son père.
-    Je te déconseille l’autoportrait au couteau
-    Mais comment tu sais ? balbutia le fils.
-    Je sais, c’est tout. Ta mère disait toujours que les couteaux nous porteraient malheur et elle avait raison.
Il raccrocha. Son père n’était qu’un vieux fou. Il revint devant le chevalet, saisit le couteau, regarda le miroir et ce qu’il vit le glaça : sa mère le fixait les yeux exorbités, un couteau à la main, et le sang coulait sur sa robe blanche. Puis le petit filet grossit tant et si bien qu’il traversa le miroir et engloutit l’appartement…

PS : le titre m’a été suggéré par Monique, sur « jedouble », il y a déjà quelque temps.

25 juin 2011

L’artiste

 

C’est son quatrième concert. Peu à peu il prend conscience de la scène, de lui, du public. Les choses deviennent naturelles ou presque. Son trac se dissipe, l’harmonie s’installe, les retours sont plutôt bons dans la presse locale. Pourtant,  lors du dernier concert, ce détail qui n’en est pas un. A la fin, une série de rappels, il revient et comme une offrande, il jette son tee-shirt dans la salle sous les cris du public.

De retour dans sa loge ou ce qui en tient lieu, quelqu’un frappe et lui rend son tee-shirt. Il regarde la fille étonnée et lui dit.

-           C’est pour vous, vous pouvez le garder.

Elle lui répond simplement.

-          Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ?

Il n’a pas réfléchi à ça. Evidemment, que pourrait-elle faire de ce banal tee-shirt, une relique ? Il rétorque.

-          Rien, c’est vrai, ce n’est qu’un tee-shirt. Il la remercie en ajoutant : « Je n’oublierai pas. »

23 juin 2011

L’optimiste

Elle devenait insupportable ; trop positive pour lui. Comment avait-il pu tomber amoureux d’une fille qui, coûte que coûte,  prenait la vie du bon côté ? Un jour, à bout, il lui avait même répondu.
- Ton optimisme va finir par me tuer !*  Il ne croyait pas si bien dire.
Quand il a reçu sa lettre de démission, il lui a montrée, le visage défait.  Elle a répliqué en souriant : « A toute chose malheur est bon ».  Une heure plus tard, le médecin du SAMU diagnostiquait un arrêt cardiaque…

*trouvaille de Patrick Cassagnes.

PS : prochain texte, samedi 25 juin.

22 juin 2011

Enigme

La veille, sur le mur blanc, juste en face de chez elle, quelqu'un avait écrit en lettres grises :
                                Il ne faut jamais dire...
Le lendemain matin, armée d'un pot de peinture, elle recouvrit la phrase jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. La nuit qui suivit son badigeonnage, elle fit un rêve étrange : un oiseau lyre lui assurait qu’elle sortirait de sa cage si elle  lui confiait le secret de sa naissance.
Elle se réveilla avec son rêve et quand elle ouvrit les volets, elle eut la surprise de lire une nouvelle inscription sur le mur repeint la veille :
                                Peut-on tout dire ?
Soudain elle eut peur. On la surveillait, même dans ses rêves…

PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

21 juin 2011

Les lunettes

Elodie a changé ses lunettes. Il y a longtemps qu’elle me disait qu’elle voyait flou. Hier, quand je lui ai ouvert la porte et que je l’ai vue avec ses nouvelles lunettes, je lui ai dit immédiatement.
-    Super, elles te vont vraiment bien  !
Elle est restée sur le pas de la porte et  m’a longuement regardé. J’ai eu l’impression qu’elle avait  l’air déçue. Je le lui ai fait remarquer et elle m’a répondu, gênée.
-    Je ne sais pas, mais on dirait qu’il y a quelque chose de changé chez toi. Enfin, c’est peut-être à cause de  mes nouvelles lunettes.
Une semaine plus tard, elle m’a dit que tout était fini entre nous.

20 juin 2011

Le TGV

Le TGV Paris Lyon de 9 h 00, le type à côté de moi s’endort à peine une heure après le départ. Le pauvre a dû avoir une nuit de cauchemar. Je le trouve plutôt sympathique, la bouche ouverte et la veste négligemment ouverte sur une chemise qui masque à grand peine sa petite bedaine. Le problème c’est que moi, j’ai envie d’aller aux toilettes. Je repère rapidement le terrain pour voir comment l’enjamber. Je me lève,  passe délicatement ma première jambe mais au moment où je m’apprête à passer la seconde, une secousse me fait perdre l’équilibre et je me retrouve à califourchon sur lui. A ce moment il ouvre les yeux. L’air faussement dégagée, je lui souris et dis.
-    Désolée, je ne voulais pas vous réveiller.
-    Tout le plaisir est pour moi, répond-il en m’aidant - chevaleresque - à retrouver une position plus normale.

PS : texte écrit à partir d’une brève de deux lignes lue sur le site « une vie de merde ».

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