Duo de mai
Voici un nouveau Duo avec Caro, qui a souhaité que nous écrivions à partir d'une photo qu'elle a choisie sur ce blog.
Mardi, vous avez pu lire le texte de Caro, voici le mien.
Les deux soeurs
Après l’enterrement, Juliette était passée chez elle. Elle avait inspecté la grande salle du regard puis lui avait demandé.
- Pourquoi tu collectionnes des valises ? Drôle d’idée pour une fille qui justement n’aime pas voyager.
- Quelle collection tu me conseillerais alors ? Des bombonnes en verre ?
- Et voilà, c’est comme ça depuis l’enfance, tu ne réponds jamais à mes questions !
Elle aurait pu dire à sa soeur que ces valises représentaient les hommes qui avaient voyagé dans sa vie, mais à quoi bon ? Juliette et elle mourraient sans se connaître. La faute à pas de chance, aurait dit Paul, mais Paul ne pensait pas - ou si peu ! C’est sans doute de ça qu’il était mort ce frère silencieux. Rien n’avait perturbé sa vie de vieil enfant sage, à part le platane qu’il avait embrassé à 100 à l’heure et qui l’avait conduit au cimetière.
Elle constata que ces retrouvailles forcées sur la tombe de leur frère scellaient leur mésentente.
Elle observa sa sœur. Plutôt jolie, malgré son crâne rasé et sa fâcheuse tendance au mysticisme. Plus facile de se faire bercer par des mantras que de se laisser envahir par le vide, pensa-t-elle méchamment.
Elle, ce vide, sans doute le comblait-elle avec des hommes qui venaient de pays lointains. A chaque séparation, elle leur demandait de laisser une valise que jamais ils ne lui avaient refusée, trop heureux de s’en sortir à si bon compte.
Elle aurait pu expliquer tout ça à cette sœur fantasque, mais non, plutôt mourir que de s’ouvrir à celle qui l’avait tant humiliée enfant. Elle se contenta de conclure d’une façon sibylline.
- Certaines collectionnent des valises, d’autres préfèrent avoir le crane rasé ; la vie est faite d’incompréhensions.
Juliette avait haussé les épaules et elles s’étaient séparées sans même se dire quand elles se reverraient…