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Presquevoix...
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29 novembre 2015

Le parfum

Quand il est sorti de la salle de bain, laissant derrière lui une odeur bizarre, elle n’a pu s’empêcher de lui dire.

-          Qu’est-ce qu’il pue ton nouveau parfum. Mais qui t'a offert  ça ?

-          Ma mère.

La réponse n’a pas tardé.

-          Ça ne m'étonne pas ! Non seulement ta mère n’a pas de goût, mais en plus elle n’a pas d’odorat !

27 novembre 2015

Duo de Novembre

Sur cette même photo de Lola Alvarez Bravo, voici mon texte :

 

Lola-Álvarez-Bravo (2)

Impuissance

 

" Assise dans son fauteuil roulant, Madame Delaitre les regardait passer. Des journées à épier ces hommes qui montaient et descendaient les escaliers aux heures les plus lumineuses comme aux heures les plus sombres. Elle imaginait leur histoire. Des histoires d’amour, de haine  ou d’indifférence qu’elle consignait dans un « livre ».

Elle avait parlé de ce « livre » à sa voisine qui elle-même  rapporta son existence aux enquêteurs.

-          Et qu’est-ce qu’elle racontait exactement dans ce livre, elle vous l’a dit ?

-          Elle parlait des hommes.

-          Quels hommes ?

-          Ceux qu’elle pensait voir dans les escaliers. Vous connaissez les vieux, ils parlent pour se rendre intéressants.

-          Vous croyez qu’elle mentait ?

-          Je ne sais pas.

Le policier hocha la tête, c’était son rôle dans le couple qu’il formait avec son subordonné. Tous deux se parlaient le moins possible, non qu’ils se détestassent, mais ils se connaissaient assez pour ne plus s’embarrasser de mots. Ils continuèrent leur enquête par le dernier étage.

L’un derrière l’autre ils montèrent les marches et constatèrent que le ciel bleu n’y pourrait rien, leur journée serait irrémédiablement gâchée. C’était comme ça, ils ne s’habitueraient jamais à la mort et à son cortège de chairs puantes.

Au dernier étage, il n’y avait qu’un appartement et pas de nom. Ils frappèrent. Une voix de femme, plutôt grave, répondit « J’arrive ».

Quand la porte s’ouvrit, l’un comme l’autre restèrent sans voix.

-          Vous désirez ?

-          Vous interroger,  dit le premier policier qui ne pouvait quitter des yeux le visage encadré de longs cheveux bruns. C’est au sujet du meurtre de Madame Delaitre.

-          Elle est morte ?

-          Oui, quatre coups de couteau, du travail de professionnel.

Le policier hésita un instant.

-          On m’a dit qu’elle écrivait un livre sur des allées et venues d’hommes. Vous les  avez vus, vous, ces hommes ?

-         Vous savez, les hommes, personne ne peut les retenir. Quant à cette veille folle, elle croyait voir des choses, des fantômes… il faut dire que quand on est clouée dans un fauteuil roulant, reste plus qu’à imaginer. "

 

C’était toujours là que sa nouvelle bloquait. Elle devait bien avouer son impuissance à la terminer. Pourquoi ?  La voisine du dernier étage n’y était pas étrangère. Une croqueuse d’hommes ? Une mante religieuse ? Une déesse sanguinaire ? Elle se demandait où la classer. Qu’est-ce que ces hommes venaient donc chercher chez elle ?

Cette grande femme brune aux lèvres éternellement rouges représentait tout ce qu’elle détestait, et si elle avait pu la tuer, elle n’aurait pas hésité un seul instant.  Quatre coups de couteau bien placés et hop, la déesse se retrouverait dans son mausolée ad vitam aeternam.

Mais pour elle qui était clouée dans son fauteuil roulant depuis l’accident, les meurtres ne se traçaient qu’à la pointe d’un stylo. Et elle en avait à son actif des meurtres, surtout de femmes, comme si ce sexe lui était insupportable…

 

 

 

25 novembre 2015

Duo de Novembre

Voici notre duo de novembre avec Caro. Nous devions nous inspirer de cette photo de Lola Alvarez Bravo.

Aujourd'hui, vous pouvez lire le texte de Caro. Le mien paraîtra vendredi.

 

 

Lola-Álvarez-Bravo (2)Medianoche

« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant » *

Je dévisage l’homme qui a prononcé ces paroles. Son esprit s’est envolé. Où ? Femme, regrets, espoir ? Un lieu étranger ? Une sonnerie, fin du cours. « N’oubliez pas ! Une page et demie minimum, quatre au maximum. Ayez pitié de moi : évite de m’endormir. » Sa voix claque alors que les 157 étudiants quittent l’amphi en un troupeau indocile et mouvant. « Pour jeudi en 8 ! »

Dans la pénombre de la bibliothèque Ciro Alegría*, je tâche de délayer sur ces deux pages ennuyeuses un rêve par mes soins inventé. Non que je ne rêve pas, l’époque pouvant expliquer cela. Non, je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant. Baroque, fascinant, éprouvant. Un songe épais revenant sans cesse. Des hommes en noir et blanc montent et descendent des escaliers, ceux de l’immeuble où nous habitons ma mère et moi.

La vision surgit à medianoche*. Je dors ou je rêve dans mon lit étroit et grinçant que je connais depuis mes 7 ans, depuis notre arrivée dans ce quartier del rio arriba*. Il est tard, ma mère n’est pas là, jamais. Elle danse ou tangue sur les quais, chante parfois, séduit souvent. Elle revient, exténuée d’avoir vécu.

Moi, alors qu’elle est au loin, je les ai vus, les hommes. Ils montent et descendent, nombreux ou deux à deux. Leurs visages se fondent en un seul, clair et absent comme celui de mon père sur l’unique photo où l’on discerne ses traits. D’autres nuits, leurs semelles sont de plomb. J’entends des bruits d’armes, des chiens, des portes qui claquent. Et d’autres choses que je ne veux pas deviner. Leurs pas peuvent être doux, velours et satin. Des parfums montent accompagnés d’éclats de voix, de fou rire. Leurs mains peuvent frapper aux portes, placarder des décrets, traîner hommes et argent que l’on ne dissimule jamais assez bien, dans les recoins et dans les soupentes. J’emporte avec moi leur présence invisible et même le jour ne chasse pas leurs silhouettes grises. Je lis sur chaque visage que je rencontre les traces de leurs ombres, et la crainte.

Une nuit de lune ternie et incertaine, j’étais debout, d’un bond. Un homme se tenait là et il souriait. J’ai failli crier, je n’ai pas osé. Il tenait une arme à feu. Il a dit : « Ta mère va mourir ! » et il a disparu. Au matin, je trouvais son révolver à côté de mon oreiller. C’était l’été, j’avais froid.

Le lendemain, on murmurait qu’un homme était mort après avoir dévalé la falaise abrupte qui surplombe notre barrio* et roulé dans la rivière. Depuis cette nuit, le fardeau de savoir que ma mère me quitterait une nuit — une évidence puisque mon père avait disparu — ne pesait plus. Le rêve surgissait toujours à medianoche mais — est-ce la présence de ce revolver gravé à mes initiales CD, Cecilia Delgado ? — il avait pâli.

CD, Cecilia Delgado. Ou Camillo Delgado. Les initiales de mon père.

 

 

* Mon rêve familier – Paul Verlaine

* écrivain Péruvien

*medianoche — minuit

* del rio arriba – de la rivière d’en haut

*barrio — quartier

 

23 novembre 2015

L’attente

20151107_084129-1Il fait le pied de grue depuis une heure et sa patience a des limites. Ne tardera pas le moment où il s’envolera à tire d’ailes.

La dernière fois qu’elle lui a fait subir le mêmes sort, c’était dans le square de l’église de la Trinité. Cherche-t-elle à mettre son amour à l’épreuve ? Veut-elle lui signifier que l'aimer c'est se soumettre ?

Les humains n'ont-ils pas l’habitude de dire « jamais deux sans trois » ? Mais chez les pigeons, le dicton n’existe pas, tout au moins pas encore.

Une chose est sûre, se dit-il agacé alors que les secondes jouent leur sarabande endiablée,  si elle se permet un nouveau retard, je ne me priverai pas de convoler avec une autre. Les occasions ne manquent pas dans le ciel de Paris

 

PS : photo prise par mes bons soins gare St Lazare, le 7 novembre 2015

21 novembre 2015

Les ossements

Mardi dernier, dans l’église  Notre Dame du St sacrement, elle a volé des ossements de saints dans deux reliquaires du XVIIIème. Pourquoi ? C’est la question que lui pose et repose le commissaire qui l’interroge depuis maintenant une heure.

-          Je ne sais pas, répond-elle invariablement.

-          Cherchez ! Répond le commissaire impitoyable.

Soudain, elle a une révélation.

-          Parce que je voulais me réparer et devenir sainte moi-même.

Le commissaire la regarde l’oeil amusé.

-          Eh bien vous voyez, c’était quand même pas sorcier ! Maintenant, si j’ai un conseil à vous donner, plutôt que de voler des ossements dans des reliquaires, ce qui peut vous couter très  cher, achetez-vous « La sainteté  pour les nuls », ils ont tout dans cette collection !

Et, d’un geste magnanime, il lui  montre la sortie.

 

19 novembre 2015

Le sosie

boulotTravailler lui paraissait si pénible qu’elle avait passé cette annonce dans Libération – " cherche sosie qui veut bien aller au boulot à ma place " -  suivie d’une photo d’elle, la plus « réaliste » possible.

Si trouver un sosie n’avait pas été une mince affaire, le fait qu’elle soit professeur n’avait pas arrangé les choses. Rares étaient celles qui, par ces temps troublés, souhaitaient entrer dans la fosse aux lions ; surtout pour un salaire de 1400 euros par mois.

Son choix avait fini par se porter sur une femme qui,  selon ses amis,  lui ressemblait comme deux gouttes d’eau.

Mais ce choix lui avait posé un nouveau problème  : comment était-il possible de ne pas se reconnaître dans un sosie que tout le monde trouvait aussi ressemblant ?

 

17 novembre 2015

Le professeur

Elle avait décidé d’arrêter ses cours de zen  le jour où elle avait vu son professeur traiter de « connard » un type qui l’avait malencontreusement bousculé à la sortie du supermarché.

Un professeur incapable de mettre en pratique, pour lui-même, une « philosophie » qu’il enseignait aux autres était-il crédible ?

 

15 novembre 2015

En finir !

20151107_094001

Rien à foutre de rien, tous pourris. Ça allait faire mal quand il allait frapper !

Quand il avait reçu le matériel,  il l’avait rangé au fond du placard, sous ses vêtements. Pas de risque que sa mère le voie, elle ne rentrait plus dans sa chambre depuis qu’elle savait qu’il faisait cinq prières par jour. Pauvre naze ! Il avait fini par la détester, elle et sa petite vie de merde !

Ils ne se parlaient plus, chacun enfermé dans sa tanière : elle dans sa cuisine, lui dans sa chambre. Et quand il leur arrivait de se croiser, leurs regards s’évitaient.  

Ses prières, répétées comme des mantras, le lavaient progressivement des impuretés de sa vie d'avant. Maintenant, il avait une vision, une vraie, et le plus tôt possible - comme ses "frères" le lui avaient enseigné -  il lui faudrait faire table rase de l’ordre ancien afin que la pureté s'installe sur terre.

 

13 novembre 2015

Les mains

On lui avait dit que les bouchers avaient  les mains douces parce qu’ils avaient tout le temps les mains dans le gras. Elle s'était donc échinée à donner dans le boucher. Elle en était à son cinquième et, si elle aimait leurs mains,  elle détestait leurs conversations où la chair était si présente qu’elle finissait par en être dégoutée…

11 novembre 2015

Mort aux cons

20151107_084320Il s’était arrêté devant la vitrine, avait hésité un instant, puis l’intimité du lieu – que se passait-il derrière ce rideau rouge ? –  l’avait conduit à pousser la porte. Ce « cru » paressait prometteur et le regard  de la jeune femme dans la vitrine ne laissait aucun doute sur l’impureté de ses intentions.

Une sonnette aigue marqua son entrée. A peine la porte fut-elle refermée que deux robustes gardes du corps se présentèrent et  le conduisirent sans ménagement au fond du magasin. On le fouilla, on lui prit sa carte d’identité, son argent et sa carte bleue. Puis on l’attacha avec des liens épais. Que cherchait-il ? Lui demanda-t-on.

-          Rien… une fille, balbutia-t-il

-          Mon cul ! Répondit le gorille sur sa droite.

-          Je vous jure que c’est tout.

-          C’est bon, laisse tomber, dit l’autre d’un ton las.

Dix minutes plus tard on lui dit que c’était une erreur, qu’on l’avait pris pour un autre.

-          J’ai droit à un dédommagement ? Osa-t-il en se frottant les poignets.

Les deux gardes du corps s’entreregardèrent et lui balancèrent un coup de poing magistral qui l’étala illico sur le sol. A ce moment-là, la fille sortit de la vitrine, se pencha sur l’homme au sol et dit aux gorilles.

-          Merci les gars. Je connais bien ce genre de type, le genre qui ose tout. Il ne mérite pas de garder sa carte bleue. Une de plus pour notre collection. Allez, débarrassez-moi de ça !

Le lendemain le Parisien titrait : « un nouveau corps d’homme retrouvé dans le canal St Martin. Sur son corps, comme sur celui des précédents cadavres, on avait écrit : Mort aux cons ! »

 

PS : photo prise dans le quartier de Pigalle

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