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8 mars 2009

Quand « l’amour » tue (gballand)

Quand  « l’amour »  tue (gballand)
Valparaiso (Chili) : en janvier dernier, Priscilla Solari et Cristian Rojas ont mis en place un projet artistique permettant de rendre visible, dans l’espace urbain, la violence qui s’exerce quotidiennement contre les femmes. A ces robes de mariées, sans...
14 octobre 2008

Plongée ( texte de gballand )

Plongée ( texte de gballand )
Il ne disait jamais à quoi il pensait ; la peur de passer pour fou. Il gardait toutes ses impressions à l’intérieur de son crâne que la migraine colonisait de plus en plus souvent. Quand elle commençait à cogner contre les parois, il fermait les volets...
31 mai 2020

Le monde du rêve

 

20190208_154553

 

"Putain de vie, putain de vie, putain de vie !" A force de me répéter ces maudits mots, j'ai franchi le pas : je me suis acheté des cachets pour rêver, le tout à un prix faramineux !

 Il y a longtemps que j’en avais envie, mais je n’osais pas, la peur de voir un monde s’ouvrir. C’est mon ami Thomas qui m’en avait parlé en me disant que ça m’aiderait peut-être à dépasser l’étape, celle de la mort de ma mère.

 Six mois que je ne rêve plus. Les rêves ont disparu de mon âme depuis que ma mère est morte. Je devrais pourtant être content qu’elle ait disparue ; plus de phrases à la nitroglycérine. Avec elle, j’avais l’impression d’être l’un des protagonistes du film « le salaire de la peur ».

 Mon premier cachet a parfaitement fonctionné et c’est lors de ce premier rêve que j'ai rencontré la fille qui danse. Elle avait des seins de fée et une robe qui m’envoyait des rayons d’argent. Elle ne m’a pas regardé tout de suite ; son chien attirait toute son attention. Était-il amoureux d’elle ?

Combien d’hommes avaient tourné autour de son corps sculpté ? Elle m’a dit.

-          Je vous ai aimé tout de suite, car dans l’onde de vos yeux vogue la barque de l’espérance, celle dans laquelle on monte pour faire le voyage du retour.

-          Quel retour ?

-          Le retour vers un monde où les tourments de l’enfance ont disparu.

Quand j’ai confié à Thomas qui j’avais rencontré dans mon premier rêve, il a simplement répondu : elle reviendra jusqu’à la fin, sois en sûr.

Quelle fin ? il ne me l’a pas dit, mais nuit après nuit, nous faisons elle et moi le même voyage. Elle m’écoute et me pose des questions étranges dans la barque paisible qui avance sur l’onde de mes rêves.

Maintenant, je suis heureux, car mes nuits sont plus belles que mes jours…

 

PS : photo prise à Rouen en 2018

25 septembre 2012

T’es con !

grilleElle contemplait la grille et elle hurlait.

- Mais merde, t’es vraiment con, toi, con de chez con ! Tu mériterais que t’envoie chier comme le putain de connard que t’es !

Elle n’a pas attendu qu’il se manifeste et elle a continué.

- Et je fais comment, moi, espèce d’abruti ?

Lui hochait la tête mais ne disait rien. De toute façon, ça ne servait à rien qu’elle crie, il était sourd ; et muet par-dessus le marché. Mais qu’est-ce qui lui avait passé par la tête à ce crétin de balancer son ipod à travers les barreaux ? Tout ça parce qu’elle lui avait dit, avec forces signes, que jamais elle ne sortirait avec un sourd-muet…

 

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Patrick Cassagnes

5 juin 2012

La surprise

pastelle4- Comment tu le trouves ?


Mal à l’aise dans sa mini-jupe qui la moulait un peu trop, elle ne savait pas quoi dire. Il lui avait promis une surprise et en fait de surprise, elle était devant une coque à la peinture écaillée qui, dos à la mer, attendait sa fin prochaine. Elle finit par balbutier.


- Euh, c’est… enfin… c’est ça  la surprise ?
- Oui, c’est ça, lui répondit-il les yeux brillants. Tu ne trouves pas qu’il est beau ?


Elle se demandait ce qu’il trouvait de beau à ce truc échoué. Elle n’arrivait même pas à imaginer cette vieille carcasse voguant sur les flots.


Lui guettait ses réactions. Il comprit immédiatement que cette fille n’était pas sensible à la beauté des choses ; son corps était presque parfait, certes, mais elle ne manifestait aucune émotion. Il lui sourit méchamment et  conclut.


- Tu t’attendais à autre chose ?


Elle tira sur sa jupe trop courte et ne répondit rien. Elle aurait espéré qu’il l’embrasse ou tout au moins qu’il lui prouve qu’il la trouvait  désirable, mais non, rien. Elle l’a vu s’approcher du bateau échoué, le caresser, puis il est revenu vers elle et lui a dit.


- Bon, on part ?


PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Pastelle

9 septembre 2012

Le prince et le vaporisateur

US141917Tous ces arbres lui donnaient le vertige. Epuisée, elle s’est allongée sur l’herbe et a fermé les yeux. Soudain, elle a senti quelque chose de mouillé sur son visage. Elle s’est immédiatement redressée.  Un homme était  devant elle, un vaporisateur à la main et il s’amusait à l’asperger de fines gouttelettes.


-  Vous trouvez ça drôle ? lui a-t-elle dit énervée.


Il a répondu.


-  Je suis le prince charmant, celui que l’on a désigné pour vous  réveiller d’un long et profond sommeil. Savez-vous que vous dormez depuis trente ans ?


L’endroit était désert. L’homme l'observait en souriant mais son discours était plus qu’inquiétant, sans parler de son déguisement de prince et du vaporisateur qu’il brandissait dans sa main droite. Elle lui a rendu prudemment son sourire avant de répondre.


-  30 ans ! Merci mon prince, votre intérêt m’honore.


Le prince a conclu, amusé.


-  C’est fou l’effet que je fais avec mon costume de prince. Je devrais le mettre plus souvent.
-  Parce que vous n’êtes pas prince tout le temps ? s’est-elle risquée
-  Non, juste de temps en temps. Il faut bien que je  donne mon costume  au nettoyage.


Inquiète de la tournure que prenaient les choses, elle s’est excusée de ne pouvoir continuer à bavarder avec un personnage de son rang, mais son devoir l’appelait ; et elle est partie à toutes jambes en le laissant cloué sur place.


Le lendemain, elle apprenait qu’une jeune femme avait été  laissée pour morte dans la forêt ; à ses côtés, on avait trouvé un vaporisateur…

PS :  photo prise par C. V. dans "sequoia park" en juillet 2010

20 janvier 2013

Les draps

IMG_0445Elle lui avait dit : «  Quand les draps seront à la fenêtre, je serai dans la maison ».
Dès qu’il les avait vus, il s’était précipité. Et toujours les mêmes questions l’attendait : « Tu me jures que tu m’aimeras toujours ? Tu me jures que tu ne me tromperas pas ? Tu me jures que tu viendras me retrouver ? » Et lui jurait toujours, il jurait sans savoir ce que jurer veut dire. Il n’avait fait que jurer toute sa vie et les filles avaient défilé, les unes après les autres. Elles attendaient toujours quelque chose qu’il ne pouvait pas donner, mais il s’en moquait. Il savait comment tirer de leur gosier fragile de petits cris extatiques qu’aucun mari de cette petite île perdue n’avait jamais obtenu. Il suffisait de les cueillir dans ses mains de peintres habitués à pétrir les couleurs et d’enfoncer en elle le doux nectar de l’amour.

 

PS : texte écrit à partir de cette photo de C. V. prise à Murano en Novembre 2012.

26 mai 2013

Le Christ

P2007080743Elle avait pris l’habitude de venir le voir tous les après-midis. La paix et le silence qui régnaient en ce lieu avait le don d’atténuer ses angoisses. Le Christ l’écoutait comme aucun homme ne l’avait jamais écoutée. L’empathie exceptionnelle dont il faisait preuve l’étonnait, mais n’était-ce pas normal vu les souffrances qui avaient été les siennes ?

La veille, quand elle s’était entretenue avec lui, elle lui avait parlé de son mari. Le Christ n’avait rien répondu ; il avait juste baissé les yeux, sans doute par pudeur.

Elle eut la tentation – mais elle sut y résister - de lui demander si lui-même avait eu des relations intimes avec des femmes. Toutefois elle n’osa pas. Elle ne désespérait pas de lui poser un jour la question…

PS : photo prise par C. V. à Lisbonne au "mosteiro dos jeronimos".

2 juin 2013

Les chaussures ne mentent jamais

A partir d'aujourd'hui, et tous les dimanches, je ressuciterai des textes et photos "enterrés" sur le blog "jedouble" où Patrick Cassagnes et moi-même exercions notre créativité : soit Patrick illustrait mes textes, soit "j'illustrais" ses photos.

Pour le duo suivant, le collage de Patrick a été fait après lecture de mon  texte.

 

 

Les chaussures ne mentent jamais

Elle passait son temps à observer les pieds des gens, au café, dans la rue, au travail, partout ! Elle s’était même dit, à un moment où son travail de bibliothécaire lui était devenu une torture, qu’elle pourrait écrire un livre humoristique dont le titre serait « Si les chaussures nous étaient contées ». Elle y parlerait de toutes les chaussures rencontrées ici et là. Les pieds qu’elle préférait observer, c’était ceux qui se croisaient sous les tables ; elle les trouvait doublement éloquents.


Quand elle s’était assise, en cette fin d’après midi maussade, dans ce café parisien hors des sentiers battus, elle attendait encore la perle rare, des chaussures qui la troubleraient, qui lui diraient que la vie valait encore la peine d’être observée.


Elle commanda un café et se plaça devant la porte, une place de choix pour raconter les  allées et venues des chaussures. Elle tournait machinalement sa petite cuillère dans sa tasse de café  quand elles arrivèrent : deux chaussures semblables à deux péniches qui auraient transporté avec elles toute la boue de l’univers. On y distinguait à peine l’amarre des lacets. Elles s’avancèrent vers la table où elle était installée et s’arrêtèrent à un mètre d’elle.


- C’est ma table, dit grossièrement la voix des chaussures.


Elle leva  les yeux, mais les rabaissa aussitôt. Impossible de regarder un visage pareil.  Elle articula mécaniquement.


- Je n’ai pas fini.


Les péniches ne bougeaient pas.


- C’est ma table, répéta l’homme.
- Oui, mais je n’ai pas fini. Il y a des tables partout !


Le patron et les deux clients du café ne semblaient pas prêter attention à la scène. Elle continua à remuer le café dans sa tasse comme si de rien n’était, et soudain, sans qu’elle n’ait pu comprendre ce qui lui arrivait, elle se sentit soulevée  et transportée à une autre table, près de la vitre. Elle ne put que balbutier.


- Mais ça va pas !
- C’est votre table maintenant. Je vous apporte votre café.


Personne ne dit rien. L’homme aux péniches était maintenant assis face à la porte. Son grand tronc et sa face hirsute s’étaient immobilisés et son regard paraissait fixer le morceau de rue compris entre les deux battants. Elle but son café rapidement et alla payer au comptoir, décidée à dire son fait au patron.


- On appelle ça de la non assistance à personne en danger !


Le patron arrêta d’essuyer son verre et  répondit.


- Qu’est-ce que vous vouliez que je fasse ? Que je lui casse la gueule ?


Elle le regarda interloquée.


- Vous auriez pu au moins lui dire quelque chose !
- Vous vous êtes assise à cette table avant que j’aie pu vous prévenir !
- Prévenir ? Mais de quoi ?
- Qu’il allait arriver. Il aime pas qu’on lui prenne sa table.
- Mais c’est vous le patron ou quoi ?
- C’est sa table.
- Alors il peut tout se permettre ?
- Ecoutez, c’est pas ma faute si son gosse s’est fait écraser devant cette porte il y a un an,  hein ?


Elle pâlit, paya ses deux euros et sortit.

 

patrick

9 juin 2013

Le petit chaperon rouge

Pour le duo suivant, le collage de Patrick a inspiré mon  texte. Ces duos sont tous sur le blog jedouble.

 

                               _____________________________________________________________

 

patrickIl lui avait demandé.

-  Tu connais l’histoire du petit chaperon rouge qui se promenait dans la forêt argentée que Dieu a brûlée ?

C’était la deuxième fois qu’elle le rencontrait et elle le trouvait étrange, toujours traînant ses sacs en plastique accrochés au guidon d’un vélo rouillé. Elle aurait voulu ne pas s’arrêter, ne pas lui parler, mais la curiosité était plus forte. Il lui fit signe de s’asseoir sur le banc, posa son vélo contre le mur et prit place à côté d’elle.

-  Tu n’as pas peur de moi, hein ?

Elle ne répondit rien et attendit.

-  Tu n’es pas bavarde toi, se contenta-t-il de dire.

Et il commença l’histoire de la forêt argentée, une histoire où il fit intervenir le chaperon rouge et même le Petit Poucet. Elle n’en demandait pas tant, elle qui n’avait jamais connu les histoires que l’on raconte  à l’heure où la nuit dépose ses voiles de soie sur les yeux des enfants. Depuis qu’elle était née, elle avait seulement entendu des voix impatientes qui lui disaient  « Au lit, dépêche-toi ! » ou « Allez, on éteint ! » Mais pouvait-elle  en vouloir à ses parents ?

Cette forêt que l’homme lui racontait, n’était-ce pas la sienne, celle dans laquelle elle se promenait quand elle accompagnait le troupeau de ses rêves au cœur des vallées nocturnes ? Et le long flot des phrases qui racontaient l’incendie n’était-ce pas la brûlure de sa famille ?
Elle ne lui posa qu’une question.

      -   Et Dieu, est-ce qu’il la fera réapparaître la forêt argentée ?
      -   Tout dépend du petit chaperon rouge.

Elle le regarda surprise ; son visage émacié, mangé par une barbe grise, lui parut soudain très sévère et ses yeux  avaient pris la couleur froide des lacs de montagne.

      -  Je ne comprends pas, articula-t-elle.

Il continuait à la fixer comme un dieu exigeant. Soudain il s’empara de l’un de ses sacs en plastique, y plongea la main et en ressortit quelque chose qu’il dissimula immédiatement derrière son dos.

     -  Je vais te montrer quelque chose mais tu n’en parleras à personne, tu me le promets
     -  Promis.

Il lui tendit  l’objet qu’il tenait caché : c’était une perruque dont les cheveux brillaient au soleil.

     -  Voilà ce que doit mettre le petit chaperon rouge pour que la forêt ne disparaisse pas.
     -  C’est pour moi ?
     -  Oui. Mets-là.

Elle hésita un instant, puis enfonça la perruque sur ses cheveux bruns. Elle sentit que toute force l’abandonnait et elle devint comme ces algues marines que la mer ballotte dans ses eaux troubles.

On ne  revit jamais l’enfant, mais les parents firent-ils état de sa disparition ? L’homme, lui, est toujours là. Hier encore je l’ai vu devant le cinéma. Il avait déposé son vélo contre les grilles et il tenait fermement ses sacs en plastique à la main. Je me suis demandée ce qu’ils contenaient…

21 octobre 2013

Trazos sueltos

raph21Une fois n'est pas coutume, un petit coup de pub pour un projet cirque/danse/théâtre - trazos sueltos - de la compagnie Wild Lines". Il s'agit d'un parcours itinérant en Equateur, au Pérou et en Bolivie. Voici ce qu'en disent les membres de la compagnie  :

" Si la ligne droite se définit comme « la façon la plus courte d’aller d’un point à un autre », cela n’implique pas nécessairement qu’elle soit la plus intéressante ! Tel est le parti pris du projet de spectacle vivant TRAZOS SUELTOS, parcours itinérant entre l’Equateur, le Pérou et la Bolivie - de novembre 2013 à juin 2014 - qui mêle les disciplines du cirque, du théâtre et de la danse. Successivement dans les villes de Portovelo (Equateur), d’Iquitos (Pérou) et de La Paz (Bolivie), la compagnie élit un lieu de résidence pour une durée de deux mois, afin d’y transformer des espaces publics en lieux de création totale à l’air libre."

Pour lire la suite du projet, le soutenir ou en parler autour de vous : cliquez ici !

PS : photo de Raphaelle Balland, membre de la compagnie Wild Lines


28 février 2014

Duo

Nouveau Duo avec Caro du blog " les heures de coton ". Un voyage sur le blog de Pastelle - " les lumières de l'ombre" - nous a fait découvrir la photo qui a inspiré nos textes. Pour la voir, insérée dans le contexte de l'article, c'est ici.

Ci-dessous, vous pouvez lire le texte de Caro, le mien est sur son blog.

 

 

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Les amants parfaits ou la rumeur

 

statue« Ils parlent. Je les ai entendus hier en rentrant. Une sorte de murmure, mais les mots étaient aussi distincts que s’ils étaient vivants. »

Je jetai un coup d’œil à Armand. 80 ans, plutôt alerte, silhouette fine, en noir et blanc. Je le connaissais depuis un an exactement depuis que je fréquentais le cours de tai chi. Je n’ai jamais rien eu d’une chercheuse d’équilibre intérieur, mais, à l’époque, j’avais eu besoin d’un prétexte pour me sortir de mes quatre murs. Un mec de perdu, le genre de ceux qui comptent, et plusieurs mois à transformer un appart décati en lieu de vie agréable ; finalement une solitude qui, plus qu’un vide, se révélait pour moi un échec. Luna, amie d’enfance fidèle — cette chère et indispensable Luna — m’avait convaincue de l’accompagner. Le groupe de tai chi s’était révélé correspondre à mon besoin de rencontre en conservant quelques distances. J’étais restée.

 « Ils parlent. Je les ai entendus hier en rentrant. Une sorte de murmure, mais les mots étaient aussi distincts que s’ils étaient vivants. »

Je n’ajoutai rien aux étranges répétitions du vieil homme puisque, d’expérience, une statue ne parle pas. En rentrant chez moi, je décidai de passer sur le pont. En dépit de la nuit, ils étaient là, blancs, étincelants, émouvants. Muets. Parfaits. Oui, des amants parfaits.

Les jours suivants, je surpris à nouveau Armand, puis d’autres, à rapporter des propos identiques. N’importe quand, n’importe où ; le matin en allant au travail ou au moment de payer mon pain, en flânant, à la télé, sur le web. Des mots qui enflaient. Nourrissant la rumeur.

Étaient-ce les propos du vieillard ou simplement l’ennui, mais le tai chi avait fait son temps. Le soir même, Luna, amie d’enfance fidèle — cette chère et indispensable Luna — m’appela. Je lui avouai que, oui, je sortais toujours avec elle samedi soir, que, non, plus de tai chi. Plus de tai chi, répétai-je en silence en raccrochant. Fini.

La vodka exhale toujours ce goût particulier quand on n’y a pas touché depuis un petit temps. Je regardais son reflet de lagon dans la lumière du Moonlight Story. C’est là que Luna, les autres, commencèrent à gloser sur les amants parfaits. Je pris une gorgée brûlante et je sentis en même temps la rumeur enfler. On parlait de séparation, de haine, de dégoût, d’usure. Ils ne s’aimaient plus, et même la mairie parlait de les déplacer dans un parc de l’autre côté de la ville. Ou sur île. Déserte tant qu’à faire !

Je ne sais plus, mais les murmures furent vite avalés par les décibels d’une boîte à la mode et par la nuit rêche qui suivit.

Là, au matin, je les quittai. Il faisait gris, l’appart avait cette sale gueule des lendemains de fête. Je descendis dans le bistrot qui ne semblait jamais devoir fermer. Je commandai un café, un double pour faire passer les deux aspirines. Je saisis quelques bribes de la conversation de la femme et des deux mecs au comptoir : « Lui c’est un salaud. Il fait son faiblard, mais au fond ce n’est qu’un manipulateur ! » Je remarquai une tache sombre sur le bois de la table ; la rumeur lui ressemblait, elle ne partirait jamais, elle ne les quitterait plus, les amants parfaits.

Je suis retournée les voir.

Au bout du quai qui longe le Rhône, je surprends un groupe de hérons efflanqués en équilibre sur une jambe. Dans le parc qui longe la rive, je ne peux discerner ni Armand ni les autres, il fait trop sombre. De toute façon, ce taï truc n’est pas pour moi. Par contre, je leur fais face, je les sonde tous deux, corps d'albâtre emmêlés, lui si fort, lui si faible. Je me demande si toutes ces bouches qui ont embrassé la rumeur, tous ces regards qui les ont détaillés, tous ceux-là qui les ont salis, dénigrés, excusés, rabaissés, admirés. Je me demande, oui, s’ils ont vu que l’un est l’autre, que l’un ne se fond que dans un soi-même que l’on porte, que l’on aime, que l’on trahit ?

 

 

24 août 2015

Le temple de l’amour

20150814_145128Soudain inspiré, il lui avait dit : et si on visitait le temple de l’amour, là-haut ?

Découragée, elle avait essayé de trouver plusieurs excuses  -  la chaleur, sa mauvaise circulation, le coût de l’entrée, eh oui l’amour est tarifé, l’heure qui tourne – mais rien n’y fit, il était déterminé.

Elle s’exécuta. Si elle ne dit rien lors de l’ascension, elle ne manqua pas de laisser paraître fatigue et aigreur, et l’excursion vers le temple de l’amour se termina en supplice.

 

PS : photo prise par mes bons soins à Gerberoy, dans l’Oise. 

 

15 novembre 2015

En finir !

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Rien à foutre de rien, tous pourris. Ça allait faire mal quand il allait frapper !

Quand il avait reçu le matériel,  il l’avait rangé au fond du placard, sous ses vêtements. Pas de risque que sa mère le voie, elle ne rentrait plus dans sa chambre depuis qu’elle savait qu’il faisait cinq prières par jour. Pauvre naze ! Il avait fini par la détester, elle et sa petite vie de merde !

Ils ne se parlaient plus, chacun enfermé dans sa tanière : elle dans sa cuisine, lui dans sa chambre. Et quand il leur arrivait de se croiser, leurs regards s’évitaient.  

Ses prières, répétées comme des mantras, le lavaient progressivement des impuretés de sa vie d'avant. Maintenant, il avait une vision, une vraie, et le plus tôt possible - comme ses "frères" le lui avaient enseigné -  il lui faudrait faire table rase de l’ordre ancien afin que la pureté s'installe sur terre.

 

7 avril 2016

Duo d'avril 2016

Deuxième partie du Duo avec Caro du blog " les heures de coton". Aujourd'hui, voici mon texte, avec toujours la même photo comme point de départ.

 

defiLe « boy friend »

 

A son retour d’Angleterre, Juliette avait parlé de son nouveau petit copain comme d’un « trophée ». Elle l’appelait  « The boy friend » et vantait ses qualités ex-tra-or-di-naires.

Il est vrai que son séjour outre-manche l’avait  transformée : non seulement elle fumait – chose qu’elle détestait avant de partir à Londres – et parlait merveilleusement anglais,  mais elle avait changé de style.

Fatiguée d’entendre parler du « boy friend » sans jamais le voir, Léa lui a dit.

-          Alors, tu nous la présentes quand ta chimère ?

Juliette a piqué un fard et lui a répliqué que certaines aimeraient bien avoir des chimères comme la sienne !

Les semaines ont passé et la bonne humeur de Juliette a sensiblement fané. Certaines amies  bien intentionnées  disaient déjà que son «  boy friend »  ressemblait fort à un  paravent que l’on exhibe pour cacher la misère !

Et puis la nouvelle que tout le monde pressentait est arrivée trois mois plus tard : Juliette a annoncé qu’entre son « boy friend » et elle, ce n’était plus ça. Elle exhibait  une  tête de six pieds partout où elle allait, se plaignant des hommes et de leur égoïsme.

Lors d’une fête entre copines, après avoir avalé quelques Margarita bien corsées, elle a crié  : « The END ! Don’t ask me any more question about this fucking asshole*. »

Marie lui  a demandé.

-          Mais dis-moi, il existe ou non ce mec ?

Juliette a fouillé dans son sac et en a ressorti une photo chiffonnée qu’elle a lissée avec le plat de sa main.

-          C’était lui.

-          OK, c’était lui, mais tu as eu une relation avec lui, oui ou non ? a repris Marie

-          En partie, a-t-elle concédé.

-          Comment ça en partie ? Tu veux dire que ce type, c’est du virtuel ?

-          Qu’est-ce que ça peut faire ! De toute façon, ce salop s’est foutu de moi et maintenant  je compense en bouffant parce que j’ai arrêté la clope. Il me reste plus qu’à boire. Quel enfoiré, quand je pense à tout ce que j’ai fait pour lui…

Décidant de couper court à ses jérémiades, Marie a conclu.

-          Ecoute Juliette,  à ta place j’essaierais de rencontrer un type en chair et en os. Je me demande si c’est pas ça qui te manque. Il te faut du concret, tu comprends, du concret. Un type qui ressemble à autre chose qu’à un rêve à la con.

Juliette n’a rien répondu. Elle était déjà sur son cheval blanc,  traversant des steppes noyées de nuages de Margarita, et elle galopait vers un paradis qui n’existait pas…

 

*Ne me posez plus de questions sur cet enculé. Il m’a laissée tomber

 

 

1 février 2015

Religions

Repérage4_DHSuite aux différentes vagues d’attentats, le président de ce lointain pays   - en accord avec le parlement -  avait décidé d’interdire les religions. Temples, églises, mosquées, synagogues avaient fermé, ainsi que les librairies et boutiques qui n’étaient consacrées qu’au fait religieux.

En introduction à son discours à la nation, le président avait simplement dit : La coupe est pleine et nous ne boirons pas le calice  jusqu’à la lie. Puisque les religions ne peuvent se plier au cadre imposé par la laïcité, nous avons décidé de les interdire.

Les médias sonnèrent l’hallali.

Lors d’un jeu de questions réponses avec le journaliste vedette de la 2,  le président - endossant alors ses habits de laïque intégriste - répliqua qu'en cas d'infraction à la loi, la comparution immédiate  serait systématiquement appliquée. Le journaliste critiqua cette nouvelle arme de lutte contre les religions, mais le président préféra botter en touche.

La plupart des journaux se déchainèrent, soulignant qu’on soignait le mal par le mal, que la liberté de religion était sacrée. Seuls deux  journaux indépendants  signèrent des éditos enthousiastes et  saluèrent cette nouvelle loi par des caricatures saignantes qui déclenchèrent un nouvel attentat.

Quant aux responsables religieux –  dans le secret de leurs lieux de culte -  ils prophétisèrent  que les « chiens d’infidèles » ne perdaient rien pour attendre…

 PS : photo prêtée par D. Hasselmann

 

27 août 2016

La pause

20160807_151457Lisait-elle Flaubert, Musso ou Duras ? Dos tourné aux passants, elle semblait concentrée. « Nonchalance étudiée, la parisienne bobo s’affiche au jardin des Tuileries » a-t-il pensé.

Mais était-elle parisienne ? Et s’il le lui demandait ?

Il s’est approché à pas de loup, mais dès qu’elle l’a vu elle a hurlé.

- Ah non, vous n’allez pas  me faire chier vous aussi !

Il a battu en retraite, la queue entre les jambes.

« Connasse ! » a-t-il pensé en s’éloignant, puis il a rectifié « Salope, toutes des salopes !* »

 

* citation tirée du sketch de Guy Bedos.

PS : photo prise au jardin des Tuileries en août

11 novembre 2015

Mort aux cons

20151107_084320Il s’était arrêté devant la vitrine, avait hésité un instant, puis l’intimité du lieu – que se passait-il derrière ce rideau rouge ? –  l’avait conduit à pousser la porte. Ce « cru » paressait prometteur et le regard  de la jeune femme dans la vitrine ne laissait aucun doute sur l’impureté de ses intentions.

Une sonnette aigue marqua son entrée. A peine la porte fut-elle refermée que deux robustes gardes du corps se présentèrent et  le conduisirent sans ménagement au fond du magasin. On le fouilla, on lui prit sa carte d’identité, son argent et sa carte bleue. Puis on l’attacha avec des liens épais. Que cherchait-il ? Lui demanda-t-on.

-          Rien… une fille, balbutia-t-il

-          Mon cul ! Répondit le gorille sur sa droite.

-          Je vous jure que c’est tout.

-          C’est bon, laisse tomber, dit l’autre d’un ton las.

Dix minutes plus tard on lui dit que c’était une erreur, qu’on l’avait pris pour un autre.

-          J’ai droit à un dédommagement ? Osa-t-il en se frottant les poignets.

Les deux gardes du corps s’entreregardèrent et lui balancèrent un coup de poing magistral qui l’étala illico sur le sol. A ce moment-là, la fille sortit de la vitrine, se pencha sur l’homme au sol et dit aux gorilles.

-          Merci les gars. Je connais bien ce genre de type, le genre qui ose tout. Il ne mérite pas de garder sa carte bleue. Une de plus pour notre collection. Allez, débarrassez-moi de ça !

Le lendemain le Parisien titrait : « un nouveau corps d’homme retrouvé dans le canal St Martin. Sur son corps, comme sur celui des précédents cadavres, on avait écrit : Mort aux cons ! »

 

PS : photo prise dans le quartier de Pigalle

17 février 2017

La classe de lapins

20170213_131426J’aimerais bien faire cours à des lapins, voir leur petit nez bouger, quand la curiosité est en éveil, et leurs grandes oreilles se dresser pour s’écouter les uns les autres. Je pourrais aussi les appeler « mes lapins »…

Stop, arrêtons ces rêveries déplacées ! Je ne fais pas cours à des lapins, mais à des adolescents. S’ils bougent, ce n’est pas leur nez, mais leur corps avide de se tourner vers le voisin de derrière ou celui d’à côté ;  et si leurs oreilles se dressent, ce n’est certes pas pour écouter ce qui se dit en cours.

Une collègue me disait que l'un de ses élèves portait un tee shirt qui disait : « Mon corps est ici mais ma tête est ailleurs. » Voilà, c’est exactement ça, ce petit « lapin » a bien résumé la situation !

Je me demande quel genre de message je pourrais faire passer sur mon  tee shirt. Peut-être : « Qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse ! »

 

PS : photo prise à Rouen dans un joli magasin de jouets.

5 août 2018

Les goélands

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En passant devant cette maison, elle a observé la façade, sorti son appareil, et s’est demandée qui avait eu cette  idée étrange.

Elle - qui jamais ne hurlait - détestait les goélands et leurs cris stridents.

-          Propriété privée ! a aussitôt crié une voix mâle alors qu’elle terminait ses photos.

Il était à la fenêtre. Polie, elle lui a répondu.

-          Monsieur, je ne suis pas chez vous que je sache, mais dehors.

-          Propriété privée ! a-t-il repété.

-          Si vous ne vouliez pas qu’on prenne de photos, il ne fallait pas mettre de goélands sur le mur !

-          Propriété privée !

Agacée, elle a lancé quatre cris stridents qui ont séduit les goélands qui volaient aux alentours.

Puis, remarquant que l’homme ne fermait toujours pas sa fenêtre, elle a ajouté, ironique.

-          N’oubliez pas de dire aux goélands que la propriété est privée !

-          Les goélands ne sont pas humains et je les emmerde.

-          Certes, a-t-elle ajouté, mais parfois les oiseaux sont plus humains que les humains eux-mêmes.

L’homme l’a regardé méchamment et sa dernière réponse l’a laissée bouche bée.

-          Vous vous prenez pour Dieu ou vous êtes cinglée ? Un petit tour à l’asile ça vous ferait du bien. Décidément, toute ma vie les femmes m’auront fait chier !

Juste après, « le sauvage »  a fermé la fenêtre qu’en temps ordinaire il ouvrait rarement.

 

PS : photo prise au Tréport en juillet 2018

2 juin 2023

La coupe

20210824_210105Quand il est entré dans le salon, le coiffeur lui a demandé quelle coupe il voulait et il a répondu.

-          Une coupe énergétique, bien sûr.

-          Oui, mais encore.

Etonné, il a observé le coiffeur un instant – sa coupe était à l’opposé de ce qu’il souhaitait. Il a donc précisé.

-          Coupez court et le contraire de ce que vous avez.

-          Très bien.

Ce « très bien » l’a un peu inquiété, mais à l’âge qui était le sien, peu lui importait le résultat. Plus personne ne le regardait, à part les SDF à la recherche d’un euro ou d’un ticket repas.

Pendant la coupe – qui a duré 15 minutes – il a décidé de fermer les yeux et de penser à sa femme – partie avec un autre -  puis à sa mère – décédée -  puis à… et il s’est arrêté là car la coupe était terminée.

-          Vous pouvez ouvrir les yeux monsieur, a dit le coiffeur.

Il s’est observé sans prononcer un seul mot, se contentant de regarder le visage flasque qui était le sien. Une coupe affreuse pour un visage monstrueux, a-t-il pensé

-          Je vous dois combien ?

-          Vingt euros monsieur.

Après avoir payé, il a conclu.

-          Une coupe énergétique qui me donnerait presque envie de me couper la tête ! Bonne journée monsieur et un conseil, changez le nom de votre salon de coiffure.

 

PS : photo prise à Pont-Audemer, charmante ville de l’Eure. Prochain texte, mardi.

 

13 novembre 2012

Clin d'oeil

PT023029Il passait son temps à photographier des “ décrépitudes ”. A ceux qui s'étonnait de sa monomanie,  il répondait : je m’habitue ! Quand ils ne se satisfaisaient pas de sa réponse il précisait : vous avez vu l'état de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal ? Nous vivons l'Europe de la décrépitude. Alors de deux choses l'une : soit on s' habitue, soit on passe à autre chose...

PS : Photo de gballand prise à Burano en novembre 2012

 

11 mars 2013

Le retour de la lune

PT292795Cela faisait un mois que la lune avait disparu. Certains avaient cru qu’elle s’était noyée dans un canal, d’autres qu’on l’avait avalée en la prenant pour une hostie. Pourtant,  au bout d’un mois  elle réapparut, sans explication aucune.

C’est ce jour-là que Morgan avait composé son hymne à lune. Tous les canaux de Venise avaient frissonné et ses notes avaient glissé sur la partition de la lagune…

 

PS : photo prise par C. V. à Venise en novembre 2012

6 mai 2023

Avatar

squelette

La vie de Rémi ne tenait qu’à un squelette, son confident, sa tête de proue, son phare. Personne ne voyait ce squelette, à part ceux qui avaient eux-mêmes pour ami un squelette et qui, parfois, s’adressaient à Rémi avec des questions simples, toujours les mêmes : Vous vous êtes connus il y a longtemps ? Vous  parlez de tout ? Et de quoi, surtout ? Et la nuit, plus de cauchemars ? Votre squelette est-il jaloux ? etc.

Depuis que ce squelette – il l’appelait Avatar – était entré dans sa vie, rien n’avait changé de l’extérieur - toujours aussi bedonnant, triste et vouté - mais de l’intérieur, quelles transformations ! Certes il aurait souhaité que l’intérieur résonne à l’extérieur avec quelques touches impressionnistes de gaieté et d’esprit. Hélas, non, l’extérieur l’entourait toujours de grisaille.

-          Change de couleurs de vêtements, lui avait suggéré Avatar. Un peu de bleu ciel, peut-être,  ou de vert.

Impossible, ce chemin ne lui seyait pas.

-          Essaie de sourire, avait-il ajouté un jour.

Impossible aussi, ses lèvres suivaient toujours ce chemin d’affaissement de gauche et de droite. Avatar ne suggéra donc plus rien, et leur couple suivit une vie douce et apaisante jusqu’au jour où Rémi rencontra Frida. Mais moi, narratrice, je ne vous dirai rien d’elle, Avatar me l’a formellement interdit et toute confidence pourrait me mener sur le chemin de l’extinction de l’imagination…

 

PS : photo prise par CV. Prochain texte, mercredi.

7 octobre 2011

Vases communicants

Vases communicants
Le Tiers livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale...
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