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Presquevoix...
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30 novembre 2023

La lecture

« Tu sais la maîtresse elle déteste les enfants », lui avait dit le petit garçon de 10 ans qu’elle voyait une heure par semaine afin de l’aider sur le chemin de la lecture.

-          Tu en es sûr ?

-          Oui, elle dit des choses pas gentilles.

Elle n’avait pas su quoi répondre et avait continué à lui faire lire la très courte histoire de son livre de français. Lire ressemblait à une pente ardue où l’enfant devait s’accrocher aux syllabes. Une fois les quatre phrases du premier paragraphe achevées, elle les avait relues lentement, comme à l’habitude, et elle lui avait demandé s’il comprenait. Il lui avait dit que oui, mais il lui demanda tout de même de lui expliquer deux mots.

La montée vers le sommet était lente et fastidieuse parfois, mais l’arrivée était une petite victoire pour lui, mais aussi pour elle.  

Quand pourrait il vraiment lire ? Mystère. Les mots n’avaient encore apporté aucune réponse, l’enfant non plus, il suffisait donc d’attendre…

 

PS : prochain texte, samedi

26 novembre 2023

Au café

Elle était installée au café des deux magots - sa table était juste à côté de celle de l’homme en noir - et, pour la première fois depuis longtemps, elle avait adressé la parole à quelqu’un du sexe opposé.

-          Bonjour – lui avait-elle glissé d’une voix douce - je suis née le même jour que la vierge Marie, dans trente jours donc. C’est beau non ? D’ailleurs je suis moi-même vierge.

Il l’observa rapidement, hocha de la tête et dit.

-          Ah bon, ça ne se voit pas. Excusez-moi, je dois partir, j’ai rendez-vous.

-          Dommage. C’est la Vierge ou la virginité qui vous font peur ?

-          Les deux je crois. D’abord parce que je ne suis pas catholique et ensuite parce que je suis vierge moi-même. J'espère que vous aurez de la chance dans votre recherche.

-          Merci. Eh bien bonne journée à vous monsieur, et à bientôt, peut-être. Pour moi, vous serez l'homme en noir.

Il ne répondit rien. Déçue, elle le regarda s’éloigner dans sa petite veste noire, étriquée. Quant à elle, corsetée dans son pull vert tendre, elle reprit sa lecture de « mémoire d’une jeune fille rangée ».

PS : prochain texte, jeudi.

22 novembre 2023

Influenceuse

Elle avait un CV travaillé au cordeau, mais impossible de trouver du travail depuis un an ; alors, elle était devenue « influenceuse de livres ». Un petit revenu, certes, mais que de « followers » ! Il faut dire qu’elle y avait mis le paquet.

 Chaque jour elle se filmait allongée sur son lit un livre à ses côtés, dans des tenues « affriolantes » que rarement le commun des mortels ne mettait pour lire au lit.  Ses commentaires étaient concis et sexy ;  que désiraient les « followers » si ce n’est de la vivacité et de l’ « intime » ?

Son amoureux du moment, étonné par ses « shows » quotidiens dans le registre de la littérature lui avait dit.

-          Bizarre ce succès, on ne peut tout de même pas dire que tu sois une grande lectrice, mon amour ou je me trompe ?

-          N’oublie pas, tout de même, que j’ai fait une maîtrise de lettres modernes.

-          Certes, mais il y a combien d’années ?

-          Dix ans exactement.

-          Et ton dernier livre de chevet, lu de la première page à la dernière, c’était quoi et quand ?

Elle sourit, prit ce qu’elle appelait son « carnet de travail », tourna les pages, une fois, deux fois, trois fois et finit par dire.

-          Aucun, mais en ce moment, je ne lis que des romanciers morts.

-          Donc ?

-          Tiens, Zola par exemple. J’ai vu la série anglaise Paradise sur Arte replay, ça m’a plu et j’ai lu quelques chapitres du livre « Au bonheur des dames » dont la série s’était inspirée. Je ne te cache pas que je saute des descriptions, mais ça ne retire rien à la lecture ; pas mal le regard de Zola sur la société. J’ai arrêté à la fin du cinquième chapitre, mais ça, je ne le dis pas. Souviens-toi : 100 000 followers, et ça, c’est de l’argent qui rentre !

-          Je vois, je vois.

-          Bon, excuse-moi mon amour, mais je vais devoir me mettre ma tenue du jour et me filmer pour ma mise en scène quotidienne au pays des livres. Je n’en ai que pour cinq minutes et après, si tu veux…

Il observa sa nouvelle tenue, son pantalon moulant, son tee shift décolleté, sourit et répondit.

-          Oui, je veux. A tout de suite !

 

PS : prochain texte, dimanche

 

18 novembre 2023

La convergence des bites

Ils avaient appelé leur club « La convergence des bites », histoire de plaisanter un peu car les temps étaient durs au Sénat et à l’Assemblée Nationale. L’heure était à l’autosurveillance et à l’autocontrôle afin d’éviter les accusations d’antisémitisme, de machisme, de sexisme, d’Atlantisme, de racisme, de colonialisme ou de terrorisme. Il est vrai que la liste des « isme » était bien plus longue et un « isme » pouvait toujours en cacher un autre ! Les huit hommes de ce club « select » avaient entre 50 ans et 70 ans. Craignant de « craquer » - comme ils le disaient souvent - ils avaient choisi de pratiquer l’absentéisme. Ils étaient tous du même parti, sauf deux, mais la rumeur disait que, bientôt, un neuvième membre pourrait entrer dans « La convergence des bites ». Il s’agissait du ministre de la justice, condamné à une peine d’un an de prison avec sursis. Qui sait s’il n’apprécierait pas une petite détente hebdomadaire afin que son moral ne chute pas aussi vite que ses valeurs morales.

Leur session hebdomadaire avait lieu au café de la quintessence, et ils naviguaient entre blagues légères ou salaces, bières ou vins divers, politique, économie et, bien sûr, ils terminaient invariablement leur séance par un » dessert » succulant :  un résumé des potins du Sénat et de l’Assemblée !  

Le nom du club avait été trouvé par le plus jeune d’entre eux qui, avant d’être député avait été directeur de communication d’une grande entreprise privée. Sa navigation au long cours au service de l’efficacité des mots l’avait fait glisser sur la pente d’une vulgarité de « bon aloi » au royaume de certains hommes politiques.

Ces huit hommes n’étaient pas amis, certes, mais cette convivialité hebdomadaire en avait amené certains sur le chemin des confidences ; seulement est-il prudent de se confier à l’autre lorsque l’on appartient au club de la « convergence des bites » ?

 

PS : prochain texte, mercredi.

14 novembre 2023

Mort subite

A chaque fois que leurs opinions divergeaient, il lui répétait qu’il avait besoin de sérénité, d’apaisement et de tranquillité, non d’oppositions et de conflits. Alors, elle lui répliquait.

-          Mais comment être d’accord si on n’est pas d’accord, et le tout dans la sérénité la plus complète ? Certes, je suis parfois impulsive, mais tout de même, n’exagère pas !

Un jour, afin de sortir de la boucle des habitudes, et en désespoir de cause, elle souligna.

-          Bon, moi je ne vois qu’une solution au calme ad vitam aeternam : la mort !

Aussitôt, il passa l’arme à gauche. Était-elle coupable ?

 

PS : prochain texte, samedi.

10 novembre 2023

Le bureau des droits de l’homme

« Le bureau des droits de l’homme sera fermé pour une durée indéterminée », voici ce qui était écrit sur la porte de ce bureau qui existait dans chacun des 195 pays actuellement répertoriés dans le monde.

Personne ne s’en étonnait. Les guerres succédaient aux guerres, la désinformation succédait à l’information, l’aveuglement succédait au discernement et, derrière chaque chose surgissait une croyance qui se nourrissait d’aliments simples à digérer afin d’éviter toute réflexion ou toute idée extérieure à la norme de chacun de ces 195 pays.

Inutile de dire que les hommes au pouvoir adoraient cette apathie citoyenne. Quant aux habitants de ces 195 pays, nombreux étaient ceux qui se soumettaient car ils avaient oublié cette ancienne règle qui disait qu’à chaque « dite vérité », émanant de quelque pouvoir que ce fût, on se devait d’avoir en tête la phrase suivante : « Toute RANCOEUR est une AMPUTATION 

PS : prochain texte, mardi.

5 novembre 2023

Amitiés d’EHPAD

Monsieur Rougeole et Monsieur Croque étaient arrivés à l’EHPAD il y a un an, presque en même temps. L’un avec sa femme, l’autre non car elle était morte avant lui. L’un était au deuxième étage, l’autre au troisième. L’un avait un déambulateur, l’autre une canne et, ce qui les réunissait, c’était l’humour et l’ironie. L’un sombrait de temps à autre dans l’humour noir, l’autre savait se tenir car sa femme lui disait souvent : « Monsieur Croque, stop, tu vas trop loin ».  En ce dimanche désert – ni l’un ni l’autre n’avait été invité par sa famille – ils se retrouvèrent, comme d’habitude, au « salon » du deuxième étage. Ce jour-là, Monsieur Rougeole n’était pas au meilleur de sa forme ; quant à M. Croque, il naviguait dans son nouvel univers en gardant l’œil ouvert, le bon, car nombreux étaient « les dysfonctionnements » dans cet Ehpad de rêve.

-          Tiens, encore un dysfonctionnement, comme dit la cadre de santé, sourit M. Croque. Regardez, encore un gueulard en fauteuil roulant, diplômé Alzheimer, qui est au deuxième étage au lieu d’être au rez-de-chaussée. Ce type n’arrête pas de gueuler, surtout le soir ; j’en peux plus. Qu’on lui apporte ses peluches pour qu’il la ferme. L’aide-soignant m’a dit que quand les Alzheimer étaient en fauteuil roulant, on les mettait au deuxième car il n’y avait pas assez de personnel à l’étage Alzheimer. Etonnant, non ?

-          Moi, j’en peux plus de tous ces simili-légumes au deuxième étage. Et puis, ces repas immondes ! Vous en pensez quoi, vous, Monsieur Croque, de ces repas qui ne s’améliorent pas malgré nos plaintes ? On fait une grève de la faim ? Quoique non, laissons la mort de côté, elle arrivera bien assez tôt. 

-          Moi je propose deux lettres, une lettre à la directrice de l’EHPAD et une lettre à l’Assurance régionale de santé. Les lettres c’est mon truc. Ma carrière, c’est une carrière de lettres diverses, variées et synthétiques.

-          Je compte sur vous Monsieur Croque et je la signerai en gros caractères. Vous voulez que je vous fasse une confidence ?

-          Oui.

-          Quand je vois la cadre de santé, je n’ai qu’une envie, moi qui écris peu, raconter une histoire dont elle serait l’héroïne et dans l’histoire, elle mourrait ! La dernière fois que je suis passée dans son bureau pour lui demander ce qui justifiait que je ne puisse pas gérer mes médicaments, et quand je l’ai entendue parler de dysfonctionnements, j’ai eu envie de l’égorger !

-          La cadre de santé, tuée par une histoire que vous créez, plutôt drôle ça, Monsieur Rougeole, et une bonne idée. Allez-y, et ça va mettre de l’ambiance si vous la faites lire au personnel ! Mais vous ne m’aviez pas dit la même chose au sujet de votre belle-mère ?

-          C’est possible. Celle-là aussi elle m’emmerdait, tout comme ma femme d’ailleurs car elle lui ressemblait. Pourquoi les filles ressemblent-elles souvent à leur mère ?

-          Ah, on croit perdre le passé, mais quand on vieillit il revient au galop. Tiens, il faudrait peindre le bonheur avec des points de toutes les couleurs, et le malheur avec des traits noirs qu’on essaierait de rayer avec une règle au fur et à mesure.

-          Dites-moi M. Croque, vous devenez poète.

-          Avec vous, peut-être, mais pas avec ma femme ; elle me reproche de ne pas parler. Elle oublie de se souvenir qu’elle passe son temps à me raconter toujours les mêmes histoires de son «passé  merveilleux » avant que je n’arrive dans sa vie, bien sûr, parce qu’après... Pas de chance pour moi, je suis tombé sur une amnésique.

-          Elle a peut-être des qualités votre femme ?

-          Je cherche Monsieur Rougeole, je cherche et… et je trouve : Elle dit toujours la vérité. Les autres, eux, ne savent pas et vivent au royaume du mensonge car ils sont incapables d’ouvrir les yeux sur leur propre vie !

-          Je vois. Bon, vous connaissez cette citation « Heureux ceux qui ont souffert car ils seront consolés ! »

-          Non, je ne connais pas et je n’y crois pas. Moi je dirais plutôt « Heureux ceux qui sont sourds car leur femme ne peut plus les emmerder ! »

-          Peut-être, mais on ne pourrait plus se parler puisque vous ne m’entendriez pas.

-          Oui, vous avez raison. Mieux vaut ne pas être sourd, alors. Surtout qu’avec vous, parfois, on rit.

-          J’ai une idée. Il faudrait une police des mots capable de catapulter les mots qu’on veut vous envoyer dans votre cerveau.

-          Ah, bonne idée.

-          Eh oui, très bonne, comme ça je pourrais supprimer les mots que me dit ma voisine de table, Madame Pinson. Elle aussi elle est en boucle, et si ça se trouve plus que votre femme. J’ai essayé de changer de table. Impossible m’a-t-on dit. Je suis condamné à manger avec madame Pinson jusqu’à la mort, la mienne ou la sienne !

-          Je vous plains, mais comme on dit, chacun sa croix, hein ? Bon, désolé Monsieur Rougeole, je dois y aller, car ma femme m’attend pour le goûter

-          Ah Monsieur Croque, quel bonheur d’être attendu par une femme !

-          N’est-ce pas, sourit-il, j’ai toujours dit que j’avais une veine de cocu !

Monsieur Croque se leva et marcha avec son déambulateur jusqu’à l’ascenseur. Quant à Monsieur Rougeole, il avait décidé de rester au salon pour voir les livres disponibles sur les étagères de la bibliothèque. Mais quand il vit Madame Pinson arriver en fauteuil roulant, il se précipita sur sa canne pour aller dans sa chambre.

PS : prochain texte, vendredi.

 

2 novembre 2023

L’ennemi

« L’ennemi est bête : il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui ! » (Pierre Desproges)

Un petit trait d’humour alors que les guerres nous renvoient un sombre reflet du monde dans lequel nous vivons. Mourir, mourir et encore mourir ? Jusqu’à quand ? Il est vrai que c’est un beau royaume que celui de la mort !

Comment se trouve-t-il que nul pays – en connaissez-vous un ? – n’enseigne l’éducation à la paix dès l’école maternelle et jusqu’à l’université ?

Et,si Dieu existait, n’aurait-il pas déjà mis en psychanalyse tous les "grands" de ce monde !

 

PS : prochain texte, dimanche.

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