Moi, lui avait-elle dit entre deux chouquettes, j’ai envie d’être en vie, alors je danse. Mariette en était restée abasourdie. La dame assise en face d’elle, du haut de ses 85 ans, l’assurait que sa rencontre avec la danse, cinq ans plus tôt,  avait transformé sa vie.

Alors, pourquoi pas elle ? A 75 ans, n’avait-elle pas toutes les chances d’être acceptée dans ce projet ? Tout être est un être dansant, conclut la dame aux cheveux blancs en lui adressant un sourire encourageant.

En rentrant chez elle, alors qu’elle quittait la rue des peupliers pour tourner à gauche, rue des papillons, Mariette se surprit à esquisser quelques pas chassés. Mais oui, elle aussi pouvait danser…

PS : texte écrit après avoir vu ce très joli documentaire « Danser le printemps à l’automne ». Je vous le conseille, surtout si vous pensez que l’âge peut être un obstacle à nos envies…

Il était cul de jatte, un accident de la vie - comme on dit - qui l’obligea à taire son rêve de devenir danseur. Enfant, il observait par la fenêtre les petites filles qui faisaient leurs exercices d’assouplissement aux barres asymétriques de l’école de danse. Avec application, elles s’astreignaient aux pliés-tendus-jetés puis, avant la fin du cours, elles s’élançaient sur le sol brillant qui accueillait leurs ébauches chorégraphiques. Leurs frêles jambes couleur chair l’émouvaient bien plus qu’il ne l’aurait pensé.
Lui aussi voulait danser, mais qui accepterait qu’un corps aussi différent puisse danser ?

PS : j’ai trouvé cette perle grâce à Patrick Cassagnes :

Adepte du pole dancing elle s’entraînait, à la nuit tombée, sur les poteaux de signalisation. Un matin elle eut la surprise de voir des policiers sonner chez elle. Ils avaient reçu une lettre anonyme déclinée en ces termes : « Soucieux de la protection du bien public et du respect des valeurs morales, je tiens à vous signaler que la personne qui réside au 45 de la rue des framboisiers se livre la nuit à des danses étranges sur les poteaux de signalisation de la rue ci-dessus, poteaux qu’elle risque de tordre. En espérant que vous prendrez en compte ma lettre, veuillez agréer… »

PS : pour voir du Pole dancing, c’est ici ! 

Quand elle dansait avec lui, elle oubliait tout, même l’âge de son partenaire inscrit au cœur des fleurs de cimetières qui émaillaient son visage. Une fois dans les coulisses, le charme était rompu, il n’était qu’un homme comme les autres.

Lui avait essayé maintes fois de l’embrasser – il la désirait depuis si longtemps -  mais à chaque fois elle s’était refusée. Frustré, il s’était résigné à lui effleurer la bouche sur scène, comme tant d’autres avant lui. On disait d’ailleurs d’elle, qu’elle n’avait  donné ses faveurs à aucun partenaire. Elle ne se donnait qu’à lui : le tango.

PS : Texte imaginé à partir d'une vidéo que j’ai eu la chance de voir sur le blog « humeurs en blog » de Candide. N’hésitez pas à cliquer, c’est un couple rare…

Il avait mis le doigt au bon endroit, c’était là que ça coinçait.

-    Tu vois, toujours au même endroit, lui a-t-il dit de sa voix un peu sèche.

Elle lui en voulait de ne voir que les détails et jamais l’ensemble ; mais elle devait se rendre à l’évidence :  son rôle était de la corriger. Il lui fallait travailler, encore et toujours, soumettre son corps, l’assujettir presque, afin que la liberté surgisse dans son plus simple éclat.

PS : Merci à R. B. pour sa photo.

Pour cette chorégraphie, les  cygnes étaient à l’honneur. Quand elle vit le premier s’approcher d’elle, elle eut un mouvement de recul. L’animal le sentit aussitôt et le petit coup de bec qu’il lui donna fut un avertissement. Jour après jour, pourtant, elle s’habitua à eux, jusqu’à ne plus les considérer vraiment comme des cygnes, mais comme des partenaires à part entière. Après trois mois de travail quotidien avec eux, elle leur ressemblait étrangement. D’ailleurs, la veille,  à la boulangerie, la jeune fille qui servait lui avait même dit en souriant.
-    A demain madame le Cygne.

PS : texte écrit après avoir vu cette chorégraphie étonnante de Luc Petton