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Presquevoix...
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28 septembre 2023

Lecture

Tous les jours, en classe de CM1, en début d’après-midi, il y avait le quart d’heure lecture. Gaétan, 9 ans, détestait ça. Lui, il ne savait pas lire, ou si peu. Il avait transformé le quart d’heure lecture en quart d’heure sieste mais, quand il ne dormait pas, il observait la maîtresse et il se demandait si elle-même aimait lire car, quand les enfants étaient censés lire, elle, elle regardait son portable et écrivait des SMS. Mais sans doute préférait-elle écrire ? Un jour il lui poserait la question, un jour peut-être…

PS : prochain texte, dimanche.

16 septembre 2023

Le mur de paroles

 

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 Thierry avait donné rendez-vous à Jean devant le mur de paroles. Maintenant ils étaient tous les deux assis sur un banc, face au mur, mais rien ne sortait. Soudain le portable de Jean  sonna et Thierry  dit.

-          Quand ça sonne, on éteint !

Jean n’avait qu’une envie, répondre, mais il savait Thierry irascible et il  le portable fut éteint.

-          Si je t’ai donné rendez-vous ici, Jean, c’est tout simplement pour que les paroles sortent.

Jean ignorait de quelles paroles Thierry voulait parler et il le laissa continuer en regardant le ciel qui semblait avoir un rendez-vous avec les nuages d’Eugène Boudin. Le monologue continua quelques instants jusqu’à ce que Thierry conclut.

-          Bon Jean, voici comment on va procéder : Je commence, tu continues et ainsi de suite jusqu’à ce que vérité s’en suive.

-          Comme au bon vieux temps de notre enfance ?

-          Exactement.

Jean se demandait de quelle vérité Thierry il s'agissait, mais avec lui, il valait mieux ne pas poser trop de questions. Jean  hocha de la tête et Thierry  commença.

T ( Thierry) :  La vérité attend son heure pour pouvoir se dire.

J ( Jean ) : Soit, alors lions nos mots pour le meilleur et pour le pire.

T : Ah, ah, ah, rire et dire, donc ?

J : Oui. Oublions-nous nous-mêmes, ça nous changera !

T : Certes, mais quand les mots de l’un ont la parole, les mots de l’autre ne doivent pas fermer leur gueule.

J : Serais-tu le meurtrier de la bienséance ?

T : Je n’ai jamais assassiné personne à part ma femme, et encore, par inadvertance. D’ailleurs, comme tu le sais, elle a ressuscité.

J : C’est vrai, je l’ai vue hier.

T : Ah bon, où ?

J : Avec votre chien. L’avantage avec les chiens, c’est qu’ils nous contredisent rarement, alors Cécile en profite pour parler avec lui.

T :  Tu veux dire que le chien est un bon compagnon pour Cécile ?

J : Exactement. Avec un chien, on a la priorité, qui que nous soyons et quoi que nous soyons. Au fait quelle heure est-il ?

T : Tu m’emmerdes avec ton heure. Le temps est toujours à l’heure.

J : Oui, mais jusqu’à quand ?

T : Jusqu’à ce que la vérité trouve le temps de pouvoir se dire.

J : Tu sais, moi je n’ai l’application « vérité » que sur mon portable, et comme il est éteint ! Ah, j’ai même l’application « comment être con ».

T :  Ça ne m’étonne pas, tu l’as même sans ton portable, non ? Mais revenons à Cécile et au chien. Donc ?

J : Donc, ils se promenaient bras dessus bras dessous dans la rue des bons enfants. Cécile riait et le chien bougeait de la queue.

T : intéressant. Tu leur as dit bonjour ?

J : A Cécile, oui. Le chien, lui, je l’ai caressé.

T : Je préfère ça que l’inverse.  Et ensuite ?

J : Tu veux la vérité ?

T : C’est le but du jeu, non ? Paroles et vérité.

J : Parfait. Elle m’a dit qu’en ce moment elle te trouvait bizarre, même avec le chien.

T : Et ?

J : Et qu’il valait mieux ne pas être seul avec toi parce que tu avais acheté deux choses : un révolver et un détecteur de pensées.

T : Ce qui est vrai. Tu as peur ?

J : Non parce que je viens de faire le tour de la vérité.

T : Rien d’autre ?

J : Je cherche… Ah oui, elle m’a dit que tu passais ton temps à faire des listes, mais elle ne savait pas de quoi. Elle m’a même dit que ça l’inquiétait.

T : Toi qui es psy, ça t’inquiète ?

J : Non, pas du tout, pas du tout… C’est même passionnant les listes. Moi si j’en faisais une, ce serait la liste de mes rendez-vous manqués. Et toi, quelle liste tu ferais ?

T : Celle des cons qui m’entourent.

J : Celle-ci doit être longue, non ?  

T : Comme tu le dis. Moi-même j’y siège.

J : en tête de liste ou en fin de liste ?

T : j’ai oublié. Mais pour en finir : tu couches avec Cécile oui ou merde ?

J : Tu veux la vérité ?

T : c’est le jeu, non ?

J : Eh bien oui, j’eus couché mais je ne couche plus. Cécile s’est lassée et maintenant, elle préfère se promener avec le chien qui, comme je te le disais est plus reposant.

T : parfait. Merci Jean. Maintenant, je me demande qui est le suivant sur la liste. J’imagine que tu ne le sais pas ?

Jean fit non de la tête. Il n’en savait rien. Il aurait pu dire à Thierry que sa femme était aussi  chiante – voire plus – que lui,  et qu’elle l’avait exténué, au propre comme au figuré, mais il  préféra terminer le « petit  jeu » dans le silence en pensant au proverbe : « la parole est d’argent et le silence est d’or. »

Au bout de 5 minutes Thierry se leva, partit sans rien lui dire. Jean alluma son portable,  écouta le message qu’on lui avait laissé. C’était Cécile qui lui disait en pleurant que son chien était mort.

 

PS : prochain texte, jeudi 28 septembre.

PS1 : photo prise sur un mur de Duclair l’été dernier.

12 septembre 2023

A-BA-Y A

Dans ce lycée de la banlieue rouennaise, on avait briefé les assistants d’éducation sur les abayas et les maîtres mots avaient été EXPLIQUER ENCORE ET TOUJOURS. Evidemment, aucun des assistants d’éducation n’était sorti de la réunion avec les idées claires. L’une avait même dit à sa copine.

-          Ils nous font chier avec les abayas. Ils préfèreraient peut-être qu’elles se foutent en mini-jupe ras du cul ou en short avec un tip top sous les seins ?

Et l’autre avait répondu en souriant.

-          Moi, tu sais, je suis musulmane et je préfère le pantalon, comme toi. Tout ce que je sais, c’est qu’on va jamais y arriver, et puis il y en a qui arriveront encore plus en retard en cours que l’année dernière. Sans parler des menaces de mort si ça continue.

-          Tu crois ?

-          Ben qui sait ? Ils vont peut-être la jouer Samuel Paty.

-          Tu me fous la trouille toi.

Soudain un jeune assistant d’éducation arriva derrière elles et les interrompit

-          Eh ben il y a qu’à dire : Abracabaya, dis-moi si ta robe est une abaya !

-          Ah ah ah, très drôle, dit l’une.

-          En tout cas, déjà l’année dernière ce boulot m’a fait chier, mais cette année ça va être pire. Je me demande si je vais pas me tirer d’ici.

Et le jeune homme conclut.

-          Moi, demain, j’arrive en bermuda et par-dessus je mets mon abaya que je vais me couper aux genoux.

-          Chiche ? Tu vas lancer une mode masculine alors, super. Tu gagneras plus si tu es Influenceur !

-          En tout cas, pour les hommes, sache qu'on dit pas abaya, mais qamis !

Et ils partirent en trainant les pieds vers la salle où ils devaient avoir une réunion avec les CPE*

 

*Conseiller Principal d’Education

PS : prochain texte, samedi.

 

 

8 septembre 2023

Enigme

A 60 ans, après deux divorces, il avait épousé une femme de vingt ans de moins que lui qui avait toujours vécu seule. « Cela ne va pas durer longtemps ! » avait dit certains mauvais esprits. Pourtant si ! Et à 90 ans, avec ses cheveux teints, il en faisait vingt de moins ; quant à elle, avec ses cheveux blancs, elle en faisait vingt de plus.  La couleur des cheveux était-elle la seule explication de ce  rajeunissement  et de ce vieillissement chez l'un et chez l'autre ?

PS : prochain texte, mardi.

 

5 septembre 2023

L’instrument

Il était contrebassiste, son père était contrebassiste, son grand-père et son arrière-grand-père avaient été contrebassistes.  Un instrument que sa famille vénérait. Le seul problème : cette "maîtresse" l’obligeait à être considéré comme un hors-la-loi et elle lui coûtait cher. A chaque fois qu’il voyageait en train avec elle - les voitures avaient été banies de sa vie après un grave accident -  il le faisait la boule au ventre. Par deux fois les contrôleurs lui avaient fait payer une amende faramineuse car il n’avait pas le droit de voyager avec un instrument de plus de 1m30. Un « putain de merde vous vous foutez de ma gueule ! » lui avait échappé de la bouche ces deux fois-là, et l’amende avait failli être doublée. La troisième fois, il eut plus de chance. La contrôleuse avait elle-même un père contrebassiste et lui avait dit.

-           Motus et bouche cousue, un ? Mon père joue du même instrument que vous. Une fois, il a même été débarqué d’un train, vous vous rendez compte ! Bon voyage et bon concert à Orléans ; Que la contrebasse soit avec vous !

-          Merci. peut-être vous reverrai-je ?

-          Qui sait ? La SNCF nous fait beaucoup voyager en tant que contrôleur. Mais j'imagine que vous aussi, en tant que          contrebassiste !

-          Je suis sûr que nous nous reverrons. La contrebasse non plus ne vous oubliera pas.

Il regarda la jeune femme partir dans son uniforme sévère et il lui fit un dernier signe de la main.

PS : prochain texte, vendredi.

 

1 septembre 2023

Les anniversaires

Le premier septembre 2023, jour de son anniversaire, son ami Mathieu lui a offert le livre que lui-même lui avait offert le 23 décembre 2022, jour de son anniversaire. Il a voulu le lui souligner avec un trait d’humour, mais l’humour était loin de son paysage intérieur, alors il a juste dit.

-          Merci Mathieu. Ce livre me dit quelque chose, mais je ne sais pas quoi.

Et Mathieu lui a répondu.

-          Eh bien tu me l’as offert l’année dernière pour mon anniversaire. Il m’a plu alors je te l’offre à mon tour.

Il s’est contenté de sourire et, la seule chose qui lui est venue à l’esprit a été.

-          Les bons livres font les bons amis, n’est-ce pas ?

-          Exactement. Tu as remarqué que le personnage principal est très proche de toi.

-          Ah bon, tu trouves ? Je pensais plutôt qu’il te ressemblait. Etrange comme on se connaît mal soi-même !

Mathieu a conclu rapidement.

-          Bon, je dois partir, j’ai un rendez-vous avec une amie. Inutile de me remercier pour le livre. Ce n’est pas grand-chose, mais un pas grand-chose qui peut changer une vie.

-          Mais je l’ai déjà lu avant de te l’acheter, ce livre, a-t-il tout de même répondu, agacé, à Mathieu.

Celui-ci a conclu, légèrement.

-          Ce sera donc une deuxième lecture. Comme il ne fait que 200 pages, une semaine suffira, et une semaine dans la vie d’un homme pour mieux se connaître, ce n’est pas gaspiller son temps ! Allez, au revoir et à bientôt.

Il a hoché la tête, a regardé son ami partir et s’est dit que jamais, jamais plus il ne lui ferait de cadeau pour son anniversaire.

PS : prochain texte, mardi.

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