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26 février 2012

On a marché sur la lune

P8040114On a marché sur la lune ! Le monde entier pouvait s’écrouler, peu lui importait, il y avait Tintin, Milou, et lui.

Onze ans plus tard, Tintin et Milou avaient disparu. Dans la lune, par contre, il y était souvent, même si parfois il cherchait un endroit où il pourrait poser pied…

PS : texte écrit à partir de cette photo prise par C. V.

27 février 2012

Duo

Pour ce nouveau Duo avec Caro, du blog « les heures de coton », voici les ingrédients : une citation de Eric Holder, lue sur le site de Patrick Cassagnes  - Comment expliquer... cette cassure entre vouloir et ne pas pouvoir ? -  puis ce fado, chanté par  Mariza, “ gente da minha terra ”.

Voici son texte, le mien est sur son blog.

                                                               ___________________________


Un charme qui vient du nord… ou bien du sud ?

           " Comment expliquer... cette cassure entre vouloir et ne pas pouvoir ? "

 

caroElle lui avait dit qu’il pouvait l’appeler de jour comme de nuit, que cela ne la dérangeait pas. Il l’avait regardée, étonné. Vraiment ? Même à minuit ? Même au petit matin ? Même s’il la réveillait ?

Elle répondit. Non. Aucun souci. Mais est-ce qu’on croit vraiment ce que l’on dit ? Au fond, ne pense-t-on pas que l’autre va être flatté et puis qu’il oubliera ? Une sorte de bonne parole qui ne coûte pas cher.

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Il est trois heures six du mat, un dimanche, et la bonne parole se rappelle soudain à elle. Réveil en sursaut. Elle sourit pourtant. Elle a reconnu le jingle annonçant un texto de lui. Elle ne l’avouerait pour rien au monde, mais les SMS amoureux - et coquins - et même plus - l’enchantent.

Six mots l’attendent. Six mots, trois fautes d’orthographe et une baffe sentimentale. Elle ne sourit plus. Ce n’est pas la première fois qu’elle se fait plaquer. Mais par SMS en plein milieu de la nuit, c’est une première.

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Le lundi soir, elle atterrit dans un bar au look phosphorescent. Elle trinque avec Lulu qui a le même don d’aligner les aventures courtes et sentimentalement assassines. Deux heures à boire et à tournicoter autour de cette question existentielle : comment refuser un mec, comment ne pas recommencer les mêmes erreurs ? Vouloir et ne pas pouvoir, c’était un résumé lapidaire et réaliste de leurs vingt-sept années de vie, trois mois, quatre jours et des poussières de minutes.

Après avoir partagé un mètre de shooters, Lulu et elle s’étaient fait le serment de devenir des femmes fortes, de ne plus délirer sur le premier Scandinave venu. Parce que ça aussi c’était un problème. Pourquoi s’être focalisées toutes les deux sur les blonds types surfeurs avec un cul de rêve. Ça hypothéquait singulièrement leurs chances de réussite en amour. Un peu comme envoyer seulement quatre CV bien ciblés quand on habite une région sinistrée, avec 38 % de taux de chômage chez les moins de trente ans. En vidant leur dernier verre, elles avaient pris ensemble la décision symbolique de s’inscrire à des cours de flamenco. Le nouveau focus : une population masculine exclusivement brune.

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Dix jours après, elles poussent la porte du club lusophone de  Saint-Quentin. Une odeur inconnue et intrigante vient de la cuisine ; une vidéo passe en boucle. Lulu va directement vers un brun fortement décoloré. Bonjour la résolution ! Hésitante, elle finit par se planter devant la télé : une nana aux cheveux si ras, qu’elle aurait voulu être capable d’arborer la même coupe, y danse et gémit avec grâce. Elle sent les larmes rouler sur ses joues. C’est malin, pour son premier cours de fado, elle va être moche à souhait.

Et puis, cette main sur son bras. Un parfum de musc et de vanille. Elle en a la chair de poule. L’impression de s’être transformée en une statue de marbre. Quand elle entend la voix de Manuel Teixeira et qu’elle se retourne, elle retrouve ce réflexe d’enfance. Une prière muette : « Faites, mon Dieu, s’il vous plaît, que cet homme ne me brise pas le cœur comme les autres. J’ai tenu ma promesse, il est brun, pas blond comme le gars qui tient déjà Lulu par la taille. Père, je ne veux plus souffrir. » Elle ferme les yeux et les ouvre. Sa bouche s’arrondit en une cerise rouge à croquer et elle suit docilement l’homme qui la tient par la main et l’amène vers une porte au fond de la salle. Sur l’écran, les mains de la femme en noir se serrent tandis que la voix chante, pleure, sourit. Espère.

29 février 2012

Danser

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Quand elle était petite, elle s’exclamait : c’est beau la danse ! Maintenant, elle danse, pour de vrai.  Quand son professeur lui dit : Monte ta jambe ! Plus haut ! Attention, tendu !  Tendu je te dis ! Elle a envie de bondir et de lui tordre le cou. Mais elle sait qu’il a raison. Il lui faut tendre cette jambe et elle la tend. Elle y met même toute son attention. Que de torsions, de tensions et d’application. Etre dans chaque mouvement, chaque figure, chaque arrondi, chaque plié… Danser encore et toujours, pour être un corps présent dans la beauté de l’instant.

 

PS : texte écrit à partir de cette photo de R. B.

8 mars 2012

Le rêve

Portugal avril 2011 137Il apparaissait dans l’ombre de ses rêves et soit il voulait la dévorer, soit la violer. A chaque fois, elle réussissait à  lui échapper en se réveillant, sauf cette nuit-là. Ses bras l’enserrèrent, ses pieds d’écailles s’arrimèrent à ses jambes et ils roulèrent dans les flots d’une mer transparente.  Quand le coquillage se referma sur elle, elle ne savait plus ni qui elle était, ni où elle était. Le jour où elle donna naissance à son premier enfant, elle se souvint, mais il était trop tard...

PS : texte écrit à partir de cette photo prise par R. B. au Palacio da Pena, à Sintra.

 

10 avril 2012

Le fromage

IMG_3938[1]Elle déambulait dans ce marché flamand à la recherche de quelque chose  de typique – elle aimait ce qu’elle supposait être typique -  et soudain elle avait hurlé à l’adresse de son mari
- Non, mais tu l’as vu ?
- Non, quoi ? Répondit celui-ci qui flottait toujours en apesanteur entre monde réel et rêvé.
Elle lui répondit exaltée.
- Ce fromage ! C’est dingue !
Comme d’habitude il ne voyait pas ce qu’il y avait de  « dingue » dans ce qu’elle lui montrait, juste un fromage comme tous les fromages français, sauf que celui-ci était flamand, orange et de belle taille. Une taille d’ailleurs qui avait une vague ressemblance avec celle que prenaient les hanches de sa femme avec la ménopause. Mais ça, il ne le lui dit pas.
Comme d’habitude elle prit la photo sous plusieurs angles -  au cas où - et comme d’habitude il disparut dans la foule afin d’ éviter les commentaires qu’elle  lui ferait  immanquablement sur tel ou tel problème technique dont il se moquait éperdument.
Son pur esprit, épris d’abstraction,  supportait difficilement ses remarques prosaïques…

PS : photo prêtée par JCD et prise à Anvers, en mars 2012

22 avril 2012

Le heurtoir

IMG_3899[1]Elle avait coulé sa main dans le bronze et elle en avait fait un heurtoir. Une belle fin, pour une main.  Personne ne s’était jamais douté de rien et tout le monde avait accepté sa version : il était parti vivre avec une autre femme.


A chaque fois qu’elle rentrait chez elle, elle ne pouvait s’empêcher de sourire en regardant le heurtoir. Qui aurait pu imaginer qu’il finirait ainsi ? Ni lui, ni elle. Il lui avait toujours dit : « Toi, je ne pourrai jamais te faire de mal », et il avait tenu parole, jusqu’au jour où il avait voulu partir. « J’étouffe ! », lui avait-il dit, « Il faut que je prenne l’air ! ». Et de fait, sa main prenait l’air depuis un an, à la porte de chez elle.

PS : texte écrit à partir d’une photo de J.C.D.

23 mai 2012

La vitrine

IMG_3857[1]- Putain, t’as vu toutes ces bières Bernard !


Bernard jeta un coup d’œil blasé à la vitrine et répondit à Albert.


- Ouais, ça donne envie de se saouler la gueule, c’est sûr, mais comptes-y pas, et il lança un coup d’œil vers Arlette et Josiane qui continuaient à marcher bras dessus bras dessous.

 

Bernard laissa Albert  rêver devant la vitrine. C’est la voix de sa femme qui le sortit de son extase.


- Bon, t’avances ou quoi, tu commences à nous emmerder à  toujours traîner les pieds !


Albert se demanda si  Josiane avait toujours eu cette voix désagréable, mais il avait oublié, depuis le temps. Ce qui était certain, par contre, c’est que  trente ans plus tôt  elle ne pesait pas 90 kilos.

PS : texte écrit à partir d’une photo de J.C. D. prise à Anvers en avril 2012

1 mai 2020

En ce premier mai... fête internationale des travailleurs...

Jean-Pierre Rosnay est le fondateur du Club des Poètes. Voici, ici, son poème ordre du jour qui, en cette période de confinement, peut donner matière à penser, à sourire, à imaginer, à s'égarer, à se rebeller, à s'amuser, à soupirer, à aimer, à voler peut-être...

Bon, je vous dis bonne journée. Moi, je pars, poème à la main, pour la manifestation virtuelle. L'un des mots d'ordre sera : tenons "tête à l'adversité" sans "épargner l'adversaire" !

 

 

Ordre du Jour

Tenir l'âme en état de marche

Tenir le contingent à distance

Tenir l'âme au-dessus de la mêlée

Tenir Dieu pour une idée comme une autre
un support, une éventualité,

une contrée sauvage de l'univers poétique

Tenir les promesses de son enfance

Tenir tête à l'adversité

Ne pas épargner l'adversaire

Tenir parole ouverte

Tenir la dragée haute à ses faiblesses

Ne pas se laisser emporter par le courant

Tenir son rang dans le rang de ceux qui sont décidés

à tenir l'homme en position estimable

Ne pas se laisser séduire par la facilité

sous le prétexte que les pires

se haussent commodément au plus haut niveau

et que les meilleurs ont peine à tenir la route

Etre digne du privilège d'être

sous la forme la plus réussie: l'homme.

Ou mieux encore, la femme.

Jean-Pierre Rosnay
Jean-Pierre Rosnay


1 juillet 2012

Le chien

banc2C’était là, dans les herbes folles, qu’il avait trouvé le chien mort  il y a 20 ans, et il ne l’avait jamais oublié. Des mouches, comme autant de soldats prêts à l’attaque, voletaient au-dessus de la plaie béante qui avait vidé l’animal de son sang. Alors qu’il contemplait la scène,  stupéfié, une main puissante l’avait saisi, lui avait passé une laisse autour du cou, et l’avait attaché au banc. Un homme dont il avait oublié le visage lui avait ligoté les poignets à l’aide d’une corde rêche. Avant de  partir, il lui avait dit.
-  Maintenant, t’as plus qu’à aboyer, comme ce connard que je viens de tuer ! Peut-être qu’on viendra te chercher. Vas-y,  aboie !  avait-il ricané.


Et il avait aboyé jusqu’à ce que l’homme disparaisse à l’horizon. Aujourd’hui encore  il aboyait ; mais personne ne l’entendait...

PS : texte écrit à partir de cette photo, gentiment prêtée par Patrick Cassagne.

20 septembre 2012

Duo

Nouveau duo avec caro-carito, du blog " les heures de coton". Il s’agissait d’écrire un texte autour de cette chanson, " la symphonie d’Alzheimer.". Vous pouvez l'écouter plus bas, chantée par Luce. 

La chanson est de Barcella, pour savoir qui  est ce chanteur, c’est ici.

Le texte que vous allez lire est de caro-carito, quant à mon texte, il  est sur son blog

 

                                                                              _____________________

 La mort du bonhomme têtard.

 

bonhommesPremier jour. Un léger clic et ma vieille besace est prête. Lever tôt, réveil léger. Au dernier moment, je me décide à partir à pied. L’école n’est pas très loin. Il suffit de longer le chemin à travers la zone pavillonnaire du Moulin Bacôme. L’herbe est jaune et sèche au pied des allées de thuyas, l’été est tenace.

Je suis rentrée de Malaisie cette année. J’en avais assez de la chaleur, de l’éloignement et aussi des petits. Non que je déteste les enfants. Mais j’étais partie sur un coup de tête, j’avais rencontré Nico. Vécu avec lui. Puis, j’avais quitté Nico ou lui m’avait quittée, aucune importance. J’étais rentrée, j’avais trouvé un appart, un poste avec des grands d’école primaire. Finies les lettres qu’il fallait péniblement apprendre et dessiner, finis les chiffres trop nombreux, les chansons saturées de notes aigues et les feuilles pleines de maisons de guingois avec des oiseaux qui à force de feutre noir ressemblait à des corbeaux neurasthéniques. Au total, les petits bouchons me déprimaient, avec ou sans couette, jupe, bonbons et bonjours sucrés.

J’étais donc redevenue l’instit que je désirais être. Dans une ville de banlieue ennuyeuse et sans éclat. La cloche avait sonné sans même une fêlure, je me tenais derrière mon bureau. Devant mois 15 garçons, 13 filles.

Une demi-journée à blablater sur l’organisation (provisoire vu qu’il nous manquait une réponse de la mairie pour la piscine, un prof d’anglais fantôme … et une bibliothèque minuscule, repeinte de neuf avec un certain choix en livres, mais aucun rayonnage !).

La journée s’étirait, j’avais ramassé les derniers tests de calcul et de français. Dans deux minutes, je rejoindrai Magali pour surveiller la cour. Nous discuterions un peu de notre journée et de la directrice, aussi neuve que moi dans ses fonctions. La cloche de nouveau, plus qu’une heure à tuer. Je savais que je proposerais une activité de dessin pour meubler la fin de la journée. Nous illustrerons les dernières vacances. Va pour une demi-heure tranquille pour ces vingt-huit têtes plus ou moins blondes.

Tout à leurs souvenirs, ils crayonnaient maintenant avec ardeur. Parfois une main se levait et je ramassais la feuille colorée ; une majorité de plage et de ballons, des mouettes bancales et des robes à fleurs s’entassaient sur le bureau. Tiens, deux vues de montagne, et une télé qui mangeait toute la table, original. Je notai mentalement l’auteur du dessin, un maigrichon aux joues tavelées de taches de rousseur. À la place, je lui tendis un coloriage magique avec des opérations simples. Je repassai en revue les feuilles, filles joufflues, membres rembourrées. Je soufflai, ma première journée de classe marquait la mort du bonhomme têtard. Ce monstre au faciès hideux, aux mains hérissées de doigts et au corps rond et laid qui m’avait poursuivi pendant quatre ans avec autant de ténacité que les moustiques qui peuplaient le bord de mer d’Andaman.

Un léger bruit. Julien me tendait quelque chose. Machinalement, j’attrapai l’assemblage de triangles et de quadrilatères qui dès qu’il serait décrypté et crayonné formerait un paysage de la savane. Il s’en empara et bientôt je ne vis plus qu’une tête brune et décoiffée, s’agitant par moment, silencieuse à d’autres. Je remis à l’endroit le dessin en noir et blanc, respirai de travers et posai mon regard sur le gamin.

Un affreux, un immonde bonhomme têtard. Pouah. Rictus immonde - et détail ultime ! - un couteau planté dans le corps avec des gouttelettes de ce qui devait être du sang et qui couvrait toute la feuille. Je regardai le visage appliqué de l’enfant, je le voyais colorier avec application le vert qui marquait les multiples de 2 dans un losange.

Je l’attrapai juste avant l’étude. J’aurais dû être en chemin, mais je voulais écarter de ce premier jour de rentrée la perspective d’un enfant qui trainait peut-être quelques casseroles sociales insoupçonnées. Il m’expliqua benoitement qu’il s’agissait de M. Al Zeimer, un vilain, un monsieur qui avait attaqué Mamie sournoisement depuis le début de l’année et qui faisait qu’elle répétait inlassablement les mêmes phrases, lui chantait dix fois la même berceuse, lui servait trois chocolats au lieu du jus d’orange dont il était friand pour goûter. En avait-il parlé avec ses parents ? Il haussa les épaules… Papa disait que c’était cet Al Zeimer et qu’il fallait envisager le pire, maman dans un chaos de larmes et de cris soutenait que ce n’était pas ce gars-là qui était en cause, que c’était la vie et que pas question de mettre Mamie dans un enfer qui puait. Mamie.

« Julien ! » l’enfant faillit s’envoler, mais il se retint. « Au revoir, maîtresse. » Devant l’entrée de la cour, la femme brune se pencha pour l’embrasser, redressa tendrement le col du polo bleu ciel, leurs mains s’attrapèrent et ils disparurent bien vite au coin de la rue. Je remontai prendre mon vieux sac. J’avais pensé rentrer directement chez moi, trier et noter ce premier jour. Je me décidai à aller vers le plan d’eau. À la brioche angevine, je pris un jus d’orange et un petit pain et allai en direction du bord du lac. Assise dans l’herbe, je branchai mon i-pod et j’écoutai en boucle cette chanson, Symphonie d’Alzheimer... Je repensai à mes propres vacances, au repas de famille du 15 août aux Sables-d’Olonne et ces failles de mémoire si proches que j’avais observées chez Mamoune, notre doyenne, notre pierre angulaire. J’appuyais sur le replay. Cette chanson m’avait obsédée tout l’été ; pourtant je n’arrivais pas à la lâcher.

Un canard s’ébroua devant moi. Je vis passer un jogger. Je repensai à Julien ; moi aussi, soudain, j’avais envie de tuer ce sale bonhomme têtard, quel que soit son nom Al Zeimer ou autre chose.

30 novembre 2012

Le cimetière

IMG_0393Le vent était tel et les pluies si fortes que la ville était devenue un cimetière. Ils étaient partout, dans les postures les plus improbables, étalant leurs blessures et ravivant les siennes.
Les baleines tordues et les tissus déchirés hantaient ses nuits.
Ce samedi-là, quand elle est tombée sur lui, coincé entre un arbre et un poteau en bois, elle n’a pu faire autrement que de le ramasser afin de l’entreposer dans la cuisine,  près du radiateur. Là, il serait mieux...

PS : photo prise par C. P. à Venise en novembre 2012

5 janvier 2013

Le design

IMG_0386« Pas mal ce design, hein ? », lui avait-il dit en montrant du doigt la vitrine.

Elle avait bougonné un « ouais ouais... » et puis elle s’était campée devant une autre vitrine.

C’était bizarre, à chaque fois qu’il aimait quelque chose, elle prenait un malin plaisir à le lui détruire ou à faire l’indifférente. Un jour, il le lui dirait, un jour...

 

PS : photo prise par C. P. à Venise en novembre 2012

7 mars 2013

L’hôtel canin

PT032540Week-end du 15 aout. Ils étaient partis sur les routes de France sans rien réserver. Après dix appels infructueux, où on leur avait systématiquement répondu  que tout était plein, ils virent l’hôtel canin. En désespoir de cause, ils tentèrent leur chance.


Ce fut lui qui rentra le premier, à quatre pattes, en aboyant. Elle suivait avec les valises. La réceptionniste n’y vit que du feu. Ils eurent leur chambre à dix euros la nuit, petit déjeuner compris, avec croquettes, comme il se doit.

PS : photo prise par C. V.

18 mars 2013

Les volets clos

potsDorénavant les volets resteraient clos. Seules survivantes de la maisonnée, ces deux plantes qui se faneraient au fil des jours mais que plus personne ne retirerait.


Les déménageurs étaient venus. Ils avaient emporté les derniers meubles - ceux qui étaient restés empilés près du perron - et  avaient laissé au jardinet un aspect désolé qu’il n’avait jamais eu. Elle n’entendrait plus de vociférations permanentes, ni la radio qui " gueulait " lorsque la porte de la cuisine était ouverte, elle n'achèterait plus, non plus,  « Télé Star » au supermarché du coin. Désormais sa voisine était en maison de retraite et sa maison serait vendue. Finalement, elle lui manquait un peu…

 

PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes.


21 mars 2013

Le cerf

CERFElle le voyait toutes les nuits mais elle l’observait à distance. Elle le trouvait presque trop beau, avec ses yeux en amande, ses bois lisses et ses oreilles incrustées de diamants. Il apparaissait toujours lorsqu’elle marchait dans la forêt enchantée, celle où les fleurs se transformaient en papillons de toutes les couleurs.


Sans doute était-elle amoureuse, mais une femme peut-elle tomber amoureuse d’un cerf ? Certes, les personnages de rêves ont tous les droits, elle le savait, mais était-elle vraiment un personnage ? Et puis une nuit elle se risqua. Le cerf s’abreuvait près d’un lac et ses bois ruisselaient de lumière de lune. Elle l’aborda le plus simplement du monde et il lui répondit le plus simplement du monde…


Quand son réveil sonna à 6 heures tapantes, comme tous les jours travaillés, elle galopait encore, accrochée au cou du cerf dont les bois l’enserraient tendrement. Elle conçut un tel dépit en découvrant sa chambre aux murs nus qu’elle ferma les yeux et décida de ne plus les rouvrir…

PS : photo gentiment prêtée par Patricia du blog « un autre reg’art »

27 mars 2013

L’attente

01082008093Elle l’avait patiemment attendu sur la jetée, comme il le lui avait demandé. Elle avait d'ailleurs tellement attendu, qu’elle en était presque devenue bleue, aussi bleue que l’océan qui s’étendait sous la ligne du ciel. Pour tuer le temps, elle avait suivi le quadrillage de l’ombre.

Puis il était arrivé, essoufflé, et il  l’avait prise dans ses bras pour la réchauffer.
- Tu m’en veux ? chuchota-t-il
- Non, mais j’ai eu peur.
- Peur de quoi ?

Elle ne répondit pas. Jamais elle ne lui avait dit qu'à chaque rendez-vous, elle avait toujours eu peur qu'il ne vienne pas...

PS : photo prise par C.V., à Porto

19 octobre 2013

Le mât

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- Chiche, si tu montes, je monte !

Il n’était pas monté, elle non plus, et tous deux contemplaient le mât sur le quai que la foule avait déserté. Terminés les défis, pensa-t-elle déçue. Elle le laissa seul  et ne lui dit pas même au revoir. Comment  avait-elle pu l’aimer ?

PS : Photo de C. V. prise durant l'Armada, à Rouen.

7 janvier 2014

La boutique

Pastelle

Elle avait changé de région et maintenant elle tenait une boutique, non loin de l’église de cette petite ville choisie pour son calme. Elle ne vendait presque rien, la boutique n’était qu’un prétexte dont elle ne retirait aucun bénéfice. Si elle ouvrait à 19 h31, exactement, la fermeture n’était jamais programmée ; elle dépendait de deux choses : des désirs de ses clients et de son état de fatigue.

Au comptoir on pouvait trouver de quoi boire et grignoter, mais surtout, au fond de la boutique, il y avait « le boudoir des pleurs », une petite pièce accueillante, unique en son genre, où les clients pouvaient s’isoler pour pleurer à volonté.

 

PS : merci à Pastelle de m’avoir gentiment prêté sa photo. 

25 avril 2014

La brèche

la brêcheAu début elle ne s’était pas inquiétée, mais petit à petit, la fine tige avait essaimé ses ramifications et creusé son nid à l’ombre de la pierre. De l’intérieur, des milliers d’yeux braqués sur elle et des phrases qui se chuchotaient, aussi noires que le plumage des corbeaux qui  voletaient au-delà des toits.

Qui voulait  la rendre folle ? Elle soupçonnait tout le monde ; pourtant, personne  ne la connaissait …

 

PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

1 mai 2014

La décision

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Le quai était désert, presque brûlant, et elle avançait à grands pas. Sans discontinuer, elle se répétait la même phrase, comme un mantra, un garde-fou qui lui permettait de ne pas s’effondrer. C’est à ce moment-là qu’elle le vit : un long corps noir  qui s’échappait de la vieille carcasse rouillée amarrée avec de gros cordages.

Il la vit, s’arrêta un instant  puis marcha vers elle, l’air décidé.  Arrivé à sa hauteur, il la salua d’un signe de tête et lui parla en anglais.

La lumière était si dense qu’elle tourna le dos au soleil. Elle l’écoutait et le dévisageait en même temps. Devait-elle le croire ? Quand il eut fini son histoire, elle resta silencieuse à l’observer. Lui ne bougea pas. Que risquait-elle ? Ses yeux allaient du cargo à l’homme dont le visage  reflétait une grande fatigue. Il attendait sa réponse, presque confiant, c’était tout.  Elle finit par lui dire « Ok, come with me !  », mais elle le regretta presque aussitôt…

 

PS : photo prise par C.V., à Rouen

25 mai 2014

Le fauteuil

arrêtbusElle le détestait. Le jour où elle l’avait éventré et où ses veines de paille étaient apparues dans toute leur nudité, elle avait jubilé.  Elle aurait pu le garder ainsi, blessé - car après tout cette infirmité lui enlevait toute superbe - mais non, il lui rappelait trop de souvenirs. Un  soir elle avait vu rouge – le bourgogne avait sans doute trop coulé dans ses veines – et elle avait décidé de se séparer de lui. Après avoir descendu trois étages en ahanant, elle l'avait calé comme elle  avait pu dans sa voiture et l'avait transporté jusqu’ à un arrêt de bus loin du centre-ville.

Sans doute ferait-il les beaux jours des clients de la compagnie de bus locale…

 

 PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

10 juin 2014

Le papillon

ksenia

A chaque fois qu’elle  voyait son amie, celle-ci commençait par un  « Alors  » sonore. Oui, Alors ?

Alors rien, toujours rien, ou si peu. En demi-deuil – il était mort depuis un an - elle butinait ici ou là, mais ne récoltait presque rien, sinon le pollen de quelques hommes dont elle oubliait toujours le nom.

Le jour de sa mort, elle l’avait vu dans toute la nudité de son corps d’insecte. C’était un peu comme si, face à l’éternité, il avait voulu lui dire la vérité : je n’étais qu’un papillon qui s’est pris pour un homme, excuse-moi.

Pendant 10 ans, elle avait fait l’amour à un papillon sans jamais ne s’apercevoir de rien. Etait-elle aveugle à ce point ?

 

PS : photo gentiment prêtée par Ksenia

14 juin 2014

Ouaf

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Il y a trente ans, il avait eu un ami, un vrai, le seul en qui il avait eu confiance.

Et puis un jour, cet ami l’avait trahi. Il était parti – en remuant sa queue et sans même lui adresser un regard -  avec une famille qui avait un enfant du même âge que lui.

Quand son père était allé chercher Ouaf et l’avait ramené en laisse, il n’avait plus voulu lui parler. Il l’ignorait, indifférent à ces gémissements et à ses demandes d'affection, jusqu'à ce que - lassé de ce jeu - il lui pardonnât.

Il s’en souvenait encore, c’était un jour d’été, près d’un étang. Il était de bleu vêtu, comme le ciel, et le chien s'était montré si persuasif qu’il n’avait pu que céder.

C’est la première et la dernière infidélité qu’il avait pardonnée.

 

PS : photo prise par C.V.

20 juin 2014

L’apparition

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La première fois qu’il l’avait vue, elle marchait sur le chemin d’eau Il avait freiné brusquement, avait posé son vélo et l’avait admirée. Sa robe de mariée blanche semblait caresser la silhouette des arbres et la courbe de son voile épousait son corps. Soudain, un canard avait pris son envol et elle avait disparu dans le miroir vert.

Le lendemain – lui avait-elle jeté un sort ? -  il revint au même endroit. Il apercevait par endroit le reflet tremblé du ciel gris et la ligne régulière des arbres donnait à cette scène champêtre un air de paix. Il n’eut pas le temps de la voir car son portable sonna et il partit à regret ; un chantier l’attendait et le patron s’étonnait de son retard.

Le troisième jour, il prit soin d’éteindre son portable et  s’assit à l’endroit exact où elle lui était apparue, décidé à rester jusqu’au bout. Il devait en avoir le cœur net. Existait-elle oui ou non ? Enfant, il avait déjà été sujet aux apparitions et en avait gardé un souvenir amer : personne ne l’avait jamais cru. Mais maintenant qu’il était adulte, qui pourrait remettre en cause sa parole ?

Elle arriva à dix heures, précédé d’un cortège de cygnes noirs. Ce jour-là, elle n’avait pas son voile vaporeux – sans doute le vent l’avait-il emporté ? – et ses cheveux noirs ceint d’une couronne de fleurs d’oranger flottaient sur ses épaules. Il retint son souffle et s’allongea dans les herbes pour qu’elle ne le vît point.

Arrivés à sa hauteur, les cygnes s’arrêtèrent. La jeune femme lui tendit la main. Il aurait pu l’ignorer, rester caché dans les herbes folles, mais il n’hésita pas un seul instant ; il la rejoignit, lui baisa la main, et le cortège repartit emporté par le courant…

 

PS1 : photo de C.V. prise en Alsace

PS2 : petite pause, prochain texte le jeudi 26 juin.

30 juin 2014

La robe de mariée

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Il y a deux ans, elle avait exhumé sa robe de mariée d’une des malles du grenier. Elle avait longuement hésité : devait-elle se risquer à passer une robe d’un autre âge ?

Depuis son mariage, vingt ans s’étaient écoulés et sa silhouette s’était alourdie. Une fois en slip et soutien-gorge, elle saisit la robe et commença l’essayage en l’enfilant par la tête. La robe se coinça irrémédiablement au niveau des hanches. Impossible de la faire descendre. Elle essaya  par les pieds. Problème ; la robe se bloquait en haut des cuisses et son obstination fit craquer le tissu sous tension. La robe était à l’image de son couple.

Elle s’allongea sur le lit. Une demi-heure de réflexion  lui apporta une solution. La place de cette robe était  au musée. Quoi de mieux qu’un mannequin pour la figer dans l’histoire de sa vie ?

Elle en choisit un sans tête, relégué à la cave, témoignage d’un temps où la couture faisait partie de ses loisirs.

En un clin d’œil la robe fut enfilée sur le mannequin, lui-même placé au bas du grand escalier. Chaque jour elle passait devant  lui et lui adressait un petit signe de tête qui semblait dire : «  On ne peut pas être et avoir  été. »

 

PS : photo de C.V. prise au Portugal en 2010

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