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Presquevoix...
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23 mai 2013

Les cheveux

RB- Bon, alors, ces cheveux, quand est-ce que tu vas te les faire couper ?
- ...
- Tu  réponds rien ?
- ...
- Tu  veux pas répondre ? Mais on dirait que  tu t'enlaidis à plaisir !
- ...
- Tu serais tellement plus mignonne avec tes cheveux comme avant !
- ...
- Tu  veux rien dire ?
- ...
- Franchement, tu veux que je te dise, avec tes cheveux comme ça, tu es moche… Enfin si  tu veux être moche, c'est réussi !!!
- Merde !
- Quoi, Merde ? Tu me dis rien pendant un quart d'heure et quand tu me parles c'est pour me dire merde ? Si je te  donne des conseils, c'est pour ton bien tu sais, mais les conseils à ton âge, on veut pas les entendre, c’est bien dommage...
- Tu voulais que je te dise quelque chose, c'est pour ça que je te dis « Merde ! » ;  et puis si je veux être moche, ça  me regarde  ! C'est quand même pas toi qui  porte mes cheveux, non ? Est-ce que je te donne des conseils de coiffure moi ? Pourtant…

* Photo de R. B.

21 février 2015

Le corps

20150102_145429Quand il avait vu le corps allongé sur les feuilles, son œil de peintre avait tout d’abord remarqué l’harmonie des couleurs ; l’instant d’ après il avait paniqué. Que faisait-elle là ? Etait-elle morte ? Certainement. Ce n’était nullement l’époque pour une sieste en pleine nature ; la température extérieure atteignait à peine quatre degrés.

Il décida de passer son chemin. Ne pas s’impliquer et prendre ses distances, comme à l’accoutumé.

Le lendemain matin, en prenant son café au bar des fleurs, ses yeux tombèrent sur le gros titre et la photo de Paris Normandie : « le corps d’une femme retrouvée dans la forêt du Rouvray ». Il avala sa gorgée de travers. Etait-elle encore vivante quand il l’avait vue ? Il se persuada que non.

En rentrant chez lui, il installa son chevalet, sa toile, ses pinceaux et il se mit au travail. Des teintes roses et marrons surgirent, deux troncs d’arbres émergèrent et sur le lit de feuilles mortes, le corps, allongé de tout son long…

27 mars 2015

La tête

20150322_142721Elle n’avait pas rêvé, juste au moment où elle allait prendre la photo une tête ensanglantée était apparue, à moitié cachée par la verdure. Elle en était d’autant plus sûre qu’une énorme main était passée au travers des barreaux pour jeter un papier qu’elle s’était empressée de ramasser. Elle l’avait déplié, fébrile. Un stylo mal assuré avait tracé ces mots  : « Sauvez-moi. On me retient là-haut depuis quinze jours. Je ne sais pas qui ils sont mais ils vont me tuer, ils me l’ont dit. »

Son amoureux piétinait, impatient ; lui détestait la photo et détestait attendre.

- Bon, on y va ? s’agaça-t-il.

- D'accord.

Et elle enfouit le papier dans sa poche avant de le rejoindre. De toute façon, il valait mieux ne rien lui dire, il ne la croirait pas. Il lui reprochait toujours d’inventer des histoires pour se rendre intéressante. Cette fois-ci, elle règlerait le problème toute seule…

 

PS : photo prise par Gballand, à Paris, passage Vivienne.

4 avril 2015

L’empire des papillons

couverture_alLe dernier papillon qu’elle avait épinglé dans sa collection, c’était le 28 mars 2015. Elle s’en souvenait parfaitement car elle s’était même dit que ce machaon à la dentelle blanche et noire donnait un air de deuil à sa collection jusqu’alors si colorée.  

Elle avait achevé son travail juste au moment où la sonnerie de la porte d’entrée avait retenti. Le facteur lui avait tendu une enveloppe qui ne tenait pas dans sa boîte aux lettres. Il lui avait signalé pour la nième fois que le format de sa boîte n’était pas standard et qu’elle allait devoir en changer ; elle s’était excusée  pour la nième fois.

L’écriture de l’enveloppe lui était inconnue et au verso nul nom n’apparaissait. Quand elle l’ouvrit, la photo d’un machaon apparut. Le même, exactement, que celui qu’elle venait d’épingler dans sa boîte à papillons. Un mot l’accompagnait :

« Voici Le Machaon ou "Grand porte-queue" – que nous avons chassé ensemble sur les buplèvres, les cristes marines et les angéliques. Je parierais que tu viens de l’épingler dans ta collection avec tes aiguilles entomologiques, de la même façon – ou presque - dont tu m’as épinglé sur ton tableau de chasse.  La comparaison s’arrête là, bien sûr car je suis loin d’être  un "Grand porte-queue". Est-ce pour cette raison que tu m’as laissé tomber ? »

La lettre n’était pas signée mais c’était lui, bien sûr, ce fou qui n’admettait pas qu’elle veuille tourner la page. Soudain, elle se précipita à la fenêtre de sa chambre : et si ce malade était en train de l’épier avec ses jumelles ?

 

PS : couverture et titre obtenus avec ce générateur

 

 

 

26 avril 2015

Disparition

20150414_111902C’est tout ce qu’on avait retrouvé d’elle : ce sac à dos  noir et ce blouson rose jeté sur l’herbe parsemé de larmes de magnolia.

L’ombre des branches menaçait les espoirs nourris par certains optimistes qui croyaient qu’à l’âge qui était le sien – 52 ans - on ne décidait pas de mourir pour un oui ou pour un non. D’ailleurs, s'était-elle déjà plainte de quelque chose ?

Quand on lui demandait : " Tu vas bien ? "

Elle répondait immanquablement  : " Oui, très bien, merci, et toi ? "

 

 

PS : photo prise par GBalland

7 juin 2015

L’ange déçu

20150524_183012Il s’était décapité par déception. Vous me direz : est-ce possible ? Un ange n’a-t-il pas la formation divine suffisante pour tout supporter ?

En général oui, mais L’homme qu’il protégeait l’avait poussé à bout. Combien de fois, sur le fil de l’écoute, avait-il  hoché la tête, fatigué, entre compassion et pitié. Mais un jour, la corde avait cassé, et lui -  l’ange-funambule - s’était retrouvé au sol, déçu et désespéré.

C’était « un cas difficile », on l’avait prévenu au départ. L’homme ignorait son coeur et son corps. Il croyait tout connaître mais ne connaissait rien. Il se disait doué de raison, mais ses raisonnements n’étaient qu’un prêt à penser, un stock donné à la naissance qu’il n’avait jamais interrogé ni regardé à la lumière du jour.

Une fois l’ange décapité, l’homme avait tenté de continuer son chemin, mais plus personne n’avait voulu le suivre et il était mort, loin de tous et de lui-même.

 

PS : photo prise par gballand

17 juin 2015

Le fantasme

20150613_191121Chaque jour, à 18 heures tapantes,  il montait sur la petite échelle. C’était devenu une addiction. Mais que regardait-il ? vous demanderez-vous. Elle : la femme idéale, l’impossible incarnée.

Se savait-elle observée ? Bien sûr, et pour rien au monde elle ne se serait privée du rituel de 18 heures. Elle passait une demi-heure à se préparer. Ceci pourra vous étonner, mais un fantasme ne peut se contenter de médiocrité.

L’un comme l’autre savaient  que jamais ils ne pourraient s’étreindre. Et quand, par un hasard extrême, ils se croisaient dans l’escalier, ils s’évitaient consciencieusement, de peur de faire disparaître pour l'un, l'objet de son désir, pour l'autre l'objet de son plaisir.

 

 

PS : photo prise par GB.

17 juillet 2015

L’œuvre

20150707_174606-1Quand elle passait dans cette rue, elle contemplait son œuvre. Elle ne comptait pas le nombre de fois où elle avait failli se faire  arrêter par la police des mœurs. Pourtant,  elle avait toujours réussi à s’éclipser, tel était son désir de secouer le joug de la répression sexuelle imposée par la dictature en place. Dans les "milieux autorisés" on l'avait  surnommée " septième ciel ".

A chaque passage, elle saluait son personnage d’un signe de tête  et elle lui disait solennellement, en hommage à la révolution de mai 68 : «  jouissez sans entraves ».

Jusqu’au jour où un homme l’entendit et la fixa d’une façon qu’elle jugea lubrique. Elle ne put s’empêcher de lui dire : « De toutes façons, si j'avais envie de jouir, je ne m’adresserais certainement pas à vous ! »

Puis elle partit sans demander son reste, satisfaite de lui avoir rivé le clou.

 

PS : photo prise par gballand à Bruxelles.

 

 

 

13 avril 2007

Soutien-gorge, petite culotte et élection présidentielle

La nouvelle campagne* de cette grande marque de sous-vêtements (http://www.triumph.com/fr/ )  triomphe singulièrement par sa misogynie. Voilà ce que nous montrent les 12 000 panneaux publicitaires des abri-bus « pollués » par la campagne orchestrée par la marque « Triumph » :  une photo d’une pseudo « Marilyn », en soutien-gorge et culotte, qui s’affiche sensuellement au-dessus du slogan suivant : « Enfin une candidature bien soutenue ! » ou « Avec moi, pas d’ abstention ! »

sufragettesCet humour  machiste navre par sa beaufitude. Certains auraient-ils encore en travers de la gorge que les femmes puissent participer à la vie politique du pays ? On se souvient que le droit de vote n’a été accordé aux femmes, en France, qu’en 1944, presque 100 après que le droit de vote a été accordé aux hommes. Aujourd’hui encore, les femmes souffrent – notamment dans la vie politique – du machisme de leurs collègues hommes qui imaginent qu’une tête « bien faite » ne peut-être qu’un « attribut » masculin !
« Il faut de bonnes burnes pour satisfaire les urnes » est sans doute le slogan de ces hommes qui n’acceptent pas que les femmes s’installent  en politique. Voilà plusieurs siècles qu’ils s'escriment à  « pisser » afin de marquer leur « territoire politique » et, malgré ce travail de fond, les femmes osent remettre en cause leurs privilèges… Souvenons-nous du lynchage médiatique de Madame Royal alors que l’Immaculé Sarkozy, qui accumule énormités et mensonges, est toujours droit sur son socle !
Ne  semble-t-on pas nous dire indirectement, avec cette publicité, que nous, les femmes, serions bien plus à notre place comme objet de désir et de plaisir ? Ne cherche-t-on pas aussi à dévaloriser les femmes qui se présentent à nos suffrages pour cette élection présidentielle, avec ces slogans à double sens, qui tournent en mascarade les candidates et le vote des femmes ?
Coluche n’avait-t-il pas raison quand il parlait « d’érection pestilentielle »… ?

* campagne signalée  sur le site de :

http://www.lameute.fr/index/

photo :  sur le site : http://www.cliosoft.fr/04_02/femmes_vote.htm 1934, « les femmes nouvelles » jettent au feu leurs chaînes, place de la Bastille.

13 juillet 2008

L'impasse

vachesIls avaient roulé  pendant quatre heures puis s’étaient arrêtés sur une petite route départementale pour se dégourdir les jambes.
- Oh regarde, avait-elle dit mi-émerveillée, mi-amusée, en lui montrant le pré.
Et il avait vu le cul des vaches. Vision d’horreur, ça lui rappelait ses grands-parents et ses séjours longue durée à la ferme. Lui, on l’avait toujours laissé à la ferme avec les grands-parents. Pour s’en débarrasser, sûrement. Il ne put s’empêcher de faire un geste d’impatience et il lui dit
- J’ai toujours détesté les vaches !
Il avait opté pour une réponse courte, par lassitude, mais il était sûr qu’elle ne s’en satisferait pas. Elle ne pouvait s’empêcher de lui poser sans arrêt des questions, comme les enfants, il lui avait pourtant dit qu’il n’avait jamais voulu avoir d’enfants justement à cause de ces questions imbéciles qu’ils égrenaient comme des chapelets.
- Et pourquoi ? Ne manqua-t-elle pas d’ajouter.
Comme elle l’exaspérait quand elle lui demandait « pourquoi »! Dans ces moments-là, il la détestait autant que le cul des vaches. Cette fois-ci il allait lui répondre et ça couperait court à toutes conversations ; elle l’avait bien cherché ! Ne lui avait-il pas déjà dit cent fois en six mois de ne pas lui poser ces questions qui ne rimaient à rien sinon à l’énerver ? Il jugea que le moment était venu de lui faire sentir dans sa chair que la limite était atteinte. Et si elle ne s’en remettait pas ? Elle partirait comme les autres, et alors ? N’avait-il pas toujours trouvé des femmes – et même de toutes jeunes femmes -  quand le désir le tiraillait ? Peut-être avait-il besoin d’un moment de solitude, un moment off, sans questions, sans plaintes et complaintes, un moment où il se consacrerait entièrement à lui.
Il la regarda une dernière fois. Elle était jolie dans sa petite robe décolletée dont les couleurs mettaient en valeur sa peau brunie par le soleil. Presque une enfant. Qu’est-ce qu’il faisait avec cette toute jeune fille à peine sevrée ? La minute de tendresse passée il  conclut.
- Tu veux savoir pourquoi ? Parce que j’ai passé ma putain d’enfance à la ferme ! Tout ça parce que mes parents ne supportaient pas le mouflet ! Alors la campagne, j’en ai ma claque ! Et quand je vois des culs de vaches alignés devant une mangeoire, j’ai l’impression de voir autant de culs de connards, qu’on gave pour les faire crever plus vite. Tu comprends pas que cette putain de vie ne vaut vraiment pas la peine d’être vécue ? Tu comprends pas que tu me fais chier avec ton sourire béat comme si la vie t’attendait alors que merde, elle a déjà mis sa machine à broyer en route pour te faire disparaître !
Elle le regarda interloquée et des larmes commencèrent à rouler sur ses joues. Puis elle rentra dans la voiture sans un mot et le voyage se déroula, comme il l’avait prévu, dans un silence de mort. Comme les autres, elle lui demanderait de s’excuser, il ne s’exécuterait pas, et elle partirait. Il eut presque envie de siffloter en pensant au scénario à venir mais il se retint, par égard pour elle qui, mutique, continuait à fixer le paysage en essuyant ses larmes avec un mouchoir en papier qu’il lui avait donné.

PS : photo gentiment prêtée par Coumarine

5 mars 2009

Ni fleurs, ni couronnes (gballand)

croixIl ne revenait dans sa ville natale que pour les enterrements. Vu son âge, ses déplacements étaient de plus en plus fréquents, un par an, parfois deux. Un nouvel enterrement était prévu le 21 mars. Sur le faire-part, la famille avait  précisé « ni fleurs, ni couronnes ».
Il avait applaudi des deux mains à cette décision et avait précisé à sa femme.
- Pour moi, ce sera pareil, n’oublie pas ! Ni fleurs, ni couronnes ! J’y tiens !
Sa femme l’avait assuré qu’elle n’oublierait pas, puis il avait pris le train, comme d’habitude.
Cet enterrement avait été plus gai que les précédents, le restaurant où ils avaient déjeuné était renommé pour ses viandes, le vin avait coulé à flot, et les larmes s’étaient rapidement muées en rires. Au moment de se lever de sa chaise, il fit un malaise. Le soir même il mourait à l’hôpital.
Une semaine plus tard, c’était lui qui était enterré dans sa petite ville natale. Il n’en fut pas fâché, la vie commençait à lui peser. Une seule chose l’attrista, sa tombe fut couverte d’une profusion de fleurs et de couronnes.

* photo vue sur le site : http://www.rebillon.fr/r2_public/fr/

10 mai 2009

Elle (gballand)

pagenas2Au début j’aimais les femmes, de façon presque inconditionnelle, j’étais mordu. Maintenant, je me méfie, à cause d’elle…
Quand j’ai dit à Francine que ses revendications mortifères m’ennuyaient, elle m’a fermé la fenêtre de son moi et ne m’a plus parlé pendant trois jours. Je l’ai laissée faire ; j’ai toujours été patient avec les femmes. Seulement, au bout de trois jours, elle m’a écrit une lettre très courte qui m’a abattu. Voici ce qu’elle disait…

« Je ne veux plus vivre dans ta prison. Les murs sont si hauts que j’ai dû demander à Richard de me faire la courte échelle pour m’évader.
Adieu,
Francine
»

Quand je pense que c’est moi qui lui avais fait connaître Richard ! Si j’avais pu imaginer que Richard, un jour… Il y a une semaine, ce salaud de Richard m’a téléphoné. J’ai failli lui raccrocher au nez, mais il m’a supplié de l’écouter, en sanglotant. J’ai cédé, je n’ai jamais pu résister aux larmes des hommes. Il a hoqueté que Francine était partie. Où, lui ai-je demandé ? Il n’en savait rien. Je me suis contenté de lui dire que la seule chose que Francine savait faire, c’était  de se construire des prisons pour mieux s’en évader ensuite. Il n’a rien répondu, à part renifler bruyamment.
- Oublie-là ! Lui ai-je intimé, des Francines, il y en a partout. Il suffit d’ouvrir les yeux.
J’avoue que depuis que Richard m’a téléphoné, je revis ! D’ailleurs, dès le lendemain, j’ai rencontré Myriam…

* photo gentiment prêtée par Pagenas. Vous pouvez lui rendre  visite sur sucrebleu

24 mai 2009

L’impasse (gballand)

vachesIls avaient roulé  pendant quatre heures puis s’étaient arrêtés sur une petite route départementale pour se dégourdir les jambes.

- Oh regarde, avait-elle dit mi-émerveillée, mi-amusée, en lui montrant le pré.

Et il avait vu le cul des vaches. Vision d’horreur, ça lui rappelait ses grands-parents et ses séjours longue durée à la ferme. Lui, on l’avait toujours laissé à la ferme avec les grands-parents. Pour s’en débarrasser, sûrement. Il ne put s’empêcher de faire un geste d’impatience.

- J’ai toujours détesté les vaches !

Il avait opté pour une réponse courte, par lassitude, mais il était sûr qu’elle ne s’en satisferait pas. Elle ne pouvait s’empêcher de lui poser sans arrêt des questions, comme les enfants. Il lui avait pourtant dit qu’il n’avait jamais voulu avoir d’enfants justement à cause de ces questions imbéciles qu’ils égrenaient comme des chapelets.


- Et pourquoi ? Ne manqua-t-elle pas d’ajouter.

Comme elle l’exaspérait quand elle lui demandait « Pourquoi » ! Dans ces moments-là, il la détestait autant que le cul des vaches. Cette fois-ci, sa réponse couperait court à toute conversation ; elle l’avait bien cherché. Ne lui avait-il pas déjà dit cent fois en six mois de ne pas lui poser ces questions qui ne rimaient à rien sinon à l’énerver ? Il jugea que le moment était venu de lui faire sentir que la limite était atteinte. Et si elle ne s’en remettait pas ? Elle partirait comme les autres, et alors ? N’avait-il pas toujours trouvé des femmes – et même de toutes jeunes femmes -  quand le désir le tiraillait ? Peut-être avait-il besoin d’un moment de solitude, sans questions, sans plaintes et complaintes, un moment où il se consacrerait entièrement à lui.


Il la regarda une dernière fois. Elle était jolie dans sa petite robe décolletée dont les couleurs mettaient en valeur sa peau brunie par le soleil. Presque une enfant. Qu’est-ce qu’il faisait avec cette toute jeune fille à peine sevrée ? La minute de tendresse passée, il  conclut.

- Tu veux savoir pourquoi ? Parce que j’ai passé ma putain d’enfance à la ferme ! Tout ça parce que mes parents ne supportaient pas le mouflet ! Alors la campagne, j’en ai ma claque ! Et quand je vois des culs de vaches alignés devant une mangeoire, j’ai l’impression de voir autant de culs de connards, qu’on gave pour les faire crever plus vite. Tu comprends pas que cette putain de vie ne vaut vraiment pas la peine d’être vécue ? Tu comprends pas que tu me fais chier avec ton sourire béat comme si la vie n’attendait que toi alors que merde, elle a déjà mis sa machine à broyer en route pour te faire disparaître !

Elle le regarda interloquée et des larmes commencèrent à rouler sur ses joues. Puis elle entra dans la voiture sans un mot et le voyage se déroula, comme il l’avait prévu, dans un silence de mort. Comme les autres, elle lui demanderait de s’excuser ; il ne s’exécuterait pas, et elle partirait. Il eut presque envie de siffloter en pensant au scénario à venir mais il se retint, par égard pour elle qui, mutique, continuait à fixer le paysage en essuyant ses larmes avec un mouchoir en papier qu’il lui avait donné.

PS : photo vue sur le blog photos de Coumarine et publiée avec son autorisation (qui date d’il y a un an)
   

2 juin 2009

Les petites choses de la vie (gballand)

madeleineHier, mon mari me faisait remarquer que les chiens étaient de colossales machines à crottes sur pattes. Il n’a pas tort. A Rouen, leur production nous submerge. Tenez, par exemple, cette immense pelouse - on dirait d’ailleurs une piste d’aérodrome - face à l’église de la Madeleine… eh bien, c’est devenu un véritable « merdodrome », et le mot est faible. Dommage,  c’est là que les bambins s’amusent sous l’œil attendri de leurs parents. Combien de drames quotidiens ne se sont-ils pas joués là ? Combien de mères ou de pères énervés n’ont-ils pas désespérément tenté d’enlever, le cœur au bord des lèvres, ces excréments nauséabonds sous les chaussures de leur tendre progéniture ?
J’ai un ami dont le chien - son éducation est irréprochable - « fait » sur commande. Il suffit de lui dire « A cagar ! » - le chien ne comprend que l’espagnol – et la bête s’exécute aussitôt. Cet ami fait alors disparaître la déjection dans un sac en plastique – Olé !
- et le tour est joué.
Sa méthode devrait certainement être traduite en français et brevetée…

* photo vue sur ce blog

23 octobre 2009

Les cèpes (gballand)

C_pes2Elle voulait absolument avoir trouvé les  plus gros, comme d’habitude. Il avait beau se défendre :
- Je te dis que c’est moi, merde ! Le premier, il était à peine caché sous une feuille, près du chemin des deux cèdres, quant au deuxième, il était sous les fougères,  près des bouleaux !
- Tu veux toujours avoir raison, comme si la raison était une question de sexe ! Lui asséna-t-elle comme dernier argument.
Elle possédait l’art sans pareil de faire taire les autres et lui avait l’habitude de se taire pourtant, ce jour-là, il poursuivit :
- Si ça te fait plaisir ! Pour ajouter aussitôt :
- De toutes façons bientôt, avec ce que tu as, les champignons, tu  pourras plus les voir !
Et il continua de vaquer à ses occupations comme si de rien n’était.
« Le salaud », murmura-t-elle entre ses dents, elle n’aurait jamais dû lui rapporter ce que l’ophtalmologiste lui avait dit la veille.

PS : photo de R. B.

26 avril 2010

La mouette

P4091094- Moi, je l’envie cette mouette !
Paul se demandait bien comment son frère pouvait envier cet oiseau gueulard. Il se contenta de lui dire :
- Ça ne m’étonne pas, on n’a jamais eu les mêmes goûts.
Seul le cri de la mouette lui répondit. Un peu plus tard, alors qu’ils marchaient le long de la falaise, son frère ajouta :
- Tu as raison, les goûts et les couleurs… Tiens, tu vois ta femme par exemple, il n’y a pas très longtemps je me faisais la réflexion suivante :  qu’est-ce qu’il peut bien lui trouver !
Paul serra les poings. Il fallait toujours qu’il lui balance quelque chose de blessant.

PS : photo de C.V. prise à Etretat en avril 2010

21 août 2010

Blue Mountain café

P7311426On est à Dove Creek, Colarado, au « Blue mountain café » et c’est un peu le bout  du monde. On vous sert du café qui ressemble à de l’eau marron, on vous salue sans surprise apparente, on vous re-propose le même breuvage insipide, vous refusez par mesure de précaution ; un couple âgé s’assied et ne parle pas, et la vie s’écoule tranquille dans ce café où les fenêtres arborent de désuets rideaux à volants bleus et blancs et où une affiche de la US Navy, collée sur le mur, énonce «  La vie, la liberté et la poursuite de tout ce qui la menace ». A l’extérieur, au loin, s’alignent des carcasses de voitures et des mobiles homes déglingués ; oui, c’est  aussi ça l’Amérique.

22 novembre 2010

Duo

Duo avec Caro-carito du blog « les heures de coton » :

il s’agissait d’écrire un texte en prenant comme point de départ, cette photo de « nuages de photo » et la chanson "Via com me" de Paolo Conte. Le premier texte est de Caro-carito, le deuxième de gballand.

Horoscope ascendant Verneau (caro-carito)

automneNormalement, c’est l’heure où je m’arrête pour prendre un café dans le village le plus proche. Après j’enclenche le rendez-vous suivant et je suis d’attaque jusqu’au déjeuner. Mais, cette semaine, je me retrouve dans le Morvan. Je ne suis pas sûr que le rade où j’ai échoué ait un nom. En tout cas, ce troquet s’est endormi bien avant la promulgation de la loi Evin, vu l’épaisseur de la fumée de clopes et de la couche de poussière qui stagne sur les étagères. J’y ai repéré une collection de bouteilles de guignolet, gnôles diverses et autres curiosités qui s’entassent gaiement entre les chiures de mouche et les dessous de bock graisseux. Je venais de fêter mes six semaines d’abstinence. Rayon fumeur. Aussitôt entré, je suis donc ressorti pour mettre, entre moi et ce lieu de tentation, quelques kilomètres salvateurs.
J’ai roulé une bonne demi-heure avant de bifurquer sur un petit chemin. Au bout de quelques kilomètres, je me suis arrêté devant un arbre à la frondaison dorée. La radio débitait mon horoscope, plutôt cœur que sexe, pas trop d’argent et une santé de quarantenaire sur le retour. J’ai ouvert la portière. Depuis trois mois, les astres me promettaient monts et merveilles, la chance au loto, le grand amour pour ce soir. Entre temps, Maryline m’avait quitté. Mon banquier aussi. Je tairais mes soucis de second ordre, clientèle ronchonneuse, voiture ponctuellement en panne, les dégâts des eaux de la mamie du dessus.
Je me suis éloigné de quelques pas. Quand je pense que pas plus tard qu’avant-hier, en désespoir de cause, je suis allé chez Lucia, qui déchiffre l’aventure, bonne ou mauvaise. Elle m’a pris deux cents euros pour me dire que j’étais ascendant Verseau. A une poignée de minutes près, il paraît que j’aurais viré ascendant cancer ou un truc plus adéquat… Mais non, c’est Verseau. « Et Verseau, m’a-t-elle dit, c’est pas pire ou meilleur. Faut pas croire. C’est juste que les astres sont muets ». Après, elle s’est envasée dans une explication à base d’étoiles et de configurations invisibles. Au bout d’un moment, elle s’est tu. Est-ce parce que je lui ai filé deux autres billets… mais en partant, elle m’a serré le bras, en me soufflant : « Faut croire en rien, c’est le meilleur chemin. »
Je m’adosse à ma bagnole. L’autoradio chantonne toujours, et je reconnais cette voix des premiers flirts, ceux qui ne s’arrêtaient pas en vous flanquant une baffe au moral. J’ai sorti de ma poche le paquet de clopes que j’avais piqué au comptoir. J’ai pensé à la peau de Maryline, tendre à ne plus savoir qu’en faire. Et là, aussi sûrement que le soleil clignotait à travers les branches rousses, aussi sûrement que l’on emballait à la pelle dès que le disc jockey envoyait un slow, j’ai su que ce temps-là ne reviendrait pas.
J’ai savouré jusqu’au bout cette p….. de Marlboro. Je me suis dit que je retournerai pour déjeuner dans ce bled oublié. Pour les murs jaunes et les moulures grenat. La blanquette inscrite à la craie comme plat du jour. Et parce que la serveuse, quand je suis entré, m’a regardé d’un air qui m’a fait baisser les yeux un cran plus bas. Et là, grisé par cette chanson ensoleillée, je me dis que, dans mes mains, ses seins seraient nacrés comme la chair juteuse des poires.
Et que j’aimerais bien y prendre un petit peu goût.

Viens ! (gballand)

automne- Allez, viens !
Mais il ne voulait pas. Il s’était allongé sur le sol jonché de feuilles mortes ; pas moyen de l’en faire partir à moins, peut-être, de le provoquer :
- Si on arrive en retard, tu vas te faire anéantir !
- Je m’en fous ! répondit-il énervé, je n’en ai plus rien à foutre.
Il finit par s'asseoir, enfouit ses mains dans les feuilles et il les fit voltiger autour de lui en riant :
- Regarde ! C’est beau, c’est l’automne qui pleure l’été.
Pourquoi ces simagrées, lui qui d’habitude n’était que raison et mesure. Il s’était à nouveau couché sur le lit de feuilles, mais cette fois sur le ventre et son corps oscillait doucement comme s'il s'unissait à la terre humide. Elle détourna les yeux. Etait-il possible que cet être raisonnable, son propre frère, prenne le chemin de la folie pure ? Elle essaya une dernière fois de le ramener à elle :
- Ca suffit maintenant. Tu me fais peur. Si tu as quelque chose à lui reprocher, dis-lui en face.
- Je parlerai jamais à ce con ! Tire-toi maintenant ! Je veux être seul.
Il se releva, les mains pleines des couleurs de l’automne, éclata d’un rire nerveux et courut vers l’arbre le plus proche dont il enlaça le tronc de ses bras frêles. Il l’embrassa  et déclara d’une voix grandiloquente :
- Maintenant, mon père, c’est toi, pas ce con  qui couche avec ma mère et qui se prend pour mon père !
Elle jeta un dernier regard à cette scène noyée de soleil d’automne, puis elle partit en courant. Elle ne pouvait plus rien pour lui, elle ne le comprenait plus, il était trop tard…

10 juillet 2012

Le trapèze

raphaelle3Il lui avait bien dit qu’à force de se balancer dans les arbres elle finirait par s’envoler. Elle n’avait pas voulu le croire, comme souvent ; pourtant, en ce Mardi 10 juillet 2012, après s’être balancée plus que de coutume, elle s’était fondue dans le feuillage et elle avait disparu. Le trapèze, lui, était toujours à la même place, mais il avait  cet infime balancement qu'il ne pouvait s’empêcher de suivre des yeux….

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par R. B.

16 juillet 2012

Le chemin

ArmandoElle lui avait dit : « Il suffit de suivre le liseré bleu jusqu'au bout. » Il lui avait fait confiance et  s’était appliqué à suivre le fil bleu jusqu’au " terminus ". Une fois arrivé, il détacha ses yeux du sol et il la vit. Elle avait revêtu une robe sombre qui contrastait avec ses cheveux longs et dorés ceints d’une ombre bleutée. Elle sourit et lui dit.


-  Bravo. Maintenant ferme les yeux, ce n’est plus qu’une formalité.


De quelle formalité s’agissait-il ? Il voulut le lui demander, mais une certaine lâcheté l’obligea à fermer les yeux et à attendre. Quand il les rouvrit, il était ailleurs. Où, il ne le savait pas encore, mais on lui signifia que désormais il ne pouvait plus faire marche arrière.

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Armando du blog  nuages de photos.

26 août 2012

Le pont

US111805Non, vous voulez quand même pas traverser ce pont à pieds avec ce brouillard-là ! Elle avait essayé de les en dissuader, de leur dire qu’aller et retour cela faisait bien 6 kilomètres, qu’ils n’étaient pas vraiment équipés pour, qu’ils allaient être trempés, mais non, rien n’y avait fait, ils étaient partis et elle les avait suivis en maugréant.


Elle avait espéré qu’une fois arrivés au bout, ils auraient peut-être trouvé  un bar  ; mais non, au bout il n'y avait rien, juste un parking.  Et il avait fallu repartir dans l’autre sens, sans rien  se mettre sous la dent. Il y avait des jours, comme ça, où elle détestait la famille…  

PS : photo prise par C. V. à San Francisco, en juillet 2010

30 août 2012

C’est dingue !

P7271187Non mais c’est dingue ! Elle commençait toutes ses phrases comme ça et c’en devenait pénible. Tout ça parce qu’elle était dans l’Ouest des Etats-Unis et qu’elle avait l’impression de se retrouver dans un film hollywoodien. Sauf qu’elle ne ressemblait ni à Ava Gardner, ni à Grace Kelley, et encore moins à Marilyn Monroe…

PS : photo prise par C. V. aux Etats-Unis en 2010

21 novembre 2012

Le heurtoir

IMG_0082Il était revenu immédiatement sur ses pas pour reprendre la lettre qu’il avait glissée sous le heurtoir, mais trop tard, elle avait disparu. Il s’en voulut. Marie avait dû rentrer plut tôt chez elle. Etrange tout de même, car les publicités étaient encore là.
Il regarda attentivement le heurtoir et se sentit aussi nu que les deux angelots. Marie lui pardonnerait-elle de se dévoiler ainsi ?

PS : photo prise par C. P. à Venise en novembre 2012.

23 novembre 2012

L’installation

Au vol2_DHIl était sorti très tôt pour mettre l’installation en place et il en était  satisfait. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à attendre : mais comment serait-elle comprise ?
Il s’était assis sur l’escalier à mi-hauteur, en plongée et il observait la réaction des gens. Quand le type en bleu est arrivé, il a tout de suite remarqué quelque chose de bizarre. Mais ce n’était rien à côté de ce qui allait suivre. L’homme s’est adressé à lui.
- C’est vous le préposé au confessional ?
Il n’a pas osé répondre que non et il a descendu l’escalier.
- Bon, comment on fait ? A demandé le type qui avait l’air pressé.
Et il a répondu naturellement.
- Eh bien vous vous asseyez aussi confortablement que possible, le dos tourné à la rue, je me mets derrière vous et je vous écoute.
En cinq minutes, le type lui avait raconté l’histoire la plus improbable qu’il n’ait jamais entendu. Ensuite, il est parti comme si de rien n’était, en emportant la chaise avec lui.
De son histoire, il en a fait un livre, épuisé aujourd’hui, auquel il a donné le titre suivant : “ confession impromptue ”

PS : photo gentiment prêtée par D. Hasselmann du blog Le Tourne-à-gauche.

4 décembre 2012

Piazza San Marco

PT302846Ils prenaient un café en terrasse, comme si de rien n’était. Les garçons avaient chaussé leurs bottes, le soleil faisait son appartition – les lunettes de soleil s’imposaient presque -  et la journée commençait presque bien...
Ils étaient dans un cadre idéal - un tableau de Canaletto mouillé par la lagune – mais l’ennui la guettait. Pourquoi était-elle parti avec lui alors qu’elle aurait voulu partir avec l’autre ?

PS : photo prise par C.V. à Venise en novembre 2012

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