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Presquevoix...
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11 novembre 2016

duo de novembre

Après le texte de Caro, voici le mien pour ce duo de novembre.

graine de culotte

MA-A-A-RIE

La première fois qu’il l’avait vue, 15 ans plus tôt, elle faisait le tour de la place à cloche pieds en riant à perdre haleine. Aujourd’hui, elle est assise en face de lui, dans ce métro qui va de la porte de Clignancourt à la Mairie de Montrouge. Elle ne semble pas le reconnaitre.

Il a voulu lui adresser la parole, impossible,  pourtant son prénom lui brûle les lèvres. Marie, c’est pourtant simple à dire Marie, deux syllabes qu’il transformait en 4 lorsqu’enfant il l’appelait à tue-tête au pied de son immeuble : MA-A-A-RIE ! Elle apparaissait aussitôt à la fenêtre de sa chambre en disant: « Attends-moi, j’arrive ! »

Jusqu’au jour où elle a disparu. Elle avait 12 ans.

Il la regarde à la dérobée. Elle lit des messages sur son portable. Elle doit avoir beaucoup d’amis Marie, comme avant. On doit l’aimer, la désirer. Elle ne doit jamais être seule, c’est certain.

Il remarque qu’elle a de drôles de cicatrices à son poignet gauche qu’elle gratte de temps à autre. Sans doute s’est-elle blessée ?

Le jour de ses 9 ans, il avait écrit sur son bras : « Je t’aime ». Et elle avait répondu sur le sien « moi aussi », avec un cœur minuscule.

Marie qu’il n’avait plus attendue parce qu’elle avait déménagé sans laisser d’adresse. On n’avait jamais su pourquoi elle était partie. Tout le monde l’aimait Marie. Et lui, qui l’avait aimé à part Marie ?

Il lève les yeux de son roman-alibi et son regard croise celui de Marie.

-          Paul ? murmure-t-elle.

-          Marie ?

Elle sourit en hochant la tête.

-          Tu es vivante ? Dit-il bêtement.

-          Comment tu as su ? Répond-elle gênée.

-          Je ne sais pas, c’est tout ce qu’il trouve à dire.

Elle remonte la manche de son pullover et lui dit.

-          C’était écrit là, tu te souviens ?

-          Je me souviens

-          Je ne t’ai jamais oublié.

-          Moi non plus.

Puis il croit l’entendre chuchoter : « Tu sais, j’ai voulu mourir. »

Mais a-t-il bien entendu ? Le vacarme du métro qui roule dans les couloirs sombres dévore les mots et les visages.

-          Je descends au terminus, j’ai un studio à Montrouge, tu m’accompagnes ?

-          Bien sûr, s’empresse-t-il de répondre.

Ils marchent en silence dans la rue. Elle lui désigne un immeuble.

-          C’est là, au deuxième. J’aimerais bien que tu restes ici et que tu m’appelles d’en bas, comme avant.

Il lui fait signe que oui et il attend deux minutes avant de crier « MA-A-A-RIE ». La fenêtre s’ouvre et elle lui dit : « Viens, j’ai une surprise pour toi. »

Il monte les escaliers quatre à quatre et quand il arrive au deuxième, Marie est sur le palier. Elle le fait entrer dans un studio aux murs blancs, presque vide. Au moment où il allait poser une question, elle lui met un doigt sur la bouche et dit.

-          Ferme les yeux.

Il les ferme. Alors Marie s’approche de lui et l’embrasse sur la bouche…

Commentaires
L
Ah les amours enfantines ! Non, en fait moi, le beau rêve amoureux n'est resté qu'au stade du rêve, mais, j'en suis sûre, il a imprégné tout le reste de ma vie. Lui aussi, il s'éloigna et moi, je changeais de continent. Juste un visage sur une photo de classe.
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A
Oui le plus bel instant est quand on monte l'escalier! C'est un très beau récit bien mené jusqu'au dénouement, peut être un peu trop classique!
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P
Les yeux toujours clos, il sentait quelque chose d'un peu inhabituel, qu'il mettait sur le compte des bras de Marie l'enserrant. Les tentacules gluantes finissaient par le saucissonner jusqu'à lui couper le souffle.<br /> <br /> Marie commença à le dévorer de l'intérieur, il ne pouvait plus que pousser un cri silencieux.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce... c'était... c'était juste pour proposer une alternative sombre pour Espiguette, Adrienne et Caro_Carito :-D (je vous demande pardon pour cette taquinerie espiègle).<br /> <br /> <br /> <br /> Plus sérieusement, je trouve ça bien de nous surprendre par une autre approche de tes récits. Préparer ses lecteurs pendant un certain temps au drame, pour ensuite leur asséner du bonheur ! T'es trop forte \o/
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C
J'ai pensé comme Adrienne.<br /> <br /> Un texte qui va avec la photo, limpide et douce. On rêve de cela, un amour apaisé mais est-ce que cela va bien ensemble.<br /> <br /> Et j'aime beaucoup dans les nouvelles l'utilisation des dialogues, je trouve que cela les rend plus réelles plus vivantes et cela met en valeur les passages qui s'inscrivent ou dans le récit ou de le for intérieur des personnages.
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A
ouf! j'ai eu peur qu'elle se jette par la fenêtre ;-)<br /> <br /> (tu vois comme tu conditionnes tes lecteurs, dis?)
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Presquevoix...
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