Duo de juin
Nouveau Duo, avec Caro, du blog " les heures de coton " et le tout à partir de cette photo de Gilbert Garcin où l'on peut apprécier le tableau " Un autre jour " d' Edward Hopper.
Aujourd'hui, voici mon texte.
Les seins
Toute ma vie, j’ai tourné le dos aux femmes. Elles m'ont terrifié, dès ma naissance – je suis un prématuré - et, dans le ciel de ma vie, les nuages passent et ma peur demeure.
Jeune, j’avais une moustache, non que j’aimais les moustaches, mais elle me servait à effacer ce que je ne voulais montrer à personne, ma bouche. A cinquante ans, j’ai rasé ma moustache, mais ma bouche n’a pu s’ouvrir aux femmes et rien n’a changé.
Aujourd’hui, j’ai 75 ans ; j’ai grossi, beaucoup, et Les femmes me font toujours peur. Je l’ai remarqué dimanche, en entrant dans un musée où les toiles semblaient imposer un silence qui faisait entrer les hommes dans le secret de leur âme.
Ce dimanche-là, rien ne fut comme les autres dimanches. Je suis passé devant une toile où une femme nue s’offrait au soleil. Je n’ai pu m’éloigner, mais mes yeux ne la regardaient pas. Je voyais pourtant son corps nu et ses seins aussi durs que neige au soleil, ses seins qui me disaient :
- Tu vois, tu ne nous as jamais touchés mais il est encore temps. Il te suffirait de nous toucher, une fois, une seule, et peut-être que ton corps pourrait enfin s’ouvrir au soleil levant.
C’est à ce moment-là que j’ai crié cette phrase nue qui a déchiré mon corps : « Donnez-moi ces seins, tous les seins de la terre, maintenant ! ».
Aussitôt le gardien est arrivé, puis le SAMU, et maintenant je suis dans une chambre blanche ou une femme en blanc m’apporte six médicaments matin et soir.
Hier, j’ai vu ses seins - elle s’est penchée pour me donner un verre d’eau – et, pour la première fois, mon pénis s’est érigé vers le ciel…