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Presquevoix...

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6 février 2018

Le café de l’espérance

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C’est « au café de l’espérance » qu’il a rencontré Robert, 50 ans plus tôt, et jamais il ne l’a regretté. Les conneries qu’ils ont pu faire ensemble !

Leurs femmes, par contre, n’étaient pas du même avis, surtout lorsqu’elles les attendaient jusqu’à pas d’heure parce qu’ils devisaient sur l’état du monde en buvant deux, trois, quatre ou cinq verres de rouge remplis à ras bord.

Aujourd’hui c’est l’enterrement de Robert et l’église – dont les trois premières rangées sont remplies -  entend  ses reniflements pathétiques. Mais pourquoi est-il parti sans rien lui dire ? Il n’en revient pas. Une infidélité dont il ne l’aurait jamais cru capable !

Quand le curé commence sa messe en faisant l'éloge de la vie irréprochable du défunt – bon mari, bon père, bon grand-père -  il ne peut retenir un éclat de rire tonitruant. Quand même ! Si on lui a volé sa vie, on ne va pas tout de même pas,   aussi,  lui voler sa mort !

 

PS : photo gentiment prêtée par Espiguette.

4 février 2018

Meurtre

Elle était arrivée en hurlant.

-          Je vais l’assassiner !

« Qui ? » Avait-il demandé effrayé et elle lui avait révélé l’impensable : « Ma mère ! »

Bien évidemment il avait tenté de l’en dissuader, un matricide, elle n’y pensait pas, mais elle continuait inflexible.

-          Elle m’a gâché 40 ans de ma vie !

-          Oui mais quand même, c’est ta mère !

-          Et alors ? répliqua-t-elle.

C’était imparable : oui, et alors ? Elle se rua dans la cuisine, prit le couteau qui servait à découper la viande, l’emballa dans un torchon et mit le tout dans son sac à dos.

Deux heures plus tard elle était de retour, le pull tâché de sang. Elle articula.

-          C’est fait !

-          Quoi ? Mais tu es folle ?

-          Peut-être, mais maintenant ça va mieux.

-          Tu as pensé aux conséquences ?

-          Je m’en fous ! Elle n’y a pas pensé elle, aux conséquences, et elle m’a foutu ma vie en l’air. J’ai fait pareil, mais c’est plus radical : elle est morte !

Après avoir expliqué son acte, elle est montée à l’étage, s’est enfermée dans la salle de bain et a pris un bain qui a duré une heure trente, exactement. Quand elle est sortie de la salle de bain, lavée et parfumée, c’était une autre femme.

Faudrait-il en déduire que les matricides ont du bon ?

1 février 2018

Le lavoir

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 Le jour où je suis retournée au lavoir, me sont revenus les rires et les confidences mêlées au rythme des battoirs. Les jours de lessive, le linge était frotté énergiquement et les esprits s’échauffaient au fur et à mesure que les bassines s'emplissaient de linge mouillé.

J’étais enfant, mais rien ne m’échappait, ni les peurs, ni les joies, ni les tristesses des unes et des autres. Jalousies, trahisons, colères, impuissances, désirs, tout était éventré puis lavé dans l’eau froide qui rougissait les mains de ces femmes dures à la tâche.

Parmi elles, Lydie était la plus pudique,  jamais un mot ne lui échappait, comme si elle avait peur que cette proximité ne pût se retourner contre elle.

Un beau jour, elle  avait été interdite de lavoir. On avait appris que son mari lui avait signifié que le linge sale se lavait en famille, et non  au lavoir, avec les femmes du village.

Aujourd’hui, le lavoir repose silencieux sous sa charpente en bois mais, si vous collez votre oreille au mur, vous saurez qu’il résonne encore de secrets que l’on croyait scellés dans la pierre…

 

PS1 : aquarelle gentiment prêtée par Chinou, dont les carnets de voyage sont de toute beauté.

PS2 : prochain texte le dimanche 4 février.

 

 

30 janvier 2018

L’Homme

L’Homme domestique mieux les animaux qu’il ne se domestique lui-même : pourquoi ?

28 janvier 2018

Duo de janvier

Suite de notre Duo de janvier. Toujours comme inducteur, cette photo que j’ai prise en octobre dernier sur le marché aux fleurs de Bruxelles.

Voici le texte de  Caro :

 

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J'ai gardé mon imper ; le printemps est frisquet. Les quais sont bondés : voitures jouant à touche-touche, deux-roues zigzagant entre deux taxis, un bus slovène qui semble chercher sa place. Et les passants. Quelque part derrière les bouquinistes et leur devanture pour touristes, la Seine. Le serveur vient de m’apporter un Blue Mountain. Ici, à l’Académie, le café infuse lentement. J’attends une poignée de secondes avant de goûter à son arôme de velours.

Autour de moi, la ville palpite toujours. Je viens à cette terrasse au hasard d’un ciel dégagé. Je m’installe, je commande toujours la même chose et j’observe les trajectoires de vie qui passent sur le trottoir, parfois s’arrêtent. Il m’arrive de retrouver dans cette agitation urbaine un reste de gouaille, une légèreté qui semble avoir fui la modernité.

Aujourd’hui au programme, il y a cet homme chez le fleuriste. Il charrie un hydrangea blanc dans son sac à dos et il hésite depuis vingt bonnes minutes entre le lot d’orchidées en promotion et un gros pot de pensées. Je viens de commander un second café quand il se retourne et s’approche de moi l’air furieux : « Ça va pas de me fixer comme ça ! Ça m’empêche de réfléchir. Qu’est-ce qui ne vous plaît pas ? Ma tête ou les hortensias ? »

Je ne sais pas pourquoi je lui réplique presque en chantonnant : « Mais le lilas, tu l'as appelé lilas / Lilas c'était tout à fait ça / Lilas ...lilas* » Le garçon de café arrive avec ma commande et regarde l’intrus bizarrement. Je lui souris pour le rassurer ; il hausse les épaules et repart. Il en a vu d’autres.

Le porteur d’hortensia n’a pas bougé d’un iota, pas plus que sa colère.

–        Un lilas n’importe quoi ! Y’en a pas ici. Vous imaginez mettre des lilas sur les balcons de cette ville.

–        Je n’ai pas de lilas sur mon minuscule balcon, juste deux rosiers anglais et des plantes aromatiques. Le lilas, c’est pour Prévert. Vous n’aimez pas Prévert ?

–        Qu’est-ce qu’il vient foutre là-dedans le poète ? Vous vous encastrer entre vos deux boules d’épines british et vous vous évadez du béton en fumant un poème ?

–        Non… Je m’encastre, comme vous le dîtes si joliment, dans le moment présent. Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple**. C’est ce que m’a rappelé une amie, il n’y a pas si longtemps.

–        Je vois…

Je ne sais pas ce qu’il voyait mais sa voix s’était imperceptiblement apaisée. Qu’allait-il faire ? S’asseoir et boire un café avec moi ? Ou partir avec son improbable fardeau ?

 

* extrait de Fleurs et couronnes – Paroles – Jacques Prévert

** Spectacle – Jacques Prévert

26 janvier 2018

Duo de janvier

Voici notre Duo de janvier. Comme inducteur à nos textes, cette photo que j’ai prise en octobre dernier sur le marché aux fleurs de Bruxelles.

Cette fois-ci, le Duo commence par mon texte. Celui de Caro sera publié le 28 janvier.

 

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Le cadeau d’anniversaire

 

 En réponse à sa question, elle lui avait dit.

-          Tu n’as qu’à m’acheter une plante !

Il était donc allé au marché aux fleurs et avait fait le plein de couleurs ; une palette où le vert était constellé de rose et de blanc.

Le choix s’était avéré difficile ; on n’achète pas n’importe quel cadeau pour les 70 ans de sa mère, surtout une mère comme la sienne.

Après deux heures d’errance, il avait opté pour un hortensia. Sa mère adorait ces fleurs qui bordaient champs et routes dans sa région d’origine.

Le jour J, quand il offrit sa plante lors d’un repas partagé dans la plus stricte intimité, elle asséna.

-          C’est gentil de m’avoir offert une plante, mais tu sais bien que je déteste les hortensias !

-          Mais pourtant tu m’as toujours dit…

-          Ce n’est pas grave, tu n’as qu’à la garder, elle se plaira chez toi.

-          Franchement, c’est idiot, je croyais…

-          Je croyais n’était qu’un niais, rétorqua-t-elle en guise de conclusion.

Il n’y avait plus rien à ajouter. Le repas fut expédié dans une atmosphère tendue et il partit plus tôt qu’à l’heure habituelle,  l’hortensia dans son sac à dos.

« Sans rancune ? »,  lui dit sa mère au moment du départ. « Sans rancune », réussit-il à répondre.

Il se promit que pour ses 71 ans, il ne lui offrirait rien du tout, mais serait-il capable de tenir sa promesse ?

 

 

24 janvier 2018

Le gâteau

A midi, quand j’ai sorti le gâteau du réfrigérateur, mon mari m’a dit : “ Tu vas en manger ? ”.

Je lui ai répondu : “ Ben oui, pourquoi ? ”

-          Tu as vu comment Michel l’a démoulé hier soir ?

 Je n’ai rien répliqué, mais il a enchaîné.

-          Il s’est léché les doigts à plusieurs reprises, tu ne l’as pas vu ?

-          Comment j’aurais pu ? Je n’étais pas dans la cuisine.

J’ai voulu lui dire de se taire, mais il a continué, comme s’il y prenait plaisir.

-          Tu as remarqué comment il s’est mouché pendant tout le repas ? Et il ne s’est même pas lavé les mains pour démouler le gâteau.

Je l’ai supplié de se taire, j’en avais presque la nausée. Je pensais au gâteau de marrons, nappé de chocolat chaud que, la veille, Michel avait  déposé sur la table avec un sourire satisfait. Je m’étais  tellement régalée que j’en avais même repris ; c’est pour ça qu’il me l’avait laissé.

Et maintenant, à cause de ses remarques, la consternation, l’écœurement, l’envie de vomir, là, tout de suite. 

J’ai ouvert la poubelle d’un geste brusque et j’y ai jeté le gâteau.

22 janvier 2018

Silence

 

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Il se souvient de l’escalier. Il le voit encore la nuit, dans des rêves qui deviennent cauchemars.

Il y a deux ans,  il descendait ces marches pour aller vers le ruisseau où il aimait à entendre l’eau murmurer des poèmes singuliers. C’est au pied du chêne qu’il avait vu Juliette. A son cou, une corde nouée. La branche choisie s’était cassée sous son poids.

Il avait pris Juliette dans ses bras et l’avait ramenée dans ce qu'il appelait "leur cocon".  Aux paroles  de réconfort s'étaient mêlées les larmes, mais Juliette, inerte, voulait oublier la vie.

Jamais elle n’avait mis de mots sur cet acte et lui, il avait laissé le silence s’installer.

Seulement, maintenant,  il y a  cette culpabilité, comme une mousse qui s’accroche aux marches de la vie…

 

PS : photo gentiment prêtée par « Chandelin »

 

20 janvier 2018

Le test

Avant qu’elle n’épouse son mari, sa future belle-mère lui avait fait passer le test du repassage. Elle n’avait fait aucun commentaire, mais le soir même elle disait à son fils.

-          Je me demande comment tu peux vouloir passer ta vie avec une fille pareille. Elle fait des faux plis partout.

Son fils ne lui avait pas répondu. Il ne répondait jamais à sa mère.

18 janvier 2018

La prière

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Il était allé prier Notre Dame de toute Tendresse, qui sait si cette prière aurait une influence sur sa femme ?

Avec elle, il avait usé toutes les stratégies et ce serait la dernière avant la solution finale qui, sans doute,  la rendrait heureuse.

Elle pourrait ainsi lui dresser un autel sur lequel elle tresserait son long chapelet de louanges.

 

PS : photo prise en Normandie

 

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