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Presquevoix...

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27 décembre 2017

Maladies

Il était devenu malade à force de prendre des médicaments qui le soignaient de maladies qu’il n’avait pas.

 

 PS : à voir, ce documentaire édifiant  : « Cholestérol, le grand bluff »

25 décembre 2017

Noël

Ce Noël-là -  à dix ans révolus -,  elle avait voulu tuer ses parents avec une poudre de perlimpinpin  qu’elle avait versée dans les jolies petites tasses roses à fleurs bleues de leur service à thé.

Ses parents avaient survécu, tant mieux, ou tant pis. En tout cas, cette mise en acte l’avait définitivement sauvée du naufrage.

Cette famille-là  n’était plus la sienne et, enfin libre, elle avait pu renaître.

23 décembre 2017

Le fleuve

20170526_125523Damien regardait avec elle les arbres qui se reflétaient dans l’eau du ciel. Elle repensait au dialogue qu’elle et Jean avaient eu dix ans plus tôt, alors qu'ils se tenaient tous deux au même endroit, face à l’étendue calme et plate du fleuve.

-          C’est là que Damien l’a tuée, dans cette barque.

-          Tu es sûr ? avait-elle dit.

-          Oui, sûr et certain, j’y étais.

Elle n’osa pas demander à Jean pourquoi il n’avait pas empêché Damien de commettre cet acte barbare, son regard trouble l’en empêchait.

-          Tu l’aimais ?

-          Oui, plus que tout, plus que toi, même !

A ce même instant, Il lui avait emprisonné la main et ils avaient fait un pas vers le fleuve qui tendait vers eux les bras de ses arbres noueux.

Elle avait alors entendu quelqu’un qui avait hurlé « Non, non, attention ! » et elle avait eu la présence d’esprit de lâcher sa main. Le cri de Damien l'avait sauvée.

Dix ans plus tard, Damien et elle étaient silencieux face au miroir du fleuve, mais sans doute voyaient-ils la même chose : le corps de Jean que le fleuve avait englouti…

 

PS : photo prise dans la Creuse, en mai 2017

21 décembre 2017

Duo de décembre

Pour ce Duo de décembre, deux accroches, l'une étant le baise-en-ville, la deuxième étant ce site

Après le texte de Caro, voici le mien.

 

Confusion

 

On était le 5 janvier et l’année commençait bien mal.

Dans l’entrée, posés sur le guéridon, son sac d’écrivain  et son kit de survie, qu’elle répugnait à appeler baise-en-ville.

-          Tu vas chez ton éditeur ou à l’hôpital ? a-t-elle demandé à son mari.

Il a continué ses préparatifs sans lui  prêter la moindre attention.

Entre eux, les problèmes avaient commencé deux mois plus tôt. Au départ, rien de grave, mais ses distractions fréquentes et son regard absent l’avaient conduite à vouloir mener une enquête ; ce n’était pas pour rien qu’elle était commissaire dans le dixième arrondissement de Paris.

Elle avait d’abord demandé l’aide d’une adjointe à qui elle avait autrefois rendu de menus services, notamment quand il s’était agi de filer en douce  son mari, un infidèle notoire.

Au cours de ses investigations, son adjointe avait noté les choses suivantes : les rendez-vous de son mari chez son éditeur mais aussi – et elle le lui avait  annoncé avec un certain trouble -  des visites quotidiennes à l’hôpital Sainte Anne.

-          Mais il y fait quoi ? avait-elle demandé, surprise.

-          Je ne sais pas, je ne peux pas t’en dire plus.

Elle avait fini par prendre  elle-même les choses en main.

A Sainte Anne, son mari errait d’abord dans les jardins, puis il entrait dans le pavillon du secteur 16, un secteur inaccessible aux personnes qui ne montraient pas patte blanche.

Elle avait essayé de le questionner habilement pour faire avancer l’enquête, mais rien ; à chaque conversation, c’était comme si un écran se dressait entre elle et lui.

Le 21 décembre, lors de leur dîner d’anniversaire de mariage, il lui avait glissé qu’il s’inquiétait pour sa santé ; il trouvait qu’elle avait mauvaise mine. Ne devrait-elle pas prendre rendez-vous chez le médecin ? Ne devrait-elle pas travailler moins ? Elle se demandait s’il n’avait pas découvert le pot aux roses.

Ce même soir ils avaient fait deux fois l’amour et, sa quasi-obsession  à être à l'écoute de  ses moindres sensations physiques  lui avait semblé étrange. Non, ce n’était décidément plus le même homme. Avant, il n’aurait jamais mis un point d'honneur à la faire jouir. Elle avait d'ailleurs failli le remercier, mais elle s’était retenue.

Le lendemain de cette nuit particulière, il lui avait apporté des fleurs.

-          Pour toi, avait-il dit simplement alors qu’il ne lui avait jamais encore offert un seul bouquet depuis cinq ans qu’ils étaient mariés.

Elle avait placé les roses rouges dans un vase blanc dont il lui avait fait cadeau deux ans auparavant.

-          Il est beau ce vase, avait-il dit.

-          C’est toi qui me l’as offert, mais jamais tu ne m’avais offert de fleurs. Oubli réparé, merci.

-          Ah bon ? Je ne m'en souvenais même plus.

Son air absent et ses yeux fixes  l’avaient troublée, mais ce qu’elle avait découvert par la suite l’avait conduite à prendre conseil auprès d’une amie psychologue clinicienne.

Donc, ce cinq janvier, alors qu’il était sur le seuil de la maison, prêt à partir avec son sac d’écrivain et son baise-en-ville, elle s’est décidée à parler.

-          Je sais tout.

-          Tout quoi ? a-t-il demandé calmement.

-          Je sais que tu n’es pas qui tu dis être.

Il l’a fixé intensément et lui a rétorqué.

-          Et toi ? Tu sais qui tu es ?

-          Oui, a-t-elle affirmé, moi je sais, mais pas toi.

-          Tu es bien présomptueuse, a-t-il asséné, et il est sorti sans plus se soucier d’elle.

Deux heures plus tard, dans la chambre 105 du secteur 16 de l’hôpital Sainte Anne, elle ne fut pas reçue à bras ouverts. Sans doute est-ce compréhensible ; un être humain peut-il facilement admettre qu’il vit dans le mensonge ?

Aujourd’hui encore, son mari se refuse à lui expliquer pourquoi  il a demandé à son frère jumeau – dont il lui avait caché l’existence – de se faire passer pour lui. Quant à son frère jumeau, cette expérience l’a perturbé au point que le psychiatre a dû doubler sa dose de neuroleptiques.

Maintenant, les deux frères sont à Sainte Anne, l’un dans la chambre 105, l’autre dans la chambre 106. Quant à elle, lors de ses visites mensuelles, elle veille à passer autant de temps avec l’un qu'avec l’autre et ce, pour une raison très simple : ils sont à ce point semblables  qu' elle se demande toujours qui est qui.

 

 

19 décembre 2017

Duo de Décembre

le_baisenville__2_

 

Pour ce Duo de décembre, deux accroches, l'une étant le baise-en-ville, la deuxième étant ce site.

Aujourd'hui vous pouvez lire le texte de Caro, le mien sera en ligne le mercredi 21 décembre.

 

BAISENVILLE

Depuis plus de 25 ans, il vient tous les ans à la même période, souvent le samedi avant Noël.

Je venais d’être embauchée quand je l’ai servi pour la première fois. Il a demandé un baisenville. J’ai rougi ; il a sans doute cru, à raison, que j’étais une oie blanche. Surtout, je trouvais le mot tellement incongru dans la bouche de ce jeune homme falot. Il est revenu ensuite chaque année, choisissant au tout début un cadeau modeste, un porte-clef ou un étui à stylo, au cuir classique. L’achat d’un bracelet type Hermès le vit réapparaître au Noël suivant, toujours aussi effacé, un mince jonc à l’annulaire.

Ce matin, je suis descendue aux archives de la comptabilité et j’ai rassemblé dans mon carnet tous les doubles de ses factures. Quelques rares documents où le montant de ses achats s’était avéré peu élevé. Une simple réparation ou l’acquisition d’une ceinture. Puis, les sommes avaient augmenté. Tous les trois ans, des cartables dans des marques au bon rapport qualité prix – les jumeaux grandissaient. Une pochette de soirée pour madame – la première – qu’il avait fait envelopper dans un papier de soie pervenche.

La fidélité qu’il montrait envers notre Maison me plaisait. J’aimais le lire dans ses emplettes, je le contemplais discrètement alors qu’il caressait les coutures fines d’un Tote bag à la sobriété toute masculine. Je souriais à cette assurance qui s’attachait progressivement à sa mince stature. Je m’amusais de ses années bourgeoises où il ne semblait ne jurer que par les Ateliers Auguste. Vers le milieu de la trentaine, il changea : des Herschel pour les enfants, un sac week-end pour lui, et, au final, rayon femme, deux sacs hobo pour Noël, tous deux onéreux et chics, classique pour l’une, tendance pour l’autre. L’alliance avait disparu. Alors qu’il quittait la boutique les bras encombrés de paquets, je me remémorais le jeune garçon à l’imperméable usé, la silhouette au pardessus camel, avec – évidemment – le baisenville négligemment ajusté à l’épaule. Là, à travers la vitrine, je découvrais un homme à la démarche affirmée. La commande suivante m’avait tout autant surprise mais j’avais adoré dénicher le sac à moto et la trousse à outils assortie réputés introuvables. Juste après, il y eut la période US, assez longue où, à l’occasion de ses rares séjours en France, il ne voulait que du Filton.

Hier, en revenant de l’arrière-boutique, je le trouvais perdu dans un magasin qui lui était pourtant si familier. Je me suis dirigée vers lui sans hésiter, nous nous connaissions, en quelque sorte. Son regard me détailla alors que je lui demandais ce qu’il désirait : « Vous ne portez plus votre alliance ! » Je rougis tout aussi fort que lorsque je l’avais rencontré la première fois.

Nous prîmes un verre juste après ma journée de travail. Je lui expliquais que je quittais la Maison, que je m’établissais pour travailler pour un créateur renommé. Je réparerais des vieux modèles, je deviendrais une sorte d’infirmière pour vieux bagages usés, des sacs 24 heures ou 78 heures, des cabas, des modèles sport, pour hommes exclusivement. Je me surpris à caresser la peau éraflée du baisenville qu’il avait posé sur la table. Un sac Charles de chez Bleu de Chauffe qui avait vécu mais dont le cuir était resté souple et doux au toucher. Il me fixait avec ce sourire qui, même dans les années les plus fastes, avait conservé la trace charmante de l’ancien jeune homme maladroit. Au bout d’une heure, nous sommes partis. Il a hélé un taxi et a tenu à m’accompagner. Je me suis serrée contre lui, je savais que, dans ce baisenville qui lui allait si bien, il avait tout ce qu’il fallait pour passer la nuit – quelques Noëls qui sait – avec moi.

 

 

17 décembre 2017

Le confessionnal

20170606_143514Elle avait décidé d’ouvrir un confessionnal, une idée un peu folle, mais qui  marchait. Au début, un ou deux clients par jour, mais depuis un mois, elle pouvait recevoir jusqu’à 10 personnes par jour.

Son approche était simple : chacun pouvait déposer ses souffrances pendant la demi-heure qui lui était accordée et recevait une écoute inconditionnelle accompagnée d’une boisson au choix et d’un gâteau fait maison, pour la modique somme de 15 euros.

Seulement, au jeu de l’écoute, elle fut rapidement prise au piège, et ce qu’elle pensait être une activité anodine l’obligea à aller se faire écouter elle-même pour un prix beaucoup plus élevé que celui qu’elle pratiquait avec ses clients…

15 décembre 2017

Changement

Pourquoi la vie désenchante-t-elle ce qu’elle a enchanté ?

Il l’avait trouvée belle, très belle, puis moins belle, nettement moins belle et maintenant, non seulement  il la trouvait quelconque, mais bête. Il s’en voulait mais c’était ainsi, la vie avait transformé la soie en tissu grossier. Tout ce qui chez elle l’avait attiré, l’éloignait ; et tout ce qui l’avait ému, l’agaçait.

L'heure était venue de s'envoler à tire d'ailes...

13 décembre 2017

Le piano

20170618_145634Tout  chez Barbara le fascinait : sa voix, ses intonations,  son phrasé, ses attitudes.  C'est pour elle qu'il s'était mis au piano, seul d'abord, puis accompagné, mais son enthousiasme du départ était tombé aussitôt. Le professeur - pourtant soigneusement choisi -  l’avait découragé, et un seul cours avait suffi.

Certains enseignants ont des dons stupéfiants…

 

 

 

PS1 : photo prise dans un café à St Martin de Boscherville où l’abbaye vaut le détour.

PS2 : A voir sur Arte :  "Barbara, chansons pour une absente".

 

 

11 décembre 2017

Les origines

Le taxi nous ramène des urgences. Le chauffeur est noir et nous enjoint de nous préparer au gendarme couché. Le passager à la vertèbre fracturée demande.

-          C’est une expression qu’on utilise beaucoup aux Antilles. Vous êtes antillais ?

-          Non.

-          Mais alors vous êtes de quelle origine ? insiste le même passager

-          Ma mère est bretonne.

Cette réponse génère une minute de silence.

-          Ah, et votre père ?

-          Mon père est du Mali.

Ouf, soupir de soulagement ; car peut-on être tout à fait  breton si l’on est noir ?

 

 

9 décembre 2017

Les soucoupes volantes

20171125_083425Le jour de l’arrivée des soucoupes volantes en France, le ciel tirait sur l’orange et la ville se réveillait à peine d’une gueule de bois due à l’explosion sociale qui couvait depuis des mois et s’était propagée à l’échelle du pays.

Certains parlaient de révolution, mais il était encore trop tôt pour utiliser ce mot dont la puissance ne pouvait se résumer à des manifestations, certes importantes, mais qui étaient encore contrôlées.

La veille au soir, le chef d’Etat s’était accordé un droit d’antenne d’une demi-heure. Son discours creux aux accents emphatiques laissait augurer une fin de règne possible, mais quand ?

Et c’est dans ce contexte que les soucoupes volantes étaient arrivées dans toutes les villes de France. Dans chaque soucoupe, un responsable avait été désigné pour s’adresser à nous dans notre langue. Le message était simple :

« Réveillez-vous terriens de France ! Si vous ne vous débarrassez pas des guignols qui sont au pouvoir et de leurs sous-fifres, nous le ferons nous-mêmes et nous avons les moyens de mettre notre plan à exécution. C’est maintenant ou jamais si vous  tenez à votre vie et à celle  de votre beau pays ! »

Pourquoi tout le monde adhéra à ce discours simple - voire simpliste - je n’en sais rien. Mais depuis ce jour, les guignols ont disparu ; le pays revit, et nous aussi…

 

PS : photo prise à Rouen, un matin de novembre.

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