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16 mai 2015

L’épitaphe

Sur la plaque qui ornait la stèle de sa femme, il avait fait inscrire, en lettres jaunes sur fond noir,  l’épitaphe suivante - « Merci pour tout. »

Le lendemain de la cérémonie, vêtu de noir et le teint blafard, il retourna au  cimetière. Alors qu’il se recueillait sur sa sépulture, il crut entendre sa voix.

-  C’est tout ce que tu as réussi à trouver comme épitaphe ! Je ne te fais pas mes compliments.

 

18 mai 2015

L’ange gardien

En contemplant Antoine - l’homme dont il avait la responsabilité -  l’ange se disait que le déni avait du bon. En tout cas, c’était tout ce qu’il avait trouvé d’efficace pour son protégé et il n’en était pas peu fier quand il en parlait au GPA  -  Groupe de Parole des Anges -  du dimanche soir. 

« L'illusion » renouvelée du déni  permettait à Antoine de vivre en aveugle. Si par malheur il avait ouvert les yeux, il aurait remarqué que la plupart de ses élèves  étaient plus "chiants" qu’ « attachiants » et que leur attention était toute entière accaparée par leur portable et non par son discours  sur les fonctions, les tableaux de variations, la loi normale ou les probabilités.

Grâce à l’attention de son ange gardien, Antoine survivait. Nulle envie de se jeter par la fenêtre, nul désir de s’immoler, nulle velléité de se bourrer de médicaments ; tout au plus quelques nuits d’insomnie et des somatisations fréquentes dont il ignorait la cause…

 

 

22 mai 2015

La confession

Elle ne s’était jamais confessée mais elle en rêvait. Elle s’imaginait agenouillée, déversant dans un murmure toute la noirceur de son âme à travers un grillage dont les jours lui permettraient de voir l’homme de Dieu agenouillé lui-même.

Le jour où elle sauta le pas, le curé fut si surpris de la teneur de ses confessions qu’il s’évanouit. Affolée, elle rentra dans sa loge, lui bascula la tête en arrière et lui souffla dans la bouche à plusieurs reprises.

Cette expérience lui laissa une culpabilité  telle que jamais plus elle ne renouvela l’expérience. 

 

30 mai 2015

Sweet little angel

 

Parfois il lui disait « Sweet little angel » ou « Rock me baby », mais souvent, il lui cognait dessus.  « Pour me soulager » s’excusait-il, mais ça ne durait jamais très longtemps.

Un jour elle est morte, plus de sweet little angel, plus personne pour le bercer, plus rien, juste lui et le déni dans l’enfer d’une cellule de trois mètres sur trois.

 

 

 

1 juin 2015

Duo de juin

Voici notre Duo de juin avec Caro. Nous avons laissé libre court à notre imagination en écoutant  le rondeau de l’opéra-ballet les indes galantes de Rameau. Ce rondeau fait partie de la quatrième entrée : les sauvages.

Aujourd’hui, vous pouvez lire le texte de Caro. Le mien paraîtra mercredi.

 

 

Trac

Je me réveille ce matin au moment où le chœur entre dans mon rêve. Non pas vêtu de noir et de blanc mais avec les vêtements de ville de la répétition de 17 h.

Une goutte de sueur glisse le long de ma tempe, trace surgi de mon inconscient.

Etre le seul habillé du costume de rigueur Tiré à quatre épingles Pingouin égaré dans une jungle sonore Le tambourin pend désespérément muet au bout de mon bras Mon corps me soutient à peine flasque comme ma mémoire La danse des sauvages C’est à moi Là le signe du chef  Soudain la question assassine… Est-ce la manière orthodoxe de tenir l’instrument ?

Les derniers remous de mon rêve me laissent enfin tranquille et déguerpissent, effrayés par l’aurore. Sur la table du salon, les partitions alignées. Les baguettes attendent dans la chambre voisine. Le tambourin. En fait, LE tambourin choisi pour l’Œuvre. La peur est là, qui m’a tenu éveillé une partie de la nuit avant que je m’écroule au milieu des coussins du sofa. Quelques pas et je suis sur ma microscopique terrasse, perdu au milieu des toits de zinc qui chapeautent la ville, à côté des rosiers que Léa a laissés en me quittant.

Je sais bien que je vais trembler avant l’entrée en scène. Trois rythmes, ceux du début, que je me remémore en boucle. Ce cœur qui bondit, se cabre et ne veut pas s’apaiser. Je respire avec lenteur, mon souffle n’est que saccades et angoisse. Je tremblerai en prenant mes partitions même si je connais chaque note par cœur, je ferai vaciller mon pupitre et je resterai à l’affût de chaque incident qui pourrait survenir. Le monde peut s’écrouler à tout instant. Je repenserai en boucle à cette danse des sauvages dont l’affiche, placardée sur les murs et les revues, fait déjà bruisser le Tout-Paris. Une grand-messe pour un public tout en soies, en colliers et nœuds papillons, en murmures. Murmure de l’attente, de la surprise, du regret, et au final, murmure d’enthousiasme ou de déception.

Je serai là dans la fosse et je débusquerai la rage pour affronter ce public ardu. Je me dirai « Léa » et,  aux côtés de mes camarades, j’affronterai l’armée de violons, l’orchestre en entier, le chœur, les spectateurs à l’affût de l’écharde qui entaillera le déroulé des notes. Je réduirai à rien le trac et plus encore la solitude, la douleur et l’incertitude qui m’alpaguent depuis que, toi Léa, tu n’es plus là.

Je sens sous mes doigts la peau tendu et l’imperceptible cliquetis de l’instrument. Je souris à Guy qui part en retraite, à Cyril le petit jeune, aux autres avec qui je vais me mesurer. Un signe venu du pupitre, une mesure. Je sens le plancher craquer imperceptiblement alors que je cherche mon appui. Il est temps que moi, nous, percussionnistes, nous affrontions l’assaut des archers et des voix, je ne vacillerai pas, je gagnerai, ce soir, et tous les autres. Léa, tu peux m’avoir trompé, avoir cru pouvoir me traîner dans la boue. Chaque soir où j’effleurerai peaux et claviers, que le bois de chacun de mes jeux de baguettes pèsera dans mes mains, que les rythmes me redonneront vie, je gagnerai. Je te pardonnerai.

Et je t’oublierai.

2 mars 2016

Duo

Lundi et mardi, vous avez pu lire le texte de Caro, du blog les heures de coton.  Je vous rappelle la consigne : il  s'agissait d'utiliser une citation de Tourgueniev  - « Comment savoir ce qu’on ne sait pas ? » - en l'insérant dans une histoire qui devait ressembler à un conte. Aujourd'hui, voici mon texte.

 

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La fée

 

La fée lui apparaissait tous les premiers samedis du mois, à 23 heures, et à chaque fois, elle lui posait une nouvelle question. La réponse était à donner avant le premier samedi du mois suivant.

Marie avait réussi à répondre aux onze questions précédentes, mais la dernière lui donnait du fil à retordre. Il  ne lui restait plus que 24 heures pour trouver une réponse  à cette question : « Comment savoir ce qu’on ne sait pas ? ». Le visage de la jeune femme s'assombrissait au fur et à mesure que les heures égrenaient leur glas au clocher de l’église. Que se passerait-il si elle était mise en échec ?

A 23 heures, quand la fée arriva, tenant à la main sa baguette magique argentée, elle crut défaillir. La question fatidique lui fut posée et, à son grand étonnement, elle s'entendit répondre qu'elle ne savait pas.

La fée lui reposa calmement la même question et Marie énonça calmement la même réponse. La fée dit alors.

- Tu vois, ce n’était pas si compliqué de reconnaître que tu ne pouvais pas tout savoir sur tout. Tiens, prends cette baguette magique. Maintenant, tu seras celle qui posera les questions !

6 mars 2016

Genre

A chaque phrase que les élèves disaient, le mot « genre » pointait le bout de son nez. Non pas une fois, ni deux, mais trois, quatre ou cinq. Elle finit par le  leur dire et ils s’étonnèrent en chœur : Ah non, on dit pas « genre » tout le temps !

Très bien concéda-t-elle, afin d’éviter toute polémique,  mais dès qu’un élève prononça le mot « genre »,  elle cria un « genre » qui cloua tout le monde sur place.

Ils finirent par reconnaître que  chez eux,  le « genre » avait de l’importance et ils prirent même la peine de créer quelques phrases – avec la musique qui va avec -  qui  la firent sourire : «  Genre, tu vois quoi, c’est nul » ;  « Genre on triche, nous ? » ; « Genre, vous nous croyez pas, quoi ! » « Genre, je le kiffe pas ! » « Genre,  t’as rien compris, quoi ! ».

Et pour vous, ce sera « Genre, quoi ? »

 

14 mars 2016

La phrase

« On voudrait nous faire croire qu’on fonctionne en ligne droite mais on est dans un vrai labyrinthe ». Nombreux étaient ceux qui l'ignoraient encore, somnolant dans la certitude de leurs préjugés lénifiants.

Elle avait longtemps marché dans les ténèbres  mais  maintenant, à chaque oscillation de son corps, son trapèze aux cordes tressées de fils  d’Ariane conduisait son esprit vers la lumière. 

Parfois, des "amis" bien-pensants lui riaient au nez : « Parce que toi, tu crois qu’on fait ce qu’on veut dans la vie ! ». Elle les laissait dire et préférait détourner son regard quand ils tombaient, victimes de lignes droites qui leur  barraient l’horizon. 

Ces mêmes personnes lui murmuraient aussi que les labyrinthes ne ménagent pas leur peine pour perdre ceux qui les défient. Mais elle n'écoutait pas ces oiseaux de mauvais augure, et les cales qui durcissaient ses mains étaient les gages qu'elle prenait la vie à bras le corps et que jamais ne cesserait sa quête de  liberté…

 

PS : texte inspiré par ce spectacle de Raphaelle Balland :

 

 

1 avril 2016

Le toit

Elle s’était fait refaire son toit et elle y avait mis le prix. Lorsque les travaux ont été achevés, elle a dit au charpentier.

-         Bon, j’espère qu’il va me faire longtemps celui-ci.

-         Ne vous en faites pas, répliqua-t-il, vous serez morte avant votre toit.

Elle  a souri, pour la forme, mais avait-elle envie qu’un toit lui rappelle la condition de mortelle de son moi ?

11 avril 2016

Lundi noir

C’est un lundi noir qui fait suite à un dimanche noir, sans parler de la semaine précédente, elle-même d’une noirceur sans nom. Elle n’a plus  le choix qu’entre trois solutions :

1)      Se suicider en se jetant sous un train

2)      Se suicider en se jetant dans la Seine

3)      Se suicider en avalant trois boîtes de médicaments

Que choisir ? Elle marche dans la ville, au hasard. L’air est frais, le ciel bleu pâle et les visages fermés. Ses pas la conduisent vers la seule vraie librairie de la ville  et elle traîne son mal être entre les rayons. C’est au deuxième étage qu’elle découvre la perle rare : « Petits exercices d’art Thérapie ».

Elle s’installe dans l’un des fauteuils, feuillette le livre un moment puis décide de l’acheter.

Finalement, non, elle ne se tuera pas – à quoi bon ? -  mais elle transformera sa souffrance en une multitude d’œuvres qu’elle installera partout, dans les jardins et les rues, et jamais elle ne s’arrêtera, jamais…

8 janvier 2017

l'échange

Cette année, l'échange traditionnel de cadeaux a un peu perdu de son charme. Pas de noeud, pas de papier d'emballage, juste le cadeau dans sa stricte nudité. Et, pour fêter Noël,  oh surprise, ils ont eu la même idée : du whyskie, de la même marque,  sauf qu'une bouteille avait 15 ans d'âge et l'autre 12 ans...

5 avril 2014

Catherine

A chaque fois que Catherine nous invitait, je me surveillais étroitement, surtout à l’apéritif. Ses yeux, tels un écran radar, contrôlaient le tapis et la table basse. La pelle et la balayette attendaient sagement ses ordres dans un coin du salon et, à la moindre miette, Catherine s’avançait, une banderille dans chaque main, prête à donner l’estocade afin de faire disparaître sur le champ l’objet du délit. Je crois que je détestais Catherine.

 

7 mai 2014

On

A peine venait-elle de s’asseoir sur la chaise, les cheveux humides, que la série des « on » commença.

-   Alors qu’est-ce qu’on fait ?

Une fois la coupe décidée, la coiffeuse se saisit de sa paire de ciseaux et une longue série de « on » accompagna le cliquetis  métalique : maintenant on penche la tête vers l’avant… on la redresse… on met la tête de côté… on coupe plus ou on arrête ? On sèche et on met quelque chose sur les cheveux ? etc.

Quand elle est rentrée chez elle, tout naturellement, elle a demandé à mon mari : Alors, on a passé une bonne journée ? On veut manger quoi ce soir ? Il l’a regardée bizarrement et elle a tout de suite compris qu’elle avait été contaminée…

13 mai 2014

La glace

Depuis qu’elle avait passé le cap des 70 ans, elle ressemblait de plus en plus à sa sœur ; tout le monde le lui disait et elle-même le constatait. Dimanche matin, à 11 heures exactement, elle avait même eu l'impression de se trouver nez à nez avec sa soeur en se regardant dans la glace. Les  insultes avaient aussitôt sifflé,  jusqu’à ce qu’elle se rende compte du ridicule de la situation.

Mais pourquoi s'étaient-elles disputées ? Elle ne s’en souvenait même plus ; mais toutes les raisons étaient bonnes pour se fâcher avec sa sœur qu’elle trouvait aussi moche que bête.

 

15 octobre 2014

Le « liseur »

Il était assis dans le hall d’entrée du lycée avec un livre - sans doute un roman - ouvert sur les genoux. Il lisait, indifférent aux autres, et peut-être même à lui-même. J’ai failli m’approcher  pour lui demander si, en lisant ainsi au vu et au su de tout le monde, il n’avait pas peur d’être moqué ou harcelé,  mais je me suis retenue. Sans doute la peur de troubler un moment aussi précieux…

21 octobre 2014

Miss Ventre

C’était la fête du ventre et la joie régnait. Le ventre ne met-il pas tout le monde d’accord, sauf les anorexiques ?

La foule se pressait dans les allées où les « artisans » tenaient leurs stands revêtus à l’ancienne. Certaines mauvaises langues se demandaient pourtant si les produits vendus étaient aussi authentiques que les vêtements des vendeurs.

Cette année – une première -  La municipalité avait décidé de sacrer une Miss Ventre. La Miss gagnerait cinq saucissons secs, un rôti de veau de un kilo, quatre neufchâtels, deux pots de tripes à la mode de Caen et deux bouteilles de pommeau.

La Mairie n’était pas peu fière de son initiative, mais les critères de sélection de  Miss Ventre et la mise en place du jury avait créé de fortes tensions au sein de l’Equipe municipale et des représentants des commerçants. Il avait finalement été  décidé que le jury serait composé du maire, de l’adjoint à la culture, d’un conseiller municipal de l’opposition et de trois représentants des commerçants.

Cette année-là, le prix  avait sacré Aurélie, 18 ans, 75 kilos, 1 mètre 60, normande d’origine et détentrice d’un CAP boucher. La jeune Miss avait été immortalisée sur le podium par de nombreux photographes amateurs. La pauvre transpirait fort dans  son corselet qui comprimait sa poitrine opulente ; une  jupe de toile rayée et un bonnet serre-tête blanc complétait sa panoplie de Miss.

25 octobre 2014

La bibliothécaire

Elle était bibliothécaire bénévole à la Maison d'arrêt et, ce qui l’étonnait le plus, ce n’était ni les conversations étranges qu’elle entendait ça et là, ni le nombre de détenus qui passaient par la bibliothèque sans jamais rien emprunter, ni les allures de somnambules de certains, assommés par les médicaments, mais  le nombre de livres policiers qu’on lui demandait. Rien d’autre ne trouvait grâce à leurs yeux, à part le code pénal, bien sûr.

 

29 octobre 2014

L’éloge funèbre

Au moment où le curé faisait l'éloge de la défunte, son fils se leva spontanément et cria : " Ce n’est pas vrai ! ». L’assistance se tourna vers lui et le curé interrompit son discours. Le fils resta debout, le regard perdu, puis il se rassit l’air accablé. Le curé revint à son éloge et l’assistance reprit son écoute attentive, comme si rien ne s'était passé…

31 octobre 2014

Le génie

Cinq ans plus tôt, ses parents lui avaient acheté le jeu « little Einstein » et l’enfant  se devait d'y jouer une fois par semaine. Les parents s’étonnèrent donc quand l’institutrice de CM2 leur demanda de venir afin de parler du parcours scolaire de leur fils chéri.

-  Une année de plus en CM2 serait peut-être nécessaire, leur dit-elle, votre fils n’a pas acquis la maturité nécessaire pour passer en sixième. Je pense qu’il sera très vite en difficulté.

Les parents se regardèrent le visage défait. Leur rêve d’avoir pondu un génie s’écroulait-il ? Mais ils reprirent vite le dessus et le père asséna, accompagné par les hochements de tête véhéments de la mère.

-  Inutile de continuer madame. Paul passera en sixième. Son niveau est tout à fait satisfaisant. D’ailleurs, au dernier QI, ses résultats étaient nettement supérieurs à la moyenne.

Puis ils partirent la tête haute, sans même dire au revoir à l’institutrice.

 

 

4 novembre 2014

La caissière

A la caisse du supermarché,  elle ne pouvait s’empêcher de bavarder avec les « hôtesses », même les jours où la queue s’allongeait et où la tension montait. Il faut dire qu’elle était retraitée et, à part son chien, elle ne parlait pas à grand monde. Ce jour-là, elle n’avait pu s’empêcher de dire à la caissière.

-          Je ne vous vois jamais à la caisse le dimanche.

La caissière lui répondit qu’elle ne travaillait pas parce qu’elle voulait déjeuner  avec son mari. La vieille dame rétorqua alors en souriant.

-          Oh,  je suis sûre que ça vous passera avec l’âge. Moi, à la fin,  moins je le voyais,  mieux je me portais ! Maintenant, il est mort, alors...

8 novembre 2014

Le respect

Elle s’appelait Cindy et elle voulait qu’on la respecte – louable désir -  mais elle, qui respectait-elle quand elle parlait à qui mieux mieux alors que l’un de ses camarades s’escrimait à faire une phrase cohérente en anglais.

C’est en bref ce qu’elle lui dit à la fin du cours, une fois les autres élèves envolés. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsque Cindy répondit.

-  Mais vous madame, vous avez vu comment vous nous parlez !

-  Et comment je vous parle ?

-  Ben vous nous parlez comme à des chiens sans dire s’il vous plaît quand vous voulez qu’on se taise.

Sa surprise fut telle qu’elle en resta muette. Heureusement pour la petite « peste » qui souhaitait qu’elle leur demande de se taire 20 fois l’heure – au minimum -  en ajoutant s’il vous plaît, et avec le sourire en prime, sans doute ?

Il était temps pour elle de changer de profession sinon, un jour, elle ne pourrait s’empêcher de leur dire un « Are you gonna shut your fucking big mouth ! » ; et cette fois, Cindy aurait raison de lui souligner qu’elle ne les respectait pas…

10 novembre 2014

La corde

Le quincailler avait une blouse blanche impeccable et sa boutique était rangée au cordeau. Une odeur de peinture et de térébenthine flottait dans l’air et elle ressentit un vague étourdissement. Il s’adressa à elle d’une voix légèrement flûtée, on eut dit une voix de femme.

-  Vous désirez ?

-  Une corde solide de deux mètres cinquante de long s’il vous plaît.

L’homme la regarda longuement et lui dit que non, qu’il avait bien une corde de cette longueur mais qu’il la trouvait bien trop triste pour la lui vendre. Et il conclut.

-  Je ne veux pas qu’on m’accuse de non-assistance à personne en danger !

 

 

12 novembre 2014

Duo de Novembre

Nouveau duo d'écriture avec Caro. Cette fois-ci, notre source d'inspiration est Barbara avec : " La solitude ".

Sous la vidéo, vous pourrez lire le texte de Caro. Le mien paraîtra vendredi 14 novembre.

 

 Au Jean Bart

Je crois que ce jour-là, il venait de pleuvoir.

César venait de me larguer. Il ne s’appelait pas César, c’est le nom que je donne à mes ex, les conquérants. Après eux, après le saccage, ne restaient que des lieux dévastés où plus rien ne pouvait repousser.

Les pavés étaient luisants. Si vous êtes biturige, vous connaissez, l’automne maussade qui se traîne rue Bourbonnoux, les feuilles grises noyées au fond de la fontaine George Sand. Au Jean Bart, j’ai commandé un verre. Fernand m’a servi un petit vin du Languedoc. Après la fuite du cinquième empereur, il m’avait conseillé ce cru ensoleillé qui chassait les idées bancales et les cœurs en capilotade. Ce soir-là, alors que j’avais perdu le compte des héritiers de mes dynasties amoureuses, je l’ai vue pour la première fois. Une vraie gueule de carême. Une petite chose fripée, rencognée dans un coin. Fernand a apporté une assiette avec quelques tranches de saucisse sèche et de cantal. Il m’a resservi un verre.

Je l’ai retrouvée chaque fois que mes aventures tanguaient, chaque fois qu’elles partaient en quenouille et me filaient entre les doigts. Quand invariablement exsangue, j’atterrissais dans la grande salle à moitié éclairée, au milieu des habitués du soir. Je prenais un verre comme je tombais amoureuse. Je m’accrochais à des bruits de comptoir, à cette ligne rouge et liquide qui roulait sous mes doigts et ma paume. Je mélangeais tout, toujours ; j’étais incapable de résister à mes envies. Respirer un peu de vie dans une peau à l’approche, me perdre dans un détail, tiens la lueur entrevue dans un regard, ou un mot que je fantasmerai longtemps. Là, à fond de cale, je me noyais dans ce verre sans fond. Mirage ? Il suffisait que Fernand soit là et le fasse disparaître d’un coup adroit.

Tiens. Elle était encore là, la petite chose ratatinée, tapie au fond de la salle. Devant elle, un paquet de cigarettes intact, comme son verre. Je pourrais me raccrocher à ce regard qui fend la salle, mais il y a cet homme qui se retourne. Finalement, il ne se passe rien. Je rentre, et laisse derrière moi le souvenir de l’homme et le sourire cerné qui ne m’avait pas quittée.

C’était juste après Noël. Je me tenais dans la porte cochère et regardais les flocons qui glissaient le long des pierres d’hiver de la cathédrale. J’allais partir de chez moi, je ne supportais plus ce silence qui allait et venait dans les pièces. Pourtant, je ne bougeais pas. Il y avait ces larmes froides que je sentais venir et que rien, ni le sourire bougon de Fernand, ni l’éclat de la robe rouge du Fitou ne pourraient éloigner.

Et elle se tenait là, dans le creux d’ombre près du réverbère. Je l’ai laissée approcher, grise et menue. Je l’ai laissée m’embrasser. C’était doux comme des étrennes qu’on a oublié de vous donner, troublant peut-être. En tout cas il y avait juste ce qu’il fallait d’étincelles. Et dans ces yeux qui brillaient comme deux châtaignes, une flammèche où se consumaient tous les César.

Caro Mennesson Bougrat – 4 novembre

14 novembre 2014

Duo de Novembre

A nouveau Barbara et sa solitude comme source d'inspiration :

 

 Partir

« J’avais poussé la porte. Tu étais assis au piano dans le salon aux murs  blancs. Tu m’attendais, silencieux comme souvent, et ton visage dessinait l’ovale d’une profonde tristesse. J’avais une robe noire, un collier de perles blanches et mon visage était  dévoré de larges cernes bleus que tu avais aussitôt oubliés car ma bouche écarlate te rappelait ces fraises  que nous gardions pour étancher notre soif… »

Elle considéra d’un œil critique ces lignes écrites la veille. Sélectionner, supprimer ; elle fit mourir le paragraphe sans état d’âme. Il lui fallait un texte sobre, dépouillé, quelque chose qui lui ressemblerait, car elle entretenait avec la narratrice des liens incestueux.

Si seulement il lui avait laissé le temps... si seulement. Mais il avait choisi l’abîme, la mort et seule lui restait la solitude.

6 juillet 2014

Mort subite

Son physique de rêve lui avait permis de passer la barrière du casting pour le feuilleton « les fous de l’amour ». Il jouerait le rôle de « kevin », le bourreau des cœurs. Seulement, dès le premier jour de tournage, sa prestation fut si mauvaise qu’elle obligea les réalisateurs à remodeler le scénario : Kevin mourut au troisième épisode, dans un accident de la route.

 

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