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Presquevoix...
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12 novembre 2014

Duo de Novembre

Nouveau duo d'écriture avec Caro. Cette fois-ci, notre source d'inspiration est Barbara avec : " La solitude ".

Sous la vidéo, vous pourrez lire le texte de Caro. Le mien paraîtra vendredi 14 novembre.

 

 Au Jean Bart

Je crois que ce jour-là, il venait de pleuvoir.

César venait de me larguer. Il ne s’appelait pas César, c’est le nom que je donne à mes ex, les conquérants. Après eux, après le saccage, ne restaient que des lieux dévastés où plus rien ne pouvait repousser.

Les pavés étaient luisants. Si vous êtes biturige, vous connaissez, l’automne maussade qui se traîne rue Bourbonnoux, les feuilles grises noyées au fond de la fontaine George Sand. Au Jean Bart, j’ai commandé un verre. Fernand m’a servi un petit vin du Languedoc. Après la fuite du cinquième empereur, il m’avait conseillé ce cru ensoleillé qui chassait les idées bancales et les cœurs en capilotade. Ce soir-là, alors que j’avais perdu le compte des héritiers de mes dynasties amoureuses, je l’ai vue pour la première fois. Une vraie gueule de carême. Une petite chose fripée, rencognée dans un coin. Fernand a apporté une assiette avec quelques tranches de saucisse sèche et de cantal. Il m’a resservi un verre.

Je l’ai retrouvée chaque fois que mes aventures tanguaient, chaque fois qu’elles partaient en quenouille et me filaient entre les doigts. Quand invariablement exsangue, j’atterrissais dans la grande salle à moitié éclairée, au milieu des habitués du soir. Je prenais un verre comme je tombais amoureuse. Je m’accrochais à des bruits de comptoir, à cette ligne rouge et liquide qui roulait sous mes doigts et ma paume. Je mélangeais tout, toujours ; j’étais incapable de résister à mes envies. Respirer un peu de vie dans une peau à l’approche, me perdre dans un détail, tiens la lueur entrevue dans un regard, ou un mot que je fantasmerai longtemps. Là, à fond de cale, je me noyais dans ce verre sans fond. Mirage ? Il suffisait que Fernand soit là et le fasse disparaître d’un coup adroit.

Tiens. Elle était encore là, la petite chose ratatinée, tapie au fond de la salle. Devant elle, un paquet de cigarettes intact, comme son verre. Je pourrais me raccrocher à ce regard qui fend la salle, mais il y a cet homme qui se retourne. Finalement, il ne se passe rien. Je rentre, et laisse derrière moi le souvenir de l’homme et le sourire cerné qui ne m’avait pas quittée.

C’était juste après Noël. Je me tenais dans la porte cochère et regardais les flocons qui glissaient le long des pierres d’hiver de la cathédrale. J’allais partir de chez moi, je ne supportais plus ce silence qui allait et venait dans les pièces. Pourtant, je ne bougeais pas. Il y avait ces larmes froides que je sentais venir et que rien, ni le sourire bougon de Fernand, ni l’éclat de la robe rouge du Fitou ne pourraient éloigner.

Et elle se tenait là, dans le creux d’ombre près du réverbère. Je l’ai laissée approcher, grise et menue. Je l’ai laissée m’embrasser. C’était doux comme des étrennes qu’on a oublié de vous donner, troublant peut-être. En tout cas il y avait juste ce qu’il fallait d’étincelles. Et dans ces yeux qui brillaient comme deux châtaignes, une flammèche où se consumaient tous les César.

Caro Mennesson Bougrat – 4 novembre

Commentaires
P
Quelle belle histoire, tout en finesse!!!<br /> <br /> Comment ne pas être inspirer par Barbara, sa voix, sa personnalité. :-)<br /> <br /> Vraiment bravo pour cette solitude.
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K
PH Peter Hammill, he is one of my long-time favourites.<br /> <br /> A bientôt pour le prochain duo ! <br /> <br /> ;-)
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K
Très beau récit bravo.<br /> <br /> <br /> <br /> Voici ma pierre aux solitudes. Des solitudes, comme quoi on peut être nombreux à être seuls ...<br /> <br /> <br /> <br /> Chez moi il n'y a plus que moi<br /> <br /> Et pourtant ça ne me fait pas peur (GB)<br /> <br /> <br /> <br /> Pour avoir si souvent dormi<br /> <br /> Avec ma solitude<br /> <br /> Je m'en suis fait presqu'une amie<br /> <br /> Une douce habitude (GM)<br /> <br /> <br /> <br /> What's the good of songs anyway?<br /> <br /> They're just exercises in solitude (PH)<br /> <br /> <br /> <br /> Si vous n´avez pas, dès ce jour, le sentiment relatif de votre durée, il est inutile de vous transmettre, il est inutile de regarder devant vous car devant c´est derrière, la nuit c´est le jour. Et... <br /> <br /> La solitude... <br /> <br /> La solitude... <br /> <br /> La solitude (LF , évidemment)
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A
Il ne faudrait pas les appeler César, mais Attila ;-)<br /> <br /> Après le saccage dévastateur, il reste tout de même cette petite flamme positive de la rencontre de deux solitudes, il me semble que tu es déjà tout à fait dans 'l'esprit de Noël' :-)<br /> <br /> bises, Caro<br /> <br /> gballand, je suis très curieuse de lire ta version du duo, et comme tu dis, c'est mieux de l'avoir déjà écrit!
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C
Et le père noël opina de son petit bonnet rouge.
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