Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Presquevoix...
Archives
28 septembre 2011

La dissertation

Au moment où il allait détacher l’antivol  du vélo – après s’être acharné dessus pendant 15 minutes avec une pince – un type lui a plaqué une main sur l’épaule et lui a dit.

-    Suis-nous !

Quand il a compris qu’il avait affaire à un flic, son visage a changé de couleur. Il a bien essayé de baragouiner deux trois trucs, mais personne ne l’a cru. Dans la voiture, il a réfléchi sur la tactique à suivre.

Deux heures plus tard, il était devant le vice-procureur, les larmes aux yeux, il pensait que les larmes pourraient peut-être attendrir la justice. Il faut dire qu’il ne ressemblait pas à l’image qu’on peut se faire d’un voleur. C’est sans doute sa politesse excessive qui a surpris le vice-procureur.

-    Si vous me le permettez, je rédigerai une lettre d’excuse au propriétaire, a dit le jeune homme.
-    Une lettre d’excuse, non, mais une dissertation sur « le respect de la propriété d’autrui ». Quatre pages pour la semaine prochaine, a dit le vice-procureur. Je pense que quand on est en classe de première ça ne devrait pas poser  de problèmes.

Le jeune homme a souri au procureur et a répondu, d’un ton extrêmement courtois.

-    J’en serai ravi Monsieur. Je suis désolé d’en être arrivé à de telles extrémités mais je devais rentrer chez moi de toute urgence et je ne savais pas comment faire.

Le vice procureur s’est demandé un instant si l’adolescent ne se fichait pas de lui, mais il était tellement habitué au manque de courtoisie, qu’il se laissa séduire…

25 septembre 2011

Le tatouage

Ce matin-là, quand elle s’est réveillée, elle a constaté avec stupeur qu’elle ne pouvait plus bouger. Ses pieds, ses cuisses, ses bras étaient attachés avec des cordes aux nœuds serrés ; seule sa bouche était libre et un baiser est venu s’y coller aussitôt qu’elle a ouvert les yeux.

-    Bon anniversaire ma chérie, lui a dit l’homme masqué en plaquant ses lèvres humides sur les siennes.

Elle l’a regardé, hébétée.

-    Ne me dis pas que tu ne me reconnais pas !

Elle n’a rien répondu et l’homme a conclu.

-    Qu’est-ce que tu dis de ma surprise ?

Au prix d’un effort qui lui a semblé surhumain, elle a articulé.

-    Qu’est-ce que vous me voulez ?
-    Je voudrais simplement que tu me dises : « Je t’aime ».
-    Je t’aime.

Il a fait la moue et  a ajouté.

-    Mieux que ça, avec  le ton, s’il te plaît.

Elle s’est exécutée. Il a souri satisfait et, avant de la détacher avec le couteau qu’il tenait à la main, il lui a dit.

-    J’aurais pu te violer, tu sais.

Comme elle restait silencieuse, il a repris.

-    Ne me remercie pas ; de toute façon, je ne bande plus. Ah, je savais bien que je n’aurais jamais dû me marier avec toi !

Puis le type a disparu aussitôt.
Quand elle est allée porter plainte au commissariat, le policier qui l’a reçue lui a dit.

-    Vous pourriez me décrire cet homme ?

Mais  elle ne se souvenait de rien, à part du tatouage sur son bras droit, un tatouage qui représentait un nœud coulant qu’elle avait déjà vu quelque part, mais où ?

Soudain tout s'est éclairci, elle l’avait vu il y a plus d’un mois, sur le bras d’un cadavre étendu sur la table du médecin légiste. Le type avait été tué de 20 coups de couteau ; il n’avait tout de même pas ressuscité ?

PS : texte écrit dans le cadre des "impromptus littéraires"

20 septembre 2011

La CPAM

Quand il reçut un nouveau courrier de la CPAM qui lui demandait une photocopie de ses trois derniers bulletins de salaires, il ne put contenir sa rage. Il gueula qu’il allait les foutre sur la gueule, que c’était tous des connards. Il descendit dans son atelier, saisit une clef à molettes de 12 et un marteau – au cas où -  qu’il mit dans son sac à dos, puis il se rendit à l’arrêt de bus. Il lui fallut une heure pour arriver  à la Caisse Primaire d’assurance maladie. Il avait l’air calme, mais ses mains moites trahissaient sa colère.

Une fois sur place, il prit un ticket et attendit patiemment son tour. Quand son numéro clignota,  il se leva immédiatement. L’employée à lunettes le regarda à peine et il attaqua bille en tête.

-    Je veux mes indemnités.
-    Votre nom, prénom et numéro de Sécurité Sociale, s’entendit-il répondre d’une voix neutre.
-    Mes indemnités, hurla-t-il.
-    Votre nom, prénom et numéro de Sécurité Sociale, reprit l’employée de sa voix de robot.

Si elle avait montré plus d’humanité, sans doute n’aurait-il pas sorti son marteau…

18 septembre 2011

Les chats

Depuis quelques semaines, dans le quartier de la Victoire, les chats mouraient comme des mouches. Déjà une quinzaine d’entre eux avaient disparu et 10 cadavres avaient été retrouvés, tous empoisonnés. Les propriétaires – souvent des personnes âgées – étaient inconsolables, et on avait fini par mettre la police sur l’affaire.

Des lettres anonymes l'avait conduite à s' intéresser aux propriétaires du numéro 40, une maison gigantesque où des tessons de bouteilles dissuasifs avaient été placés en haut des murs.

-    Je suis sûre que c’est pour que les chats s’empalent, avait souligné Madame C, 85 ans - propriétaire de 4 chats, dont deux disparus - à l’un des policiers qui l’interrogeait.

La première semaine de septembre fut la plus meurtrière, au point que les vieilles dames du quartier organisèrent des brigades de surveillance. Elles circulaient jour et nuit, par groupe de trois. C’est la brigade de Mademoiselle Marguerite  qui découvrit l’assassin. Et quelle ne fut pas sa surprise : il s’agissait du curé de la paroisse. Les vieilles dames hésitèrent presque à en parler au commissaire, mais Mademoiselle Marguerite dit clairement  qu’il ne s’agissait pas de mollir, que le rôle d’un curé était de semer l’amour, pas la mort !

Quand celui-ci fut interrogé, il ne nia pas. Il ajouta même que les dix plaies d’Egypte, à côté des chats du quartier, ce n’était rien !

17 septembre 2011

Les excuses

Encore un jour passé à chercher des excuses* ! Je me demande s'il y a un jour, un seul jour de ma vie, où je ne me suis pas cherché d’excuses. Je crois qu'il y a 40 ans, si j'avais pu me trouver une excuse valable, je ne serais jamais sorti du ventre de ma mère. Enfant, j’avais toujours l’excuse à la bouche, comme d’autres ont le sourire aux lèvres. J’inventais des excuses pour ne pas rentrer à l'heure, ne pas faire mes devoirs, ne pas faire les courses, ne pas aller au piano, ne pas me coucher... Je me souviens même, qu'un jour où j'avais séché les cours, j'avais dit que j’étais allé à l’enterrement de ma grand-mère alors qu'elle était toujours vivante ! 

40 ans de ma vie à me chercher des excuses, et aujourd'hui, mon problème, c'est que je cherche une excuse que je ne trouve pas ! Vous me direz : ce n'est pas possible, avec l’expérience qui est la tienne, tu ne peux pas ne pas te trouver une excuse ! Hélas si, aujourd'hui, je cale. Panne sèche. Il faut dire que le problème est un peu plus délicat. Je veux me suicider et je me demande ce que je vais bien pouvoir écrire à ma femme...

*phrase lue sur le blog de « blues »

4 septembre 2011

Les mots croisés

Je me souviens très bien, c’était un samedi du mois de septembre 2009, je m’étais attaqué aux mots croisés  et c’est en suant sur la dernière définition, deux jours durant, que j’ai eu la certitude que ma femme me trompait. C’était elle qui m’avait abonné à Télérama  - une de ses amies lui avait dit que les définitions étaient corsées – et pendant que je transpirais sur des définitions impossibles, le nez dans le dictionnaire, j’étais sûr qu’elle, elle s’envoyait en l’air le nez au vent.

D’ailleurs, j’en étais tellement sûr que je n’avais même pas besoin de trouver de preuves. Déjà, la façon dont elle s’habillait en disait long. Il me suffirait de le lui faire cracher le morceau quand elle rentrerait et de voir la tête qu’elle ferait. C’est donc ce que je fis,  samedi en fin d’après-midi, quand elle rentra les joues en feu et en chantonnant.

-    Toi, tu me trompes, lui dis-je, aussitôt la porte d’entrée refermée.

Elle eut l’air embarrassée et me répondit.

-    Comment tu le sais ?
-    L’intuition, lui rétorquai-je.
-    Enfin, si je te trompe, c’est pas comme tu le penses, on  fait pas grand-chose.
-    Comment ça « on fait pas grand-chose ». Et qui c’est ce « on » ?
-    On ? Eh bien lui et moi.
-    Alors dis-moi ce que vous faites  quand vous ne faites pas grand-chose,  dis-moi tout ou je te jure que je casse le service que ta mère nous a offert pour notre mariage.

Elle me regarda affolée, comme si le service de sa mère était la chose la plus précieuse au monde.  Il était pourtant d’un mauvais goût extrême et j’entendais bien me servir de cette occasion pour m’en débarrasser illico.

- Je donne des cours.
- A qui ?
- A Paul.

Je faillis avaler ma salive de travers. Paul était un pauvre type du bureau que j’invitais  à la maison une fois par mois parce qu’il mourait d’ennui ; et ma femme lui donnait des cours en jupette pendant que je terminais mes mots croisés.

-    Et j’aimerais bien savoir quel cours tu lui donnes, à Paul ? hurlai-je en attrapant la première assiette du service de sa mère.
-    Des cours de sexe, voilà si tu veux le savoir, Paul est puceau et a besoin de cours. Je te précise que je me fais payer.

Elle se fichait vraiment de moi. Comment voulait-elle que j’avale cette histoire de puceau et quand bien même était-il puceau, c’était des cours pratiques. Mais elle continuait imperturbable.

-    Paul ne m’a jamais pénétré.
-    Et alors ? Criai-je en massacrant la première assiette, il y a tout le reste ! Et tout ça pendant que je fais des mots croisés sagement assis dans mon fauteuil.

J’en profitai pour casser les vingt assiettes suivantes puis je me ruai dans l’entrée pour prendre  mon veston et sortir. Là, elle barra la porte de son corps.

-    Non, n’y va pas !
-    Pourquoi ?
-    Il n’est pas responsable, c’est moi ! Tu sais bien que Paul est trop timide pour ça.

J’étais anéanti. Comment avait-elle pu me faire une chose pareille ? Surtout avec Paul, cet abruti, qu’est-ce qu’il avait que je n’avais pas ? Quand je lui ai posé la question, elle me rétorqua qu’il était gentil, qu’il n’avait pas d’exigences et qu’en plus, il se pliait  à ses moindres désirs. C’est à ce moment-là que  je suis revenu au buffet pour passer ma colère sur le service à café de sa mère. Bon débarras !

Eh oui, tout cela, c’était il y a déjà deux ans. Maintenant, elle vit avec Paul, et le samedi, pendant qu’il fait ses mots croisés, assis dans son fauteuil, c’est à moi qu’elle donne des cours de sexe.

1 septembre 2011

Le ministre

Le Président l’avait convoqué à 10 heures, et à 10 heures 05, il entrait dans son bureau.
-    Alors, mon petit Duranchon, lui dit le président, comment allez-vous ?
Duranchon, qui occupait depuis trois mois le poste de ministre de l’économie et des finances, sourit au président et lui répondit.
-    Bien M. le Président.
Et votre femme, comment va-t-elle ?
-    Bien, M. le Président.
Et vos enfants ?
-    Ils vont très bien aussi.
Duranchon ne comprenait pas vraiment où le président voulait en venir. Mais soudain, le ton du président changea.
-    Duranchon, je tenais à vous dire que non seulement vous êtes un  con, mais qu’en plus vous êtes médiocre.
Déstabilisé, Duranchon ne sut que répondre à part.
-    Bien, M. le Président.
Et le Président continua, d’un ton autoritaire.
-    Donc plus de «  point presse » Duranchon, vous êtes interdit de caméras de télévision pendant trois semaines car vos conneries, j’en ai par-dessus la tête.
-    Bien M. le Président, répliqua le ministre.
-    Au revoir Duranchon, je ne vous retiens pas.
 Et le ministre partit, sans pouvoir retenir le tic nerveux qui lui faisait souvent cligner de l’œil droit.

28 août 2011

L’abattoir

C’est à Pôle Emploi qu’il avait trouvé ce job à l’abattoir. Dans ce département terrassé par la crise – sa femme  y avait été mutée par son entreprise - il n’y avait rien à faire, si ce n’est regarder les nuages et la pluie. Et puis un jour, sa femme s’était lassée de le voir tourner en rond et elle l’avait sommé d’accepter ce qui se présentait. La seule option avait été l’abattoir.

Le premier jour, il avait failli vomir, voir les poulets suspendus à des crochets sur une chaine automatique avant d’être plongés dans un  bain à électronarcose, puis saignés, déplumés et éviscérés, ça lui minait le moral. D’ailleurs, quand il rentrait chez lui, il passait une heure dans la douche à se récurer de fond en comble avec une brosse à laver le linge qui lui laissait des marques rouges sur sa peau blanche. La nuit, parfois, il faisait des cauchemars et s’imaginait lui-même suspendu à un crochet avant d’être plongé dans un bain glacé qui lui donnait la chair de poule.

Et puis il y eut le fameux jour, celui qui signa définitivement la fin de son contrat. D’ailleurs le chef lui avait tout de suite dit de rentrer chez lui ; que c’était mieux pour lui, et aussi pour les poulets. Oh,  il ne s’était pas passé grand-chose ce jour-là, mais il avait détaché dix poulets de la chaîne en disant qu’ils  lui avaient demandé de leur laisser la vie sauve. Personne n’avait pu le raisonner.

Le médecin l’avait mis sous Prozac et lui avait conseillé de regarder des dessins animés de Walt Disney pendant quinze jours,  ça lui ferait du bien…

19 juillet 2011

Joyeux anniversaire !

Hier, place du vieux marché, je vois un type qui fait la manche, avec une bouteille de mousseux à la main. Aux gens qui le croisent, il dit l’air triste.

-    C’est mon anniversaire, à votre bon cœur Messieurs-dames.

Je passe et je lui donne un euro, pas plus, ma générosité a des limites.

-    C’est tout ce que tu me donnes pour mon anniversaire ? T’es pingre toi ! fait-il de sa voix avinée.

Je l’observe de loin. Sa quête a l’air de marcher, surtout avec les vieilles dames. J’en vois même une, bon chic bon genre,  lui donner vingt euros, attendrie, en lui souhaitant bon anniversaire. Tout juste si elle ne lui offre pas le bouquet en prime !


Aujourd’hui, place du vieux marché, même scène, même clochard, même anniversaire, même mousseux, même réplique et les gens qui donnent. Arrive la vieille dame de la veille, je la reconnais à son petit tailleur blanc et bleu et à sa poussette de marché noire. Elle arrive devant lui et quand elle l’entend débiter son discours, elle s’arrête et lui dit très en colère.

-    Ah ça par exemple, déjà hier c’était votre anniversaire. Vous mentez alors. Vous mériteriez que je vous demande de me rendre mes 20 euros.

Le SDF, la bouteille de mousseux à la main, lui répond du tac au tac.

-    Ben quoi ? J’ai pas le droit de fêter mon anniversaire tous les jours si j’en ai envie ? Qu’est-ce que ça peut te foutre ! Tiens, tu veux un coup de mousseux, je suis sûr qu’ hier je t’ai pas invitée !

Il se marre et il lui tend la bouteille de mousseux après s’être essuyé la barbe d’un revers de main.

PS : le blog sera en mode « PAUSE » jusqu’à la fin aout ; en toute chose repos est bon.

17 juillet 2011

« Tous à poil »

La FFN avait prévu une journée « tous à poil » et il décida – sans en avertir les autorités  – de faire une  « randonue », seul, dans les rues de la ville.

Il n’y avait pas très longtemps qu’il s’était libéré de ses vêtements mais il était devenu très vite un adepte du « sans textile ». Quand il sortit de chez lui à 8 h 30 sa voisine de droite – 82 ans au compteur – était sûrement derrière ses rideaux mais elle se garda bien d’ouvrir la fenêtre comme elle le faisait les autres jours pour saluer son départ.

Il avait chaussé ses chaussures de randonnée et ne s’était muni que d’un sac à dos. Un petit vent frais caressa son corps dénudé et il se mit très vite en jambe. Il ne croisa personne rue de Tanger, ni rue des papillons, ni rue de Constantine, mais quand il arriva près de la Préfecture, il remarqua que les gens qui attendaient l’ouverture des portes tournèrent la tête, sans doute gênés ; des enfants sourirent en le montrant du doigt et l’un des deux policiers en faction derrière la grille rentra dans les locaux.

Ensuite, tout se passa très vite. Au bout de la rue Flaubert il entendit la sirène d’une voiture de police qui, une minute plus tard, freinait à sa hauteur. Un fonctionnaire en sortit et lui demanda de se couvrir. Il répondit très poliment que c’était la journée « tous à poil » et qu’il resterait donc intégralement nu. C’est à ce moment-là que la chose prit une tournure dramatique : deux policiers sortirent de la voiture, lui mirent des menottes et le jetèrent dans la voiture. C’est à l’hôpital psychiatrique, en chambre d’isolement, que se termina sa journée tous à poil.

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés