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Presquevoix...
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22 mars 2010

L’allumette

Elle a mis le feu et elle se sent mieux. Tout le monde doit être mort. Ils l’ont bien cherché.  Ce n’est pourtant pas faute de les avoir avertis :
- Un jour, je vous tuerai !
Ils ne l’ont pas crue. Les parents pensent toujours qu’ils sont les plus forts. Elle sourit d’un air satisfait, comme si elle leur avait fait une bonne blague, mais derrière elle il ne reste rien. Elle ne se doutait pas qu’elle y aurait pris autant de plaisir ; la petite allumette et hop ! Son seul regret c’est le chien. Tant pis, l’imbécile n’a pas voulu la suivre. Maintenant ses parents ne sont plus qu’un mauvais souvenir à qui les flammes ont réglé leur compte.
Elle marche dans la forêt, les branches griffent son visage mais elle s’en fiche, elle est libre, libre, libre comme l’air. D’une main, elle tient le sac qu’elle a pris soin de  cacher au fond du jardin, la veille, et de l’autre, elle vérifie de temps à autre que son cher journal est toujours dans la poche droite de sa veste. Sur la première page elle a écrit il y a longtemps : « Un jour, je les tuerai. »
C’est fait, maintenant elle va enfin pouvoir continuer le journal de sa vie.

PS : texte écrit dans le cadre de l’atelier des « impromptus littéraires »

16 mars 2010

Pluie phobique

Il pleut. Impossible d’aller à mon rendez-vous : je suis phobique. Une seule goutte d’eau me met dans un état indescriptible. La dernière fois que j’ai eu une crise, c’était avec mon mari – mon ex-mari devrais-je dire - nous étions au mois de juillet et nous venions de fêter notre première semaine de mariage. Nous avions décidé de célébrer les semaines et non les années car nous étions convaincus que cela fortifierait notre amour : nous nous trompions.
Donc nous sortions du restaurant, moi dans la robe rouge qui lui avait plu lorsqu’il m’avait vue sur les quais pour la première fois, et lui en jeans. Nous avons marché jusqu’au fleuve et, à l’endroit exact de notre première rencontre, il m’a embrassée. C’est à ce moment là que j’ai senti la première goutte de pluie ; j’ai frissonné violemment. Mon mari, lui, pensait que son baiser… je ne vous raconterai pas la suite, vous ne me croiriez pas. En tout cas, dès le lendemain de cette pluie d’été, il partait ; notre mariage a totalisé huit jours de vie commune.
- Les hystériques, très peu pour moi !
C’est tout ce qu’il m’a dit en faisant ses valises. Il a même emporté - et je lui en ai voulu - ce joli foulard en soie, bleu et rose, qu’il m’avait donné le lendemain de notre rencontre. Je n’ai pas essayé de le convaincre de rester, à quoi bon retenir un homme qui a peur ?
Depuis son départ, je ne cesse de rencontrer des hommes : les petites annonces du journal local font merveille ; Meetic aussi. Je me suis fixée une règle à laquelle je ne déroge jamais : un homme par mois. Jusqu’à présent je n’ai pas été déçue mais ai-je vraiment le temps de l’être ? Je les reçois souvent chez moi - phobie oblige - et je les fais parler d’eux, les hommes adorent parler d’eux, et moi j’aime les écouter, surtout quand ils parlent de leur femme. C’est étrange de les entendre parler de celle que j’aurais pu être moi aussi. Parfois je fais parler leur corps, si leur corps me parle…
Après chaque rencontre je prends des notes sur ces hommes qui naviguent sur l’esquif de ma vie. Eux, ils  descendent au premier port alors que moi je continue mon voyage, seule. Un jour j’écrirai sans doute un roman. Il s’intitulera : « Pluie phobique ou la passion des hommes ».
Si jamais je suis éditée, je vous avertirai, peut-être voudrez-vous le lire ?

11 mars 2010

La rencontre

louviersElle était entrée dans l’église à cause de lui : ils s’étaient disputés. Les jours suivaient aux jours, les disputes aux disputes, et son cœur se gonflait de tant d’incompréhension. Quand elle vit les apôtres grandeur nature, attachés au pied des piliers, son émotion fut si violente qu’elle put à peine respirer. Elle déambula dans la nef latérale et s’arrêta pour les saluer ; ils avaient l’air tellement humains dans la solitude profonde des lieux. Etaient-ils retenus prisonniers dans cette église ? Ils lui garantirent que non. C’est devant saint Luc qu’elle s’arrêta le plus longtemps. Elle entama même une conversation avec lui. Au début, il ne répondit pas mais il l’écouta avec attention, la tête légèrement penchée, attentif à sa plainte : elle n’en pouvait plus, chaque jour il la harcelait, ses récriminations s’ajoutaient aux récriminations, la liste gagnait en longueur au fil des semaines et elle sentait bien qu’elle devenait folle.
Quand elle  demanda à Saint Luc si elle devait  partir, il n’hésita pas un instant et lui dit clairement que les choses mortes devaient se détacher de l’être tout comme les feuilles mortes se détachaient de l’arbre.
Le lendemain elle partait, sans bagages. Elle ne voulait aucun objet, aucun vêtement qui eut appartenu à son ancienne vie. Luc l’avait sauvée.

PS : photo écrite à partir de cette photo de Pierrick, prise dans l’église de Louviers ( département de l’Eure).

9 mars 2010

Le cinéaste amateur

Il avait une vocation de cinéaste mais n’avait jamais participé à aucun festival. Sa femme connaissait bien ses penchants pour les chambres obscures. Elle s’étonnait peut-être qu’il ne l’ait jamais filmée mais ne le mentionnait pas ; les fantasmes de son mari ne la concernaient plus.
Ses créations, il les réservait pour les initiés et sa caméra il la plaçait dans les toilettes pour femmes, attenantes au restaurant ; le « matériel » était dirigé astucieusement vers la lunette des WC. C’est là qu’il tournait ses plus beaux films, ceux qui embrasaient « l’écran de ses nuits blanches ».
Il avait bien un scénario en tête : un montage alterné de ses plus beaux plans avec en fond sonore de la « grande musique », mais il n’en eut pas le temps. La police mit fin à sa carrière de cinéaste amateur le vendredi 5 mars 2007 et encore aujourd’hui, du fond de sa cellule exiguë de la prison de Val de Reuil, il ne comprend pas pourquoi…

PS : texte inspiré d’un fait divers lu dans Paris Normandie.

8 mars 2010

Le chemin de la foi

Chaque matin, vers dix heures, je me levais pour rien,  ou plutôt, je me levais pour faire comme avant, quand j’avais du boulot ; pourtant Dieu sait que le travail m’a toujours donné de l’urticaire !
Il faut dire que je suis tombée dans le  travail par obligation. Moi, par goût, j’aurais plutôt choisi l’oisiveté, mais je n’avais pas les revenus pour ; alors je  me suis résignée à travailler dans une PME.
On m’a virée au bout de 20 ans de bons et loyaux services, avec une indemnité égale à douze fois mon salaire mensuel. J’ai demandé au chef :
- Pourquoi moi ? Et il m’a répondu sèchement :
- A votre avis ?
J’ai préféré ne pas polémiquer. Sans doute un problème de rentabilité ; la rentabilité m’a toujours donné de l’urticaire.
Donc, chaque matin,  je me levais vers dix heures, pour rien, et dès midi, j’étais au café pour faire mes grilles de loto et me boire quelques bières avec les copains. Seulement j’ai commencé à prendre du poids. Je m’en suis aperçue en rencontrant un ancien copain du boulot ; il ne m’avait même pas reconnue. Il a eu beau me dire qu’il n’était pas physionomiste, j’ai dû me rendre à l’évidence : j’étais devenue difforme.
La première fois que je suis entrée dans la cathédrale du Cœur de Jésus, c’est par hasard.  Je venais de boire trois bières au café de la poste et j’avais du temps à tuer avant mon feuilleton de l’après-midi. C’est ce jour là que j’ai eu la révélation ! Juste derrière le premier pilier, à droite, en entrant dans la maison de Dieu. A ce moment précis, les larmes me sont montées aux yeux et j’ai vu le Christ en chair et en os ; surtout en os, me suis-je dit ; comme il était maigre, lui ! Il  m’a dit « Marie » - oui, je m’appelle Marie – « Marie, préfère la foi à la bière ! », c’est tout, il a juste dit ça, rien de plus.
Depuis, je n’ai jamais cessé de croire et je ne bois plus. Je fais juste une grille de loto à midi, pas plus. Je me demande comment j’ai pu changer à ce point.
D’ailleurs, tous les matins, quand je me regarde dans la glace, je n’en crois pas mes yeux : je ressemble de plus en plus à Marie !

PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

4 mars 2010

La retraite fiction…

On nous  serine à longueur de temps qu’il faut sauver les retraites ! On me taxera sans doute de cynique, mais je suis sûre qu’un jour ou l’autre, les hommes politiques mettront en place des mesures effroyables, justement pour sauver les retraites…
J’imagine qu’on nous culpabilisera, à coup de slogans répétés dans les médias, et chacun sait que les slogans ont un effet redoutable ! On nous suggèrera sans doute de pratiquer une « euthanasie assistée » à partir de la vingtième année de notre retraite - ou avant  -, le tout pour le bien de la société, cela va sans dire.

On pourra même -  pourquoi pas ? - organiser à la télévision des « loteries de la mort », je suis sûre que l’audience sera à son maximum. Je sais vous frémissez et vous me détestez déjà pour ce que j’énonce. Mais regardez bien les jeux télévisés et vous constaterez qu’on pourrait fort bien aller jusque là. Je disais donc qu’on organisera des « loteries de la mort » en direct, avec des gens tirés au sort parmi ceux qui ont déjà bien profité de leur retraite – 20 ans par exemple ? - ; mais on pourra aussi faire appel au volontariat. Les volontaires "bénéficieront", par exemple, d' un enterrement aux frais de l’Etat et d'une concession à vie dans un joli petit cimetière…
De la science fiction de mauvais goût me direz-vous ? Peut-être, mais vu les déficits de la CNAV et le nombre croissant de retraités par rapport au nombre de cotisants, ne peut-on pas imaginer que ces scénarios diaboliques seront un jour  réalité ?
A moins, à moins… que l’on ne fasse circuler un petit virus de rien du tout qui anéantira, en priorité, les personnes âgées ? Je fais confiance à la science et à l’utilisation qui en est faite par les hommes qui nous gouvernent…

2 mars 2010

Dimanche au café Majestic

P7250026Comme tous les dimanches après-midi, elle était allée au café Majestic, c’était leur jour. Se souvenir de lui suffisait à son bonheur. Elle s’était installée non loin du comptoir – une habitude -  pour entendre les conversations des garçons. Elle pensait que ce dimanche-là serait identique aux autres, un dimanche de solitude et de plénitude. Comme chaque dimanche le garçon vint la voir pour passer commande, ils échangèrent deux ou trois phrases convenues, mais une fois qu’il eut déposé le thé et le « galão » sur la table – le « galão » était la boisson préférée de son mari - quelque chose se produisit, quelque chose qui changea ses habitudes dominicales.
Elle les vit entrer dans le café Majestic, elle d’abord – grande, entre deux âges, la silhouette gracile - et lui ensuite, plus jeune, plus épanoui - la quitter lui avait fait du bien, c’était manifeste. Ils s’assirent à une table non loin d’elle mais ne la virent pas. Ils attendaient de passer commande – peut-être un thé et un galão ? - en bavardant et en se souriant comme s’ils s’agissaient de leur première rencontre et qu’ils en goûtaient les merveilleux instants volés.
Quand il la vit, il s’excusa auprès de sa compagne et vint la voir :
- Bonjour Ana, dit-il simplement, j’ai quitté Londres pour revenir vivre à Porto.
Elle lui sourit sans dire un mot.
-  Tu attends quelqu’un peut-être ? continua-t-il en voyant les deux consommations sur sa table.
-  Toi, justement.

Il la regarda, surpris, mais n’ajouta rien. Ce fut elle qui conclut :
- Oui, tu peux partir. On t’attend ailleurs, je sais.
Elle n’oublia jamais ce regard dans ses yeux : de la pitié, il avait pitié d’elle.
Elle ne revint jamais plus au café Majestic.

PS : texte écrit à partir de cette photo de C.V prise à Porto en 2008, dans un but didactique.
N’oubliez pas de faire le «
virtual tour » du café Majestic de Porto, cela vous donnera envie d’y prendre un verre en fin d’après midi…

27 février 2010

La vieille dame

Elle ponctuait toujours ses phrases par un désabusé : « Ah elle est belle la France ! ».
Il fallait se rendre à l’évidence, la France allait mal et elle irait de plus en plus mal. Tous ces  vols, ces crimes, ces viols, elle ne les avait pas inventés, non ? Et tous ces fainéants qui ne voulaient plus travailler mais juste toucher des allocations chômage, ils existaient bien, non ? Et quand sa voisine de droite essayait de lui prouver par A + B que c’était pareil avant, elle lui répondait systématiquement :
- Qu’est-ce que vous en savez, vous ? Vous n’étiez même pas née ! Ça lui clouait le bec, elle n’avait jamais aimé les donneuses de leçons.
Rien ne trouvait grâce à ses yeux, pas même les vieux ! La maison de retraite ? Jamais ! Hurlait-elle quand sa fille lui en touchait deux mots, juste pour l’habituer. Il n’était pas venu le jour où elle supporterait des grabataires bavant dans leur fauteuil roulant en attendant qu’on les pousse dans leur chambre. Jamais, plutôt mourir.
Elle vivait seule. Son mari n’avait pas renouvelé son bail terrestre après sa dernière hémorragie cérébrale ; mais à vrai dire, il ne lui manquait pas, sauf quand elle se cherchait un bouc émissaire. Son mari avait été un merveilleux bouc émissaire. C’est peut-être pour ça qu’elle l’avait épousé…
Quant aux autres, elle n’en avait pas besoin. Elle avait suffisamment à faire avec elle. « Mieux vaut être seule que mal accompagnée ! », se plaisait-elle à répéter à qui voulait la convaincre de voir du monde. Un jour, elle répondit même à sa voisine de droite, qui d’ailleurs cessa toute visite à partir de ce jour-là :
- Les autres je m’en fous, il y a  que moi qui m’intéresse.

* texte écrit dans le cadre de l’atelier des « impromptus littéraires »

25 février 2010

Pétition pour le rétablissement du cidre

Il y a trois ans, l'intendante a décidé  de supprimer le cidre à la cantine du lycée. Révoltée par cette décision prise sans consultation préalable du personnel du lycée, je me suis lancée dans la rédaction d'une pétition qui a reccueilli de nombreuses signatures... sans pour autant faire fléchir l'intendante qui a maintenu le cap. Nous avons maintenant de l'eau pétillante !

PETITION POUR LE RETABLISSEMENT DU CIDRE A LA CANTINE

A la rentrée scolaire nous, professeurs “demi-pensionnaires”, avons constaté que les bouteilles de cidre avaient disparu des tables de la cantine et que nous étions désormais condamnés, après notre dure demi-journée de labeur, aux déprimantes carafes d’eau en inox !
Comment apprécier la cuisine du chef et de son équipe avec un breuvage aussi neutre que l’eau du robinet ? N’est-ce pas un acte barbare ?

Face à cette mesure arbitraire, nous nous sommes aussitôt mis en quête des raisons qui avaient pu la motiver. Pour ce faire, nous avons pris la décision d’organiser, le week-end dernier,  un Séminaire de réflexion  – « Le cidre et ses dommages collatéraux » - qui nous a permis d’arriver aux conclusions suivantes :

· Soit il s’agit d’une volonté de lutter contre l’alcoolisme, louable, certes, mais combien de bouteilles de cidre à 3 degrés faut-il boire pour que notre état de veille et de réflexion soit altéré ?
· Soit il s’agit d’un plan d’austérité - justifié, lui, puisque M. Fillon a annoncé récemment en Corse que l’Etat français était « en faillite » - dont l’impact sur le budget de l’Etat sera on ne peut plus infime, d’après les savants calculs que nous avons pu faire.

Désormais, vous pouvez donc mesurer, comme nous, l’inefficacité de votre politique de suppression du cidre sur la santé et l’économie de la France ! C’est pourquoi, les professeurs « demi-pensionnaires » ont décidé de vous demander, par le biais de cette pétition, le rétablissement de ce pur breuvage normand qui réjouit nos gosiers et enchante nos repas ! Mais, s’il vous paraît à ce point dangereux pour notre santé et pour l’efficacité de nos méthodes pédagogiques, que nous continuions à boire un ou deux verres de cidre au repas de midi, nous sommes prêts à faire une concession et à remplacer le cidre par un autre produit qui fait honneur à notre région : le jus de pomme !!!

24 février 2010

Le chien

Il avait grandi trop vite.  Ce n'était plus cette  boule de poils qui les avaient séduits. En cinq mois, l'animal avait fini par avoir tous les défauts du monde.
Au début, lui et sa femme avaient  bien essayé " Couché ! Assis ! Debout ! La patte ! Pas sauter ! ", et puis ils en avaient eu marre, le chien était trop bête. Sa femme avait même dit :
- Il m'emmerde ce chien. Si c'est comme ça, il vaudrait mieux… et elle avait laissé sa phrase en suspens.
Maintenant, dès que la bête arrivait dans la pièce, les enfants hurlaient, c'était devenu intenable. La seule façon d'avoir la paix, c'était de lui interdire la maison.
Et puis un jour, le père  prit sa décision, il emmena l'animal. Les enfants entendirent les aboiements du chien, puis plus rien, le père avait dû le mettre dans le coffre. La voiture démarra et chacun retourna à ses occupations.
Quand le père revint deux heures plus tard, seul, personne ne lui posa de questions, et la vie reprit son cours.

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