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Presquevoix...
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10 décembre 2006

Et si je tombais sur moi ?

Et si je tombais sur moi ? Je crois que je me dirais « Merde, pas moi ! Encore ! » Evidemment je ne suis pas tout à fait sûre de ce que je dirais, parce que je ne suis encore jamais tombée sur moi.

Il faut dire que je pars du présupposé que, si je tombais sur moi, je me reconnaîtrais ! Ça pourrait donner quelque chose comme :

- Ah, c’est moi !

- Oui c’est moi ! 

- Quoi de neuf !

- Ben… rien, tu le sais bien !

etc… etc… etc…

Le genre de dialogue qui donne surtout envie de se fuir ! Il y en a peut-être qui se surprennent, mais moi en 40 et quelques années - je ne mets pas l’unité dans le seul but de me ménager une surprise -  je pense que, si je tombais sur moi, je me reconnaîtrais au premier coup d’œil, et pour cause, je suis de celles que personne ne remarque, sauf moi !

Je pourrais aussi tomber sur moi et commencer à m’écouter. C’est vrai qu’on réserve souvent l’écoute aux autres et rarement à soi-même. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il est plus facile d’accorder aux autres ce que l’on ne s’accorde pas à soi-même ! Je pourrais donc tomber sur moi, me reconnaître, me saluer, et commencer une longue conversation avec moi. Ça pourrait donner le petit dialogue suivant :

- C’est moi, tu me reconnais ?

- Comment pourrais-je ne pas te reconnaître ! Et qu’est-ce qui t’amène ?

- Je suis venue te parler de moi !

- Je t’écoute…

- Je ne vais pas bien, je crois que j’ai un problème avec moi, mais je ne t’apprends rien.

- …

- Je suis persuadée que je me fais du tort à moi-même.

- Si je comprends bien, tu crois que tu es une ennemie pour toi. Qu’est-ce qui te fait  croire ça ?

- Il y a des signes qui ne trompent pas… tu le sais bien !

etc… etc… etc… Un peu lassant à force, il faut bien l’avouer !

Je pourrais aussi tomber sur moi et ne pas me reconnaître du tout. Improbable, je sais, surtout au bout de quarante et quelques années…comme je le disais tout à l’heure, mais pourquoi pas ! Un peu comme si je rencontrais une étrangère au détour d’une rue, mais une étrangère qui dirait être moi, alors que moi je soutiendrais le contraire ! Un peu schizophrène, me direz-vous ? Peut être, mais l’Homme  est capable d’actes de déni tellement extraordinaires pour avoir la paix avec lui-même ! On pourrait imaginer la rencontre suivante :

- Ça par exemple, hep attends, attends, mais attends je te dis, ne pars pas !

- Qu’est-ce que vous me voulez ?

- Tu ne vas pas me faire croire que tu ne me connais pas ?

- Cessez de m’importuner, je suis pressée !

- Tu te moques de moi ou de toi ?

- Madame, je vous dis que je ne vous connais pas, pourquoi vous mentirais-je ?

- Quel aplomb ! Ne me dis pas que tu m’ignores ?

- Je ne comprends rien à ce que vous me dites !

- Mais enfin, toi et moi, c’est la même chose !

- Qu’est-ce que vous me chantez là ? Vous devriez aller vous faire soigner !

- Tout de suite les grands mots, je te reconnais bien là ! Je peux te dire que si je me fais soigner, on sera deux !

- Vous m’emmerdez !

La chute est un peu définitive, mais probable. Ce moi ne veut assurément pas se reconnaître et va très vite tomber malade ; de la chair à antidépresseurs ou je ne m’y connais pas !

Et voilà… trois petits tours de manège du moi et puis s’en vont… Et si je tombais vraiment sur moi ?

8 décembre 2006

Ma seule réponse fut le claquement dont j'accompagnai mon départ

« Ma seule réponse fut le claquement de porte dont j'accompagnai mon départ… » Elle se dit que cette petite phrase était intéressante, mais que le passé simple ligotait désespérément son inspiration. Et il n’y avait  pas moyen de le contourner... un temps qui faisait tout pour vous empêcher de vous exprimer… mais pourquoi le professeur leur avait-elle donné cette phrase ? Prise d’une soudaine fièvre revendicative, elle décida de se libérer de la contrainte ! Ce qu’elle voulait, elle, c’était se raconter, mais avec ce passé simple, c’était impossible, il faisait tout pour qu’elle ne puisse pas se dire. « Je  vais quand même pas commencer à me mettre des barrières moi-même » se défendit-elle ! Elle dut convenir, pourtant, que ce n’était pas exactement d’elle qu’elle voulait parler, mais de sa mère… « Elle peut crever, elle peut crever, mais elle  m’obligera plus à faire ce qu’elle veut ! ».

Elle se demandait pourquoi sa mère lui défendait de voir ce garçon, était-elle jalouse ? Le départ de son père, deux ans plus tôt, remplacé in extremis par un « frustré »,  qui venait  voir sa mère   deux fois par semaine, les jours où sa femme était de service de nuit à l’hôpital, la laissait pensive...

Et si elle allait vivre chez son père ?  D’ailleurs, si sa mère continuait à la harceler, elle lui claquerait la porte au nez, Vlan ! Comme ça elle comprendrait ! Avec sa bonne conscience dégoulinante, elle pensait avoir fait le maximum,  mais c’était quoi le maximum ? Si sa mère avait su ce qu’elle se moquait de ce garçon, elle aurait certainement laissé tomber l’affaire… Elle en arrivait même à se demander si elle ne continuait pas à sortir avec lui pour l’ennuyer ! « Elle m’étouffe et c’est encore moi qui devrais céder ? » Rugit-elle au désespoir. Elle pensa soudain à son père, comme à un sauveur, mais le visage de sa belle-mère, une  jeune femme pimpante qui jouait à sa mère, l’obligeant à ramasser les affaires qui traînaient dans sa chambre sous prétexte qu’elle couchait avec son père, se superposa immédiatement au sien. Mais quel droit ça lui donnait sur elle de coucher avec son père ! Et lui, le pauvre imbécile, qui se pavanait en chemise rose, pour lui faire plaisir, parce qu’elle lui disait que ça faisait jeune ! Mais est-ce qu’il se regardait dans la glace ? Croyait-il donc vraiment qu’il paraissait quarante ans alors que son visage accusait la fatigue des 50 qu’il avait d’ailleurs dépassés ?

En tout cas, ce qui était sûr, c’est qu’elle n’avait pas avancé d’un iota avec son  passé simple  ! Il n’a pas sa place ici, s’obstina-t-elle, je ne peux pas me raconter à cause de lui, il me barre mon passé ! Et si elle changeait la phrase  de début, en expliquant au professeur qu’elle n’avait pas pu, tout simplement ! Elle pourrait commencer par… « Ma seule réponse a été de claquer la porte » … ou, dernière possibilité, Elle mettrait la phrase intégrale, mais alors, elle ne serait plus du tout, mais alors plus du tout, dans l’émotion, mais dans un récit dix neuvième siècle et  l’authenticité en pâtirait, ce ne serait plus elle, mais un narrateur qui se ferait passer pour elle et qui n’aurait rien à voir avec elle.

Après tout, c’était peut-être mieux comme ça, parce que pour les récits autobiographiques, elle sentait bien qu’elle n’avait pas encore la distance suffisante ! En tout cas, autobiographie ou pas, sa mère, dès demain, saurait ce qu’elle pensait d’elle. Et s’il fallait lui claquer la porte au nez pour qu’elle le comprenne, eh bien, elle la  claquerait !

23 novembre 2006

Je n'arrive pas à jeter mes vieilles chaussures

imagesJe n’arrive pas à jeter mes vieilles chaussures. Je ne sais pas pourquoi. Pourtant elles ne me vont plus vraiment. La dernière fois que je les ai mises, ma meilleure amie, Elisabeth - vous voyez qui c’est, Elisabeth ? - eh bien Elisabeth m’a dit, texto, on dirait une bourge qui veut se faire passer pour une prolo. Enfin, Elisabeth n’a jamais rien compris aux chaussures, ni à la vie. Elisabeth est une négation de la compréhension. Pour ne rien vous cacher, Elisabeth m’assomme depuis que je la connais et pourtant je ne peux me résoudre à ne plus la voir. Je sais, je suis un paradoxe vivant, mais je ne peux rien y changer. D’ailleurs, peut-être vaut-il mieux être ça que  rien du tout ! Au moins, je me distingue du commun des mortels.

Je me demande si je n’ai pas connu mes chaussures en même temps qu’Elisabeth. Quinze ans déjà. Quinze ans de chaussures et quinze ans d’Elisabeth. La seule différence entre Elisabeth et mes chaussures, c’est que mes chaussures je les porte alors qu’Elisabeth, je la supporte. Elisabeth, je l’ai connue en même temps que mon mari, aux thés dansants de la Coupole. A l’époque, nous dansions la salsa. Jean était un passionné de salsa, maintenant à part l’informatique… C’était notre jeunesse, nous étions alors fougue et passion. Je dansais avec Jean et Elisabeth dansait avec Pierre, l’ami de Jean. Puis moi je me suis mariée avec Jean et elle avec Pierre, qui  était un passionné de tango. Je me demande si au départ je n’avais pas un faible pour Pierre, j’ai même cru que lui aussi, enfin c’est loin tout ça, maintenant je suis avec Jean, et puis… Pierre serait-il si différent de Jean ? D’après ce que me dit Elisabeth, ce n’est pas le pied géant avec Pierre, mais il a au moins une qualité Pierre, l’informatique l’ennuie à mourir, condition nécessaire et suffisante pour que, maintenant, un homme m’attire. Bien sûr il n’est pas question  que j’échange Jean contre Pierre, non, comme je vous le disais tout à l’heure, j’ai trouvé chaussure à mon pied, mais avec le temps, le pied s’élargit et il a besoin de plus de confort, de plus de compréhension, de plus de chaleur, on a besoin de couler son pied dans un autre moule, juste de temps en temps… Pourtant, je ne m’y résous pas et je garde mes vieilles chaussures.

Jean, lui ne m’a rien dit sur ces chaussures que j’ai ressorties inopinément, mais Jean ne me dit plus rien du tout. Jean a la patience des hommes mariés depuis plus de dix ans. La patience ou l’indifférence, tout dépend du point de vue. Je ne me risque pas à avancer une opinion. Il  est toujours beaucoup plus difficile d’être objective lorsqu’on observe une situation de l’intérieur. Je ne peux quand même pas et me tenir à distance et être proche, à moins de devenir schizophrène !

Aujourd’hui, j’ai ouvert la grande poubelle, j’avais mes chaussures à la main, j’étais prête à les lâcher et je n’ai pas pu parce que  je me  suis soudain mise à pleurer. Tout d’abord, je n’ai pas compris ces larmes sur mon visage, je croyais même qu’il pleuvait. Serais-je émotive, moi qui me pensais plutôt sang froid et pieds sur terre ? Serais-je sentimentale, moi qui me voyais plutôt raison que passion ? Serais-je frustrée, moi que me voyais plutôt comblée que blessée ? Serais-je finalement une femme comme les autres ?

J’avoue que je ne me suis  pas encore comprise et maintenant que je suis assise sur ces marches et que je contemple mes chaussures posées en bas de l’escalier, devant moi, je laisse mon esprit vagabonder. C’est elles qui détiennent le secret, j’en suis sûre, elles vont bien me le livrer, il me suffit d’attendre. Je n’aurais jamais pensé que des chaussures puissent être si vivantes, elles sont comme une part de moi-même, un appendice relié à moi par un cordon insoupçonné. Je suis aussi mes chaussures, et les jeter ce serait jeter une part de moi-même. Qui pourrait s’infliger pareille punition ? Certainement pas moi !

Aujourd’hui je n’ai rien fait, je me suis juste contentée d’être, dans un temps suspendu, mais rien ne s’est fait en moi. Maintenant, je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus où je vais, je ne sais plus ce que je veux. Je suis un filament accroché à un nuage, je suis une poupée désarticulée qui erre dans le chaos de la nuit, je suis l’univers écorché qui  éclate de rire au nez des étoiles.

Peut-être que je vais me laisser rouler au bas des marches et Jean me trouvera là, aux pieds de mes chaussures que je n’ai pas pu jeter… 

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