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Presquevoix...
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8 décembre 2006

Ma seule réponse fut le claquement dont j'accompagnai mon départ

« Ma seule réponse fut le claquement de porte dont j'accompagnai mon départ… » Elle se dit que cette petite phrase était intéressante, mais que le passé simple ligotait désespérément son inspiration. Et il n’y avait  pas moyen de le contourner... un temps qui faisait tout pour vous empêcher de vous exprimer… mais pourquoi le professeur leur avait-elle donné cette phrase ? Prise d’une soudaine fièvre revendicative, elle décida de se libérer de la contrainte ! Ce qu’elle voulait, elle, c’était se raconter, mais avec ce passé simple, c’était impossible, il faisait tout pour qu’elle ne puisse pas se dire. « Je  vais quand même pas commencer à me mettre des barrières moi-même » se défendit-elle ! Elle dut convenir, pourtant, que ce n’était pas exactement d’elle qu’elle voulait parler, mais de sa mère… « Elle peut crever, elle peut crever, mais elle  m’obligera plus à faire ce qu’elle veut ! ».

Elle se demandait pourquoi sa mère lui défendait de voir ce garçon, était-elle jalouse ? Le départ de son père, deux ans plus tôt, remplacé in extremis par un « frustré »,  qui venait  voir sa mère   deux fois par semaine, les jours où sa femme était de service de nuit à l’hôpital, la laissait pensive...

Et si elle allait vivre chez son père ?  D’ailleurs, si sa mère continuait à la harceler, elle lui claquerait la porte au nez, Vlan ! Comme ça elle comprendrait ! Avec sa bonne conscience dégoulinante, elle pensait avoir fait le maximum,  mais c’était quoi le maximum ? Si sa mère avait su ce qu’elle se moquait de ce garçon, elle aurait certainement laissé tomber l’affaire… Elle en arrivait même à se demander si elle ne continuait pas à sortir avec lui pour l’ennuyer ! « Elle m’étouffe et c’est encore moi qui devrais céder ? » Rugit-elle au désespoir. Elle pensa soudain à son père, comme à un sauveur, mais le visage de sa belle-mère, une  jeune femme pimpante qui jouait à sa mère, l’obligeant à ramasser les affaires qui traînaient dans sa chambre sous prétexte qu’elle couchait avec son père, se superposa immédiatement au sien. Mais quel droit ça lui donnait sur elle de coucher avec son père ! Et lui, le pauvre imbécile, qui se pavanait en chemise rose, pour lui faire plaisir, parce qu’elle lui disait que ça faisait jeune ! Mais est-ce qu’il se regardait dans la glace ? Croyait-il donc vraiment qu’il paraissait quarante ans alors que son visage accusait la fatigue des 50 qu’il avait d’ailleurs dépassés ?

En tout cas, ce qui était sûr, c’est qu’elle n’avait pas avancé d’un iota avec son  passé simple  ! Il n’a pas sa place ici, s’obstina-t-elle, je ne peux pas me raconter à cause de lui, il me barre mon passé ! Et si elle changeait la phrase  de début, en expliquant au professeur qu’elle n’avait pas pu, tout simplement ! Elle pourrait commencer par… « Ma seule réponse a été de claquer la porte » … ou, dernière possibilité, Elle mettrait la phrase intégrale, mais alors, elle ne serait plus du tout, mais alors plus du tout, dans l’émotion, mais dans un récit dix neuvième siècle et  l’authenticité en pâtirait, ce ne serait plus elle, mais un narrateur qui se ferait passer pour elle et qui n’aurait rien à voir avec elle.

Après tout, c’était peut-être mieux comme ça, parce que pour les récits autobiographiques, elle sentait bien qu’elle n’avait pas encore la distance suffisante ! En tout cas, autobiographie ou pas, sa mère, dès demain, saurait ce qu’elle pensait d’elle. Et s’il fallait lui claquer la porte au nez pour qu’elle le comprenne, eh bien, elle la  claquerait !

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