L’abattoir
C’est à Pôle Emploi qu’il avait trouvé ce job à l’abattoir. Dans ce département terrassé par la crise – sa femme y avait été mutée par son entreprise - il n’y avait rien à faire, si ce n’est regarder les nuages et la pluie. Et puis un jour, sa femme s’était lassée de le voir tourner en rond et elle l’avait sommé d’accepter ce qui se présentait. La seule option avait été l’abattoir.
Le premier jour, il avait failli vomir, voir les poulets suspendus à des crochets sur une chaine automatique avant d’être plongés dans un bain à électronarcose, puis saignés, déplumés et éviscérés, ça lui minait le moral. D’ailleurs, quand il rentrait chez lui, il passait une heure dans la douche à se récurer de fond en comble avec une brosse à laver le linge qui lui laissait des marques rouges sur sa peau blanche. La nuit, parfois, il faisait des cauchemars et s’imaginait lui-même suspendu à un crochet avant d’être plongé dans un bain glacé qui lui donnait la chair de poule.
Et puis il y eut le fameux jour, celui qui signa définitivement la fin de son contrat. D’ailleurs le chef lui avait tout de suite dit de rentrer chez lui ; que c’était mieux pour lui, et aussi pour les poulets. Oh, il ne s’était pas passé grand-chose ce jour-là, mais il avait détaché dix poulets de la chaîne en disant qu’ils lui avaient demandé de leur laisser la vie sauve. Personne n’avait pu le raisonner.
Le médecin l’avait mis sous Prozac et lui avait conseillé de regarder des dessins animés de Walt Disney pendant quinze jours, ça lui ferait du bien…