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27 août 2017

Le dernier voyage

Lui voyageait léger, elle voyageait lourd. Il avait un petit sac à dos, elle une grosse valise à roulettes. Son sac à dos était marron, sa valise était rouge.

La dernière fois qu’ils sont partis ensemble, sa valise était si grosse qu’elle passait difficilement dans la travée centrale. Forcément, il devait l’aider. Forcément, il s’exécutait en maugréant.

L’apogée du voyage, ce fut lorsque l’une des roulettes du coffre rouge qu’elle appelait valise s’est cassée. Il a fait quatre wagons, suant, soufflant, vérifiant que l’infâme valise rouge n’accrochait personne au passage. Une fois devant leurs places, il lui a dit.

-          Ta valise me fait chier mais toi aussi tu me fais chier. Pars toute seule, moi je descends.

Et il est descendu rapidement du train, esquivant ainsi les reproches qui allaient fuser.

Dès qu’il a eu mis pied à terre, le chef de gare sifflait le départ. Il allait enfin pouvoir voyager tranquillement…

19 août 2017

Le départ

Il avait grandi trop vite.  Ce n'était plus cette  boule de poils qui les avaient séduits. En cinq mois l'animal avait fini par avoir tous les défauts du monde.

 Au début, lui et sa femme avaient  bien essayé " Couché ! Assis ! Debout ! La patte ! Pas sauter ! " ; et puis ils en avaient eu marre, le chien était trop bête. Sa femme avait même dit.

 - Il m'emmerde ce chien. Si c'est comme ça, il vaudrait mieux… et elle avait laissé sa phrase en suspens.

 Maintenant, dès que la bête arrivait dans la pièce les enfants hurlaient, c'était devenu intenable. La seule façon d'avoir la paix c'était de lui interdire la maison.

 Et puis un jour le père prit sa décision. Il emmena l'animal. Les enfants entendirent les aboiements du chien, puis plus rien, le père avait dû le mettre dans le coffre. La voiture démarra et chacun retourna à ses occupations.

Quand le père revint deux heures plus tard, seul, personne ne lui posa de questions, et la vie reprit son cours.

 

PS : prochain texte le 25 août.

17 août 2017

Curiosité

Voici un texte de  Gilda - une amie brésilienne de Belo Horizonte -  traduit en français par mes bons soins.

 

Une femme meurt. En arrivant au ciel, Elle est durement rappelée à l'ordre.

- Tu ne devrais pas être ici ! Tu es arrivée avant que ton heure ne soit venue.

- Ce n'est pas de ma faute, répond-elle.

- Ah bon, ce n'est pas de ta faute ? C'est de la faute  de ta curiosité peut-être ?

- Bon, c'est vrai, c'est de ma faute, j'ai traversé la rue alors que je lisais un message reçu sur mon portable.

- Mais pourquoi n'as-tu pas lu le premier message que tu as reçu ?

- Parce que le deuxième était beaucoup plus intéressant. Il annonçait : comment vous débarrasser rapidement de votre belle-mère.

- Peux-tu lire ton premier message ?

- Impossible, mon portable est resté sur terre.

- Voici ce qu'il disait : message d'utilité publique. Attention avant de traverser la rue, il faut regarder des deux côtés !

 

 

 PS :

 

 

10 août 2017

Le boucher

M. Mouton était établi depuis vingt-cinq ans comme boucher à St Jean Pied de Port et il travaillait la viande sous toutes les coutures. La bavette, le paleron, l’araignée,  le jarret, les jambonneaux, les filets, les plats de côte, les gigots et les côtelettes étaient toute sa vie mais, depuis quelques mois, l’enthousiasme n’était plus au rendez-vous ; la viande le rendait morose et il ne pouvait plus avaler un seul morceau de chair cuisinée.

Il avait même fini par devenir végétarien, au grand désespoir de sa femme qui tenait la caisse de la « Boucherie Moderne »  depuis dix-neuf ans. Madame Mouton faisait des pieds et des mains  pour que l’étrange goût de son mari pour les végétaux et les fruits soit gardé dans le plus grand secret. Car, qui peut imaginer qu’une clientèle – aussi fidèle soit-elle -  continue à se fournir en viande auprès d’un boucher végétarien ?

 

PS : prochain texte le 15 aout.

28 juillet 2017

Le SDF

Elle sortait de son stage de théâtre quand il l’avait abordée.

- T’as pas deux euros ?

« Non », dit-elle après avoir tâté sa poche droite, celle où elle laissait toujours une pièce au cas où.

- Alors, tu te fous que je sois à la rue ! Éclata-t-il.

Mise à rude épreuve par un stage qu’elle avait certes choisi, mais qui la déstabilisait, elle répondit sur le même ton.

- Non je m’en fous pas, mais j’ai rien, merde !

Le type la regarda interloqué puis il poursuivit son chemin. Elle aussi.

Oui, le théâtre c’était ça, se laisser aller à des émotions qu’elle retenait en permanence…

26 juillet 2017

Le chien

Enfant, je rêvais de m'effacer. Je me souviens du jour où  je m’étais installée dans la niche du chien. Je dois dire que j’enviais mon chien. Lui, au moins, on lui fichait la paix. J’étais recroquevillée à l’intérieur depuis au moins un quart d’heure quand j’ai entendu ma mère qui m’appelait de sa voix de maîtresse. J’ai aboyé furieusement, juste pour le plaisir ; j’étais contente de jouer au chien. Une fois devant la niche, ma mère a hésité, puis elle s’est accroupie pour regarder à l’intérieur. Quand elle m’a vue, son visage est devenu cramoisi. J’ai juste eu le temps de m’effacer avant qu’elle ne me donne une gifle sonore.

 Depuis, j’ai continué à m'effacer, sauf hier. On m’a convoquée dans le bureau du patron pour une faute professionnelle que je n’avais pas commise.

-          Ce n’est pas moi, ai-je dit d’une voix ferme.

Mais rien n’y a fait, le patron n’écoutait aucun de mes arguments, il s’est approché de moi, l’index menaçant. Alors, en désespoir de cause, j’ai aboyé et j’ai montré des dents. Le patron s’est retranché derrière son bureau et je suis sortie la tête haute.

16 juillet 2017

Martine

Avant-hier, on attendait devant le théâtre pour voir une compagnie régionale quand Martine est arrivée, souriante et détendue. La vache,  qu’est-ce qu’elle a grossi Martine ! Enfin, ça, je l’ai gardé pour moi, forcément. Elle nous a parlé de son opération des genoux – les deux, parce qu’elle ne fait jamais les choses à moitié Martine.

Elle appréhendait sa visite chez le chirurgien ; elle croyait qu’il allait lui parler de sa « surcharge pondérale », mais en fait non, il ne lui en a même pas touché un mot. Je me demande bien pourquoi, parce que ça saute aux yeux qu’elle est grosse Martine.

En tout cas, Martine, elle était très contente de son chirurgien : gentil, prévenant, le gendre idéal. Et psychologue en plus, parce que c’est bien le seul à avoir compris que le simple fait de parler de régimes, ça la faisait grossir.

De retour du théâtre, mon mari m’a dit sur le ton de la confidence : « Eh bien moi, j’aimerais pas être les genoux de Martine, qu’est-ce qu’ils doivent morfler ! ».

8 juillet 2017

Le passé

Nous parcourions le rayon « homme » du printemps, quand soudain, il s’immobilisa devant un enfant tétant tranquillement sa sucette dans sa poussette, étranger à l’agitation du rayon.

- Ah le bienheureux  - s’extasia-t-il  – j’aimerais bien revenir à ce temps béni !

Mais immédiatement il se ravisa, l’air inquiet, comme s’il avait oublié un détail important.

-          Il y a un problème ? lui demandai-je.

-          Oui, et un gros : tout sauf revivre ce que j’ai vécu avec ma mère !

Et il traversa le magasin au pas de course, comme si sa mère le pourchassait entre les rayons.

4 juillet 2017

L’hypocondriaque

Il venait d’avoir les résultats de son analyse de sang, tout était parfait. A désespérer. Même pas un peu de cholestérol, rien ! Il avait pourtant insisté auprès du médecin - « Vous êtes sûr, vraiment, je n’ai rien ? » - qui l’avait regardé d’un air suspicieux. Il lui avait même suggéré une nouvelle analyse, une toute dernière : son  taux de PSA.

 Pour se débarrasser de son patient, le médecin avait cédé.

En rentrant chez lui sa femme lui avait demandé. 

-          Alors, ces analyses ?

-          Rien pour l’instant, mais je suis sûr d’avoir quelque chose et d’ailleurs, l’autopsie montrera que j’avais raison !

18 juin 2017

L’esprit d’entreprise

Depuis que l’entreprise WWA était cotée en bourse, les chiffres des cotations apparaissaient toutes les heures sur le grand écran placé dans l’open space. Si les chiffres baissaient, un employé criait : Allez, on serre les dents et on participe à l’effort collectif ! Si les chiffres montaient, le même employé disait d’une voix ferme : C’est bien mais on peut encore mieux faire ! Et les galériens de WWA redoublaient d’effort.

Quand les hommes et les femmes de WWA rentraient chez eux, ils se rendaient à peine compte qu’ils répétaient la même chose à leurs enfants. En surveillant leurs devoirs ils disaient :  Allez, serre les dents pour revenir au niveau !   ou C’est bien mais tu peux encore mieux  faire ! 

 

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