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2 avril 2018

En finir

Chaque jour elle déposait un mot dans sa poubelle ; les mots des lettres qu’il lui avait envoyées et qu’elle dépiautait consciencieusement. En désossant ses phrases, elle désossait son souvenir. Comme il ne lui avait écrit que 4 courtes lettres, elle en aurait assez vite fini avec lui.


L'avant-dernier, par contre, il lui avait fallu de longs mois pour le faire mourir, c’était un amoureux des mots. Il l’avait aimée un mois, à raison d’une lettre tous les deux jours, et pas n’importe quelles lettres, des lettres longues et romantiques qu’elle avait eu le tort de croire.


Quant à l'antépénultième - un rustre - la seule missive qu’il lui avait écrite, c’était ces trois phrases griffonnées à la hâte sur une enveloppe : « Marre de toi. Je pars. A jamais. ». Celui-ici, elle l’avait achevé en une semaine.


9 mars 2018

la place

Ils erraient désespérés dans les rues de cette ville de bord de mer sans trouver aucune place pour se garer. Soudain, sa mère s’est écrié de sa voix autoritaire.

- Non mais regarde-moi ça ! Il y a plein de places pour les handicapés et ils occupent même pas leur place ! T'as qu’à t’y mettre, comme ça, ça les fera réfléchir les handicapés !

16 février 2018

La dentiste

Quand elle est arrivée dans le cabinet de la dentiste, celle-ci écoutait un air de salsa, aussitôt suivi d’une cumbia. En l’attendant, tranquillement assise sur le fauteuil de torture, elle a osé.

-          J’espère que vous ne suivez pas le rythme de la musique avec votre turbine.

La dentiste a souri et lui a dit de n’avoir aucune crainte, elle savait se contrôler !

Une heure plus tard, elle sortait la mâchoire meurtrie, non par les coups de turbine, mais par la piqûre anesthésiante qui l’empêchait d’ânnoner quoi que ce fût…

4 février 2018

Meurtre

Elle était arrivée en hurlant.

-          Je vais l’assassiner !

« Qui ? » Avait-il demandé effrayé et elle lui avait révélé l’impensable : « Ma mère ! »

Bien évidemment il avait tenté de l’en dissuader, un matricide, elle n’y pensait pas, mais elle continuait inflexible.

-          Elle m’a gâché 40 ans de ma vie !

-          Oui mais quand même, c’est ta mère !

-          Et alors ? répliqua-t-elle.

C’était imparable : oui, et alors ? Elle se rua dans la cuisine, prit le couteau qui servait à découper la viande, l’emballa dans un torchon et mit le tout dans son sac à dos.

Deux heures plus tard elle était de retour, le pull tâché de sang. Elle articula.

-          C’est fait !

-          Quoi ? Mais tu es folle ?

-          Peut-être, mais maintenant ça va mieux.

-          Tu as pensé aux conséquences ?

-          Je m’en fous ! Elle n’y a pas pensé elle, aux conséquences, et elle m’a foutu ma vie en l’air. J’ai fait pareil, mais c’est plus radical : elle est morte !

Après avoir expliqué son acte, elle est montée à l’étage, s’est enfermée dans la salle de bain et a pris un bain qui a duré une heure trente, exactement. Quand elle est sortie de la salle de bain, lavée et parfumée, c’était une autre femme.

Faudrait-il en déduire que les matricides ont du bon ?

25 décembre 2017

Noël

Ce Noël-là -  à dix ans révolus -,  elle avait voulu tuer ses parents avec une poudre de perlimpinpin  qu’elle avait versée dans les jolies petites tasses roses à fleurs bleues de leur service à thé.

Ses parents avaient survécu, tant mieux, ou tant pis. En tout cas, cette mise en acte l’avait définitivement sauvée du naufrage.

Cette famille-là  n’était plus la sienne et, enfin libre, elle avait pu renaître.

20 octobre 2017

L'exercice

Le professeur d'espagnol avait donné un exercice simple à ses élèves de seconde : faire le portrait d'un ou d'une amie.

Il remarqua que Léa n'écrivait rien. IL s'approcha d'elle et lui en demanda la raison. Elle répliqua, avec une pointe d'agressivité, qu'elle ne connaissait que la première personne du présent de l'indicatif des verbes et qu'il lui était donc impossible de faire le travail donné.


- Vous ne vous souvenez pas qu'on a revu le présent en début d'année, et à toutes les personnes ?
- Je connais que la première personne. On  m'a appris que ça, répéta-t-elle obstinée.

Afin d' éviter l'incident diplomatique, le professeur revint s'asseoir au bureau. Respiration ventrale pensa-t-il, inspirer, expirer, inspirer, expirer afin d'éviter l'explosion.

A la fin de l'heure, il ramassa les copies et mit un zéro rouge sang sur la copie blanche. Voilà, ça allait mieux, elle ne lui gâcherait pas ses vacances.

 

PS : prochain texte le jeudi 26 octobre

6 octobre 2017

L’élève

Mercredi. Cours de 8 h à 9 h, les têtes ont tendance à piquer du nez et le regard est vague. 10 élèves présents, 10 fantômes. Une question est posée et un élève tire au sort l'étiquette Bryan dans le petit sac à prénoms. Bryan lève des yeux ensommeillés et dit.

-          Madame il est trop tôt,  je suis fatigué.

Elle en reste muette de surprise. Une fois remise, elle enchaîne.

-          Le problème Bryan c’est que lorsque je vous interroge de 8 à 9 vous êtes fatigué et  quand c’est de 16 à 17 vous avez mal à la tête. Etant donné que nous avons deux heures de cours ensemble, et toujours à ces heures-là, que faut-il que je fasse pour vous entendre parler anglais ?

-          Les cours sont mal placés madame. Et puis l'anglais c'est trop dur le matin, ça sort pas.

Le « diable » a réponse à tout. Elle prend un air accablé et conclut.

-          Eh bien le jour de l’oral du baccalauréat, vous expliquerez tout ça à  l’examinateur, et en anglais, bien sûr.

Elle se retient mais elle n’a qu’une envie : lui hurler qu’elle en a marre des « glandeurs » qui se couchent à pas d'heures !

28 septembre 2017

Le nom

Il ne donnait jamais son vrai nom. Il en choisissait toujours un différent, de peur qu’on ne l’ensorcelle et qu’on installe en lui – à son insu – une caméra vidéo  qui pourrait donner à tout un chacun les moindres informations sur sa vie intérieure.

Il savait confusément que cela arriverait un jour où l'autre car le pouvoir néfaste de l’humanité était arrivé à son comble.

Sans doute était-ce la raison de sa présence dans l'unité 3 du Centre Hospitalier de Sainte Anne où un psychiatre, à bout d'arguments devant ses jérémiades,  avait fini par lui dire que le service de maintenance de sa caméra interne ne pourrait pas venir avant quinze jours...

 

12 septembre 2017

Consultations

A l’hôpital, il donnait des consultations d’oubli mais, selon les cas, il pouvait aussi donner des ordonnances de vie. Devant l’étonnement des patients, il répondait.

-          Eh oui, il faut s’autoriser à vivre, et ce n’est pas donné à tout le monde, croyez-moi. L’ordonnance est là pour vous certifier que vous en avez le droit.

Les patients opinaient et, quand ils regardaient l’ordonnance, ils étaient toujours surpris de constater que le médecin avait écrit ce qu’il leur avait dit de vive voix à une différence près : l’achat de magnésium, sans doute pour faire plus sérieux.

31 août 2017

L'accent

Un matin, elle se réveilla avec l’accent américain. Au début, elle ne le remarqua  pas, c’est son mari qui le lui signala.

-          Arrête de prendre cet accent !

-          Quel accent ? répondit-elle étonnée.

-          L’accent américain !

Elle alla voir  le médecin qui se déclara impuissant. Il avait même ajouté « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » Elle avait pensé en son for intérieur qu’il se moquait certainement d’elle.

 Sur les conseils d’une amie, elle alla voir un psychanalyste renommé. Il l’écouta patiemment et, à la fin de son histoire, il lui dit posément.

-          Je ne peux rien pour vous, désolé.

Excédée par sa réponse, elle s’entendit lui riposter avec une aisance désarmante.

-          You’re a fucking ass hole* !

A partir de ce jour-là, elle ne s’exprima plus qu’en anglais et rien ne put la faire changer de langue. Son mari, qui ne comprenait ni ne parlait l’anglais, la quitta ; et son patron, dont l’entreprise exportait essentiellement vers l’Europe du Sud, la licencia. Ce départ et ce licenciement ne semblèrent pas l’affecter outre mesure, c’était comme si on la débarrassait de vêtements trop étroits.

Un mois plus tard, elle partait pour New York avec pour tout bagage, un minuscule sac à main…

 

* Vous êtes un foutu connard ( traduction approximative )

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