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Presquevoix...

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2 février 2010

Le chemin du paradis

neigeElle l’avait rencontré  sur le pont qui plongeait sur la voie ferrée. Il lui avait demandé du feu, juste ça. Sa présence l’avait étonnée ; un dimanche neigeux, en fin d’après-midi, rares sont les gens qui regardent passer des trains qui ne passent pas.  Elle lui avait donné du feu et  il était resté immobile à ses côtés, à regarder les voies, en tirant sur sa clope. Ni l’un ni l’autre ne parlaient, à quoi bon quand on n’a rien à se dire ? Le silence remplissait suffisamment l’espace. Soudain il avait dit d’un air grave :
- C’est ça le chemin pour le paradis !
Son ton était tellement solennel qu’elle s’était tournée vers lui, émue.
- Oui, continua-t-il à dire soutenu par son regard brillant – vous allez tout droit, tout droit et vous y arriverez !
L’homme avait repris une bouffée de sa cigarette puis s’était tu. Un train était passé, puis tout était redevenu silencieux dans le paysage lunaire.
- Vous êtes sûr qu’on y va ? S’était-elle enquis.
- Oui. On me l’a dit.
- On ?
- Les voix.
Elle l’avait fixé à nouveau. Ses yeux bleus la regardaient étrangement. Il devait être fou. Elle avait eu la chance de le voir arriver au moment exact où elle avait besoin de lui. N’allait-il pas l’aider à sortir de ce quotidien sans nom ? Soudain, elle lui avait touché le bras prise d’une inspiration :
- Et si vous partiez avec moi ?
- Au paradis ?
- Oui, vous et moi. C’est bien ce chemin-là n’est-ce pas ? Avait-elle dit en pointant la voie ferrée de son doigt.
Le type avait ouvert son sac à dos, fouillé un instant, et il avait sorti  une carte qu’il avait dépliée devant ses yeux étonnés. Après l’avoir étudiée attentivement, il lui avait répondu d’une voix assurée :
- Oui, c’est bien ça !
- Eh bien partons tous les deux, le paradis nous attend.
Ils avaient descendu l’escalier en pierre et longé la voie ferrée l’un derrière l’autre, chacun cherchant le rêve que la vie leur avait ôté…

PS : texte écrit à partir de cette photo de Pierrick, du blog « crocklaphoto »

1 février 2010

La prophétie

Sur le blog « jedouble », un photomontage de Patrick Cassagnes , illustré par un texte de gballand.

« Un jour elle m’avait dit que la mer anéantirait la terre. La prophétie lui avait annoncé quelle  serait la reine des eaux… » Pour lire la suite, c’est ici.

31 janvier 2010

L’auto-stoppeur

Le type s’était arrêté à trois mètres de lui. Un coupé rouge, rutilant, avec des peaux de zèbres à l’avant et  l’arrière.
- Je vais à Avignon, lui fit-il en arborant son plus beau sourire dégoulinant de pluie.
- Moi aussi, montez !
Génial, il allait pouvoir se la couler douce pendant quatre heures. Finis le froid et la flotte. Après avoir mis son sac à dos à l’arrière, il s’installa confortablement sur le siège avant et le type démarra. Pas de bruit de moteur. L’impression, à 140 à l’heure, d’être à 90, une voiture extra. Après un quart d’heure de conversation poussive – personne n’avait vraiment envie de parler – le conducteur lui demanda s’il pouvait mettre de la musique. Il répondit que oui. Une grossière erreur. Le type commença à mettre en boucle Garou
« Aimer d’amour c’est aimer comme moi je t’aime/ Depuis que tu es là je ne pense qu’à toi/ tu prends tout mon temps, tu es tout ce que j’attends/J’ai besoin de t’aimer… » disait la première chanson ; la deuxième, tout aussi niaise énonçait « Vouloir tout voir et vivre /C'est plus fort que moi /Aimer ce qui me tue / C'est plus fort que moi / Cette ombre qui me suit / C'est plus fort que moi ..." Le conducteur fredonnait en même temps avec une voix de fausset qui lui vrillait le tympan gauche. Malgré tout, il  finit par s'endormir. Deux heures plus tard le type le réveilla. Ils étaient presque arrivés.
- Où je vous laisse ? lui demanda-t-il.
- N’importe où, répondit-il la voix ensommeillée alors qu’une vive douleur lui laminait la tête.
Il  remercia en grimaçant. Une fois la voiture partie, il regarda autour de lui l’air défait. Il devait être à la périphérie d’Avignon, un marteau piqueur lui défonçait le crâne et il recommençait à déluger.
- Putain de Garou à la con !!! gueula-t-il  en remettant son sac sur le dos et en marchant en direction du centre ville.

30 janvier 2010

Illusion

P7280153

Voilà une débutante,
juste une promesse.
Un silence à dos nu
sur un sentier d’été,
un mensonge de bonheur.

PS : photo de C.V. prise à Coimbra en juillet 2007

29 janvier 2010

Les excès de vitesse

C’est la troisième fois en un mois que j’ai une amende. Je crois que j’ai la poisse. Je respecte les limitations de vitesse, mais jamais assez. La dernière fois je roulais à 53 au lieu de 50 ! Les vicieux. Il faut être pervers pour être flic, j’espère que mon fils ne voudra jamais entrer dans la police. Quand mon mari a découvert le pot au rose en ouvrant l’enveloppe fatidique,  il a failli s’étouffer :
- Un comble, c’est moi qui prends le vélo et c’est moi qui ai les points en moins sur mon permis !
Pas de chance, on lui avait enlevé les points à lui, pourquoi ? J’ai essayé de négocier avec qui de droit mais rien à faire, ils sont inflexibles ces andouilles.  Mon mari m’en veut à mort, du coup il m’a retiré mon permis et les clefs de la voiture. Il m’a dit furieux :
- Maintenant à ton tour de prendre le vélo ! Quitte à avoir des points en moins, je préfère les perdre moi-même !
Depuis qu’il ne fait plus de vélo, il a grossi de 6 kilos. Moi, je ne dis rien, je me contente de constater les dommages collatéraux.

28 janvier 2010

Le jogging

Mercredi dernier, comme tous les mercredis je suis partie courir en forêt. C’est une toute petite forêt aménagée où les étudiants font leur jogging. J’y suis allée plus tard que d’habitude, il devait être 16 heures, et la lumière commençait à décliner. J’ai garé la voiture non loin de la cité universitaire et j’ai commencé mon parcours en trottinant. Je ne vais jamais très vite, l’âge je crois. Au bout de dix minutes de foulées poussives, je me suis retrouvée au cœur du petit bois et c’est à ce moment là que j’ai entendu un bruit suspect derrière moi, comme des feuillages qu’on aurait ouverts brutalement. Je me suis retournée et je l’ai vu, l’homme nu. J’ai poussé un hurlement et j’ai immédiatement détalé. Plus j’accélérais, plus le type accélérait, j’entendais presque ses pas derrière les miens. J’avais le souffle court et je sentais que ma cheville droite allait flancher ; ma dernière heure était venue. Je n’osais pas me retourner. Soudain,  le type s’est mis à pousser des cris de bêtes, de plus en plus fort ; mon cœur allait lâcher, c’était sûr, je ne pourrais pas tenir jusqu’à la route. Et c’est à ce moment là que j’ai pensé à ma bombe. J’ai brusquement pilé, j’ai fait volte face, j’ai poussé un cri à déchirer les tympans d’un sourd et je lui ai envoyé un coup de bombe lacrymogène dans la gueule. Quand j’ai vu le visage du type, le ciel m’est tombé sur la tête : c’était mon patron. Nu comme un ver, il s’agitait de façon démoniaque et déversait un flot d’injures à mon égard. Sous l’effet de la surprise, je n’ai pas su quoi dire à part :
- Mais… mais qu’est-ce que vous faites là dans cette tenue ?
- Qu’est-ce que ça peut vous foutre, a-t-il réussi à articuler, allez plutôt me chercher une couverture ou  je vous fous à la porte de la boîte.
Je n’ai pas demandé mon reste, j’ai couru jusqu’à la voiture, j’ai sorti la vieille couverture léopard que je garde toujours au cas où, et je la lui ai rapportée au pas de course. Il a enroulé son corps transi dedans et m’a dit d’un ton qui n’admettait aucune réplique :
- Et pas un mot au travail ou je vous fous dehors !
J’ai failli pouffer de rire en voyant le tableau pitoyable qu’il offrait, mais j’ai réussi à me contenir et je l’ai assuré qu’il pouvait compter sur ma discrétion. Seulement maintenant, à chaque fois que je le croise dans son costume trois pièces qui tombe impeccablement,  je ne peux m’empêcher de le revoir nu, enveloppé dans ma couverture léopard, et je me demande toujours ce qu’il faisait dans le bois, nu, à cette heure de l’après midi…

27 janvier 2010

Le bavard

C’était un bavard compulsif. Un jour, alors qu’il m’entretenait de problèmes futiles, comme à son habitude, la communication a coupé. J’ai bien essayé de le rappeler, en vain ; il continuait à parler sans moi… J’ai fait une deuxième tentative, occupé ; une troisième, toujours occupé.
C’est lui qui a fini par me rappeler. Il faut dire qu’au bout de 15 minutes il m’avait posé une question et s’était étonné de ne pas avoir de réponse !

26 janvier 2010

Le double de la moitié

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Chacun cherche l’autre
Porte-bonheur
du leurre

PS : photo de C.V. prise à Venise en Avril  2005

25 janvier 2010

Interdit de mourir

Sur le blog je-double,  un texte de gballand, illustré par un photomontage de Patrick Cassagnes

« Quand elle avait lu l’écriteau – "interdit de mourir" -  à l’entrée du chantier, elle s’était demandée qui avait bien pu placer ça là… » Pour lire la suite, c’est ici !

24 janvier 2010

Comment chanter juste ?

Il avait toujours chanté faux, d’ailleurs combien de notes avait-il au juste à l’arc de sa voix ? Ne reproduisait-il pas toujours le même son du début à la fin d’une chanson ? C’était sa plus grande souffrance, son drame. Le jour où il  rencontra Cécile, dans un cours de théâtre amateur, et où elle lui demanda de chanter avec lui une malheureuse petite ritournelle que le premier imbécile venu aurait pu chanter, il inventa une excuse stupide et partit à toutes jambes ; pourtant Cécile lui plaisait comme aucune femme ne lui avait jamais plu. Une demi-heure plus tard, quand il revint, elle était déjà avec un autre type de l’atelier théâtre, souriante, ses cheveux n’étaient plus attachés mais dénoués, et ils chantaient en duo. Les regards qu’ils échangeaient, il n’était pas prêt de les oublier…
Un mois plus tard il abandonnait le théâtre et s’inscrivait dans un cours de chant.

PS : texte écrit à partir de la chanson « desafinado » de Tom Jobim. Un « desafinado » est un homme qui chante faux. Une bossa qui a le charme du désespoir…

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