Le chemin du paradis
Elle l’avait rencontré sur le pont qui plongeait sur la voie ferrée. Il lui avait demandé du feu, juste ça. Sa présence l’avait étonnée ; un dimanche neigeux, en fin d’après-midi, rares sont les gens qui regardent passer des trains qui ne passent pas. Elle lui avait donné du feu et il était resté immobile à ses côtés, à regarder les voies, en tirant sur sa clope. Ni l’un ni l’autre ne parlaient, à quoi bon quand on n’a rien à se dire ? Le silence remplissait suffisamment l’espace. Soudain il avait dit d’un air grave :
- C’est ça le chemin pour le paradis !
Son ton était tellement solennel qu’elle s’était tournée vers lui, émue.
- Oui, continua-t-il à dire soutenu par son regard brillant – vous allez tout droit, tout droit et vous y arriverez !
L’homme avait repris une bouffée de sa cigarette puis s’était tu. Un train était passé, puis tout était redevenu silencieux dans le paysage lunaire.
- Vous êtes sûr qu’on y va ? S’était-elle enquis.
- Oui. On me l’a dit.
- On ?
- Les voix.
Elle l’avait fixé à nouveau. Ses yeux bleus la regardaient étrangement. Il devait être fou. Elle avait eu la chance de le voir arriver au moment exact où elle avait besoin de lui. N’allait-il pas l’aider à sortir de ce quotidien sans nom ? Soudain, elle lui avait touché le bras prise d’une inspiration :
- Et si vous partiez avec moi ?
- Au paradis ?
- Oui, vous et moi. C’est bien ce chemin-là n’est-ce pas ? Avait-elle dit en pointant la voie ferrée de son doigt.
Le type avait ouvert son sac à dos, fouillé un instant, et il avait sorti une carte qu’il avait dépliée devant ses yeux étonnés. Après l’avoir étudiée attentivement, il lui avait répondu d’une voix assurée :
- Oui, c’est bien ça !
- Eh bien partons tous les deux, le paradis nous attend.
Ils avaient descendu l’escalier en pierre et longé la voie ferrée l’un derrière l’autre, chacun cherchant le rêve que la vie leur avait ôté…
PS : texte écrit à partir de cette photo de Pierrick, du blog « crocklaphoto »