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Presquevoix...

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24 mars 2010

Le filet à prévisions

Dans son filet à prévisions, elle avait toujours deux ou trois prophéties  à raconter, au cas où…
Les  gens veulent souvent  savoir de quoi demain sera fait ; pourtant, n’est-il pas dangereux de bousculer l’avenir ?

23 mars 2010

Amitié ?

Elles se voyaient depuis 20 ans, une fois par semaine, pour le thé ; l’une ronde, l’autre maigre, l’une taciturne, l’autre volubile.
- Les Français sont minables ! disait souvent l’une.
Quand elle avait dit ça, elle avait tout dit. Un dicton ponctuait aussi ses conversations :
- Les chiens ne font pas des chats ! 
L’autre écoutait sans rien dire, mais qu’aurait-elle pu dire ? Elle se contentait de laisser glisser des silences qui ne duraient jamais car sa partenaire, insatiable, continuait à enfiler les clichés comme des perles.
Leur conversation se terminait souvent dans la pénombre de ces fins d’après midi où les thés fument dans les tasses et où le  temps ressasse la vie de ceux qui ne savent plus vivre.

22 mars 2010

L’allumette

Elle a mis le feu et elle se sent mieux. Tout le monde doit être mort. Ils l’ont bien cherché.  Ce n’est pourtant pas faute de les avoir avertis :
- Un jour, je vous tuerai !
Ils ne l’ont pas crue. Les parents pensent toujours qu’ils sont les plus forts. Elle sourit d’un air satisfait, comme si elle leur avait fait une bonne blague, mais derrière elle il ne reste rien. Elle ne se doutait pas qu’elle y aurait pris autant de plaisir ; la petite allumette et hop ! Son seul regret c’est le chien. Tant pis, l’imbécile n’a pas voulu la suivre. Maintenant ses parents ne sont plus qu’un mauvais souvenir à qui les flammes ont réglé leur compte.
Elle marche dans la forêt, les branches griffent son visage mais elle s’en fiche, elle est libre, libre, libre comme l’air. D’une main, elle tient le sac qu’elle a pris soin de  cacher au fond du jardin, la veille, et de l’autre, elle vérifie de temps à autre que son cher journal est toujours dans la poche droite de sa veste. Sur la première page elle a écrit il y a longtemps : « Un jour, je les tuerai. »
C’est fait, maintenant elle va enfin pouvoir continuer le journal de sa vie.

PS : texte écrit dans le cadre de l’atelier des « impromptus littéraires »

21 mars 2010

Les comprimés

« Comment vivre sans comprimés devant soi »… ? Je n'ai pas la réponse, mais j'en ai fait un texte et Patrick Cassagnes l'a illustré. Pour le lire, c'est ici. 

20 mars 2010

L’Apocalypse selon…

Maintenant elle était prête. Elle avait fait moisson de vivres, de quelques livres, et s’était aménagée un endroit à elle dans l’abri antiatomique. Tout pouvait exploser, elle s’en foutait ; elle mourrait en lisant Madame Bovary. Elle avait presque hâte qu’une bombe pointe le bout de son ogive pour mettre la touche finale à ce qui n’aurait jamais dû être…

19 mars 2010

La montre

Hier, j’ai oublié ma montre chez moi. Je déteste oublier ma montre. Il suffit que je n’en aie pas pour avoir la sensation d’être en retard.  Quand je suis arrivée sur le quai du métro, n’y tenant plus, je me suis adressée à un type qui n’arrêtait pas de regarder la sienne et de se la mettre à l’oreille.
- Vous auriez l’heure s’il vous plaît ? Lui ai-je dit.
Question bête, je vous l’accorde, mais je manque souvent d’imagination dans la vie de tous les jours. Il m’a répondu les yeux hagards :
- Chut, ma montre me parle !
Je n’ai pas pu m’empêcher d’ajouter :
- Et qu’est-ce qu’elle vous dit  ?
Il m’a dévisagé l’air furieux, comme si je le dérangeais en plein travail :
- Elle me dit que vous devriez vous mêler de ce qui vous regarde. Et à votre place, je ferais attention, parce que s’il me prend l’envie d’appuyer sur le détonateur…
Je n’ai pas demandé mon reste et j’ai marché à grandes enjambées jusqu’à l’autre bout du quai…

18 mars 2010

Les truffes

La veille, elle avait acheté 100 grammes de truffes dans une boulangerie. Après avoir mis les 1OO g dans un petit sachet transparent la boulangère - blonde, ronde et rose jusqu’à l’écœurement - le lui montra en disant d’une voie suraiguë  :
- Voilà 100 g, j'en mets plus peut-être ?
- Non merci, ça suffira, répondit-elle d’une voix neutre.
- C'est pour offrir ?
Que voulait-elle dire avec « c’est pour offrir » ? Voulait-elle lui signifier qu’elle se montrait pingre ? Elle en aurait juré. Ce n’était pas la première fois qu’elle remarquait la petitesse des commerçants.
Elle répondit poliment « Non, c'est pour moi, merci. »
Elle paya et sortit la tête haute.

17 mars 2010

Le collectionneur de moulins à café

Depuis deux ans il collectionnait les moulins à café. Sa femme ne supportait plus ces moulins qui trônaient dans les endroits les plus improbables. Il en avait même mis un aux toilettes. Allez savoir pourquoi !
Et s’il n’y avait eu que les moulins à café, mais non ! Depuis 30 ans qu’ils étaient mariés, elle lui avait connu la passion des voitures miniatures, des capsules de bouteilles, des couteaux de poches, des boutons de manchettes, des cartes postales…
Quand elle se plaignait à sa voisine, celle-ci lui répondait avec son bon sens coutumier :
- Tant qu’il ne collectionne pas les femmes !
Mais justement, ne les collectionnait-il pas aussi ? La dernière fois, en prenant sa veste, elle avait incidemment mis la main dans sa poche et elle avait trouvé des préservatifs fluorescents. Ce n’était certainement pas avec elle qu’il allait les utiliser…

PS : texte écrit après avoir vu la collection de moulins à café de Latil

16 mars 2010

Pluie phobique

Il pleut. Impossible d’aller à mon rendez-vous : je suis phobique. Une seule goutte d’eau me met dans un état indescriptible. La dernière fois que j’ai eu une crise, c’était avec mon mari – mon ex-mari devrais-je dire - nous étions au mois de juillet et nous venions de fêter notre première semaine de mariage. Nous avions décidé de célébrer les semaines et non les années car nous étions convaincus que cela fortifierait notre amour : nous nous trompions.
Donc nous sortions du restaurant, moi dans la robe rouge qui lui avait plu lorsqu’il m’avait vue sur les quais pour la première fois, et lui en jeans. Nous avons marché jusqu’au fleuve et, à l’endroit exact de notre première rencontre, il m’a embrassée. C’est à ce moment là que j’ai senti la première goutte de pluie ; j’ai frissonné violemment. Mon mari, lui, pensait que son baiser… je ne vous raconterai pas la suite, vous ne me croiriez pas. En tout cas, dès le lendemain de cette pluie d’été, il partait ; notre mariage a totalisé huit jours de vie commune.
- Les hystériques, très peu pour moi !
C’est tout ce qu’il m’a dit en faisant ses valises. Il a même emporté - et je lui en ai voulu - ce joli foulard en soie, bleu et rose, qu’il m’avait donné le lendemain de notre rencontre. Je n’ai pas essayé de le convaincre de rester, à quoi bon retenir un homme qui a peur ?
Depuis son départ, je ne cesse de rencontrer des hommes : les petites annonces du journal local font merveille ; Meetic aussi. Je me suis fixée une règle à laquelle je ne déroge jamais : un homme par mois. Jusqu’à présent je n’ai pas été déçue mais ai-je vraiment le temps de l’être ? Je les reçois souvent chez moi - phobie oblige - et je les fais parler d’eux, les hommes adorent parler d’eux, et moi j’aime les écouter, surtout quand ils parlent de leur femme. C’est étrange de les entendre parler de celle que j’aurais pu être moi aussi. Parfois je fais parler leur corps, si leur corps me parle…
Après chaque rencontre je prends des notes sur ces hommes qui naviguent sur l’esquif de ma vie. Eux, ils  descendent au premier port alors que moi je continue mon voyage, seule. Un jour j’écrirai sans doute un roman. Il s’intitulera : « Pluie phobique ou la passion des hommes ».
Si jamais je suis éditée, je vous avertirai, peut-être voudrez-vous le lire ?

15 mars 2010

Le lanceur de couteau

Elle avait grossi de trente kilos, pour lui :
- J’aime les femmes bien en chair, lui avait-il dit.
Un an plus tard, il la voulut mince. Elle essaya de maigrir, en vain. Il la quitta. Par trois fois, elle tenta de se suicider, peine perdue, la vie lui collait à la peau comme un vieux gant usé.
Elle se résigna à vivre, triste et grosse, jusqu’au jour où elle rencontra un lanceur de couteau. Chaque soir, il faisait le tour de son corps avec ses quarante couteaux et chaque soir, elle vivait le grand frisson de la vie.

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