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Presquevoix...

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3 avril 2010

Le portable

Vendredi, en cours, je remarque une élève le regard fixé sur ses genoux. Je me déplace vers elle en rasant les murs et que vois-je ? Son portable allumé et ses petits doigts agiles qui s’agitent sur l’écran. Je lui dis d’un ton sec :
- Vous connaissez le règlement intérieur ?
Elle me répond stoïque qu’elle ne se sert pas de son portable. Etonnée j’enchaîne :
- Ah bon et ce doigt qui bougeait sur le portable ?
- J’enlevais une étiquette, me répond-elle effrontément.
Alors là, évidemment, que faire sinon s’effondrer ou hurler de rire ! Parfois je me dis qu’il faudrait une caméra qui filmerait en permanence. Nous aurions alors quelques scènes savoureuses de vie de classe. De quoi faire plusieurs montages à visée didactique intitulés : « il faut le voir pour le croire ! »

2 avril 2010

L’opération

Elle attendait dans la salle juste à côté du bloc opératoire - on devait lui poser une prothèse de la hanche - seulement l’isolation du bloc laissait à désirer. Elle entendit d’abord les voix énervées du personnel, puis le bruit lancinant de la  scie et enfin  des coups de marteau qui firent trembler la cloison. Elle appela au secours, en vain. Allait-on lui faire subir le même sort ? Elle voulut se lever, mais le sédatif qu’on lui avait donné commençait à faire de l’effet…

1 avril 2010

La Madonna de Gérard

« Accrochez-vous les gars… », quand Gérard commençait ses phrases comme ça, ça voulait dire qu’il nous raconterait un gros craque et là, franchement, il n’y était pas allé de main morte. Les langues allaient bon train au bar PMU :
- Allez, arrête de déconner Gérard ! S’énervait Jean Luc.
Mais Gérard était intarissable :
- Je te dis que Madonna,  quand elle m’a vu, elle m’a dit  «  Baise-moi Gérard ! »
- Mais comment elle savait que tu t’appelais Gérard ? Risqua Marcel.
- Et puis elle parle pas français Madonna, répliqua Momo.
Gérard n’avait pas particulièrement un physique de jeune premier. L’âge, la couperose, une bedaine comme un ballon de foot, un crâne dégarni et une femme qui était partie avec l’avant-centre de l’équipe réserve du Paris St Germain l’avaient vieilli prématurément. Mais Madonna lui redonnait du poil de la bête :
- Putain les mecs, si je vous dis que j’ai baisé Madonna, c’est que j’ai baisé Madonna, merde ! Elle a un tatouage sur la fesse gauche les gars, et quelles fesses  ! Rien à voir avec celles de ta femme, Marcel !
Marcel ne dit rien, il y a longtemps que les fesses de sa femme ne l’inspiraient plus. Jean luc revint à l’attaque :
- Putain Gérard, t’as pas dû lui faire grand chose à Madonna avec la forme que tu tiens !
Gérard sortit de ses gonds :
- Madonna je l’ai baisée comme t’as jamais baisé ta femme, connard ! Et ils l’ont entendue crier jusqu’à New York ; elle disait « Vas-y Gérard, vas-y, encore Gérard, encore… »
- Et tout ça en Français ? Coupa Momo.
- Momo tu fais chier, c’est la jalousie qui te fait parler. D’ailleurs, la preuve !
Et Gérard exhuma  de la poche de devant de sa salopette bleue une vieille photo de Madonna où il avait tracé d’une écriture maladroite :
« A Gérard, en souvenire d’une nuit d’amour, ta Madonna »
La photo circula de main en main. Soudain on entendit la voix de Momo  :
- Souvenir sans E à la fin Gérard ! Tu le diras à Madonna.
Tout le comptoir éclata de rire.

PS : texte écrit dans le cadre des ateliers des « impromptus littéraires »

31 mars 2010

Le style

Elle se rendait compte qu’à force d’épurer ses textes, elle finirait pas ne plus  avoir de textes du tout…

30 mars 2010

Le mensonge

Je raconte souvent des mensonges, juste pour me rendre intéressante. Il faut bien que je trouve des trucs sinon on me regarde jamais.
Hier par exemple, je leur ai dit un truc, je crois que j’y suis allée un peu fort : j’ai dit qu’on m’avait violée ! Ça m’est passé par la tête comme un flash et je me suis dit « Vas-y Cindy, tu vas voir, ça va jeter un froid et ils vont tous s’occuper de toi. » Ça a pas loupé, même Mélissa, la  pute de service qui se prend pour un top model, elle a pas pu s’empêcher de me regarder alors que d’habitude elle se fout de moi.
Seulement, maintenant je suis dans le bureau de l’assistante sociale et j’ai envie de vomir. Je peux quand même pas lui raconter que mon père m’a violée alors que c’est pas vrai !

29 mars 2010

Elles

P7280148Gracieuses, elles s’affairaient autour de la vasque, le visage doux malgré le poids de l’amphore. Entre elles, jamais le moindre mot. L’eau apaisait le ressentiment caché dans les plis de l’étoffe qui les drapait.
L’eau coulait depuis un siècle de l’amphore dans la vasque et de la vasque dans le bassin et rien n’avait jamais altéré cette harmonie, jusqu’au jour où la source se tarit…   

* Photo prise par C. V. à Porto en 2008

28 mars 2010

Les noces noires

Quand les noces sont noires, la vie ne  peut pas  être rose… Pour en savoir plus, c’est ici. 
L’illustration est de Patrick Cassagnes
et le texte est de gballand.

27 mars 2010

Les chaussettes

Tiens, un nouvel achat ?  Dit-elle en désignant ses chaussettes sur lesquelles elle lisait les mots " The last perfect man"* qui s'étalaient en lettres jaunes sur  fond marron.
- Oui, mais c’est pas une réussite – répondit-il - avec elles, j'ai froid !
- Forcément, elles ne sont pas faites pour toi, rétorqua-t-elle avec juste une petite pointe d’animosité dans la voix.

* le dernier homme parfait

26 mars 2010

Les voisins

« Chers » voisins,

Je vous écris parce que je suis à bout. Le médecin vient juste de sortir de chez moi ; il a diagnostiqué une dépression sévère. Déprimé ? Moi ? Je n’arrivais pas à le croire.
Depuis que vous vous êtes installés ici, dans cette maison mitoyenne de la mienne, ma vie a changé : deux années  sombres, pour ne pas dire noires. Dès que vous êtes arrivés – et j’ai maudit ce jour - je vous ai surnommé : Monsieur, Madame et l’Adolescent hirsute !
Comment ai-je supporté que Monsieur sorte les poubelles le mardi, le jeudi et le samedi matin, à grand renfort de couvercles et de porte claqués ; que Monsieur, encore lui, m’impose son bricolage le samedi, aux aurores, avec un choix de scies, de perceuses et de visseuses toutes aussi sonores les unes que les autres ; que Monsieur, toujours lui, tonde longuement et méticuleusement sa pelouse à 14 heures, le dimanche, alors que le règlement  stipule que la tonte ne peut commencer qu’à 16 heures.
Comment ne pas déprimer quand Madame interpelle son fils du rez-de-chaussée alors qu’il est au deuxième et joue  de la guitare avec des « bouchons » dans les oreilles, quand Madame, encore elle, apostrophe Monsieur du jardin pour un oui ou pour un non, en « gueulant », HERVE !!!, de sa voix suraiguë.
Comment survivre  quand l’Adolescent hirsute, votre fils, fait hurler sa guitare électrique avec une constance remarquable, à des heures où les gens respectables se mettent au lit ? Jimmy Hendrix n’a-il jamais  de devoirs  à faire ? Ne connaît-il pas l’usage du livre ? Ignore-t-il  le respect d’autrui ?
Et pour finir, comment dormir, quand le couple que vous formez – et que vous n’auriez jamais dû former, croyez-en  l’avis d’un voisin éclairé par deux ans de vie presque commune avec vous  – se traite de noms d’oiseaux pour un oui ou pour un non, en ayant soin de rester au plus près de la cloison qui sépare nos deux chambres afin que j’entende tout en stéréophonie ?
Je pense que vous  pourrez comprendre, mes « chers » voisins, que l’homme que je suis, solitaire et discret, ne vous supporte plus, au point que ce « bonjour »,que je me forçais  à vous adresser mécaniquement chaque jour, me soit devenu odieux et ne puisse plus passer la barrière de mes lèvres. Me croiriez-vous si je vous disais que récemment, des idées de meurtre m’ont même traversé l’esprit ?
J’ai préféré vous écrire - vous comprendrez aisément que la parole m’aurait desservi -  pour vous supplier de changer vos habitudes afin d’éviter un « carnage » qui ne ferait que troubler le voisinage.
Votre voisin déprimé.

25 mars 2010

L’homme des pompes funèbres

A chaque enterrement, il transpirait à grosses gouttes, non à cause du poids des cercueils mais à cause de l’angoisse qui lui tenaillait le ventre. Tous ces morts qui défilaient lui donnaient le bourdon. Il essayait bien de penser à autre chose mais impossible. En désespoir de cause, il avait fini par prendre une fiole de calvados, glissée discrètement à l’intérieur de sa veste, pour se remonter le moral. L'alcool faisait merveille.
C’est le dernier enterrement qui a fait basculer sa vie. Il avait trébuché sur une dalle à l’entrée du cimetière et s’était lamentablement étalé sur le sol ; ses collègues avaient dû lâcher prise et le cercueil avait chaviré.
Dès le lendemain, le patron lui avait donné son congé : « Faute professionnelle », avait-il dit d’une voix implacable en ajoutant :
- Avez-vous pensé à la douleur de la famille ?
Il avait répondu sans réfléchir :
- Et la mienne, vous y avez pensé ?
Le patron avait rétorqué qu’il se fichait de ses états d’âme et il avait claqué la porte derrière son ex-employé.
Avant de rentrer chez lui et d'annoncer à sa femme son renvoi, il avait offert une tournée générale au café des sports, son quartier général :
- A la santé des pompes funèbres, avait-il gueulé à la cantonade, déjà passablement éméché.
Il ne croyait pas si bien dire. En sortant du café, il fut renversé par une voiture noire.

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