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Presquevoix...

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10 mai 2011

Coach en séduction

De professeur il était passé à coach en séduction. Sa belle gueule n’y était sans doute pas pour rien… Le grand écart, aurait-on pu penser au départ, mais finalement la littérature était-elle si éloignée que ça de la séduction ?
Tout plutôt que l’enseignement, s’était-il dit au bout de dix ans de bons et loyaux services dans un lycée d’une banlieue grise où les élèves  ne montraient qu’un enthousiasme très modéré pour la littérature.
Il s’était installé à son compte, au rez-de-chaussée d’un immeuble du dix-neuvième arrondissement de Paris. La petite salle peinte en blanc et égayée par des reproductions de Duffy ne désemplissait pas. Sa méthode était simple : un travail sur le look, quelques exercices théoriques puis pratiques, et surtout l’art de persuader et de séduire. Il recyclait – en l’ajustant à son nouveau public qui l’écoutait comme le Messie – le programme de seconde et de première sur l’argumentation. Sans parler de ce merveilleux roman – les liaisons dangereuses – dont il dévoilait l’infinie subtilité aux apprentis séducteurs assoiffés de conseils.
A raison de 740 euros le week-end – il prenait en général des groupes de 4 stagiaires – il ne pouvait se plaindre ; son salaire s’était considérablement amélioré, il était libre du lundi au jeudi et on le considérait comme un séducteur né…


9 mai 2011

Maigrir

Pour se donner le courage de maigrir, elle avait acheté un jean du 40. La vendeuse lui avait demandé si elle voulait l’essayer, tout en ayant  pris soin, auparavant, de lui dire que le 44 lui paraissait bien plus approprié.
Elle faillit lui dire de se mêler de ce qui la regardait mais elle n’en fit rien. Elle lui sourit, aimable, et se contenta de lui dire que l’autosuggestion faisait des miracles…

8 mai 2011

La rencontre

pastelleUn mois d’avril qui n’en finissait pas, des feuilles timides dans les arbres et la vie qui suivait son cours sans effort apparent. J’arpentais les chemins forestiers comme j’aimais le faire, le bâton à la main, fouraillant dans les feuilles mortes, au cas où, mais qu’aurais-je pu trouver en cette saison ? Parfois des cris d’enfants, de loin en loin, et puis plus rien, juste le bruit du vent dans les arbres et des oiseaux de passage, surtout des corbeaux et des choucas.
J’étais maintenant au cœur des choses, là où tout avait surgi un jour. Assise au pied d’un arbre sur une mousse accueillante, j’avais fermé les yeux et je regardais en moi, attentive aux bruits alentour. Soudain j’ai entendu  un « TSS » « TSS » qui s’est répété, puis un bourdonnement qu’on aurait presque dit humain.   J’ai ouvert mes yeux, craintive et j’ai regardé juste au-dessus de moi.
Je pense que j’ai hurlé. Un homme, aussi nu  et lisse qu’un serpent, était allongé sur une branche et me souriait. C’est sans doute son sourire qui m’a retenu de partir à toutes jambes. Le soleil jouait d’ombres et de lumières sur sa peau pâle. C’est lui qui m’a parlé le premier.
- Eve ?
Je ne lui ai rien répondu.
- Eve, je vous attendais. Je suis Adam.
Le type devait être fou, échappé de quelque hôpital, peut-être recherché par la police. C’est immédiatement ce qui m’a traversé l’esprit
- Surprise de me voir ici ?
- A vrai dire, pour une surprise… ai-je balbutié
Il me regardait toujours en souriant.
- Ne croyez-vous pas que vous seriez mieux nue ?
- Moi ? Nue ? Mais vous êtes fou ?
- Eve, nous n’avons  pas encore croqué la pomme, c’est vraiment ce qu’il m’a dit et il a été secoué d’un rire tonitruant. N’ayez pas peur Eve, je ne vais pas vous sauter dessus. Je suis rassasié.
Rassasié ? Que voulait-il dire par là ? Peut-être avait-il déjà violé deux ou trois femmes ?
- Et puis vous n’êtes pas mon genre. Trop brune, trop ronde, trop cérébrale, ça se voit tout de suite !
Enervée, j’ai fini par lui dire.
- Qu’est-ce que vous fichez, nu, dans cette forêt ? Outrage à la pudeur, ça peut aller loin !
Il s’est moqué de moi.
- C’est bien ce que je disais : cérébrale et en plus obsédée par la loi. Vraiment pas mon genre ! Vous devez être prof ! Ça vous ferait pourtant du bien de vous mettre nue : ça déstresse !
Comment avait-il deviné que j’étais prof ! Ça se voyait à des kilomètres ? Ça se sentait peut-être ? J’ai préféré jouer la corde de l’humour.
- Et vous ? Vous êtes ethnologue et vous étudiez les peuplades primitives de la forêt de Montmorency ?
- Vous ne croyez pas si bien dire, m’a-t-il répondu très sérieux.
Voilà, c’est comme ça que j’ai rencontré ton père il y a 22 ans. Deux ans plus tard tu naissais. Qui aurait pu imaginer ça, hein ? Pas moi en tout cas. A l’époque, ton père pouvait passer des journées entières, nu dans la forêt, comme ça, juste pour le plaisir. Depuis, il a un peu changé, il s’est « domestiqué »…

PS : texte écrit à partir de cette photo, gentiment prêtée par Pastelle. Qu’elle en soit remerciée.

7 mai 2011

La voiture

Hier, Kevin est venu à la maison et il a passé sa première nuit avec moi, pas vraiment l’extase, mais personne n’est parfait… On ne peut pas dire que mon père l’ait accueilli avec le sourire, c’est tout juste s’il lui a dit bonjour. Le lendemain, à onze heures, quand Kevin a voulu repartir, sa voiture avait disparu. Quand j’ai demandé à mon père s’il savait quelque chose, il m’a répondu que la fourrière était passée.
J’aurais dû m’en douter : une semaine plus tôt,  il m’avait fait une scène en me disant  que ce serait  Kevin ou lui !

PS : texte écrit  à partir d’une brève lue sur le site « une vie de merde ».

6 mai 2011

Le foot

Quand il suivait un match de football sur Canal + il se mettait en short et enfilait le maillot numéro 7, celui de Ronaldo. Au début, il la faisait rire. Pourtant, un an plus tard, elle changea légèrement d’attitude.
- Plutôt que de mettre ton maillot et de rester le cul sur le fauteuil, tu ferais mieux de faire du sport !
Lui aussi avait changé. Quand elle parlait, il augmentait le son de la télévision…


 

5 mai 2011

La présence

Depuis qu’il vivait seul il se laissait aller. L’ordinateur était branché en permanence, les vêtements sales traînaient sur le sol, il buvait de la bière à toute heure de la journée et son hygiène corporelle était passée au rang de souvenir.
Ce soir-là, rentré à 20 heures après une journée d’errance dans la ville, il avait voulu se faire un plat congelé. Il lui avait fallu sortir la nourriture à coup de burin et cet exercice physique lui avait bousillé la soirée. Le nouveau voisin avait d’ailleurs tapé sur le mur mitoyen à plusieurs reprises à force de l’entendre jurer et cogner. Une demi-heure plus tard, le plat chauffait au micro-ondes et lui s’était affalé dans le canapé une bière à la main.
C’est à ce moment-là qu’on sonna. Il essaya d’oublier la sonnette, mais elle fut pressée à plusieurs reprises, avec insistance. Qui cela pouvait-il bien être ? Il ne voyait plus personne depuis longtemps. Il se leva péniblement et ouvrit la porte. Devant lui, une frêle jeune fille souriait.
- C’est pour quoi ? Grogna-t-il
- Je suis votre nouvelle voisine.
- Ah, et alors ?
Elle le regarda interloquée et finit par dire.
- Alors rien, je me disais juste que ça se faisait de se présenter.
- Très bien c’est fait, et il lui claqua la porte au nez.
Une fois la porte fermée, la sonnette retentit à nouveau. Il hésita mais rouvrit. C’était encore elle.
- Un conseil, vous devriez vous occuper de votre frigo, ça vous éviterait d’utiliser le marteau, lui dit-elle aimablement.
Il eut envie d’éructer une grossièreté mais il se retint, un reste de bienséance. Elle ne se décidait toujours pas à partir.
- Autre chose ? Grinça-t-il.
- Si vous avez besoin d’aspirine, j’ai ce qu’il faut.
- Et pourquoi j’aurais besoin d’aspirine ?
- Je ne sais pas, en tout cas si vous avez besoin d’un truc, il suffit de taper sur le mur, je vous dis ça au cas où.
Il marmonna un merci et ferma la porte sans la faire claquer. Ouais ! De quoi se mêlait-elle ? Quand il se rassit sur le canapé et qu’il reprit sa bière, il eut une sensation étrange. Maintenant il y avait quelqu’un, juste à côté, et cette présence changeait quelque chose…

 

4 mai 2011

Les images pieuses

Depuis sa plus tendre enfance, elle collectionnait les images pieuses et remplissait des albums qui s’empilaient dans l’armoire. A 50 ans, elle en avait totalisé 20, 20 gros albums que d’autres remplissaient avec des photos de familles. Sa famille à elle, c’étaient les Saints, Marie, Dieu et Jésus qui l’avaient accueillie à bras ouverts sans rien lui demander en échange.
Elle aurait pu se faire religieuse, mais comment résister à la tentation de la maternité ? Total, elle n’avait eu ni mari, ni enfants, et elle n’était pas même religieuse.
Elle se consolait comme elle pouvait. Sa dernière création, un petit autel qu’elle s’était fabriqué et où elle disait la messe tous les dimanches, fenêtre ouvertes. Devant elle, point de fidèles, si ce n’étaient les oiseaux qui pépiaient dans les arbres…

3 mai 2011

Être positive

Une révolution était en marche : elle avait décidé d’être positive. Au placard les propositions négatives et les phrases interro-négatives : du positif, rien que du positif ! Parfois, la tâche s’avérait plus ardue qu’elle ne l’aurait pensée. Comme la veille, en cours. Un élève l’avait interrompue une fois, deux fois, pour tenir des propos d’une imbécillité abyssale, juste pour le plaisir d’exister face aux autres. Elle avait pensé très fortement à cette réplique de Michel Audiard : « Le jour où les cons voleront, tu seras chef d’escadrille ». Pourtant, elle s’était contentée de lui dire, d’un ton calme, que ses interruptions intempestives lui faisaient perdre toute concentration.
N’était-elle pas mûre pour la béatification, elle aussi ?

 

2 mai 2011

Le mouchoir à carreaux

Il avait toujours un grand mouchoir à carreaux dans la poche de son pantalon. Quand il le sortait, il ne se mouchait qu'une seule fois, mais très fort et en imitant le son d'une trompette. Le solo durait environ une minute. Ensuite, quelque soit l'état du mouchoir,  il le repliait méticuleusement en quatre et le remettait dans sa poche de pantalon ; la conversation pouvait alors suivre son cours...

1 mai 2011

Faire-part

feuillesJe-double se met aux abonnés absents. Plus de montages, plus de textes, plus de courrier dans la boîte aux lettres du dimanche.
Il paraît que toutes les bonnes choses ont une fin… à moins que l’on ait faim d’autre chose ?
Une fin en chanson – mourir la fleur aux dents plutôt que le mors aux dents - avec Brel, sur l’air du Moribond :

 

Adieu Je-double je t'aimais bien
Adieu Je-double je t'aimais bien tu sais
On naviguait toutes voiles dehors
On n’avait pas besoin d’boussole
On voulait s’éloigner du port.
Adieu je-double tu vas mourir
C'est dur de mourir au printemps tu sais
Tu pars, tu vas m’laisser du vague à l’âme
Car vu que t’étais comme un ami
Je sais qu’ je perds un peu d’mon âme
Va-t-on rire
Ou danser
Va-t-on rire ou bien pleurer
Va-t-on rire
Ou pleurer
Quand c'est qu'on te mettra dans le trou.

PS : photo gentiment prêtée par Patrick Cassagnes.

 

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