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Presquevoix...

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30 avril 2011

Lui et l’autre

Depuis longtemps, dans sa tête, ils étaient deux. Cette cohabitation ne lui avait posé aucun  problème, mais depuis un an, son colocataire se plaisait à le contrarier en permanence. Plus rien ne trouvait grâce à ses yeux. Il y a trois jours, il en était même arrivé au point de vouloir l’expulser, mais comment procéder puisqu’aucun bail n’avait été signé ?
Certes, il pouvait en parler à un conseiller juridique, mais qui le croirait ? Ne dirait-on pas qu’il était devenu fou ?

 

29 avril 2011

L'histoire drôle

Pour le repas d'anniversaire, elle avait appris trois blagues par coeur, histoire de meubler les temps morts qui ne manqueraient pas de surgir. La première blague, elle l'avait dite à la fin de l'apéritif, alors que les bulles de champagne pétillaient gaiement dans sa tête.
- Quelle est la différence entre le chocolat et une belle mère ?
Personne n'avait répondu, pas même sa belle mère. Elle avait donc donné la réponse.
- Le chocolat  constipe, mais la belle mère fait chier.
Son mari l'avait fusillée du regard. Quant à sa belle-mère, depuis cette blague malheureuse dite cinq ans plus tôt, le seul cadeau qu' elle lui offrait, c'étaient des chocolats ; et elle ne manquait jamais de conclure.
- En espérant qu'ils ne te constipent pas !

28 avril 2011

L'invitation

Quand on allait manger chez eux, on savait précisément de quoi on allait parler. La seule question était de savoir dans quel ordre...

25 avril 2011

La maison

Il ne suffisait pas d'hériter d'une maison pour être heureux.  Pourquoi avait-il payé les droits de succession ? Sans doute en souvenir de son enfance, mais maintenant il s’en mordait les doigts. Il fallait toujours se méfier de l’enfance.
D’abord, la maison était trop grande, beaucoup trop grande pour lui, mais surtout elle respirait. De jour, il  n’entendait pas son souffle, mais une fois la nuit tombée, il ne pouvait pas dormir. La maison était un corps vivant dont les membres craquaient.
Chaque soir, après avoir vérifié la fermeture des portes et  fenêtres – l’opération lui prenait trente minutes au moins – il s’enfermait dans sa chambre et ne pouvait s’endormir qu’un livre à la main et la lumière allumée.
Enfant aussi, dans cette même maison qui avant d’être celle de sa tante avait été celle de sa grand-mère, il avait dormi lumière allumée et un livre à la main. Il se souvint de tous les fantômes qu’il avait vu défiler, à commencer par son grand-père qui l’observait de son cadre suspendu au-dessus de la cheminée. Il avait l’art de le fixer de ses yeux inquisiteurs. Mais pourquoi ? Qu’avait-il fait ?  Il ne l’avait même pas connu puisqu’il était mort avant sa naissance.
Et  il y avait ces bruits d’ailes froissées, comme des milliers de criquets qui auraient envahi les pièces pendant la nuit. Pourtant, au petit matin, plus rien ; le silence et cette fatigue, comme une valise qui déborde de souvenirs et refuse de se laisser traîner.
La veille du drame,  la journée s’était pourtant déroulée presque agréablement. Il avait étendu son linge dans le jardin, les chemises avaient déployées leurs ailes gonflées par le vent et l’étendoir avait tendu ses mâtures prêtes à affronter les tempêtes océanes. La nature avait fait un bond étonnant en un mois ; les bourgeons regorgeaient de sève et les herbes hautes – il avait plu sans discontinuer la semaine passée -  chatouillaient son corps exsangue. Oui, il devait bien reconnaître qu’il était comme mort et la nature était là pour le lui rappeler. En revenant du verger, juste avant qu’il ne rentre, on l’avait appelé. Une fois, puis deux, puis trois, jusqu’à ce qu’il se décide à se retourner. C’était bien son prénom, Paul, qui avait été prononcé à plusieurs reprises par une voix enfantine.
La fillette était là, arrêtée au milieu des herbes hautes, un sac à la main, et elle le fixait.
- Qu’est-ce que tu veux ? lui dit-il agacé de cette intrusion dans son verger.
- Te parler.
- De quoi ?
- De toi.
- Tu es trop petite pour me connaître.
- Je suis ta tante.
- Qu’est-ce que c’est que cette farce ?
Mais était-ce une farce ? La petite fille avait les mêmes cheveux roux que sa tante. Pourquoi lui mentirait-elle ?
Il revint sur ses pas.
- Alors ?
- Pose-moi des questions, fit-elle de sa voix flûtée.
- Pourquoi tu m’as donné cette maison ?
- Aujourd’hui tu  sauras pourquoi. C’est le jour J.
- Le jour J ? Répéta-t-il effrayé.
Est-ce qu’il devait expier ? C’était ça, il devait racheter leurs fautes ? Mais quelles fautes, et pourquoi lui ?
- Tu as été choisi car tu es le seul homme qui reste.
- Mais à quoi bon maintenant ? Il est trop tard !  tenta-t-il de balbutier.
- Aucun homme ne peut survivre, s’obstina la fillette qui ne le quittait pas des yeux. Tiens, prends ça.
Et elle lui tendit un long couteau qu’elle venait de sortir de son sac. Sur la lame,  il vit le reflet fugitif du visage de son grand-père.
- Maintenant, lui intima-t-elle, tu dois racheter leurs péchés.
- Mais racheter quoi ?
- La faute. Quand les enfants ne doivent pas naître, on ne doit pas forcer leur naissance et ton grand-père a enfreint la règle. Il ne devait pas naître. Vas-y, insista-t-elle.
- Mais qui ne devait pas naître ?
- Mon frère, tu te souviens ? Mon frère qui était aussi ton père, mort dans un accident  de  voiture quand ta mère était enceinte.
Il avait toujours pensé que sa tante était folle et il en avait la confirmation. Elle avait fait de son histoire un roman dont il était le personnage involontaire.  Mais comment pouvait-on sortir d’un  roman où l’on vous enfermait ? Qui pouvait l’aider ?
Quand il se réveilla, il était étendu sur le sol et le soleil jouait au travers des branches ; la fillette, cheveux dénoués, fredonnait à ses côtés  une comptine qu’il avait chantée dans son enfance.

Dans ce carton tout au fond
On peut cacher un corps en rond
Si vous voulez le voir
Frappez trois fois.
Coucou le voici
Voici sa tête, son cou
Ses épaules et ses bras
Et tout au bout ses mains et ses doigts
hop-là le voilà
Voici son corps
Sa poitrine, sa taille et ses jambes
Et tout au bout ses pieds
hop-là le voilà
C’est lui, c'est lui…

Et, devant lui, il vit son corps traversé par un long couteau…

PS : Une petite pause jusqu'à mercredi. Retour : jeudi !

 

 

24 avril 2011

Le dragon

Avez-vous déjà voyagé sur le dos d’un dragon ? Moi oui, en rêve…
Si vous voulez commencer le voyage, c’est ici. Le texte est de gballand et le montage de Patrick Cassagnes.
 

23 avril 2011

Le loto

Tous les mercredis il jouait au loto, une habitude plus qu’autre chose. Seulement, ce mercredi-là, il avait oublié de valider son bulletin, et c’est justement ce mercredi-là que ses six numéros sont sortis. Il les a vus défiler sur l’écran de la télé sous le sourire goguenard de l’animatrice…
Le lendemain, sa femme l’a trouvé inanimé dans la salle de bain, des bulletins de loto plein la bouche.

 

22 avril 2011

Le chewing-gum

Une élève de première à qui je demandais de mettre son chewing-gum à la poubelle m’a répondu.
- Oh non madame, c’est pour mes caries, ça me les bouche.
Jamais à court de réponses les élèves, sauf s’il s’agit de la leçon qu’ils avaient à apprendre, peut-être…

 

21 avril 2011

Les ciseaux

Elle ne le supportait plus : il s’achetait des vêtements de marque à n’en plus finir, sortait sans elle tous les samedis, et leur compte était systématiquement à découvert. Un samedi soir, alors qu’il était avec ses copains, elle n’y tint plus. Elle entassa sur le lit les derniers pulls Lacoste qu’il avait achetés, ses trois nouveaux Levi’s 501, sa veste Armani et elle les mit en pièces avec les gros ciseaux à couture que sa mère lui avait donnés. Seule la veste résista à ses assauts répétés, mais sa hargne finit par avoir le dessus.
Quand il rentra et découvrit le carnage, il se rua dans la cuisine et prit le gros couteau à découper la viande, mais "l'oiseau" s'était envolé chez sa mère...

20 avril 2011

Le gyrophare

Il s'était acheté un gyrophare, pour le plaisir. La première fois qu'il s'était fait arrêter par la police avec son gyrophare qui clignotait tous feux dehors, il avait  dit que sa mère était à l'hôpital ; la deuxième fois, il avait prétexté que sa femme accouchait à la clinique du Belvédère ; mais la troisième fois lui fut fatale : garde à vue et comparution immédiate. Il s'était pourtant effondré en disant que son père avait fait un accident vasculaire cérébral...

19 avril 2011

Décalage

On est dimanche, en fin d’après-midi, et je remonte la rue Havre Caumartin. A la hauteur de la vitrine du printemps, un haut-parleur diffuse « je t’aime moi non plus » et, à ce moment-là, je vois arriver en sens inverse un clochard hagard au regard vague et au pantalon tenu par une simple corde qui  joue très mal son rôle de ceinture. Il me regarde un instant et aborde une courbe incertaine. La voix sensuelle de Jane Birkin continue de susurrer sa ritournelle sensuelle «  Je t’aime oh oui je t’aime… »… Je me demande qui l’aime, lui ?

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