Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
19 juin 2011

Les fleurs


-    Les fleurs, les fleurs, les fleurs, tu n’as que ce mot à la bouche, lui avait-elle dit en rage !

Et c’était vrai. Son jardin était sa seule fierté. Il ne le faisait visiter à personne, mais il aurait pu, tant il ressemblait à un tableau impressionniste. De petites touches roses, bleues, jaunes, mauves et rouges dans un océan  vert… Quand il le regardait de son balcon, il se disait avec orgueil : c’est mon œuvre, l’œuvre d’une vie !
Et c’est ce jardin qu’il découvrit saccagé  le lundi 9 mai à 7 heures lorsqu’il se mit au balcon comme il le faisait chaque matin. Il en pleura de désespoir. Il appela sa femme, en vain, elle était sans doute allée chercher du pain. En entrant dans la cuisine, il vit une étrange composition. Sur la table il y avait une lettre et, tout autour, des fleurs agonisaient. Il lut :

Oui, c’est moi qui ai fait ça ! Je pars ! Voilà ce qui arrive aux hommes qui n’aiment que leurs fleurs !
                         Catherine

 

PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

18 juin 2011

Le miroir

Depuis qu’il était au chômage et que ses après-midis s’étiraient à n’en plus finir, il allait faire des longueurs à la piscine Doisneau. Il s’était d’ailleurs trouvé une activité stimulante pour pimenter ces fins d’après-midi : le miroir.

Dans les vestiaires mixtes, il passait un minuscule miroir sous la cloison - ni vu ni connu - et il regardait ses voisines se déshabiller. Il pratiquait ce sport depuis une semaine quand son miroir fut découvert par sa voisine de vestiaire.

La victime, une femme entre deux âges, raconta sa surprise et son incompréhension lorsqu’elle découvrit le miroir. L’homme ne nia pas. Il  demanda juste où était le mal ? Il ne faisait que s’imprégner de beauté féminine, comme Courbet ou Renoir. S’il avait su peindre, se justifia-t-il, il aurait peint des nus, mais il ne savait pas…

17 juin 2011

Le bureau du chef

A chaque fois qu’ils s’envoyaient en l’air, c’était sur le bureau du chef. Un petit pied de nez à la hiérarchie...

16 juin 2011

Huambo

billetElle partait pour Huambo, ville inconnue, pays inconnu, langue inconnue ou presque. Tous les ingrédients étaient réunis pour qu’elle se sente étrangère. Quinze jours plus tôt elle avait pointé au hasard son doigt sur la mapemonde et elle avait découvert Huambo.
Dans la file qui donnait accès au guichet d’embarquement, elle eut un  moment de panique. Jamais elle ne reviendrait.
-    Madame, madame ? Votre billet s’il vous plaît.
L’hôtesse au comptoir l’appelait. Déjà le bagage s’enregistrait et partait sur le tapis noir pour Huambo.  Elle n’avait prévenu personne.  Au bout de combien de temps se rendrait-on compte qu’elle était partie ?
Elle tendit sa carte d’identité au douanier qui la lui rendit presque aussitôt puis elle suivit les indications pour se rendre dans la salle d’embarquement. Elle s’assit non loin de la porte A12  et ferma les yeux. Elle les rouvrit en sentant une main qui frôlait son bras. A ses côtés, un homme noir, souriant, une balafre sur la joue gauche lui dit.
-    On se connaît je crois.
-    Je ne pense pas, je ne suis jamais allée en Afrique, répondit-elle sèchement.
Il n’insista pas. Ses yeux s’attardèrent un instant sur son visage puis elle les ferma. L’homme à ses côtés commença à siffloter un air mélancolique qu’elle avait enfermé dans le labyrinthe de sa mémoire. C’était il y a 20 ans, la fac de lettres, le cours de littérature lusophone… Combien de fois s’étaient-ils vus ? Cinq ou six fois peut-être.  Puis l’incompréhension, le silence et l’oubli. Huambo, était-ce lui ? Elle préféra garder les yeux fermés en attendant l’appel des passagers pour le vol de 7 heures.

PS : Billet factice conçu  sur le site : http://omatic.musicairport.com/

15 juin 2011

La dispute

Sa fille était infernale. A six ans, elle faisait des colères pour un oui ou pour un non. La veille, exaspérée, elle lui avait même mis une tape sur la cuisse et la petite était partie en pleurant. Evidemment elle n’aurait pas dû.
Quand elle entra dans sa chambre, elle vit l’enfant absorbée dans son nouveau jeu. Elle montrait un plaisir indicible à tirer dans une cible bleu avec son arc et ses flèches rouges. Sa mère lui dit gentiment.
-    Bon, tu sais, j’étais un peu énervée tout à l’heure…
Comme sa fille ne répondait rien elle ajouta.
-     On dirait que tu  t’amuses bien.
-    Oui, je m’entraîne pour te tuer. Bientôt je serai prête, lui rétorqua-t-elle fièrement.
La mère sortit silencieusement de la chambre. Comment devait-elle le prendre ?

PS : texte écrit à partir d’une brève très brève lue sur le site « une vie de merde »

14 juin 2011

La clarinette

En rangeant le grenier, il trouva la clarinette de son père. Il faudrait qu’il s’en débarrasse, elle ne servait plus à rien et il ne se souvenait même pas d’avoir entendu son père en jouer. Depuis combien de temps traînait-elle là, isolée au milieu des livres, vingt ans peut-être ? Et quand son père avait-il  joué de la clarinette pour la dernière fois ? Sans doute la veille de son mariage…

13 juin 2011

La végésexuelle

Elle était végétalienne et ne concevaient ses amants que végétaliens. L’idée de faire l’amour avec quelqu’un qui digérerait  un animal putréfié lui était insupportable.
Quand elle rencontra Loïc, elle l’interrogea de long en large sur ses habitudes alimentaires.  Il lui certifia qu’il était végétalien depuis trois ans et que son seul vice était la marijuana. Au premier baiser qu’il lui donna – le plus long qu’elle ait jamais connu -  son sixième sens ne l’avertit de rien,  mais au deuxième, elle ne put se retenir de vomir : Loïc sentait la mort !
Jamais elle ne lui pardonna son mensonge et  sa petite vengeance – elle lui avait versé sur son paillasson l’intégralité de deux poubelles pleines –  ne lui ôta pas le goût de mort dans sa bouche…

PS : brève écrite à partir d’un article de Libération lu avant-hier.

12 juin 2011

Les marches

LE TREPORT 10-06-11 (1)Elle lui avait dit  Non, n’y va pas, je t’assure que tu le regretteras,  mais il ne l’avait pas écoutée et avait grimpé les marches quatre à quatre, comme s’il avait un rendez-vous important. Elle ne l’avait plus jamais revu. Quand les parents d’Eric l’avait interrogée, elle n’avait rien pu dire.
Elle évita l’escalier pendant une semaine, d’autant plus que la police rodait dans les parages à la recherche d’indices. Le dimanche 12 juin, à 7 heures, elle revint à l’endroit  même où il avait disparu. La marée était haute et la mer léchait presque  les marches. Elle entendit distinctement quelqu’un crier son prénom mais quand elle se retourna, elle ne vit rien.
Cinquante ans ont passé. La volée de marches est toujours là où elle était. Il lui arrive souvent de s’arrêter devant l’escalier et d’attendre que le vent crie son prénom : Catherine ! Une fois qu’elle l’a entendu, elle rentre dans  son deux pièces qui donne sur la mer. Souvent, l’après-midi, après le thé, elle reprend ce puzzle qu’elle fait et défait depuis des années…

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Patrick Cassagnes

11 juin 2011

Pas de veine ?

L'infirmière, la seringue à la main, m'a dit énervée.
– Ecoutez, je ne peux rien pour vous, vous n'avez pas de veine.
Effondrée, presque en larmes, je suis sortie du laboratoire - le troisième en une semaine - et j'ai erré dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'un type à vélo, sorti de nulle part, avec plein de sacs en plastiques accrochés au guidon me  hurle «  Connasse, va te faire enculer ! » parce que j’étais au milieu de la rue.
Je n'ai pas réfléchi, j'ai couru derrière son vélo comme une dératée et je l'ai attrapé par le porte-bagage.
– Répète ce que tu m'as dit, si tu oses.
Le type m'a regardée interloqué.
– T'es dingue ou quoi, je t’ai rien dit !
– Si, tu m’as dit " Connasse, va te faire enculer ! ".
Et là, contre toute attente, il m'a répondu.
– Ecoute, moi je dois tracer ma route, hein, je dois maintenir le cap, c’est une question de vie ou de mort ! La vie, c’est pas faire le tour de son nombril. Il y en a qui ont vraiment pas de veine et ils se racontent pas d’histoires ! Quand t’auras compris ça, t’auras fait un grand pas.
Et d’un coup de pédales il a disparu avec son vélo et ses sacs en plastique. Epuisée, je me suis assise sur le trottoir. Comment savait-il tout ça ?

10 juin 2011

Le métro

Elle s’était accrochée à la barre verticale et respirait le moins possible, coincée entre une femme  au parfum bon marché et un homme au corps trop présent. Soudain elle eut la ferme conviction qu’il se frottait à elle. Elle se retourna et lui lança.
-    Je trouve que vous en prenez bien à votre aise !
Le type lui répondit aussitôt.
-    Vous prenez vos désirs pour des réalités !
Excédée, elle ajouta.
-    Je crois plutôt que vous prenez votre réalité pour mon désir !
Dans le wagon, personne ne réagit, comme si leur dialogue se déroulait dans une bulle que les autres n’habitaient pas…

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés