Pas de veine ?
L'infirmière, la seringue à la main, m'a dit énervée.
– Ecoutez, je ne peux rien pour vous, vous n'avez pas de veine.
Effondrée, presque en larmes, je suis sortie du laboratoire - le troisième en une semaine - et j'ai erré dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'un type à vélo, sorti de nulle part, avec plein de sacs en plastiques accrochés au guidon me hurle « Connasse, va te faire enculer ! » parce que j’étais au milieu de la rue.
Je n'ai pas réfléchi, j'ai couru derrière son vélo comme une dératée et je l'ai attrapé par le porte-bagage.
– Répète ce que tu m'as dit, si tu oses.
Le type m'a regardée interloqué.
– T'es dingue ou quoi, je t’ai rien dit !
– Si, tu m’as dit " Connasse, va te faire enculer ! ".
Et là, contre toute attente, il m'a répondu.
– Ecoute, moi je dois tracer ma route, hein, je dois maintenir le cap, c’est une question de vie ou de mort ! La vie, c’est pas faire le tour de son nombril. Il y en a qui ont vraiment pas de veine et ils se racontent pas d’histoires ! Quand t’auras compris ça, t’auras fait un grand pas.
Et d’un coup de pédales il a disparu avec son vélo et ses sacs en plastique. Epuisée, je me suis assise sur le trottoir. Comment savait-il tout ça ?