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Presquevoix...

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15 février 2012

L’homme au masque blanc

pastelleSes rêves étaient hantés par une tête de cheval prise dans les glaces. S’il n’y avait eu que cette tête, elle n’aurait pas eu peur de s’endormir, mais il y avait aussi l’homme au masque blanc qui l’obligeait à sculpter une crinière que jamais elle n’achevait. Rêve après rêve, armée d’un d’une visseuse et d’un burin, elle imprimait à la glace des formes irréelles, mais jamais la crinière ne se pliait à ses désirs. Au début de chaque rêve, l’inconnu  l’accueillait avec une citation, jamais la même, qu’il articulait d’une voix neutre. Lors du dernier rêve il lui avait dit : Soyez résolu de ne servir plus, et vous serez libre*.

Etait-ce pour cette raison qu’elle l’avait tué ? Le sang avait giclé de mille fontaines et  avait recouvert la glace d’un drapé rouge. Elle avait longuement contemplé l’homme allongé, comme figé par le froid et, au moment où elle avait voulu lui retirer son masque blanc, sa main était restée prisonnière des glaces…

* citation de Etienne de la Boétie (1530 – 1563)

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Pastelle.

14 février 2012

La page 137

Chaque soir, depuis un mois,  il prenait le même livre à  la  page 137 et il s’endormait inévitablement après la lecture du  premier paragraphe. Il aurait pu changer de page ou changer de livre, mais non, il insistait.

Devenait-il fou ? C’est la question que sa femme se posait mais elle n’était pas certaine de la réponse. Son mari, apparemment, était toujours le même, à part une certaine tendance à la méfiance : la veille, il lui avait demandé si ce n’était  pas elle qui avait mis son signet à la page 138…

 

13 février 2012

Le Rouen-Amiens

On voit de drôles de choses dans un train. De si drôles de choses que j’ai même été tenté de me rendre au commissariat. Comment oublier cette scène-là ?

C’était la semaine dernière,  j’étais monté dans le train qui fait Rouen-Amiens, un tortillard qui écume les gares comme certains écument les bars. Vous vous demanderez peut-être  pourquoi je parle de bars...  c’est à cause de ce type, assis en face de moi, qui a  sorti une flasque. Il m’a proposé du cognac, j’ai refusé.

- Jamais le matin,  un principe, ai-je souri.

Il m’a rétorqué que lui aussi avait des principes, avant, mais qu’ils étaient tous tombés les uns après les autres, comme des combattants sur le champ d’honneur. Ensuite, il a sorti une photo et me l’a tendue.

- C’était elle, il y a cinq jours. Maintenant elle est morte.

- Morte ? Ai-je répété.

Et il ajouté, le visage livide.

- Oui, je l’ai tuée.

- Tuée ! ai-je repris abasourdi.

- Oui, elle ne méritait plus de vivre après ce qu’elle m’avait fait.

Je vous avouerais qu’à ce moment-là j’ai voulu partir, mais il était trop tard. Je devais tout écouter, jusqu’à Amiens.

Son histoire était triste, sordide même. La fille avait un amant -  son meilleur ami -  dont elle lui vantait les prouesses sexuelles. L’histoire avait duré six mois, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus et qu’il décide de la tuer.

Pendant qu’ il racontait son histoire, je jetais un coup d’oeil à la photo de la fille. On lui aurait donné le bon dieu sans confession,  pourtant ce type disait que c’était une salope. Qui croire ? Enfin, s’il disait la vérité, elle avait bel et bien disparu, découpée en morceaux, et les morceaux étaient dans la forêt, au lieu dit de “L’étape”. Je me demandais vraiment pourquoi il me donnait toute ces précisions.

Une fois arrivés à Amiens, il m’a serré la main, ma remercié de mon écoute, et m’a tendu sa carte de visite.

- Au plaisir, a-t-il dit.

En prenant sa carte, j’ai constaté qu’il était commissaire de police, à Amiens. Il devait être fou.

Je ne sais pas ce qui m’a poussé à le suivre de loin. Sans doute voulais-je savoir s’il m’avait menti. Il est entré au commissariat. J’aurais pu entrer moi aussi, le dénoncer, mais non,  j’ai préféré attendre dans le café d’en face, comme un abruti. A midi sonnantes, je l’ai vu sortir du commissariat et il s’est dirigé vers le café où je m’étais attablé. Quant à moi, j’ai changé de place, de peur qu’il ne me voie.

Il est resté au comptoir, a commandé un demi et une fille est venue le rejoindre, la même que celle de la photo. Ça m’a fait un choc.

Quand ils sont partis, moi aussi je suis parti, du côté opposé. Deux jours plus tard, j’apprenais par le journal local qu’un commissaire de police avait tué sa femme : c’était lui. Il l’avait tuée à 14 heures, le jour même où je l’avais rencontré, mais il ne l’avait pas coupée en morceaux, juste étranglée, à son domicile.

Depuis, je n’arrive plus à dormir. Je n’arrête pas de me dire que si je ne l’avais pas écouté dans ce maudit train, peut-être que la fille serait encore en vie.

PS : texte écrit dans le cadre des "impromptus littéraires"

12 février 2012

La fontaine

Quand Gérard, usé par sa journée d’errance, s’était penché au-dessus de la fontaine, il avait juste pensé qu’il aurait préféré un petit filet de vin rouge au lieu de l'eau insipide qui le rendait  triste à mourir.  Quelle ne fut pas sa surprise quand un jet de gros rouge qui « tâche » lui  éclaboussa le visage avant d’atterrir dans son gosier d'éthylique.

Après avoir copieusement requinqué son organisme affaibli, Gérard, le bardas sur l'épaule, zigzagua en direction de l’église de la Madeleine où il exigea d’être baptisé sur le champ. Puisque Dieu l'avait écouté, lui, Gérard, ne lui était-il pas redevable ?

PS : texte écrit après avoir vu cette vidéo-gag particulièrement drôle. 

11 février 2012

Les bruits

Il lui a téléphoné pour lui demander si elle pouvait passer chez lui tout de suite.
-    Tout de suite, mais pour quoi ?
-    A cause des bruits.
Il faut dire que depuis des mois, il se plaignait de ses voisins. Elle arriva presque instantanément, sa maison était au bout de la rue.
Quand il lui a ouvert la porte, son visage était triomphant.
-    Cette fois-ci, avec ton témoignage, ils vont l’avoir dans l’os les connards. Viens dans la salle à manger !
Elle l’a suivi.
-    Ecoute !
Et elle a écouté. De vagues bruits de guitare lui parvenaient, mais rien qu’elle n’aurait pu appeler du tapage.
-    Alors ? Lui a-t-il dit le visage radieux, c’est quand même dingue, hein, le sans-gêne de ce mec !
Elle a acquiescé prudemment et a loué le ciel de ne pas l’avoir comme voisin.

10 février 2012

Les genoux

P8190096Ce qu’il préférait chez lui, et sans fausse modestie, c’était ses genoux. D’ailleurs,  son médecin le lui avait presque confirmé lors de sa dernière consultation.
-    Vous avez des rotules magnifiques, magnifiques ! avait-il insisté en  regardant sa radio à plusieurs reprises.
Son extase mystique face à ses rotules lui avait paru bizarre, mais ce n’était pas la première fois que le comportement de son médecin le surprenait. La fois d’avant, après lui avoir pris la tension, il avait conclu.
-    Une tension de jeune homme, M. Dumontel, une tension de jeune homme. Et il lui avait tapoté le crâne à plusieurs reprises, comme on le fait avec un jeune chiot que l’on récompense…

PS : texte écrit à partir de cette photo prise par C.V.

9 février 2012

La robe

Quand elle l’avait vue, elle l’avait adorée ; quand elle l’avait essayée, elle avait fermé les yeux et  quand elle l’avait achetée, elle avait douté. Le jour où elle l’avait mise pour la première fois – pour le cocktail des de la Martinière de Gironcourt -  elle s’était longuement regardée dans la glace et avait failli l’enlever. Maintenant, c’était simple, elle la détestait ; ou peut-être était-ce elle qu’elle détestait ?

8 février 2012

La valse des blogs

Les blogs sont des trottoirs de solitude, ai-je lu un jour sur un blog portugais. Cette définition ne serait pas la mienne, mais la mélancolie qui s'en dégage est tellement séduisante… Aimant écrire, je blogue pour être lue, lire, mais aussi pour tisser des liens qui me donneront envie d’écrire plus et autrement, peut-être…


Je commencerai par Pagenas, de Sucrebleu ; notre rencontre est déjà ancienne mais le temps ne l'a pas encore égratignée. J’apprécie ses collages, ses photos, ses montages, et son humour grinçant. Et puis, il y a  Caro-carito, alias "les heures de coton", avec qui je pratique le « Duo » d’écriture, une façon de stimuler nos plumes respectives. Aujourd’hui, Caro  a mis en ligne un texte savoureux  inspiré par des pseudos étranges…  Je rends aussi visite à Dominique Hasselmann  qui vagabonde avec bonheur et humour sur les trottoirs de Paris, de la politique et de  la culture,  à Lautreje  qui associe développement personnel et pratiques artistiques, à Adrienne dont les billets, écrits de sa « lointaine » Belgique, trouvent un écho en moi. Je n’oublie pas non plus de faire un tour chez Gicerilla, dont la plume chatouille parfois l’érotisme, chez Phrasibuleuse, une amie qui pratique l’autofiction, la fiction et les collages  et chez Pastelle qui aime Lyon et la photo qu’elle explore sous toutes les coutures. L’anagramme des anges me  fait  voyager en poésie, quant à  Nuage de photos,  ses titres vont à merveille avec ses photos. Et il y a  tous les autres blogs dont je pousse la porte, mais peut-être moins souvent : Latil, Eclats de mots, corps et âmes, le Lorgnon mélancolique, Claire ou le pan de mur, Alainx, Coumarine, va pieds nus, Walrus, certains jours… j'en oublie certainement, j'espère qu'ils ne m'en voudront pas;.)


Voilà, c’était le p’tit bal, celui des blogs qui valsent, se perdent de vue et se retrouvent un jour ou bien jamais…


Philippe Découflé - Le p'tit bal perdu

7 février 2012

Les huiles essentielles

Elle venait de voir, chez Nature et Découverte, ce petit coffret magique : les huiles essentielles de la bonne humeur.
Et si elle essayait de diffuser ces huiles en cours, à leur insu ? Sans doute tout se passerait-il mieux ? Peut-être qu’une fois assis, les élèves desserreraient leurs mâchoires et souriraient ? Peut-être  oublieraient-ils toute agressivité ?  Et si les huiles avaient vraiment le pouvoir qu’on leur conférait, peut-être  qu’elle aussi se détendrait…


6 février 2012

La lettre

Pourquoi avais-tu décidé de vivre dans cette tour exiguë ? Je ne l'ai jamais su. De toute façon, maintenant  tu es mort et c’est mieux ainsi. Amen !

Si tu lis cette lettre, tu pourras croire que je t’en veux. Mais non. Je dois dire que je n’ai jamais été aussi soulagée par la mort de quelqu’un. Tu vois, tu m’as presque fait plaisir.  Juste un bémol,  tu aurais pu éviter de te mettre en scène de cette façon. Tout le monde t’en a voulu. Sans parler de maman qui n’arrête pas de répéter : « Il n’y avait que lui pour se passer la corde au cou. Personne d’autre n’a jamais su le retenir. »

Ah, au fait, il y a une semaine  nous avons eu la visite d’une certaine Lydie. Elle voulait te voir. Nous lui avons dit que tu étais mort et elle a fondu en larmes. Quarante ans qu’elle ne t’avait pas vu et elle a fondu en larmes !  Maman m’a alors appris que tu avais été le « Casanova » de La Ferté Macé, ce que j’ignorais totalement.

Je glisse ce papier dans le pot de jacinthes que je mets au pied de la tour, côté pré, peut-être viendras-tu errer dans ce lieu…

Ta fille,

Céline

PS : je crois que c’est la première lettre que je t’écris. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.


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