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Presquevoix...
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13 février 2012

Le Rouen-Amiens

On voit de drôles de choses dans un train. De si drôles de choses que j’ai même été tenté de me rendre au commissariat. Comment oublier cette scène-là ?

C’était la semaine dernière,  j’étais monté dans le train qui fait Rouen-Amiens, un tortillard qui écume les gares comme certains écument les bars. Vous vous demanderez peut-être  pourquoi je parle de bars...  c’est à cause de ce type, assis en face de moi, qui a  sorti une flasque. Il m’a proposé du cognac, j’ai refusé.

- Jamais le matin,  un principe, ai-je souri.

Il m’a rétorqué que lui aussi avait des principes, avant, mais qu’ils étaient tous tombés les uns après les autres, comme des combattants sur le champ d’honneur. Ensuite, il a sorti une photo et me l’a tendue.

- C’était elle, il y a cinq jours. Maintenant elle est morte.

- Morte ? Ai-je répété.

Et il ajouté, le visage livide.

- Oui, je l’ai tuée.

- Tuée ! ai-je repris abasourdi.

- Oui, elle ne méritait plus de vivre après ce qu’elle m’avait fait.

Je vous avouerais qu’à ce moment-là j’ai voulu partir, mais il était trop tard. Je devais tout écouter, jusqu’à Amiens.

Son histoire était triste, sordide même. La fille avait un amant -  son meilleur ami -  dont elle lui vantait les prouesses sexuelles. L’histoire avait duré six mois, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus et qu’il décide de la tuer.

Pendant qu’ il racontait son histoire, je jetais un coup d’oeil à la photo de la fille. On lui aurait donné le bon dieu sans confession,  pourtant ce type disait que c’était une salope. Qui croire ? Enfin, s’il disait la vérité, elle avait bel et bien disparu, découpée en morceaux, et les morceaux étaient dans la forêt, au lieu dit de “L’étape”. Je me demandais vraiment pourquoi il me donnait toute ces précisions.

Une fois arrivés à Amiens, il m’a serré la main, ma remercié de mon écoute, et m’a tendu sa carte de visite.

- Au plaisir, a-t-il dit.

En prenant sa carte, j’ai constaté qu’il était commissaire de police, à Amiens. Il devait être fou.

Je ne sais pas ce qui m’a poussé à le suivre de loin. Sans doute voulais-je savoir s’il m’avait menti. Il est entré au commissariat. J’aurais pu entrer moi aussi, le dénoncer, mais non,  j’ai préféré attendre dans le café d’en face, comme un abruti. A midi sonnantes, je l’ai vu sortir du commissariat et il s’est dirigé vers le café où je m’étais attablé. Quant à moi, j’ai changé de place, de peur qu’il ne me voie.

Il est resté au comptoir, a commandé un demi et une fille est venue le rejoindre, la même que celle de la photo. Ça m’a fait un choc.

Quand ils sont partis, moi aussi je suis parti, du côté opposé. Deux jours plus tard, j’apprenais par le journal local qu’un commissaire de police avait tué sa femme : c’était lui. Il l’avait tuée à 14 heures, le jour même où je l’avais rencontré, mais il ne l’avait pas coupée en morceaux, juste étranglée, à son domicile.

Depuis, je n’arrive plus à dormir. Je n’arrête pas de me dire que si je ne l’avais pas écouté dans ce maudit train, peut-être que la fille serait encore en vie.

PS : texte écrit dans le cadre des "impromptus littéraires"

Commentaires
G
Allez, voici la flasque et à la tienne !
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L
je prendrais bien un cognac !
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G
Eh bien moi, je crois que j'aurais fait tout comme lui, enfin pas le commissaire, mais l'autre...
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J
Brrr! ca fait froid dans le dos... qu'aurions-nous fait a sa place?
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G
pagenas : n'est-ce pas. Tu vois, la vie est belle ;.)<br /> <br /> <br /> <br /> Gicerilla : pauvre vieux, rien de pire que "la perpétuité avec sa conscience". Merci pour le PS;.)<br /> <br /> <br /> <br /> D. Hasselmann : Non, pas possible, vous créez de fausses informations maintenant ?<br /> <br /> <br /> <br /> Danalyia : un méfait qui cache combien de bienfaits... ;.)<br /> <br /> <br /> <br /> Monique : ma journée d'aujourd'hui aussi a été troublante. Dure la réalité !!!
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