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Presquevoix...

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24 octobre 2009

La retraite (gballand)

On m’a téléphoné pour m’inviter à un départ à la retraite. Je dois avouer que les départs à la retraite des autres m’ennuient. Je préfèrerais de loin aller à mon propre départ en retraite, mais l’heure n’a pas sonné pour moi et sans doute ne sonnera-t-elle jamais.
J’ai eu du mal à reconnaître la voix de l’homme qui m’a téléphoné, forcément, je l’ai vu cinq fois en 5 ans. Enfin, il avait l’air content de m’inviter et j’ai senti qu’il fallait faire nombre et gonfler les troupes ; l’heure était grave. Alors, en bon soldat non-retraité, j’y suis allée le sourire aux lèvres. C’est important de se fabriquer des souvenirs avant d’être « radié » des cadres.
Un radié radieux ne vaut-il pas toujours mieux qu’un radié malheureux ?

23 octobre 2009

Les cèpes (gballand)

C_pes2Elle voulait absolument avoir trouvé les  plus gros, comme d’habitude. Il avait beau se défendre :
- Je te dis que c’est moi, merde ! Le premier, il était à peine caché sous une feuille, près du chemin des deux cèdres, quant au deuxième, il était sous les fougères,  près des bouleaux !
- Tu veux toujours avoir raison, comme si la raison était une question de sexe ! Lui asséna-t-elle comme dernier argument.
Elle possédait l’art sans pareil de faire taire les autres et lui avait l’habitude de se taire pourtant, ce jour-là, il poursuivit :
- Si ça te fait plaisir ! Pour ajouter aussitôt :
- De toutes façons bientôt, avec ce que tu as, les champignons, tu  pourras plus les voir !
Et il continua de vaquer à ses occupations comme si de rien n’était.
« Le salaud », murmura-t-elle entre ses dents, elle n’aurait jamais dû lui rapporter ce que l’ophtalmologiste lui avait dit la veille.

PS : photo de R. B.

22 octobre 2009

Mauvaise haleine (gballand)

Il avait mauvaise haleine. La dernière fois qu’il avait vu son dentiste, celui-ci lui avait dit, protégé derrière son masque :
- Je ne peux plus rien pour vous !
En désespoir de cause, il se ruina en sprays divers. Rien n’y faisait. Les femmes s’éloignaient, la peur de l’échec le paralysait et il gardait toujours une distance de deux mètres entre ses interlocuteurs et lui. Même sa mère, pourtant discrète, lui faisait des remarques quand il l’embrassait :
- Michel, tu as une de ces  haleines, tu ne crois pas que tu devrais consulter ?
Il finit par ne plus sortir de chez lui. Il ne parlait qu’au téléphone et en arriva même au point de ne plus ouvrir la porte quand quelqu’un sonnait. On essaya de lui dire que ce n’était pas une raison pour se cloîtrer, qu’il devait faire face, qu’il y avait pire que ça, mais non, il ne voyait pas : que pouvait-il y avoir de pire ?

21 octobre 2009

Apnée (gballand)

Sur le blog je-double, un photomontage de Patrick Cassagnes, illustré par un « texte » de gballand, à lire en apnée :
« Je suis né dans un aquarium… » (la suite)

20 octobre 2009

L’agent contaminateur (gballand)

On avait fait venir sa mère à l’école. Elle, elle aurait préféré ne pas y aller, mais il avait bien fallu qu’elle s’exécute. La directrice lui avait téléphoné en lui précisant que si elle ne venait pas, son cas serait signalé à la Direction Régionale des Affaires sociales.
Maintenant, elle était dans le bureau de la directrice et regardait la pointe de ses chaussures d’un air gêné. Qu’est-ce que son fils avait bien pu faire pour qu’elle soit convoquée ?
La directrice commença d’un air solennel :
- Madame, vous n’êtes pas sans savoir que votre fils nous pose quelques problèmes…
Elle l’avait pourtant toujours bien élevé, même sans son père, était-ce sa faute à elle s’il ne lui donnait plus de pension et s’il ne voulait plus  voir son fils ? La directrice continua :
- Votre fils ne s’adapte pas aux règles de la collectivité, Madame, et la meilleure preuve c’est qu’il a mordu l’un de ses camarades jusqu’au sang.
Puis elle  conclut brièvement :
- Votre fils est un agent contaminateur !
C’était donc ça, il avait mordu un copain. Etait-ce si grave ? Elle avait failli sourire mais s’était retenue à temps. Elle savait que la directrice l’aurait pris pour une provocation. Mais que pouvait-elle dire ? Que mordre n’était quand même pas un drame, qu’on pouvait en parler, qu’elle s’expliquerait avec son fils, qu’il s’excuserait, bien sûr qu’il s’excuserait…
Elle choisit de ne rien dire et la directrice y vit une preuve de sa culpabilité.
Une fois  qu’elle eut refermé la porte derrière elle, la directrice nota dans son carnet : « prévenir la Direction des affaires sociales, mère inapte, affaire à suivre. »

19 octobre 2009

L’ultimatum (gballand)

Il avait tenté le tout pour le tout : « Si je dois changer de bureau, je me suicide ! ». Voilà mot pour mot ce que disait le courrier qu’il avait envoyé à la Direction. Un coup de folie. Maintenant il regrettait un peu son ardeur et appréhendait  la réponse.  Il s’était bien acheté une corde – le vendeur avait fait l’éloge de sa solidité -, il savait exactement où il l’accrocherait –  la poutre du préau était résistante, il avait pris soin de la tester une semaine plus tôt -, mais serait-il capable d’aller jusqu’au bout si cela s’avérait nécessaire ?

18 octobre 2009

La lessive (gballand)

bacdenoeudsQuand c’était jour de lessive, la maison résonnait de cris et de rires. Ma mère dirigeait les opérations, mes sœurs et moi exécutions. Les deux lessiveuses attendaient dans la cour prêtes à recevoir les draps chiffonnés qui en avaient connu de toutes les couleurs… Pleurs étouffés, amours contrariés, caresses désirées, colères ressassées, les draps recelaient en leurs plis nos secrets, nos aveux.
La lessive ressemblait un peu à une campagne menée par un général – ma mère - dont le bâton, prêt à touiller le linge, s’agitait en tous sens. Ma sœur aînée était à la lessiveuse numéro un, mon autre sœur à la lessiveuse numéro deux et moi, je distribuais le linge. Plus loin, sur l’herbe, il y avait les bacs qui attendaient le linge propre.
Ce jour-là, la valse de la lessive aurait continué sur son rythme martial si je n’avais déplié et brandi cette serviette bleue qui s’était glissée dans le linge blanc comme par inadvertance. J’aurais pu la passer sous silence, j’aurais pu la cacher, mais au lieu de cela j’ai hurlé de ma voix perçante.
- Berk, c’est dégoûtant, on dirait de la gélatine séchée !
J’ai vu ma sœur aînée pâlir et ma mère s’est approchée de moi le visage empourpré. Elle a observé la serviette dans ses mains rougies par l’eau des lessives, puis elle m’a donné une gifle sonore :
- Ça, c’est pour t’apprendre à te taire. Les voisins n’ont pas besoin de savoir ce qui se passe à la maison.
Maintenant, dit-elle en se tournant vers mes sœurs l’air menaçant, j’aimerais bien qu’on m’explique !
Ma sœur aînée ne m’a jamais pardonné.

PS : Texte écrit à partir de la photo de Pandora, sur une consigne de l’atelier des impromptus littéraires.

17 octobre 2009

La différence (gballand)

J’ai pris un amant qui ressemble beaucoup à mon mari. Finie la culpabilité. Quand je suis avec l’un, c’est comme si j’étais avec l’autre. Il y a pourtant une  différence entre mon amant et mon mari : mon amant ne me pose jamais de questions.

16 octobre 2009

Garde à vue (gballand)

Au commissariat, quand le policier - un type couperosé qui ressemblait à s’y méprendre à Brice Hortefeux - lui demanda, agressif, pourquoi il prenait des photos sous les jupes des femmes il répondit :
- Je suis chargé de faire des statistiques pour un représentant en lingerie.
Le flic ne trouva pas ça drôle. Il lui donna un méchant coup de poing dans le ventre qui le plia en deux. Il se jura que la prochaine fois il dirait simplement que ça le faisait bander.

15 octobre 2009

Les couches (gballand)

Hier, en faisant mes courses au supermarché, j’ai vu des couches pour chien. Depuis le temps que j’attendais ça ! J’en ai acheté un paquet. Il faut dire que je ne supporte plus de ramasser les crottes de Robert  dans ma main gantée de plastique.
Les couches étaient en promotion : 30 euros les 30. Pour une promotion, c’est un peu cher, mais  le pire ce n’est pas le prix, c’est qu’elles ne sont pas ergonomiques. Non seulement j’ai eu du mal à aider Robert à enfiler sa première couche mais je m’en suis tirée avec une morsure. Robert m’a entendue ! Je lui ai dit tout le mal que je pensais de lui et je l’ai enfermé dans sa niche pour l’après-midi. Il méritait bien une sanction.  Quand je l’ai libéré, à 18 heures, il avait l’air heureux de me voir, alors je lui ai mis sa laisse pour faire une petite promenade. L’air était doux et fleurait bon le début d’automne mais la promenade s’est rapidement transformée en cauchemar. Robert n’a pas supporté le regard que les gens portaient sur sa couche et il a tellement tiré que j’ai dû rentrer à la maison au pas de course.
Il y a des jours où je me demande si Robert ne serait pas un peu paranoïaque…

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