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Presquevoix...
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29 mai 2019

Changement

La semaine dernière, j’ai appelé un ami à son bureau. Cela faisait un an que je devais lui téléphoner et que je remettais toujours au lendemain.

-          Pourriez-vous me passer Arthur Dumont s’il vous plaît ? ai-je demandé au standard.

La fille a hésité un instant puis a fini par dire :

-          Il est mort.

Elle m’aurait planté un poignard en plein cœur que ce n’aurait pas été pire.

-          Mort, ai-je répété comme un idiot, mais ce n’est pas possible !

-          Oui, mort et on l’a même incinéré il y a une semaine, a-t-elle cru bon d’ajouter.

J’ai bêtement répondu « Merci » et puis j’ai raccroché. Ensuite je me suis morigéné intérieurement ; pourquoi avais-je attendu si longtemps pour appeler Arthur ? J’ai passé ma journée à me morfondre et puis avant de m’endormir, je me suis souvenu de la raison de mon silence : non seulement il avait flirté avec ma femme lors de notre dernier repas chez lui – un an plus tôt – mais ensuite il avait couché avec elle. Une fois, certes, mais une fois qui avait plu à ma femme puisqu’elle m’avait dit qu’Arthur était en forme.

Être en forme, pour elle, veut dire avoir de l’énergie, énergie que je n’ai plus moi-même. Il faut dire que mes hémorroïdes me rendent la vie dure et je préfère investir mon énergie au travail.

Caroline, elle, préfère le sexe au travail. Souvent elle me dit.

-          Franchement mon chéri, à mon âge, j’en profite. Tu m’excuseras de ne pas avoir les mêmes goûts que toi.

Comme Caroline était aux Etats Unis avec notre fille, je me suis dit qu’il était inutile de l’appeler. J’essaierais de joindre la femme d’Arthur le lendemain.

J’ai passé une nuit abominable et je me suis réveillé le visage blême. Je n’ai pas eu besoin d’appeler la femme d’Arthur, c’est elle qui m’a appelé. Je lui ai dit que j’avais appris la nouvelle hier, en téléphonant à son travail, et je n’ai rien pu ajouter car j’ai pleuré.

Sa femme a attendu que j’aille mieux et m’a dit.

-          Arthur m’avait dit de s’excuser auprès de toi.

-          S’excuser, mais de quoi ?

-          D’avoir couché avec ta femme.

-          Oh, tu sais, ce n’est pas très grave, ai-je menti.

-          Quand même. Arthur t’aimait bien et il s’en est voulu.

-          Et toi, lui ai-je dit, comment as-tu vécu la chose ?

-          On s’habitue, a-t-elle ajouté. De toute façon, maintenant, il est parti. D’ailleurs, le jour où il a couché avec ta femme, il savait qu’il ne lui restait plus qu’un an à vivre.

-          Je comprends.

-          Dis-moi, tu es libre demain soir ? Je veux dire toi, toi tout seul.

-          Eh bien oui, car Caroline est partie aux Etats Unis.

-          Parfait. Viens manger à la maison. On parlera du bon vieux temps.

 J’ai accepté, bien sûr, mais je dois dire que son invitation m’a paru étrange. Pourquoi m’inviter aussitôt après la mort d’Arthur? Nous nous connaissions assez peu.

Je dois dire que cette soirée, je ne l’ai pas regrettée, car depuis, j’ai repris le goût au sexe, mais pas avec Caroline…

 

PS : prochain texte, lundi 3 juin.

 

27 mai 2019

Se foutre la paix

Plutôt seul que mal accompagné, j’en ai fait ma devise depuis 4 ans, et cela semblait me réussir, jusqu’à ce que je rencontre mon ex-belle mère. Ça faisait 4 ans que nous ne nous étions pas vus, forcément j’ai divorcé il y a quatre ans. J'ai toujours détesté mon ex-belle-mère, elle aussi.

J’étais à la caisse du Monoprix, boulevard St Michel, quand elle m’a mis le grappin dessus. J’ai tout de suite pensé qu’elle m’avait abordé pour me dire une vacherie et ça n’a pas manqué.


- Alors mon petit Adrien, toujours dans le quartier ?


Elle commençait souvent ses phrases par « Mon petit Adrien », d’abord parce que je ne suis pas grand et ensuite parce qu’elle prenait plaisir à me le rappeler au cas où je l’aurais oublié.

-          Non, lui ai-je rétorqué, j’ai déménagé après le divorce, je vis du côté de la Bastille.

Et elle a continué à pépier pendant cinq minutes jusqu’au moment où elle a asséné son coup fatal.


- Mon petit Adrien, j’imagine que vous êtes encore seul. Il faut dire que vous n’étiez pas facile ; je me suis toujours demandé comment Noémie faisait pour vivre avec vous ! Au fait, elle a trouvé un garçon charmant Noémie. Vous savez qu’elle attend un enfant ?


Je n’ai pas eu le temps de lui répondre, elle est partie aussitôt après. Seulement son venin avait fait son oeuvre et elle a fini par me mettre le doute à l’esprit : suis-je si difficile que ça ?

Depuis hier, je repense à toutes celles qui m’ont quitté : Jeanne, Maud, Marie, Lisa, Charline, toutes celles qui se sont envolées, et puis merde Adrien – que je me suis dis - redresse la tête, tu ne vas tout de même pas te remettre en question à cause de ton ex-belle-mère ? Ensuite, j’ai pensé au livre « foutez-vous la paix » de Fabrice Midal, et c’est ce que j’ai immédiatement commencé à faire : je me suis foutu la paix ! Depuis, je vais mieux...


25 mai 2019

L’anniversaire de mariage

 

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La table était presque mise, il ne restait plus qu’à… Seulement, les cinq invités prévus ne vinrent pas. Chacun avait une raison, une bonne. La première se disait stressée et avait peur de gâcher la fête, le deuxième et le troisième signalèrent qu’ils se séparaient et ne pouvaient plus supporter leur présence respective, le quatrième ressassait le départ de sa compagne, quant à la cinquième, elle était malade, le rhume des foins, avait-elle dit.

Juliette et Tristan se retrouvèrent donc face à face sous les arbres du jardin et commencèrent le repas qu’ils avaient prévu à 7. Juliette sourit.

-          Dix ans de mariage. Une bonne idée de nous mettre en face à face, c’est sans doute leur cadeau.

-          Allez, buvons un verre de cet excellent château Margaux que nous prévoyions à 7. Je peux t’assurer que nous lui ferons honneur.

-          A nous, dit-elle en levant son verre, à nous et à notre chemin de vie.

Ils terminèrent leur repas, un peu grisés, heureux de constater qu’il passait un cap sans faire couler le navire alors que d’autres…

 

 

 

23 mai 2019

Les vieilles amies

L’hiver, elles se voyaient une fois par semaine, pour le thé ; l’une ronde, l’autre maigre, l’une taciturne, l’autre volubile.

- Les Français sont minables ! disait souvent l’une.

Quand elle avait dit ça, elle avait tout dit. Un dicton ponctuait souvent leurs dialogues.

- Les chiens ne font pas des chats ! 

Leurs conversations de salon se terminaient souvent dans la pénombre de ces fins d’après midi d’hiver où les thés fument dans les tasses et où le temps ressasse la vie de ceux qui ne savent plus vivre...

 

21 mai 2019

Le nom

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Bonichon, ce n'est pas un nom facile à porter, et toute sa vie ma tante avait souffert car ses "nichons", comme disait sa mère,  ne s’étaient jamais formés. Il n’y eut qu’un homme qui s’était intéressé à elle, mais quand il lui avait expliqué pourquoi, elle en avait blêmi. Je devrais d’ailleurs, bienséance oblige, vous le cacher, mais ma tante est morte il y a vingt ans. Je dois ajouter, pour dire toute la vérité, que moi-même j'ai hérité du même nom.

En me voyant grandir et observer mes seins avec inquiétude – les miens poussaient à la vitesse grand V – ma tante m’avait dit qu’il valait mieux en avoir que se morfondre car on n'en avait pas.

-          Regarde-moi, avait-elle ajouté, pas de seins, pas d’amant, sauf un ! Et tu veux savoir pourquoi il a voulu me connaître ?

-          Oui, dis-moi, avais-je répondu.

-          Parce qu’il était LSD.

-          LSD ?

-          Oui, Laid, Sourd et Décevant.

Je n’avais pu m’empêcher de rire. Et elle avait ajouté.

-          Profites-en ma fille, Une poitrine c’est le premier pas pour entrer dans l’église de la résurrection, non pas du culte, mais du cul, si tu vois ce que je veux dire.

Je ne voyais pas tout parfaitement, mais je me souviens avec bonheur de ce moment.

J’ai bien sûr suivi la voie qu’elle m’encourageait à suivre, et j’en suis à mon 400ème amant. Je dois vous dire que j’ai un corps vif et chaud ; quant à mon moral, il est à toute épreuve.

 

PS : photo prise dans un cimetière de la Creuse

 

 

19 mai 2019

La femme en noire

Toute de noire vêtue, elle avançait dans la rue tête baissée comme si elle venait de recevoir l’hostie. Intriguée, je l’ai suivie, parfois je suis des gens ; une vocation ratée de détective privée. Elle est entrée dans une mercerie de la rue des Oiseaux, moi aussi. Elle y a acheté des boutons, moi aussi, mais pas les mêmes. Les siens étaient nacrés et en les payant elle a dit à la vendeuse.

-          Vous ne trouvez pas qu’on dirait des hosties ?

La vendeuse a hoché la tête en lui rendant la monnaie. La dame en noir a pris la monnaie, son petit paquet, elle a fait une rapide génuflexion et elle est sortie.

-          Vous la connaissez ? ai-je demandé à la vendeuse.

-          La connaître, c’est un bien grand mot, elle collectionne les boutons, c’est tout ce que je sais d’elle. On la voit une fois par semaine, et elle achète toujours les mêmes. Des nacrés qui ressemblent à des hosties.

Je l'ai vue une seconde fois, une semaine plus tard,  près de l’église St Maclou où elle a pénétré sans hésitation. Moi aussi. Ensuite, elle  est tout de suite entrée dans le confessionnal où un prêtre, beaucoup plus âgée qu’elle, est entré à son tour. C’est à ce moment que j’ai entendu des cris rauques. Les siens ? Je me suis tout de suite demandée si elle n’avait pas avalé son bouton en forme d'hostie, mais était-ce bien ça ?

17 mai 2019

La séparation

 

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Ce type avait une tête de loup. Un fou, c’est certain, mais quand il la suivit, elle fit semblant de rien et continua son chemin jusqu’au fleuve.

C’est là qu’il lui sauta dessus, non pour l’étrangler ou la manger - comme elle aurait pu le penser - mais pour lui dire qu’il l’aimait.

-          Moi ? Mais vous ne me connaissez pas, lui dit-elle aussitôt.

-          Connaissons-nous alors, fut sa seule réponse.

Elle pensa bien sûr au loup qui dévora le petit chaperon rouge, mais elle n’avait rien d’un chaperon rouge, même si certains l’imaginaient vulnérable.

Elle accepta donc et ils se connurent jusqu’à ce que le fleuve les sépare, un an plus tard. Nul ne connut la raison de leur séparation - sauf eux peut-être – et ce, pour une raison très simple, personne jamais ne les revit.

Seule une lettre envoyée à leur famille respective expliqua cette étrange situation :

« Nous nous séparons et partons chacun de notre côté. Ainsi va la vie de ceux qui veulent vivre une autre vie. »

 

PS : photo prise à Rouen, rue des bons enfants.

 

15 mai 2019

L’empathie

Il n’avait jamais voulu être assassin mais on lui avait forcé la main. La première fois qu’il avait tué, sa chemise était à tordre, comme s’il avait perdu toute l’eau de son corps. La fois suivante, il avait mis du coton  pour absorber la sueur.

Il avait une qualité peu commune pour un assassin : l’empathie. Il n’était pas rare qu’il se laissât aller à quelques attentions touchantes avec certaines victimes toujours choisies avec le plus grand soin. Les annonces passées dans Paris Normandie à la rubrique « emplois » précisaient toujours que les candidates devaient avoir entre 25 et 30 ans, être blondes ou châtains clairs, mesurer environ 1 m 65 - la même taille que sa mère -  se montrer enthousiastes, disponibles, et le tout pour une rémunération  largement supérieure au SMIC. Quant au travail demandé, l’annonce ne le stipulait pas.

La première femme qu’il avait tuée - et son père l’en avait presque supplié - c’était sa propre mère. Comment aurait-il pu le lui refuser ? Elle avait fait de son père une épave. Une fois le pied à l’étrier, il lui avait fallu monter en selle plus vite qu’il ne l’aurait sans doute voulu et il était très vite devenu un cavalier émérite.

Depuis un an, après chaque meurtre, un rituel s’était imposé : il enfermait dans du papier de soie les cheveux de ses victimes dans l’éventualité d’une greffe. Qui sait si ce simple geste n’était pas aussi un ultime geste de tendresse ?

13 mai 2019

Le mari de la voisine

Moi, je plains le mari de ma voisine. Mardi dernier il s’est confié à moi au rayon boucherie d’Intermarché. Il m’a  dit qu’il regrettait de s’être marié avec une psychothérapeute.

-          Si j’avais su ! a-t-il ajouté. Je ne peux rien dire sans que ce soit passé à la moulinette de l’analyse. Je ne sais pas si vous vous rendez compte ?

Oui, je  me rendais  compte, mais je ne pouvais pas lui dire que mon mari  était psychothérapeute, comme sa femme. Lui, sa phrase favorite quand nous avons un problème, c’est : « Encore ton vieux complexe d’Œdipe mal résolu ! » 

-          Chacun sa croix ! Ai-je conclu en regardant le mari de ma voisine droit dans les yeux.

Il m’a aussitôt demandé si je croyais en Dieu. Non, lui ai-je dit. Croyez-vous aux relations extra-conjugales ? a-t-il ajouté.

N’ayant aucun désir de coucher avec lui, je  lui ai juste répondu que mon mari, lui, croyait en Dieu et qu’il était pasteur.

-          Ah oui, je vois, a-t-il ajouté, mais que voyait-il ?

11 mai 2019

la fuite

Souvent elle lui demandait s’il l’épouserait et jamais il ne répondait. Parfois il riait. Elle non. Un jour, il lui répondit avec une citation de Paul Leautaud : « Dans le mariage on fait l’amour par besoin, par devoir. Dans l’amour on fait l’amour par amour. »

- Fadaise lui répondit-elle. Tu utilises une citation mais celle-ci ne te correspond pas. Car en ce qui te concerne, le besoin joue un grand rôle.

Il ne dit rien, partant du principe que le silence apaise les maux.

Amusée, elle conclut.

- C’est étonnant comme le silence fait partie intégrante de ta vie, plus que les mots, mais sans doute as-tu peur d’en dire plus que tu n’en sais soit même ?

Il la regarda en souriant et se tut. A quoi bon entamer un discours qui ne le concernait pas ?

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