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Presquevoix...
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31 janvier 2023

La SNCF

Vendredi, voyage en train vers Paris. A l’allée pas de problème particuliers – mis à part ceux liés au passage des contrôleurs. Et, je me permets de rêver d’un pays où les billets seraient gratuits. Evidemment, avec la mise en place de la privatisation progressive des services publics, cela ne risque pas d’arriver.

Ensuite, retour en fin d’après-midi et, le trajet en train s’avère problématique. J’arrive à sauter dans le train de 17 h 12. Parfait. Mais, en arrivant à la gare de Mantes la Jolie, le « chef contrôleur » nous signale que nous ne partirons pas en raison d’actes de vandalisme commis à Oissel par des « jeunes ».  Donc, il faut que des techniciens se déplacent pour vérifier les voies et le matériel sur ces voies. Dix minutes plus tard, on nous propose de nous dégourdir les jambes sur le quai, ce que je ne fais pas, en continuant ma lecture. Un certain fatalisme semble régner chez les voyageurs qui se contentent, sans colère aucune, de prendre leur téléphone pour signaler les retards. Environ 10 minutes plus tard, ceux qui sont descendus sont appelés à remonter dans le train. J’espère d’ailleurs que tout le monde a entendu l’appel, sinon, ceux qui ne sont pas remontés risquent fort de se suicider sur les voies – par désespoir - et de bloquer les trains qui nous suivent. Excusez ce cynisme.

5 minutes après on nous dit que le train va partir et, le contrôleur souligne que nous irons au moins jusqu’à Vernon. Arrivés à Vernon, il nous est précisé que nous resterons en gare car le personnel de service n’est toujours pas arrivé à Oissel – est-il déjà parti en week-end ? -  donc, nous ne pouvons partir pour Gaillon. On nous encourage à nouveau à nous dégourdir les jambes sur le quai.  Je remarque qu’à la SNCF, on pense beaucoup aux personnes qui ont les jambes lourdes, et j’en suis presque émue, mais les autres, y pense-t-on ?

10 minutes plus tard, le contrôleur conseille aux voyageurs de remonter dans le train et, avec un humour léger, souligne que nous atteindrons bientôt Oissel.

Durant le trajet Gaillon – Oissel – Rouen, je me suis demandée si je n’allais pas écrire au Directeur de la SNCF afin de lui souligner que la SNCF pourrait diminuer les tarifs d’abonnement des habitués du Paris-Rouen, mais aussi, leur fournir gratuitement des antidépresseurs lors de l’abonnement, étant donné les problèmes fréquents sur cette ligne. Pour les non-habitués, un remboursement du prix de transport suffirait sans doute.

Oui, le sigle de la SNCF n’a pas changé, mais pour moi, maintenant, la SNCF est devenue le Supplice National des Chemins de fer français !

 

PS : prochain texte, dimanche

26 janvier 2023

Vulnérables

 Après avoir été puéricultrice pendant deux ans, elle travaillait dans un EHPAD privé, le week-end, en tant qu’aide-soignante. Au départ, elle avait cru que passer du premier âge au quatrième âge ce serait moins fatigant, surtout deux heures par semaine ; grave erreur !

Les Vulnérables, disaient-ils sur les ondes depuis le premier confinement. Il faut protéger  les vulnérables, s’occuper d’eux, être attentifs, bienveillants, les écouter.

Mais le discours ambiant était si loin de ce qu’elle vivait le week-end à l'EHPAD qu’elle en riait au travail, parfois.

-          Ouais, avait-elle dit à Amina, sa collègue aide-soignante, je crois que les vulnérables on s’en fout, non ? On leur crie dans les oreilles parce qu’on pense qu’ils sont tous sourds, on attend pour répondre à leurs appels, parce que de toute façon, ils ont bien le temps d’attendre, on fait semblant qu’on a compris ce qu’ils disent mais on ne répond pas à leurs questions par manque de temps et en plus, ici, on leur fait payer le prix fort !

Amina avait juste répondu.

-          T’exagères. Moi je suis pas comme ça.

-          Peut-être. Tu vois, Monsieur Duval il me dit souvent « Au moins vous, vous ne me parlez pas comme si j’étais sourd comme un pot ! »

-          Quand on n’a pas le temps on n’a pas le temps, avait conclu Amina, c’est pour ça qu’on parle fort.

-          Tu me diras qu’il faut avoir de la patience avec les personnes âgées, c’est vrai. Regarde Madame Dumont par exemple, elle te parle d’un truc insignifiant et elle le dilue à l’infini.

-          Je comprends pas ce que tu veux dire.

-          Je veux dire qu’elle répète toujours la même chose et la même chose.

-          Ça, c’est vrai. Bon, j’y vais.

 Et elle était partie dans la chambre de Madame Ronchon – son surnom – pour lui faire sa toilette en vitesse, alors qu’elle, elle était partie chez Madame Malan, pour voir si elle avait besoin d’aide pour la douche. En même temps qu’elle marchait jusqu’à la chambre 27 qui se trouvait au bout du couloir elle répétait : « Des EHPAD médicalisés, mon cul oui, pas de médecin le jour, et la nuit, pas d’infirmière, que des aide- soignantes et on écrit que c’est médicalisé ! Je me demande vraiment si on ne se fiche pas des vulnérables ! ». C’est à ce moment-là qu’elle avait rencontré Madame Dumont qui faisait chaque matin trois aller et retour le long du couloir pour faire travailler ses jambes. Après le « Comment-allez-vous » traditionnel, celle-ci lui a répondu.

-          Je vais mal, comment je pourrais aller bien avec tous ces vieux dans des fauteuils roulants. D’ailleurs je suis sûre que Monsieur Paul est mort. Je le vois plus.

-          Pourquoi voulez-vous qu’il soit mort.

-          Parce qu’ici, on  nous parle pas des morts.

-          Peut-être mais bon, c’est pas une raison pour tous les croire morts, hein, avait -elle conclu en souriant. Je vous assure qu’il est vivant Monsieur Paul. Allez frapper à la porte de sa chambre et vous verrez.

Madame Dumont avait continué sa marche, et elle, elle était partie voir Madame Malan tout en se disant qu’elle ne resterait pas plus d’un an dans cet EHPAD. Trop dur et trop déprimant de s’accrocher un sourire à chaque étage tous les week-ends. Par ailleurs, elle se demandait si elle-même ne devenait pas sourde, à force...

 

PS : prochain texte, mardi.

 

21 janvier 2023

Le ministre

Le nouveau ministre de l’Education Nationale avait eu une idée étonnante, mais combien intéressante, disaient certains parents d’élèves : faire entrer dans les classes dites difficiles des chiens d’accompagnement scolaire pour les élèves en décrochage.

Ces chiens – spécialement dressés – étaient censés, par leur présence, apaiser les élèves et contribuer à leurs apprentissages. Car, disait le ministre, si les élèves sont agités les chiens vont l’être aussi, donc cela obligera les élèves à ne pas l’être.

Il faut dire que le ministre, avant d’être ministre, avait élevé dans sa propriété – en dehors de son activité professionnelle qui l’avait mené dans les hautes sphères de l’administration - une meute de chiens.

Le corps enseignant avait réagi immédiatement par nombre de remarques acerbes. Sur twitter, des professeurs étaient intervenus en disant :

« Et pourquoi pas un Rottweiler derrière chaque élève en décrochage ? » -  « A quand un ministre de race canine ? » - « Oui aux profs bouledogues qui favorisent les apprentissages » - « Aboyer plutôt que parler améliore la compréhension des élèves » « Aboyer ou l’écoute active en cours » - « Je m’épanouie en aboyant en cours » etc. etc.

Suite aux réactions des enseignants, le ministre avait rapidement abandonné cette « saine » innovation tout en disant à son fidèle collaborateur : « les enseignants se plaignent, les parents se plaignent, les inspecteurs font grise mine ; franchement, quand je travaillais avec ma meute de chiens, les choses étaient beaucoup plus simples ! »

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

 

18 janvier 2023

Un métier de chien

La dernière fois que la femme agressive au labrador noir était venue la voir, elle avait terminé la consultation vétérinaire en répétant tout bas « Pauvre bête, pauvre bête, pauvre bête… » Et, le soir, en rentrant chez elle, elle avait dit à son compagnon.

-          Quel métier de chien, il y a des maîtres qui leur mènent la vie dure à ces pauvres bêtes ! Ces maîtres débiles, j’aurais presque envie de les flinguer.

Lui n’avait pas répondu et elle avait continué.

-          C’est comme les parents, d’ailleurs, j’aurais envie de les flinguer quand ils mènent la vie dure à leurs enfants. C’est peut-être pour ça que je n’ai pas voulu d’enfants, ni de conjoint, j’ai trop souffert enfant.

Là, son épagneul avait répondu en aboyant, ce qui était rare.

-          Je comprends que tu aboies Syrus, mais tu sais moi, au moins, quand j’étais enfant, je pouvais parler alors que le pauvre labrador noir, lui, il ne peut rien dire à sa maîtresse sadique. Toi non plus d’ailleurs, mais toi et moi, c’est autre chose, non ?

Et l’épagneul était immédiatement venu s’allonger à ses pieds.

 

PS : prochain texte, samedi.

14 janvier 2023

Le contrôleur

Mathieu Lemaire était contrôleur à la SNCF. Il dormait peu car il découchait souvent en raison de son poste de travail sur les TGV grandes distances. Sa femme s’en plaignait parfois en souriant et il lui répondait.

-          Si je découche, plains-toi à la SNCF.

-          La SNCF a bon dos, disait-elle, mais dès demain j’appelle le directeur.

-          Si tu l’as au téléphone, tu auras de la chance. Nous, on le voit pas, on l’entend pas. On se demande même s’il existe ce crétin !

Sa vie sociale s’effritait petit à petit et ses amis l’oubliaient. Restait sa femme.

Avant d’être contrôleur, il avait été professeur des écoles remplaçant. Il avait vite arrêté, les enfants l’insupportaient. Mais, au bout de douze mois à la SNCF, les voyageurs aussi l’insupportaient. Souvent il parlait d’eux en disant les RFI : Râleurs, Fraudeurs, Insatisfaits. Parfois, il rêvait d’une autre vie, une vie qui aurait un sens, une vie où il aurait l’impression d’être utile. Quand il en parlait à sa femme, celle-ci répondait.

-          Ouais. Ben deviens aide-soignant ou infirmier, comme moi ! Je ne te donne pas quatre mois pour en avoir marre aussi de soigner. Et question salaire…

Il avait envie de lui dire : Alors, qu’est-ce qui me reste ? Oui, que lui restait-il sinon accepter encore et toujours cette « Putain de vie ! » avec une retraite au bout de 43 ans de services rendus, comme ils disaient aux informations, puisqu’il était né en 1980.   

A moins qu’un jour, il ne se jette sur les rails de sa propre vie et devienne « liseur de visages » - une nouvelle profession sur le marché du travail - car, quand il observait son visage dans la glace, il se rendait compte que la vie laissait des traces qui en disaient long sur soi et son rapport aux autres. C’est ce qu’il s’était dit aussi en observant le visage du président de la république : des rides, un visage anguleux, des traits tirés... il était temps qu'il s'arrête, ou alors...

PS : prochain texte, mercredi.

11 janvier 2023

Vieillir

A chaque fois qu’elle allait voir sa mère à l’EHPAD, elle regrettait qu’elle n’ait pas la maladie d’Alzheimer. Au moins, elle glisserait sur la pente de la mémoire jusqu’à ne plus se souvenir de rien. La paix, donc. Que la paix soit avec vous - disait le curé les rares fois où elle était allée à l’église dans son enfance – et avec votre esprit, ajoutait-il. Oui, son esprit avait besoin de paix plutôt que d’entendre la même boucle sonore qui émanait de l’esprit noir de sa mère.

PS : prochain texte, samedi

7 janvier 2023

La lecture

Le gardien était passé dans toutes les cellules du premier étage de la prison Bonne nouvelle et avait dit.

-          Ordre du Directeur, désormais lecture obligatoire sous notre surveillance. Donc, dès demain vous irez à la bibliothèque et vous choisirez un livre, celui que vous voulez, et vous le lirez.

-          Et si on est illettré, avait dit Mahmoud.

-          C’est ça, fous toi de ma gueule, avait répondu le gardien, surtout toi qui regardes toujours le journal l’équipe.

-          Ouais, mais que les images !

Dans la cellule voisine, Kevin avait souligné.

-          Et qu’est-ce qu’on y gagne ?

-          D’être moins con, avait répondu le gardien qui n’hésitait pas à être direct.

-          Mais encore, avait demandé Jeremy son codétenu.

-          Une diminution des jours de détention.

-          Ouais, on y croit tous !

-          Moi ça me fait chier la lecture, avait dit Ousmane qui était dans la cellule suivante.

Ce à quoi le gardien avait répondu.

-          Moi, c’est toi qui me fais chier,

Son codétenu avait ajouté.

-          Moi, je lis que mes tatouages.

-          Ah ah ah c’est vrai, là il y a du boulot, parce qu’avec tout ce que t’as ! Mais c’est pas les tatouages qui vont te permettre d’avoir du plomb dans la cervelle, mon gars.

Dès le lendemain, tous les types du premier étage sont arrivés individuellement à la bibliothèque qui était tenue par Julien. Il était depuis deux ans en maison d’arrêt dans l’attente de son procès. Julien – au contraire des autres détenus – était un amoureux des livres, il faut dire qu’il avait voulu être professeur des écoles dans des temps anciens.

Trouver un livre pour eux n’avait pas été chose facile, et ce, dès le premier « client ».

-          Je veux un  livre avec pas beaucoup de pages.

-          Un titre ? avait dit Julien.

-          Aucun titre à te donner, je lis jamais.

-          Alors regarde le nombre de pages des livres et tu trouveras le bon.

Ce que Mahmoud a fait tout de suite et, soudain, il a crié.

-          Voilà, « le sens de la peine », 80 pages et c’est sur la taule. Tu l’as lu Julien ?

-          Non. Tu me diras ce que tu en as pensé.

Et Mahmoud est parti réjoui, avec son livre, pendant que Julien essayait de voir quels étaient les livres qui avaient le moins de pages pour les autres détenus…

 

PS : prochain texte, mercredi.

 

3 janvier 2023

Mort ?

Hier, j’ai reçu un coup de fil de ma banque qui me disait que j’étais mort. J’ai aussitôt répondu.

-          Je ne peux pas être mort puisque je vous réponds.

-          Prouvez-le, m’a répliqué l’employé au bout du fil.

-          Comment ? ai-je demandé.

Il m’a donné une liste innombrable de choses à faire et, la première, c’était de régulariser ma situation auprès de ma caisse de retraites sinon je ne toucherais plus rien. Là, mon cœur a fait un bond. Quand je pense que j’ai une retraite réduite à rien, il me fallait me justifier ou plutôt, dire que j’étais vivant pour toucher ce moins que rien.

Il y a des moments dans la vie où on voudrait se pendre pour en finir avec l’absurdité de la vie elle-même. Mais non, je ne leur laisserai pas le pouvoir de garder le rien qui m’était destiné. C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’aller à l’église, moi qui n’y allais plus depuis ma première communion. Je suis allé vers le confessionnal en espérant que le curé viendrait. Ce qu’il a fait immédiatement, mais était-ce bien le curé ? Il m’a simplement dit.

-          Je vous écoute mon fils.

Ma confession a duré trente minutes, une suite de récriminations contre la banque, la caisse de retraites, l’état, ma mère, mon père et la vie, tout simplement. A la fin de la confession, le curé m’a dit.

-          Je vous ai écouté et je vous comprends, mon fils. Quoi de plus absurde que d’être mort lorsque l’on est vivant. Repartez dans la paix, mon fils, mais auparavant, recueillez-vous quelques instants afin de ne pas éprouver ce désir si humain, qui est celui du ressentiment. Ah, et je vous souhaite une bonne année 2023, mon fils.

Quand je suis sorti du confessionnal, j’ai vu au loin le curé s’éloigner et je me suis rendu compte qu’il n’était pas vêtu de noir, non, mais qu’il portait un long pantalon pourpre et que ses cheveux étaient longs, si long qu’on aurait dit un hippie…

 

PS : prochain texte, samedi..

 

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