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Presquevoix...
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31 mai 2011

Les poussettes

Il détestait les enfants, surtout les bébés qui criaient, pleuraient ou reniflaient sans arrêt. D’ailleurs il avait quitté sa copine la semaine dernière à cause de ça : elle voulait un enfant et ce désir lui montait au cerveau. Il lui avait dit furieux.
-     Un enfant pour quoi ? Et moi là-dedans ?
Il y a deux jours, il avait mis le feu aux trois poussettes garées dans la cour de l’immeuble et les flammes avaient failli gagner les appartements. Maintenant il était devant ce tribunal, en comparution immédiate, et on le harcelait de questions qu’il ne comprenait pas…

30 mai 2011

Le « chair life style »

Il était assis devant l’ordinateur et elle était debout, non loin de lui, en train de feuilleter un journal.
-    Tu le savais ça ? lui dit-elle en brandissant le journal l’air satisfait.
Il ne répondit rien mais elle  était habituée. Elle enchaîna immédiatement.
-    Le taux de mortalité des hommes qui restent assis plus de six heures par jour est 20 % supérieur à ceux qui ne passent que trois heures assis. Ouah, tu as intérêt à faire gaffe ! Ils appellent ça le « chairlife style » !
Il resta muet mais le discours de sa femme faisait déjà son effet. Et s’il venait à disparaître avant elle ?
-    Au fait chéri, tu pourrais nettoyer la salle de bain aujourd’hui ? Depuis le temps que tu aurais dû le faire… 
Et elle partit à la cave pour étendre le linge.

29 mai 2011

Le palais du marquis

Portugal avril 2011 044Il l’avait invitée chez lui pour la première fois, et elle savourait ce moment comme une victoire. Comment ce palais pouvait-il survivre, intact, en pleine ville, dans la jungle des tours et du centre commercial ?
Le marquis était âgé mais c’était un marquis. Elle fut accueillie par des « azulejos », tout aussi étonnants les uns que les autres, et elle se perdit dans le bleu des allégories. Le marquis nota sa surprise mais ne dit rien. Il n’en était pas à sa première " visite  guidée".
-    Je vous en prie, entrez, lui dit-il.
Quelle exquise courtoisie, cet homme avait été élevé dans l’une des plus anciennes familles de la noblesse portugaise. Son raffinement et sa culture l’enchantaient.
Il s’effaça pour la laisser entrer. Quand elle fut  dans le vestibule, la porte se referma lourdement derrière elle, mais ce détail ne la gêna pas. Le marquis l'invita à monter les marches qui menaient au salon du premier étage et elle ne se fit pas prier. Le long de ses jambes nues courait un air frais venu d’on ne sait où, elle sentit quelque chose l’effleurer, juste une impression fugitive.
-    Au salon, vous pourrez vous débarrasser, chuchota-t-il en s’approchant très près d’elle.
Se débarrasser ? Mais de quoi allait-elle se débarrasser ? Elle le remercia tout de même. Le marquis avait un rang auquel elle devait faire honneur.
IL ferma la porte à double tours. Elle s'inquiéta ; son visage n'était plus qu'un masque sanguin dont les yeux injectés fixaient son décolleté.

- Assez de préliminaires, dit-il d’une voix que le désir rendait rauque.

Quand il lui mit la main entre les cuisses, elle ne sut que dire, et quand il lui déchira sa robe, il était trop tard…


PS : Texte écrit à partir de cette photo de R.B. prise  à Lisbonne.

28 mai 2011

L’alcoolique

C’était un alcoolique méthodique. Il s’installait au comptoir à 9 heures et finissait sa première bière à 9 h20.  À 9 h 35, il appelait la serveuse pour en commander une deuxième qu’il achevait à 10 h 15. Après un passage aux toilettes, il saluait la compagnie et partait faire sa promenade digestive.  Il revenait ensuite à 11 h 30, pour l’apéro.
Personne ne savait ce qu’il faisait l’après-midi, ni le soir...  lui non plus.

27 mai 2011

L’analyse d’urine

J’allais au labo, mon sac en plastique à la main, contente d’en finir ; il ne s’agissait après tout que d’une petite prise de sang qui serait expédiée en deux minutes. Je n’aurais qu’à ne pas regarder la seringue !
Je sortais du métro quand un type venu de nulle part m’a violemment arraché mon sac en plastique. J’ai eu beau crier - Putain, mes urines, mes urines !!! – il a continué sa course comme si de rien n’était.
Autour de moi, des sourires amusés. Je me suis assise découragée sur le premier banc venu. 24 heures passées à recueillir mes urines et rien, plus rien ! Connard de connard !  Ai-je hurlé dans un dernier sursaut. C’est à ce moment-là que j’ai vu mon sac en plastique qui se balançait devant mes yeux.
-    Donne  cinq euros au connard et il te rendra ton sac.
Je n’ai pas réfléchi 107 ans. J’ai sorti un billet de cinq euros  que j'ai donné au type. Je n’ai même pas eu le réflexe de le regarder. En partant il m’a dit.
-    Merci m’dame !
Oui, cette voix je la connaissais de quelque part, mais d’où…

26 mai 2011

Vivre…

Ils avaient voulu se tuer le même jour, au même endroit, de la même façon et, depuis leur suicide raté, ils vivaient ensemble. Sans doute  avaient-ils su se convaincre mutuellement de rester en vie, sinon pour eux-mêmes, du moins pour l’autre…

25 mai 2011

Caro-carito : le battement d'après

Avec Caro-carito, du blog les heures de coton,  nous avons écrit à partir des consignes suivantes : en début de texte, une phrase de Lovercraft  « J’ai dû vivre des années dans cet endroit mais je ne peux mesurer le temps », puis  nous devions nous inspirer  de la «  Pavane pour une infante défunte de Ravel »,  comme si cette musique rythmait notre histoire...
Ci dessous,  vous pouvez lire le texte de Caro-carito, le mien est sur son blog.

 

 

Le battement d’après

J’ai dû vivre des années dans cet endroit mais je ne peux mesurer le temps depuis hier, depuis que je suis revenue.

J’avais roulé des heures, m’endormant abruptement quand le volant tanguait. Il faisait nuit, je n’ai pas eu le courage de pousser le portail. J’ai préféré le Formule 1. L’avantage, c’est qu’il suffit de tirer les rideaux, de choisir une ville, n’importe quelle ville et là, dans l’obscurité, s’adosser à une rivière charmante, une banlieue habillée de camions qui vont et viennent, une poignée de platanes en devenir. J’ai bien fait, j’y serai allée pour rien, Le lierre a avalé les volutes de fer forgé. J’ai dû aller chercher la clef de la porte du jardin chez le notaire.

J’ai erré. Les pièces étaient pour la plupart vides et sales. Restaient la cuisine, le cabinet de toilette qui avait dû être celui de Viviane, la bonne et le bureau du père. Je lui tourne autour, je ne peux imaginer ce parquet bruni sans qu’il gémisse sous ses pas.

Mes frères ne viendront pas, ils me laissent la maison et le reste. En une heure, notaire et curé ont tout réglé. Ni messe, ni couronnes : une signature. J’y suis retournée, traversé les étages nus. J’ai violé le Saint des Saints, le bureau de mon père : des chronomètres, des pendulettes, des horloges, des taximètres, des clepsydres, des montres à clef, un sablier, monstres sans nom. Et un métronome. Aucun d’entre eux n’avait jamais fonctionné et pourtant j’entendais la voix de mon père qui alignait les cases où il fourrait heures de dessin, d’anglais, de latin, de grec et l’histoire de la musique. Le fil d’un pendule de Foucault accroche ma joue. J’arrache la boule cuivrée qui pend, idiotement, devant les étagères bombées de livres. L’enfance me gifle, le vacarme revient. Les pleurs de ma mère, le tic tac de l’horloge de l’entrée, mes souliers qui butent contre cette marche entre la cuisine et la cour. Je serai en retard. Le carillon et puis plus rien. Au creux des reins, là où le fouet improvisé par mon père m’a corrigée, une cicatrice ronde brûlera longtemps. Je sens les mains tièdes de mes frères et une voiture blanche qui s’en va, ce ridicule gyrophare…

La tombe est restée derrière moi. Mon ipod soupire cette musique lente, une note de jasmin. Je reprends la route, je dormirai dans un Formule 1, un autre, identique, rassurant. Avant, ou après, je ferai une halte à la Boisserie. Sa tête chenue me sourira même si.. je ne suis qu’une visiteuse fêtée et anonyme. Je lui tendrai la photo que j’ai prise de la tombe. Lui mettrai les écouteurs pour cette pavane qu’elle aimait. Redirai en articulant son nom interdit. Et dans nos mains entremêlées, la tienne, la mienne, maman,… glisser, le bijou froid et systématique qui rythmait nos craintes et les colères du père.

Si jamais ton sourire pouvait croiser le souvenir de l’infante que tu fus, maman. Si jamais…. Et voir ce battement dans tes yeux absents.

24 mai 2011

Compter

En allant aux toilettes ou en se lavant les mains,  il comptait. Un toc. Il essayait  bien de se surveiller mais rien n’y faisait, il comptait toujours. Un dimanche matin sa femme, lasse de ses rituels obsessionnels, lui avait dit agacée.
- Toi, il n’y a que l’argent que tu ne comptes pas !
Il enfonça la main dans sa poche, comme pour chercher quelque chose, mais il ne trouva rien. Pourtant, il était certain d’y avoir mis  un couteau

23 mai 2011

La sarabande

A chaque fois que son fils de 7 ans était sur le point de faire une bêtise, elle lui disait.
-    Attention, si tu continues comme ça, je te mets « la sarabande  des prêtres », et en boucle !
Depuis qu’elle avait trouvé cette parade, il s’était considérablement calmé.

PS : n’oubliez pas d’écouter « la sarabande des prêtres » !!!

22 mai 2011

bulle de vie

trace_112_1_Il lui avait offert ce tableau et elle l’avait placé en face de son lit, pour méditer. Elle était intimement persuadée que chaque cadeau avait un sens profond et s’il lui avait offert ce tableau-là, un mois avant leur mariage, n’était-ce pas un signe ?
Le peintre aurait certainement ri de son interprétation, mais l’art n’est-il pas offert à chacun pour éclairer l’obscurité de nos vies ? L’artiste, en donnant à voir son œuvre, n’autorise-t-il pas le public à se l’approprier ?
L’escalade de cette petite bulle bicolore le long d’une paroi noire la perturba au point que ses rêves prirent les couleurs de la toile. D’immenses nappes grises et blanches barrées de petites bandes bleues la submergeaient nuit après nuit. Le soir du 24 juin, la  petite bulle bleue et noire disparut. Elle fut remplacée par le son lancinant  d’un berimbau qui l’effraya au point qu’au réveil, elle eut des palpitations.
Le lendemain, elle décida de ne pas aller au travail. Impossible pour elle d’accueillir des clients dans l’état de nerfs où elle se trouvait. Elle ouvrit la fenêtre qui donnait sur le jardin, s’assit face au tableau et attendit ; quelque chose ne pourrait manquer de se produire, un signe, une trace, un chemin…
Le soir du 25 juin, quand il lui téléphona, il tomba sur le répondeur. Le message avait changé et une voix neutre déclinait.
« Désormais, le répondeur sera mon seul lien entre vous et moi. Je suis en apnée entre terre et ciel. Tant que je n’aurai pas trouvé le chemin qui mène vers ce que je ne sais nommer, je ne pourrai vous répondre. »
Quand il se rendit chez elle, il était trop tard. Il vit bien une petite bulle bleue et noire monter vers le ciel mais elle était déjà trop loin…
 

PS : photo gentiment prêtée par Sounya. Ne vous privez pas de feuilleter les pages de son blogs pour découvrir ses toiles à la pureté énigmatique.

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