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Presquevoix...
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30 mai 2023

Le divorce

Tous les amis de l’ex-couple avaient reçu le même faire-part – « M. et Mme Delanoé sont heureux de vous inviter au vin d’honneur donné à l’occasion de leur divorce, le 21 septembre 2022 à 17 heures, au château des Trois Fontaines, 6 route des Epis, 27000 Gonfreville » - et tous avaient répondu présents. Comment ne pas répondre présent à un faire part de divorce, leur premier ? L’occasion était exceptionnelle. Mais comment faire d'une épreuve une fête ? Les Delanoé – lui était greffier, elle commerciale - étaient-ils devenus des artistes en la matière ? Que donnerait cette catharsis collective ? La question courait chez tous les invités. Quant aux Delanoé, ils avaient hâte d’en finir une bonne fois pour toute !

PS : prochain texte, vendredi.

26 mai 2023

Entendre ou non ?

A 80 ans, sa mère – déjà à moitié sourde – disait qu’elle ne voulait pas se faire appareiller car ce que  disaient les autres, elle s’en moquait ; seul comptait ce qu’elle disait elle-même.

Dix ans plus tard, étant donné sa surdité galopante et son arrivée en maison de retraite, sa fille essaya de  la convaincre de se faire appareiller. La vieille dame accepta, résignée. Seulement, le jour où elle sortit de la boutique « Ecouter voir » avec son appareillage quasi invisible, elle lui dit.

-          C’est terrible, je ne reconnais plus ma voix.

-          Ah bon ? Mais tu entends mieux tout de même ?

-          Oui, mais je ne reconnais plus ma voix, et ça, c’est grave. Je ne crois pas que je vais m’y habituer.

Sa fille ajouta.

-          Tu préférais ta voix d’avant ?

-          Oui, celle-ci est éraillée et je ne la reconnais pas. Moi, je préfère retrouver ma voix et ne pas comprendre ce que les autres disent. De toute façon, ça ne m'interesse pas ce qu'ils disent.

Sa fille soupira et conclut.

-          Tout de même, essaie de t’habituer, cela t’évitera de faire répéter trois fois les gens en t’énervant quand ils parlent d’une voix plus forte.

Sa mère ne répondit rien et continua de marcher jusqu’à la voiture pour retrouver « sa prison », comme elle disait.

 

PS : prochain texte, mardi.

23 mai 2023

débroussailler

Alors qu’ils attendaient le début du film « Antoinette dans les Cévennes », son mari avait dit en pliant son journal.

-          De nos jours, on vote plus, on fait barrage. Et puis, la bêtise a envahi le monde.

-          Tu crois qu’avant c’était différent ? S’était-elle contentée de répondre.

-          Je n’en sais rien.  Ce que je sais, par contre, c’est qu’on va droit dans le mur et ce mur s’appelle le mur du con.

Elle le regarda en souriant et se dit que cet homme aboyait pour être écouté, comme les chiens, et elle détestait les chiens. Parfois, quand elle réfléchissait – et elle essayait de réfléchir le moins possible afin de ne pas fatiguer son esprit – elle se disait qu’elle aimerait bien agresser certains types à la débroussailleuse car nombreux étaient ceux qui avient besoin d’ un nettoyage global, corps et cerveau compris. Bien sûr, ce n’était qu’un rêve, et elle en riait, le soir, avant de s’endormir, quand son mari était chez sa vieille maîtresse et qu’il imaginait – le naïf – qu’elle le croyait au bridge.

 PS : prochain texte vendredi.

 

16 mai 2023

Le sommeil

Elle lui avait dit qu’elle ne dormait jamais – ou tout au moins le pensait-elle – car elle avait peur de ses rêves. Son cœur sentinelle attendait l’heure à laquelle la vérité allait se dire. Et, souvent elle ajoutait, en le regardant droit dans les yeux.

- Moi je suis hostile aux leurres de vérité.

Un jour, il lui avait répondu en souriant.

-          Le divin et le divan sont les deux horizons de l’humain. Moi je préfère le divan. D’autres préfèrent les actes de contrition.

Il avait pensé que cette petite phrase pouvait être un chemin léger dans l’univers austère de cette jeune femme aussi blanche qu’une neige éternelle. Ce fut un échec car elle répondit, l’air sérieux.

-          Je n’aime pas le divan, je risquerais d’y dormir. Quant au divin, je n’en dirai rien.

C’est au bout de trente jours qu’il avait arrêté de la voir, et pour une raison très simple : depuis qu’ils sortaient ensemble, il perdait le sommeil.

Le mot FIN fut d’une efficacité redoutable. Jamais plus il ne pensa à elle et ses nuits redevinrent aussi belles que ses jours.

 

PS : prochain texte, mardi.

 

13 mai 2023

A quoi ça sert la vie ?

Elle passait ses journées à écrire, enfermée entre quatre murs gris.

-          Pourquoi t’écris ? lui demandait Nicole, dans la cellule à droite de la sienne.

Elle ne lui répondait rien. La vie de Nicole était faite de pourquoi, mais elle n’écoutait jamais les réponses données.

Elle, elle savait parfaitement pourquoi elle écrivait : pour avoir une vie qu’elle n’avait plus depuis vingt ans, si ce n’était celle que lui donnaient les murs de sa cellule, de la cour intérieure ou ceux de la buanderie où elle entrait le linge dans la machine à laver des vies carcérales.

-          Un espoir de sortie ? Lui disait parfois Josette, sa voisine de gauche, 65 ans et trente ans de prison.

Elle répondait invariablement.

-          On verra ce que dit le juge d’application des peines ; mais d’abord, est-ce que je suis prête ?

-          On n’est jamais prête, lui répondait toujours Josette.

Mais Josette ne savait qu’une chose de sa vie à elle, et elle, une seule chose de la sienne : Josette avait tué sa fille et elle, elle avait tué son connard de mari. C’était tout, et cela suffisait-il pour se comprendre et comprendre à quoi sert la vie ?

 

PS : prochain texte, mardi.

10 mai 2023

Le dernier vol du président

Ce président-là était surprenant ; dès qu’il ouvrait la bouche, des milliers de citoyens adhéraient à un syndicat. Dans ce lointain pays, Il y avait maintenant 10 millions de syndiqués pour une population active de 25 millions de personnes. Un résultat que nul autre pays au monde n’avait encore atteint, et tout ça grâce à lui.

Dans ce pays, les réformes succédaient aux réformes, toutes aussi huées les unes que les autres, mais le Président poursuivait, les manches retroussées sur ses bras blancs d’adolescent mal dégrossi.

Il était devenu la risée du monde entier, mais il continuait. Même sa femme – un temps admirative - lui disait : « Arrête, arrête, tu dépasses les limites ! ». Mais de limites ce président n’avait point ; sans doute les avait-il fuies dès son enfance.

Le bon peuple se fatiguait, mais il continuait à manifester et à casseroler dans les rues car il savait qu’un jour prochain, arriverait au président ce qui arrive à toutes les grenouilles qui se croient aussi grosses que les bœufs : il enflerait, enflerait, enflerait, enflerait tellement qu’il exploserait en plein vol. Le pays respirerait bien mieux après la disparition du Narcissique. Qui sait, peut-être que l’Assemblée Nationale et le Sénat pourraient revivre sur un autre mode, celui du dialogue et de l’écoute, juste avant que ne soit mise en place une sixième constitution qui mettrait fin à la monarchie républicaine…

 

PS : prochain texte, samedi.

 

6 mai 2023

Avatar

squelette

La vie de Rémi ne tenait qu’à un squelette, son confident, sa tête de proue, son phare. Personne ne voyait ce squelette, à part ceux qui avaient eux-mêmes pour ami un squelette et qui, parfois, s’adressaient à Rémi avec des questions simples, toujours les mêmes : Vous vous êtes connus il y a longtemps ? Vous  parlez de tout ? Et de quoi, surtout ? Et la nuit, plus de cauchemars ? Votre squelette est-il jaloux ? etc.

Depuis que ce squelette – il l’appelait Avatar – était entré dans sa vie, rien n’avait changé de l’extérieur - toujours aussi bedonnant, triste et vouté - mais de l’intérieur, quelles transformations ! Certes il aurait souhaité que l’intérieur résonne à l’extérieur avec quelques touches impressionnistes de gaieté et d’esprit. Hélas, non, l’extérieur l’entourait toujours de grisaille.

-          Change de couleurs de vêtements, lui avait suggéré Avatar. Un peu de bleu ciel, peut-être,  ou de vert.

Impossible, ce chemin ne lui seyait pas.

-          Essaie de sourire, avait-il ajouté un jour.

Impossible aussi, ses lèvres suivaient toujours ce chemin d’affaissement de gauche et de droite. Avatar ne suggéra donc plus rien, et leur couple suivit une vie douce et apaisante jusqu’au jour où Rémi rencontra Frida. Mais moi, narratrice, je ne vous dirai rien d’elle, Avatar me l’a formellement interdit et toute confidence pourrait me mener sur le chemin de l’extinction de l’imagination…

 

PS : photo prise par CV. Prochain texte, mercredi.

2 mai 2023

La colère

Lors du diner, après avoir fini son fromage et avoir entendu les récriminations habituelles de sa femme, il lui a dit d’une voix calme.

-          Je crois que ce n’est pas d’un mari dont tu as besoin, mais d’un psychiatre.

Le journal télévisé venait juste de se terminer et le président de la République avait annoncé sa nième réforme. C’est sans doute pour cette raison qu’elle a conclu.

-          Comme notre président, donc ; car lui, ce n’est pas d’un peuple dont il a besoin, mais d’un hôpital psychiatrique. Et toi, Claude, de quoi as-tu besoin au fait ?  

Il l’a observée, a plié sa serviette en quatre, a débarrassé la table, puis la colère qui faisait son chemin de croix depuis des années est arrivée au sommet et il a hurlé.

-          J’ai besoin de solitude, putain, de solitude !

Marie a enchaîné.

-          Eh bien, pars au pays des sourds avec notre abruti de président, et surtout, ne revenez pas, ni l’un, ni l’autre, ça nous fera des vacances ! a-t-elle répondu avant de claquer la porte de la maison derrière elle.

 

PS : prochain texte, samedi.

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