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Presquevoix...

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16 juillet 2011

Liberté

Elle avait été libérée de prison le matin, une sortie « sèche », comme on dit dans le jargon de la Pénitentiaire. Personne ne l'attendait, nulle part où aller, juste s’asseoir et regarder le va et vient des automobiles sur la grande avenue. Une heure plus tard elle se leva et, son barda  à la main, elle marcha droit devant en  titubant. Rien dans sa poche ou si peu. Elle  entra dans une boulangerie, s’acheta un pain au chocolat et continua sa marche, toujours droit devant. Elle trouva un square, s’allongea sur l’herbe et  l’après-midi se passa entre veille et somnolence, comme dans sa cellule. A quatre heures de l’après-midi, elle refit le chemin inverse vers la prison. A cinq heures elle sonnait et suppliait pour qu’on la reprît.
La grille resta fermée.

15 juillet 2011

Duo

Aujourd'hui Caro-carito du blog " les heures de Coton " est l'invitée de presquevoix. Il s’agissait, cette fois, d’écrire un texte en s’inspirant de la bande annonce du film iranien "une séparation"  et de la chanson " Tu verras " de Nougaro.


Du défi proposé par gballand, j’ai choisi de prendre une photo et ces quatre mots : « Tu verras, tu verras… »

separationItaliques

« Tu verras, tu verras. » m’avait-il dit, avec son accent d’une ville que je ne connaissais pas et dont il aimait jouer. Il y avait cette porte verte, translucide, trois pièces minuscules et de la lumière sur ce lit de camp qu’il avait coincé entre son bureau et les panneaux coulissants d’une penderie. Je le connaissais à peine, comme un père que l’on voit en coup de vent depuis quinze ans et dont on aligne les photos sur la table de la cuisine des grands-parents : « Là, vous étiez à Cassis, tu avais six ans et ce petit bikini à pois lilas. » «  À Noël, tu voulais tellement un jouet minable que tu avais repéré dans un prospectus de supermarché que tu as fondu en larmes quand, après avoir arraché le papier cadeau, tu as trouvé ta Barbie. » D’ailleurs, je lui avais fait la peau à cette bimbo, elle avait fini les cheveux courts et fluo, une cicatrice lui tailladait la joue droite et elle avait suivi GI Joe dans des aventures sanguinolentes.

« Tu verras, tu verras. » J’avais vite vu. Le boulot l’avait rappelé à l’autre bout du monde, une mine à ciel ouvert dans une canopée épaisse, un gars qui s’était démis une épaule, qu’il fallait remplacer. Gare de Lyon, je le regardai derrière la glace qu’il m’avait offerte. Vanille fraise. Il l’avait commandé en croyant bien faire. Ben non papa. Je n’aime plus les glaces depuis longtemps, surtout qu’à chaque fois, je te vois fondre dans l’horizon de ma petite cuillère. Tu offrais aussi à maman une glace quand tu te barrais ?

« Tu verras, tu verras. » J’ai rien vu au bout du compte, juste une clef dans mes mains et un paquet de pognon, même si j’ai dû partager avec une petite sœur que je ne connaissais pas. Dans le bureau du notaire, ça faisait des étincelles entre belle-mère n° 2 fraîchement divorcée et la baby-sitter récemment épousée et veuve aussi sec. L’une et l’autre m’auraient volontiers ouvert leur cahier de doléances. J’ai décliné l’invitation au salon de thé/glacier du coin. « J’aime pas la glace. » J’ai pris ma bagnole et je suis allée faire un tour dans le vieil appart. Je me demande pourquoi il l’a gardé, ce n’était qu’un deux-pièces dans un quartier pourri.

J’ai poussé la porte verte, translucide. Je fais le tour. Le bureau est toujours là, les livres et le vieux poste télé qui ne doit plus marcher maintenant avec la TNT. Les portes coulissantes de la penderie sont coincées. Je déménagerai ici en août. Avec Cyril, mon mec, de toute façon, c’est mort. Et puis, je n’ai pas envie de le voir entrer ici, s’arrêter devant le vieux papier peint et me sortir son grand jeu de mec qui assure, type MacGyver. Et enfin l’entendre me dire en faisant des moulinets comme si, lui, allait changer mon monde « Tu verras, tu verras… »

PS : Mon texte se trouve sur son blog.

14 juillet 2011

Les moustiques

 

Tous les soirs, depuis le début des grandes chaleurs,  elle se faisait dévorer par les moustiques. Sa peau plutôt blanche était devenue rouge écrevisse à cause des démangeaisons. Elle n’y comprenait rien. Elle fermait pourtant les volets pendant la journée, n’allumait jamais la lumière lorsque les fenêtres étaient ouvertes le soir, alors comment cela était-il possible ?
Elle finit par comprendre en assistant,  par hasard, au manège de sa  sœur qui la croyait dans le salon : à 19 h 30, juste avant le dîner, celle-ci ouvrit la fenêtre de sa chambre, alluma la lumière et referma la porte discrètement. Elle ne dit rien et resta quelques instants cachée dans la salle de bain dont la porte était légèrement entrouverte. « La salope »,  pensa-t-elle, elle le lui paierait ! Depuis combien de jours s’amusait-elle à ce petit jeu-là, et pourquoi ?
Soudain tout s’éclaira : la piscine, le maillot de bain, le copain de sa petite sœur, qui arrivait dans deux jours, c’était ça, inutile d’aller chercher plus loin, elle ne voulait pas qu’il la regarde. C’est tout au moins ce qu’elle trouva comme explication et cela lui suffit.

PS : texte écrit à partir d’une brève très brève vue sur le site « une vie de merde ».

13 juillet 2011

L’ex

Il la filait partout, dans les rues comme dans ses rêves. Elle finit par le tuer : que faire d’autre ? Elle le regretta, non qu’elle en eût du remords, mais il ne se passa pas une nuit sans qu’il ne lui apparût.
Six mois  plus tard, elle mettait fin à ses jours.

12 juillet 2011

L’attente

P1010184Elle l’avait attendu une heure en faisant semblant de ne pas l’attendre. Elle avait lu et relu les 3 premières pages de son livre, sorti son agenda pour prendre quelques notes, écouté les conversations de ses voisins, regardé les images qui défilaient sur un vague écran de télé, et le café s’était vidé peu à peu.  Elle allait partir quand un jeune homme s’approcha d’elle et lui dit, l’air presque soucieux.
-    Il ne viendra pas. Je le sais, il fait souvent ça.
Elle le regarda interloquée et il lui expliqua.
-    C’est un copain, il a parfois des problèmes.
Il  ajouta qu’elle avait une capacité d’attente hors du commun.
-    Je suis vraiment trop conne ! continua-t-elle, si j’avais su…
-    Si vous aviez su ?
-    Rien ! Tenez, et si vous m’invitiez au cinéma ? Ils jouent « l’attente des femmes » de Bergman, rue de la Champmeslé.
Le temps d’une séance, dans la salle obscure du cinéma de quartier, il avait su lui faire oublier l’humiliation de l’attente. Depuis ce jour-là, de temps en temps, ils se revoyaient, chez elle ou chez lui, et  ils faisaient toujours l’amour sur ce vieux tube d’Eddy Mitchell


PS : texte écrit à partir de cette photo prise par C. V. à Madrid.

10 juillet 2011

Le permis de conduire

Elle avait passé ses vitesses à merveille, avait respecté tous les panneaux, avait fait une marche arrière sans problème, avait réussi son créneau - ce qui était loin d’être gagné vu son problème de latéralisation - mais 5 minutes avant la fin, il y avait eu l’insecte, une abeille dont les bourdonnements lui semblaient multipliés par un ampli de 150 watts. Elle l’avait  dit à l’inspecteur qui lui avait répondu qu’elle devait rêver parce que lui n’entendait rien. Pourtant non, elle n’avait pas rêvé. Elle  avait même fermé les yeux, l’espace d’une seconde, car elle avait cru que l’abeille se posait sur son bras.  Seconde fatale. Quand elle les avait rouverts, il y avait devant elle une voiture bleue de la gendarmerie, emboutie. L’inspecteur lui avait  demandé de mettre le frein à main. La suite, elle préférait ne pas s’en souvenir : c’était il y a 2 ans !


Elle regarde la pluie qui tombe sur le pare-brise, assise dans la voiture de l’auto-école. Elle attend que l’inspecteur arrive. Ses mains tremblent, ses jambes aussi, ses souvenirs ne la lâchent plus.  L’inspecteur ouvre la porte et s’assied à côté d’elle, il la salue, la regarde un peu plus attentivement et lui dit.


-    Mais dites-moi, l’abeille, il y a 2 ans, ce ne serait pas vous ?


Elle hoche la tête, le visage défait. L’inspecteur reprend, manifestement de bonne humeur.


-    En tout cas, aujourd’hui, avec le temps pourri  qu’il fait, vous n’avez pas à vous en faire pour les abeilles, elles ont toutes péri, noyées ! Vous êtes prête ? Alors on y va, contact…

PS : prochain texte, le mardi 12 juillet.

9 juillet 2011

Le manuscrit

Elle avait volé le livre II du Codex Calixtinus dans la salle de la Cathédrale de St Jacques de Compostelle. Déguisée en nonne, elle avait pu tromper la vigilance des gardiens, sans laisser aucune trace d’effraction.  C’est Calixte lui-même qui  lui avait fixé cette mission, un mois plus tôt. Il lui avait chuchoté à l’oreille : «  Anne, ma sœur Anne, ce livre des miracles a été écrit pour toi, lis-le et inspire-t-en ! »
Avec ses gants blancs transparents, elle avait saisi ce joyau du patrimoine, l’avait prestement glissé sous son vêtement de prière, puis elle s’était glissée dans l’ombre des piliers avant d’atteindre le grand portail.
Maintenant, les miracles pouvaient commencer : quel serait le premier ?


8 juillet 2011

Blonde

A 16 ans, elle voulut se teindre en blonde, sa mère refusa, elle s’entêta et le père dut s’interposer.
-    Mais enfin qu’est-ce que ça peut faire qu’elle se teigne en blonde ?
-    C’est vulgaire, répondit la mère, on n’a pas besoin d’une Marilyn Monroe à la maison.
La fille commença à rugir que sa mère voulait qu’elle reste moche et qu’elle ne trouve personne ; que les cheveux châtains c’était l’horreur et qu’on ne séduisait personne avec cette couleur ringarde !
-    Merci pour moi, lui dit sa mère.
-    Mais qu’est-ce que ça peut te faire ? reprit le père en direction de sa femme.
-    Tu veux aussi qu’elle mette des shorts au ras des fesses et qu’on la traite de pute ?
 La fille monta dans sa chambre en pleurant, la mère partit dans la cuisine en injuriant  sa fille et le père s’assit sur le canapé pour réfléchir : mais qu’est-ce qu’elles avaient toutes les deux ?

7 juillet 2011

Les spermatozoïdes

Lors du premier rendez-vous, au café de la Gare, elle lui a tout de suite dit que ça ne pouvait pas aller entre eux.
-    Mais pourquoi ? a-t-il riposté désolé. Quand vous aviez répondu à mon annonce vous aviez pourtant l’air intéressée
Elle l’a regardé un moment puis a fini par ajouter.
-    Oui, mais vous ne m’aviez pas dit que vous aviez grossi.
Il a eu l’air surpris. Certes il avait grossi de 10 kilos depuis qu’il lui avait envoyé sa photo, mais il n’était pas à ce point métamorphosé. C’est elle qui lui a fourni la clef.
-    Ecoutez, Selon le docteur Cohen « Le surpoids entraîne une modification des paramètres du sperme, du fait probablement de désordres hormonaux, avec des déficits en nombre, en mobilité et en vitalité, ce qui entraîne des pertes de possibilités de conception »*. Je n’ai pas envie de m’y reprendre à cinquante fois pour avoir un enfant, inutile de perdre mon temps !
Et elle l’a planté sans autre explication dans la salle bruyante du café de la Gare.

*explication lue dans l’article suivant paru dans le journal libération d’hier :  «  hommes trop gros, spermatozoïdes ramollos »

6 juillet 2011

Le cœur

coeurDans la baignoire vide, il avait formé un cœur. Mais en le voyant  si lisse, si brun, si doux sur ce blanc inaltéré, la marée l’a submergé et il a fait naufrage. La voisine l’a retrouvé échoué sur son paillasson. Craintive, elle l’a secoué -  au cas où -  et il a murmuré des mots étranges, des mots que les embruns semblaient avoir  creusés de leur ancre marine. Précieusement, elle les a recueillis sur la voile d’un papier blanc qu’elle a glissée dans sa main droite. Elle s’est dit que s’il les lisait un jour, il pourrait peut-être  continuer son voyage…

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Patrick Cassagnes.

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