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Presquevoix...

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16 janvier 2012

Les pendules

Sa maison était envahie de pendules de toutes sortes. Il les avait volées dans les lieux les plus divers, souvent à ses risques et périls, et dans un seul but : les remettre à l’heure.

15 janvier 2012

Les soupirs des autres

couverture« D'après moi un étranger entrera dans votre tombe », c’est ce que lui avait dit une voyante,  en ce jour de vague à l’âme où elle avait eu envie de mourir sans en avoir le courage ; pourtant, son contrat obsèques était déjà prêt. Il lui aurait fallu juste un petit déclic pour sauter le pas.


Ce contrat, elle ne l’aurait jamais pris si l’employé de l’assurance n’avait pas été aussi jeune,  souriant et inexpérimenté. Elle lui avait même offert un thé et le jeune homme lui avait longuement parlé de ses parents, de sa nostalgie du Sud et de la rude concurrence qui régnait sur « le marché de la mort ». Elle n’avait pu s’empêcher de sourire en entendant cette expression. Il y avait des marchés pour tout. Quelle inconvenance ! Il la remercia chaleureusement pour le thé, pour l’assurance – ce devait être son premier contrat – et il lui assura que les prestations seraient parfaites. Elle sourit et referma la porte derrière lui.


Le jour où elle avala ses comprimés, en trois fois, elle ressentit un immense soulagement, sans doute parce qu’elle partait pour un long voyage et qu’elle ne serait pas seule, il y avait ce fameux étranger...


Le jeune homme ne lui avait pas menti. L’enterrement fut parfait et elle ne regretta pas son investissement. Dommage qu’il y ait eu si peu de monde. Mais  elle avait si peu d’amis. Elle les entendit cependant soupirer, surtout Ginette et Adèle, il faut dire qu’elles étaient très proches étant jeunes. Son ex-mari était là  aussi, toujours aussi raide, et son fils, Marc. S’il soupira, ce fut sans doute de soulagement. Et puis il y avait cet étranger aux cheveux blancs, juste derrière son mari. Mais celui-là, elle ne le connaissait pas ou elle ne se souvenait pas de lui.


Une heure plus tard, le cimetière avait retrouvé sa quiétude. Alors qu’elle croyait s’être endormie, quelqu’un frappa. Elle dit « Entrez », machinalement, et elle  vit l’étranger aux cheveux blancs. Il lui dit aussitôt.


-    Tu te souviens ?


Elle chercha en vain et lui répondit que non, vraiment, elle ne voyait pas qui il était malgré ses efforts.


-    Et si je te dis, Rouen, 1965 ?


Le souvenir lui revint alors, si parfait qu’elle en fut bouleversée. Il avait 20 ans, elle aussi.  Ils avaient fait l’amour pour la première fois et il lui avait dit, le lendemain, qu’il allait entrer dans la police. Elle avait répondu que dans ce cas, ils ne pourraient plus se revoir. Elle ne lui avait jamais expliqué pourquoi.


-    Je voudrais savoir pourquoi tu es partie, dit-il d'une voix émue.


Elle sourit. Il se glissa à l’intérieur et  referma le couvercle derrière lui. Elle se demanda ce qu’elle pourrait lui offrir, à part l’éternité…


PS : une couverture réalisée grâce à ce merveilleux site de Générateur de titres

14 janvier 2012

La nouvelle année pédagogique

Pour cette nouvelle année pédagogique, elle a préparé une « innovation » dont elle n’est pas mécontente. Dorénavant,  la colle traditionnelle sera remplacée  par un film. Chaque élève collé en 2012 devra voir  le dernier film de Manoël de Oliveira - « l’étrange affaire Angelica » -  du début jusqu’à la fin, sans pause aucune et en version originale non sous-titrée.

Ces jeunes êtres, épris de films d’action, ne manqueront pas d’être profondément perturbés  par la lenteur parfois insoutenable du film, sans parler du non-jeu du personnage principal.  Cette épreuve leur apprendra certainement à cultiver  patience et maîtrise de soi. Sans parler des progrès notables qu’ils feront dans la langue de Camões... s'ils ne s'endorment pas.



13 janvier 2012

Mike Brant

Il l’avait tuée parce que dans son portefeuille, il avait trouvé une photo de Mike Brant. « C’est ton amant, c’est ça ? » lui avait-t-il dit à plusieurs reprises. Elle avait eu beau lui répéter que Mike Brant était mort depuis longtemps, il n’avait rien voulu savoir.
Après l’avoir assassiné, pris de remord,  il vérifia sur wikipédia : Mike Brant était bien mort en 1975 ! Cette vérité eut raison de son cœur.


12 janvier 2012

La voix

J'ai la main sur la poignée de la porte, mais  je frappe trois coups, comme au théâtre. Quand une voix de basse me dit « Entrez ! », j’ai l’impression que Faust lui-même me donne la réplique. J’ouvre la porte. Dans la pièce il n’y a personne, juste une odeur d’encens et le lit où l’on a tendu une couverture rouge alors que d’habitude elle est noire.


La même voix de basse me demande de me déshabiller et de m’allonger. J’obéis.  C’est à ce moment que je vois la caméra fixée au plafond. Pourquoi cet imbécile a-t-il mis une caméra au plafond alors que d’habitude il est là en chair et en os, surtout en chair d’ailleurs. Et  pourquoi s’amuse-t-il à changer de voix ? Je ne comprends rien.


Je lui  annonce  le tarif  et la voix se fait dure : «  trop cher ! » Je précise que c’est le tarif habituel et que je ne suis pas prête à le baisser. La voix répond  «  Soit, mais ne prenez aucune initiative. ».  Je  demande à la voix qui elle est parce que d’habitude l’autre… Ma question l’énerve au plus haut point et elle me répond  que l’heure n’est plus aux habitudes, que l’autre n’existe plus, qu’elle l’a tué et que si je veux partir, la porte est ouverte. Malgré ma peur, je décide de rester,  j’ai trop besoin de cet argent pour payer mes deux loyers de retard, sans parler  de mon forfait et de la mensualité de mon crédit. Je reste immobile et j’attends, nue, allongée sur la couverture rouge.


Après quelques secondes de silence,  la voix commence à me susurrer des choses insensées et  un souffle chaud court  le long de mes jambes jusqu’à la pointe de mon pubis… c’est la première fois que je fais l’amour avec une voix.


PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

11 janvier 2012

Mastiquer

A cette élève qu’elle a eu l’impression de voir mâcher, elle a immédiatement tendu la poubelle, mais l’élève lui a répondu :
-    C’est pas un chewing-gum madame, c’est à cause de mon piercing sur la langue.
Bon, elle devait la croire sur parole, elle n’allait tout de même pas lui demander d’ouvrir la bouche pour vérifier !

10 janvier 2012

La petite entreprise

Elle s’était installée comme auto-entrepreneur, un statut qui ne demandait pas de trop grandes démarches et qui lui permettait de cotiser pour la retraite et la maladie. Elle l’avait fait sous l’intitulé « soins de beauté dont le modelage esthétique de bien-être et de confort sans finalité médicale ». Evidemment les soins qu’elle prodiguait étaient loin d’être esthétiques, mais ils relevaient sans nul doute du domaine du « confort ». C’est tout au moins ce qu’elle essaya d’expliquer au fonctionnaire méfiant venu vérifier les modalités de mise en place de sa « petite entreprise ». Il  fut surpris par l’annonce collée sur le carreau de sa fenêtre  donnant sur la rue - « Je reçois de 14 h à 23 h. Sonnez, je vous attends ! » - mais il fut encore plus surpris par sa tenue



9 janvier 2012

Parler

Elle ne parlait jamais d’elle, de peur de lasser les autres ; par contre, elle ne se lassait pas de  parler des autres qui, eux-mêmes, parlaient souvent d’elle en en  disant le plus grand mal, sans lassitude aucune.

8 janvier 2012

La chambre close

MaitéElle était dans cette chambre depuis trois mois et il lui apportait ses repas à heure fixe,  matin,  midi et  soir. Les teintes rousses des arbres lui rappelaient  leurs longues promenades en forêt du temps où il  disait que sans elle, il n’était rien, et il insistait sur ce  « rien » qui le rendait mélancolique. Leur bonheur avait duré un an, puis il avait eu peur et il l’avait enfermée.   Elle était sûre qu’elle n’était pas la seule pensionnaire de la maison. À plusieurs reprises, elle avait entendu des cris. Y avait-il une autre femme ? Un homme ? Qui tenait-il au secret, et pour quelles raisons ?


Dès la première semaine, à sa demande, il  avait apporté du papier et un stylo pour qu’elle puisse écrire. Après le repas du soir,  il lisait à voix haute les pages qu’elle avait noircies pendant la journée en faisant quelques commentaires ici ou là ; puis il lui dictait la suite. Elle aimait ces phrases étranges qui déroulaient les méandres de son âme troublée. La sensualité de leurs voix mêlées la faisait souvent pleurer.


Peu à peu, leur roman prenait forme. N’écrivaient-ils pas un pan d’une vie qu’il ne pouvait  vivre ?  La veille,  elle lui avait proposé un titre pour leur livre : « Les âmes égarées ». Il l’avait regardée, surpris, puis avait acquiescé en précisant qu’il faisait avec elle quelque chose qui était sans doute plus beau que la vie. Ce soir-là, avant de fermer la porte, il lui avait envoyé un baiser du bout des doigts.

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Maïté

7 janvier 2012

Le livre

Le dernier livre que sa mère avait lu - et sans doute le seul depuis les deux dernières années -  c’était une biographie de Johnny Hallyday. Elle aurait pu lui demander ce qu’elle en avait pensé,  mais au dernier moment elle s’était ravisée :  elle se contrefichait de Johnny.

Elle se demandait tout de même comment elle avait pu hériter de cette mère-là...

PS : en cadeau, cette petite citation de Johnny, lue dans le Canard enchaîné de cette semaine,  à la rubrique " le bête-of de 2011 " : "Alain Delon, c'est un vrai mec, de toute façon. Je pense pas être un pédé, moi non plus."

 

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