Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Presquevoix...
Archives
11 septembre 2011

La rentrée

Dès que Martine l’a vue,  elle s’est précipitée sur elle.

-    Alors ? La rentrée ? Comment c’était ?

Isabelle savait parfaitement que si Martine lui posait cette question, avec cet air détaché, c’est que la rentrée, elle, elle ne la ferait plus jamais. Depuis juin, Martine était en retraite !

Isabelle a essayé de ne pas lui en vouloir et d’oublier qu’elle,  elle ne serait peut-être jamais en retraite – elle a rapidement calculé de tête qu’ayant commencé à travailler à 28 ans, il lui faudrait accomplir 42 ans de service, que 42 plus 28, ça faisait 70, et que 70 ans, c’était l’âge où sa mère était morte !

Afin de ne pas donner à Martine de motifs de satisfaction supplémentaire, elle s’est essayée à l’enthousiasme.

-    Je dois dire que je n’ai jamais connu une aussi bonne rentrée ! Je n’en reviens pas moi-même !

Son amie l’a regardée surprise,  mais n’a pas fait de commentaires.

-    Et toi ? a ajouté Isabelle - la retraite, à quoi ça ressemble ?
-    Oh, je n’ai pas eu le temps d’y goûter vraiment. Je te dirai ça dans 1 an. Il faudra qu’on prenne un thé ensemble un de ces jours, quand tu auras le temps.

Quand tu auras le  temps ! Martine faisait certainement exprès de lui retourner le couteau dans la plaie. Isabelle l’aurait volontiers étranglée. Mais soudain elle lui a dit, assez contente d’elle-même.

-    Tiens, au fait, tu connais cette définition de la retraite ? La retraite, c’est comme les grandes vacances, sauf qu’à la fin, on meure.

Martine n’a pas ri. Décidément, même à la retraite, Martine n’avait aucun sens de l’ humour.

 Isabelle a passé son après-midi à préparer des cours, à repasser le linge en retard, à nettoyer la cuisine et la salle de bains, à préparer le repas du soir et ensuite, elle a attendu sagement l’heure du dîner en se prenant un apéritif.

A la première gorgée de porto, son corps s’est réchauffé, et à la deuxième, il lui est revenu cette phrase de Stendhal qui ne la quitterait plus désormais : "Il faut secouer la vie, autrement elle nous ronge".

PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus »

10 septembre 2011

Le rôti de porc

Il avait le goût du malheur, comme d’autre ont le goût du bonheur, et ce n’était pas du goût de sa femme. Le  20 aout, date de leur dixième anniversaire de mariage, elle  l’a assassiné avec le couteau qui lui avait servi à découper le rôti de porc. Juste avant de mourir, son mari a trouvé la force d’articuler.

-    Je  comprends pas, je t’avais pourtant dit qu’il était bon  ton rôti de porc !

Elle l’a regardé sans rien dire, qu’aurait-elle pu lui répondre ?

9 septembre 2011

Le bébé

Elle avait volé le bébé sur un coup de tête,  il était dans une poussette, non loin d’elle, et sa mère s’occupait de l’autre enfant dans le bac à sable. Il ne lui avait fallu que deux minutes pour sortir du jardin, et sa course dans les rues de Paris - poussette droit devant - avait duré 30 minutes. Maintenant elle était loin et essouflée, comme si elle avait couru un marathon.

Elles s’est arrêtée dans un square, a calmé dans ses bras le bébé qui pleurait et elle lui a dit d’une  voix dont la douceur l’a elle-même bercée.

- Tu es mon petit bébé à moi, tu es le plus beau bébé du monde, tu verras comme on va bien s’entendre touts les deux, tu verras.

Quand la police l’a arrêtée, errant dans les rues de Paris,  elle  a assuré que c’était son bébé et qu’elle avait accouché  à la maternité de Port Royal. Ils ne l’ont pas détrompée, mais elle a été obligé de les suivre.

8 septembre 2011

Le donneur de sperme

Il était Directeur commercial chez « Smith  and  Wilson »  et n’avait qu’un seul  passe-temps : donner son sperme.
Il ne s’en cachait  pas – tout le service commercial avait été abreuvé de ses  « performances » de donneur -  et il prenait plaisir à  souligner son altruisme. Certains murmuraient qu’il était "cinglé", mais il laissait dire ; des envieux, pensait-il…
Après quelques recherches, il avait la certitude   d’avoir engendré au moins 200 enfants, un record que même les plus polygames d’entre les polygames n’avaient jamais atteint. 
Pourtant, il ne comptait pas s’arrêter là…

6 septembre 2011

La voisine

Hier, je suis sortie sur la terrasse à temps ! Ma voisine de 82 ans, Madame B, avait réquisitionné son amie Ginette  – déguisée pour l’occasion en terminator à cisailles – afin de trancher dans le feuillage de mon forsythia. 

-    Plus on coupe, plus il sera vigoureux, m’a dit Madame B  pour justifier le carnage
-    Mais je l’avais déjà taillé la semaine dernière, ai-je ajouté, et les « coupes au bol » pour les forsythias, ce n’est pas mon truc.

A ces mots, Ginette a arrêté ses cisailles infernales, l'air gênée. Elle a même failli tomber de son échelle, la pauvre. Quant à moi, j'ai conclu en leur disant.

-    J’espère qu’il fleurira en février !

3 septembre 2011

l'appartement

Des fleurs artificielles de toutes les couleurs, des crucifix, des images de saints et d’anges, des chandeliers, rien n’était assez beau pour décorer son petit deux pièces qu’il avait aménagé avec amour et pour un prix modique, puisque la plupart des objets avaient été "empruntés" dans les cimetières des environs.
La dernière fois que sa mère était venue, elle s’était étonnée.

- Tu ne trouves pas que ton appartement ressemble de plus en plus à un cimetière ? C’est un peu morbide, non ?

Il lui avait répondu qu’il valait mieux vivre dans un cimetière que dans l’illusion !

2 septembre 2011

Les pélerins

Aujourd'hui, j’ai été affecté à ma nouvelle mission. J’étais presque content,  ce n’est pas tous les jours qu’on fait une BA en  emmenant un groupe de handicapés à Lourdes.  Quand j’en ai parlé à Dédé, le chauffeur qui va faire le trajet avec moi, il m’a dit qu’il préférait encore les adolescents aux handicapés. Les malades, ça le déprime !

Mon seul problème, c’est que je suis allergique aux prières et quand j’ai vu que pendant le voyage, je serai  interdit de radio parce que le groupe se dédiera à la prière et au chant, j’ai eu des doutes sur ma capacité de résistance. Je m’en suis ouvert à Dédé.

-          Neuf heures de bus en mode « prières », je sais pas si je tiendrai.

Dédé m’a répondu imperturbable.

-          T’auras qu’à mettre des boules quiès !

30 août 2011

Comme d’habitude

Vêtue d’un déshabillé vert amande, légèrement transparent, elle se dirigea vers son mari et lui dit en souriant.
-    Comment me trouvez-vous Jean Philippe ?
Il leva la tête de son journal, la considéra d’un air distrait et lui répondit.
-    Comme d’habitude, Maud, comme d’habitude.
Son indifférence lui fit l’effet d’une douche froide. Elle s’avança vers la table du salon, prit  le cendrier ou mouraient les cendres de son dernier cigare et elle le renversa   par terre.
-    Mais vous êtes folle Maud, cria Jean Philippe.
Maud répliqua calmement, tout en regardant les cendres étalées sur la moquette.
-    Folle, moi ? Allons donc, je suis comme d’habitude Jean Philippe, comme d’habitude.

29 août 2011

Insomnie

Vous êtes-vous déjà penchés  sur vos insomnies ? Moi oui, et je vous le déconseille, bien que je sache que donner des conseils n’a jamais servi à rien, ni à personne. Mais laissez-moi vous raconter mon histoire. Quand je ne peux pas dormir, ce ne sont pas  les moutons que je compte, mais les marches et en même temps que je compte les marches,  je les monte. Ma dernière insomnie fut longue, très longue, j’ai dû monter 1500 marches ; à la fin j’étais épuisée. Quand je  suis arrivée à la mille cinq centième marche, je me suis penchée pour voir de quoi mon insomnie avait l’air et c’est là que j’ai basculé. Cette chute m’a été fatale. Plus d’insomnies, certes, mais la mort, rien que la mort…


PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

27 août 2011

La vie en rose

P8170080C'était l'exact reflet du ciel la nuit où nous avons disparu à jamais. Je m'en souviens encore et je suis presque heureuse - je dis bien presque - parce qu'à cet instant précis j'ai vu la vie en rose. Je garderai cette sensation pour l’éternité, mais peut-on être sûr de ce que l’on gardera pour l’éternité puisque l’éternité nous dépouille de tout…

PS : photo prise par C. V. dans la Creuse en 2003

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés