Une femme seule dans une pièce chante à tue-tête. Un homme arrive.
H : Par pitié, tais-toi Muriel !
F (continue à chanter à tue tête) : Only you/ can make the darkness bright
H ( crie) : Tais-toi, tu me casses les oreilles !
F : Quoi ? Je te casse les oreilles ? Et moi qui m’entraîne pour ton anniversaire !
H : Tu ne vas quand même pas chanter ça dimanche devant ma mère, mon frère, sa femme et l’oncle Michel !
F : Ben si pourquoi pas ? Quand tu fais hurler Maria Callas, tu ne dis pas qu’elle te casse les oreilles, ELLE !
H : Maria Callas c’est Maria Callas mais toi, tu ne sais pas chanter. Tu prends des cours de chants peut-être ?
F : Bien sûr que j’en prends !
H : Depuis quand ?
F : Ca ne te regarde pas ! (elle se remet à chanter) Only you/ and you alone /can thrill me like you do....
H :(tape sur la table) : Ça suffit !
F : Quand je pense que je fais ça par amour pour toi !
H : Eh bien arrête de m’aimer !
F : Très bien. De toute façon, avec toi, c’est toujours la même chose, soit tu ne t’intéresses pas à ce que je fais, soit tu me dévalorises.
H : Tu ne vas pas recommencer à te plaindre !
F : Non, mais souviens-toi, quand je faisais du tennis, tu me demandais à quoi servait la raquette que j’avais dans les mains, quand je faisais du théâtre, tu me disais que j’étais aussi expressive qu’une machine à laver, quand je faisais du footing avec toi, tu me disais que j’aurais plus vite fait de marcher et maintenant que je chante tu me dis de me taire…
H : Et qu’est-ce qu’il dit ton professeur de chant ?
F : Il dit que je dois persévérer.
H : Forcément, il faut bien qu’il gagne sa croûte ! Combien tu le payes ?
F : Ça te regarde ?
H : Oui ça me regarde, on ne vit pas ensemble ?
F : Mon professeur est très pédagogue.
H : Si tu ne veux pas me le dire, c’est qu’il te fait payer les yeux de la tête !
F : Il dit que j’ai de la voix.
H : Ça pour avoir de la voix, tu as de la voix… mais elle est moche !
F : Eh bien puisque c’est comme ça, dimanche prochain tu n’auras rien.
H : Enfin Muriel si tu n’as pas une belle voix, je n’y peux rien moi, je ne vais tout de même pas te dire que tu as une belle voix, juste pour te faire plaisir.
F : Tu ne m’aimes pas !
H : Tout de suite les grands mots. Enfin ! Sois lucide Muriel ! Tu ne veux quand même pas que je te mente ?
F : On n’est pas toujours obligé de dire la vérité !
H : Tu ne m’as pas toujours dit ça !
F : Oui, mais j’ai changé d’avis. Eh bien, tu auras un anniversaire sans cadeau. Et puis il faut être lucide Gérard, à 50 ans, on ne fête plus son anniversaire, parce qu’à 50 ans on est plus proche du cercueil que du berceau !!!
H : Tu es quand même un peu garce, Muriel. J’essaie d’être sympa avec toi pour que tu ne te ridiculises pas devant ma famille et toi, pour me remercier, tu me supprimes mon cadeau d’anniversaire et tu me parles de ma mort !
F : Tu sais ce que ce sera mon prochain cadeau ? (en criant) La couronne que je mettrai sur ta tombe avec écrit dessus : « A mon défunt et regretté mari ! »
(Elle part en chantant à tue tête ) Only you/ Can make this world seem right/ Only you/ and you alone /can thrill me like you…