Moi, je raconte souvent des cracks, juste pour me rendre intéressante ! Il faut bien que je trouve des trucs pour qu'on m'écoute, sinon je passe pour une conne. Un jour ils regretteront de pas m'avoir écoutée.
Hier par exemple, je leur ai raconté un truc tellement énorme que tout le monde en était sur le cul ! Je me rends compte que j'y suis allée un peu fort, mais une fois que je commence, je peux plus m'arrêter : je leur ai dit qu'on m'avait violée ! Ça m'est passé par la tête, comme ça, comme un flash. Je me suis dit « Vas-y Cindy, tu vas voir, après ils vont tous s'occuper de toi ! » Ça a pas loupé, même Mélanie, la pute de service qui se prend pour Britney Spears, elle a pas pu s'empêcher de me regarder alors que d'habitude elle en a rien à foutre de moi.
Seulement, maintenant je suis dans le bureau de l'assistante sociale et j'ai envie de vomir. Je me demande ce que je vais lui dire quand elle reviendra ; je peux quand même pas lui raconter que mon père m'a violée alors que c'est pas vrai !
Je reçois ta lettre et je reste
perplexe. Pourquoi une lettre alors que nous nous voyons tous les jours ? Un
doute, une angoisse m’envahit, j’ai peur. Des images défilent devant mes yeux,
toi ce matin, comme d’habitude, rien à signaler, la routine et pourtant…
Je tourne et retourne
l’enveloppe, je la porte à mes narines cherchant un parfum, une odeur qui me
donnera la clé du mystère que je n’ose affronter. Je décide de ne pas l’ouvrir
de suite, je la pose sur mon bureau et je me remets à travailler. Le problème
c’est que cette tache blanche attire mon regard comme l’aiguille de la boussole
est attirée par le pôle magnétique. Je n’arrive pas à me concentrer et cela
m’agace. En fait, je ne sais plus si je suis agacé par ma propre couardise ou
par ma pseudo indifférence. Le téléphone sonne et c’est une délivrance qui
m’est apportée par un ordre de marche. Vite je dois aller dépanner un client.
J’hésite à prendre ce bout de papier, finalement, je le laisse à sa place,
saisissant l’occasion de m’en détacher l’espace de quelques heures.
Alors que je conduis, j’y pense.
Cela ne m’étonne guère, je le savais d’avance. Pourquoi ai-je choisi de
repousser à plus tard sachant que si je l’avais ouverte, je saurais enfin de
quoi il retourne et je pourrais soit en rire soit en pleurer ? Et si tu
m’annonçais que tu me quittais ? Et si au contraire, tu m’envoyais un mot
d’amour comme nous le faisions quand nous étions…amoureux ? Après vingt
ans de vie commune, est-on toujours amoureux ? Quel est ce sentiment qui
nous lie alors que la routine nous enlise ? A quand remonte la dernière
fois où je t’ai offert des fleurs, où je t’ai invitée au restaurant ? Et
si tu t’étais lassée de moi, de mes absences professionnelles, de mes heures
supplémentaires ? Et si, et si…
J’hésite. Ces quelques secondes
qui me semblent aller au même rythme que les battements de mon cœur qui cogne
plus fort qu’avant décident pour moi! La sortie de l’autoroute est là qui me
tend les bras, je mets mon clignotant et je repars dans l’autre sens.
M. et Mme Dumont entonnèrent le traditionnel « joyeux anniversaire » pour leur fils, François, qui venait d’avoir 15 ans et ils lui remirent son cadeau : la guitare électrique qu’il réclamait depuis longtemps. Ils savaient qu’ils en souffriraient mais ils tenaient à lui faire plaisir pour ses 15 ans.
Alors que son fils étrennait sa stratocaster, M. Dumont regarda sa femme l’air consterné et déclara.
- 15 ans déjà ! 15 ans, incroyable comme ça passe vite, non ? Le problème, c’est que quand je te vois, je me rends bien compte que j’en ai pris un coup derrière la cravate !
- Excusez-moi de vous dire cela crûment, mais j’ai pour habitude d’aller droit au but*.
Il la regarda, interloqué. C'était bien la première fois qu'une femme était directe avec lui.
- On couche ou pas ?
Sa question eut sur lui l'effet d'une douche glacée. Toute l'excitation qu'il avait senti monter retomba d'un seul coup. Il sentit son sexe se recroqueviller, misérable, dans son slip et il eut l’impression de se vider de son sang. Non, il ne pouvait plus rien imaginer avec elle, l'affaire était définitivement classée.
- Alors ? Insista-t-elle ? - Non. - Non ? - Oui, non ! On ne couche pas ! Articula-t-il péniblement. - La franchise ne paie décidément pas avec les hommes, constata-t-elle un peu amère.
Puis elle prit son manteau et claqua violemment la porte
* phrase tirée du livre de Marc Agapit, la bête immonde
Cachée par l’herbe haute, la tête entre les mains, je sens sous mes
doigts naître mon visage* lavé par les larmes qui ont jaillies me purifiant
ainsi de toute cette tristesse. Je me sens devenir légère, vidée mais enfin
libre. Ma poitrine se soulève, mes poumons aspirent goulûment cette nouvelle
force qui les pénètre, je lève et ouvre mes bras pour recevoir cette chaleur et
ce bienfait qui me fait devenir autre. Pourquoi maintenant, pourquoi
aujourd’hui et pas un autre jour ? Je revis en flash back ma journée,
cherchant l’évènement, l’inducteur de cet état et je ne vois rien si ce n’est
cette petite phrase assassine, jetée par inadvertance par une bouche que je
croyais posséder pour l’avoir tant embrassée...en pensées. Je réalise que c’est
la fin d’une utopie, d’une espérance qui m’a fait mal, qui m’a rongée jour
après jour, nuit après nuit me laissant sans répit et sans espoir… Je sens
monter en moi le début d’une sagesse que je croyais avoir oubliée, prise par l’étau
de cet amour qui n’en était pas un, je le reconnais maintenant. Je me redresse
et regarde autour de moi. Le champ est infini, je suis surprise par sa beauté
et sa quiétude, je réalise que je peux être heureuse sans lui, enfin !
* Anne Bregani, le livre des
séparations, Ed. Empreintes 2003
J'ai été paresseuse pendant ces fêtes et j'ai laissé mon amie tenir le blog seule, il était donc temps pour moi de revenir raconter mes petites histoires...
Je m’étais trompée ce n’était pas
lui, je regardais la silhouette s’éloigner, le cœur gros et les larmes au bord
des yeux. Je savais que je ne dirais rien à Elisa, peur de raviver la douleur
en elle, peur de lire le désespoir au fond de ses yeux, la désillusion au pli
de sa bouche. « Pourquoi faut-il que cela arrive juste pendant les
vacances, qu’est-ce que j’ai fait pour que ça tombe sur moi, encore une fois,
comme si j’attirais toutes les poisses environnantes ? » me
demandais-je à voix haute en reprenant ma marche.
- Parce que cela t’arrange
bien ! me répondit une voix.
Je m’arrêtais pile, cherchant qui
me parlait mais j’étais seule, seule au milieu d’une rue déserte à peine
illuminée par les lampes au-dessus des portes cochères et les rares candélabres.
Je tournais sur moi-même mais il n’y avait personne…Je repris donc mon chemin
en haussant les épaules et en marmonnant « C’est ça, joue à ta Jeanne
d’Arc, cela complète le tableau ! »
- Et qu’est-ce qu’elle t’a fait
Jeanne d’Arc ?
Je me figeais, tous mes sens en
alerte et fit un brusque tour sur moi mais aucun signe humain aux environs.
Tout était calme. Quelques ombres aux fenêtres éclairées, visions fugaces de
vie, des guirlandes clignotantes ici et là et au loin, le bruit assourdi de
l’autoroute. Je demandais à voix haute.
- Vous êtes qui, montrez-vous ! Si c’est un canular, c’est pas drôle et si
vous croyez me faire peur, c’est raté !
- Alors pourquoi tu
trembles ?
- Je tremble de rage parce que
j’aime pas qu’on se foute de moi, vous êtes où bordel !
- Ah ! cette jeunesses,
pourquoi jurer ? Il suffirait de demander les choses poliment…
- …
- Alors ? J’attends !
J’hésitais entre déguerpir et
hurler, finalement, j’optais pour la prudence.
- S’il vous plaît, pouvez-vous
vous monter ?
- Ah, voilà qui est mieux murmura
la voix.
Et, croyez-le ou pas vous qui me
lisez, mais je vis un chat sauter sur le muret du jardin de Mme Pignon et se
tenir assis me regardant dans les yeux. Je demandais au chat ne croyant pas
vraiment à ce que je faisais.
- C’est vous la voix ?
Et alors il se produisit quelque
chose d’extraordinaire, le chat se mit à parler.
- C’est si surprenant que
ça ?
- Un peu oui, les animaux ne
parlent pas !
- Oui mais nous sommes dans un
conte, donc tout est possible !
Je restais la bouche ouverte en
me demandant si je n’étais pas en train de rêver ou de délirer. Je n’avais pas
de fièvre, du moins je ne le pensais pas, et je n’avais rien bu ni fumé ! Je
me pinçais. Je ressentis la douleur, le chat était toujours là me regardant de
ses yeux jaunes. Je me dis mentalement que j’étais folle mais en y
réfléchissant décidais de saisir l’aubaine qui m’était donnée.
- Alors si tout est possible,
vous allez pouvoir le retrouver.
- Ah ! Je constate que tu as
l’esprit rapide et le sens de l’opportunité. Mais un service en vaut bien un
autre, ne crois-tu pas ?
Je soupirais bruyamment.
- Bon, nous y voilà ! J’ai
compris, c’est donnant-donnant, alors crachez le morceau et dites-moi ce que
vous voulez ?
L’animal ne se pressa pas, il se
contenta de me regarder. Son pelage noir disparaissait dans la nuit et je ne
voyais que ses yeux jaunes qui brillaient. A attendre comme ça, je me sentais
un peu stupide et je commençais à avoir froid. Je le lui dis.
- Jeunesse impatiente,
répondit-il, tu as un train à prendre, un rendez-vous urgent ?
- Ce n’est pas votre problème,
nous sommes là parce que nous pouvons conclure un marché, non ? Et c’est
vous qui êtes venus à moi je vous rappelle, donc crachez le morceau et que
chacun retourne chez soi ! J’ai pas qu’ça à faire moi.
Il se redressa et se mit en
mouvement sur le muret, je le suivis. Il se mit alors à m’expliquer ce qu’il
attendait de moi. A mesure qu’il parlait, je sentais une colère sourde gronder
en moi, finalement, je ne pus ternir et explosais.
- Il n’en est pas question, ce
type pue, il ressemble à un clochard et en plus chaque fois que je le croise,
il me fait peur !
Le chat me regardait de ses yeux
brillant. J’étais devant lui, les mains sur les hanches avec cet air furibond
qui impressionnait toujours mes copines quand j’étais en pétard.
- Un marché est un marché jeune
fille mais laisse-moi te poser une question. Qu’est-ce qui est le plus
important pour toi, la joie de ta petite sœur ou passer par-dessus des a
priori, des rumeurs, un jugement subjectif ?
Qu’est-ce que vous voulez
répondre à ça ? Cela me rageait de ne pas pouvoir le contredire mais bon,
je n’avais pas le choix et ce sacré chat le savait. Je baissais la tête et pris
mon temps, je ne voulais pas lui donner satisfaction tout de suite.
- Bon, bon, c’est OK, j’vais
m’arranger mais ça va pas être coton de convaincre ma mère, donc je garantis
pas.
- J’ai confiance, tu es une
personne pleine de ressources.
- Dites !
- Oui ?
- Vous êtes qui ?
- Tu le vois bien, un chat.
- Vous foutez pas de ma gueule,
je le vois bien que vous êtes un chat mais les chats ne parlent pas et ne
promettent pas de retrouver un chien perdu contre un repas de Nouvel An à …un pauvre
type.
- Il y a du vrai dans ce que tu
dis, donc je vais te répondre, je suis…
- Josiane, réveille-toi, on l’a
retrouvé !
Josiane ouvrit un œil secoué par
sa mère qui était penchée au-dessus de son lit. Elle avait le sourire aux
lèvres, à côté d’elle, une Elisa resplendissante.
- Je viens de recevoir un
téléphone du voisin, tu sais celui qui est au bout de la rue, ce type assez
spécial, on dirait un clochard. Il a retrouvé Posh blessé dans son jardin, il
lui a donné les premiers soins mais il semblerait qu’une patte soit cassée. Je
vais donc le chercher pour l’amener chez le vétérinaire.
Complètement réveillé, Josiane s’assit
dans son lit alors que sa mère s’apprêtait à quitter la chambre. Sans vraiment
réfléchir, elle lança.
- Dis maman, on pourrait pas l’inviter
mercredi soir ?
Elle se retourna surprise.
- Qui, le voisin ?
- Ben oui, il a retrouvé Posh et
c’est bientôt la nouvelle année ?
Après un instant d’hésitation,
elle sourit.
- C’est une bonne idée, je vais
lui poser la question.
Josiane entendit sa mère claquer
la porte d’entrée et partir en voiture. Satisfaite, elle se leva et se dirigea
vers la cuisine. Alors qu’elle versait du lait dans son bol de céréales, elle
leva les yeux et aperçut un chat noir qu’elle ne connaissait pas, un chat qui était
assis sur le mur du jardin et qui la regardait de ses yeux jaunes. C’est drôle,
mais Josiane avait l’impression que le chat lui souriait…
Quand il lui avait dit, au creux des draps, qu’il pouvait se métamorphoser en aigle, Lise ne l’avait pas cru et elle avait eu tort.
Ils prenaient un petit déjeuner tardif sur la terrasse qui donnait plein sud, lui vêtu de noir, elle dans un déshabillé bleu ciel. Leur première nuit s’était passée entre gémissements et assoupissements, et Lise était encore un peu ivre de plaisir. Elle ne se lassait pas de regarder ses yeux sombres qui l’inquiétaient un peu, mais elle aimait à se faire peur. Cette nuit-là, le sexe de cet homme avait su se plier à tous ses caprices ; combien de femmes avait-il dû faire jouir ?
Lui l’observait en silence, jusqu’au moment où il estima opportun de dire.
- Tu ne me croyais pas hier, pour l’aigle ? - Je suis comme St Thomas, lui répondit-elle, je ne crois que ce que je vois. - C’est étrange, les femmes ne me croient jamais avant. Après…
La menace qu’il laissa planer la mit soudain mal à l’aise, mais quand elle le regarda à nouveau, ses craintes se dissipèrent : il avait l’air tellement serein.
Une semaine plus tard, les parents de Lise déclarèrent sa disparition au poste de police le plus proche, mais l’enquête ne donna rien. L’homme chez qui elle avait passé la nuit fut interrogé, sa maison fouillée, sans résultat… si ce n’est trois plumes d’aigle retrouvées sur la terrasse et qui furent versées au dossier.
Ils étaient arrivés à l’heure convenue : 19 heures, il fallait toujours arriver à 19 heures, un rite. Ils s’étaient salués sans effusion excessive, avaient déposé leurs manteaux dans la chambre du fond, puis avaient pris les cadeaux dans leurs sacs. Dans sa famille à lui, on s’échangeait les cadeaux le 31 décembre.
Dans le salon, il y avait une chaleur étouffante, un feu brûlait dans la cheminée et le chauffage n’avait pas été éteint. Tout le monde distribuait ses cadeaux mais personne ne semblait manifester d’impatience particulière à les ouvrir. Il est vrai que certains savaient déjà quel serait leur cadeau. D’autres l’imaginaient, et c’était peut-être pire.
Quand il ouvrit son paquet soigneusement enveloppé dans un papier argenté, il découvrit une magnifique boîte noire qui contenait une très bonne bouteille de whisky, exactement la même que celle de l’année passée. Il replia le papier et remercia sa mère sans chaleur particulière : il ne buvait jamais de whisky.
Quand ce fut au tour de sa femme d’ouvrir le paquet vert orné d’un ruban rouge que sa belle sœur lui avait donné, elle n’eut pas la force de feindre l’enthousiasme : elle découvrit à l’intérieur la même coupe à fruits que celle qui lui avait été offerte trois ans plus tôt, mais pour son anniversaire.