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Presquevoix...

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23 décembre 2019

Le regard

Au restaurant, il s’était assis face au public, elle était face au mur. Peu importe, pensa-t-elle, aucun besoin de regarder les autres puisqu’il était en face d’elle. Par contre lui ne pensait pas ainsi et elle s’en aperçue immédiatement. A chaque fois qu’elle lui parlait, il ne la regardait absolument pas mais s’intéressait aux allées et venues.

-          Dis-moi, tu m’écoutes ou tu regardes des mannequins qui défilent ?

-          Je peux parfaitement t’écouter sans te regarder, tu sais.

-          Mais c’est merveilleux. Quelle capacité de concentration tu as acquise au fil des ans. Et surtout quelle attention !

-          Je peux même te répéter l’intégralité de ton discours si tu veux.

-          Non, épargne-moi ça, j'ai peur que tu te trompes. Bon, en tout cas, pour notre  prochain repas  au restaurant, on fera l’inverse, tu te mettras face au mur, et moi face au public, pour faire comme toi. Tu verras, c’est génial d’avoir devant soi quelqu’un dont le regard vous ignore et vous fait voyager au pays de l'invisibilité. Merci pour le voyage.

Il n’ajouta rien et elle nous plus, mis à part qu’elle demanda un deuxième verre de vin au garçon. Parfois le vin donne à la vie des couleurs de rêve.

Ce soir-là, avant de s’endormir, elle se dit qu’après 20 ans de vie commune, les yeux et les oreilles sont souvent aux abonnés absents, à moins de voir en l’autre une image qui est mieux que l’autre. Elle repensa immédiatement à une chanson de Jeanne Cherhal - « Quand on est moins amoureux » -,  chanson qui la fit sourire, parce qu'elle avait raison, Jeanne,  pourquoi se crever les yeux quand on est moins amoureux; franchement !

 

 

 

21 décembre 2019

Chance

Hier, j’ai rencontré une collègue dans le bus et j’ai eu conscience du bonheur qui était le mien : des petits – très petits – effectifs, un mi-temps thérapeutique et surtout un traumatisme crânien – eh oui ! – qui a changé ma façon de voir les choses.

Je dois dire que maintenant – au contraire de ma période pré-traumatisme – le fait que certains élèves ne veuillent pas ou peu travailler ne m’affecte aucunement et je ne m’en sens plus responsable. Je me contente de plointer mon doigt vers le proverbe que j’ai mis dans ma salle de classe - « Qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse. » -, et je passe à autre chose, parfois même, un sourire aux lèvres...

18 décembre 2019

Dis !

- Dis maman, pourquoi il pue le monsieur ?

- D'abord, tu sais très bien qu'on ne dit pas puer mais sentir mauvais, combien de fois je vais devoir te le répéter, ça ? Et puis, s'il pue, c’est peut-être qu’il ne peut plus se sentir, ça peut arriver à tout le monde ça, même à moi ou à papa ou à ta maîtresse ou au président...

- Dis maman...

- Quoi encore !

- Pourquoi il y a des gens qui couchent dehors ?

- Parce qu’ils n’ont pas de maison !

- Oui, mais pourquoi ils n’ont pas de maisons les gens qui couchent dehors ?

- Parce que la vie est injuste.

- Et pourquoi elle est injuste la vie ?

- Parce le gouvernement il pense à d’autres choses qu’aux gens qui couchent dehors.

- Mais à quoi il pense le gouvernement ?

- Ecoute, arrête de me poser des questions ! Est-ce que je t’en pose tout le temps des questions, moi ? Non, alors tais-toi ! Fais comme moi et marche !

 

PS : prochain texte samedi 21 décembre.

 

 

 

 

16 décembre 2019

Présence

 

 

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Enervé, assis près de la voiture qu'ils avaient arrêtée au bord d'une route minuscule qui les avait conduits dans cet étrange désert, il avait crié.

- Alors, ça y'est, t'as fini de mettre tes jambes en l'air ?

Elle n'avait pas répondu, habituée à ses rodomontades.

Il avait insisté.

- Bon, moi j'en ai marre de ton spectacle. Je pars. Rien à faire ici.

Toujours le silence. Seuls quelques cris d'oiseaux inconnus et un léger vent qui annonçait peut-être un orage à venir.

Il ouvrit la porte de la voiture, la ferma violemment, et c'est là qu'elle hurla "STOP".

Une fois près de lui, elle lui dit d'une voix étrangement articulée : "C'est l'ha-bi-tude de la vie qui cau-se la mort."*

Il  regarda son visage si long, si pure et il lui sourit en disant : « Ok, j’ai compris, donnons du temps au temps avant l’extinction des feux. »

 

*phrase de Hegel

PS : photo prise par ma fille en Amérique du Sud.

 

 

13 décembre 2019

Ecrire court

Il m’arrive très souvent d’écrire court afin de faire revivre ce que j’ai vu ou entendu. L’infidélité parfois  y  créé son sillage.

Etrangement, l’écriture donne à l’infidélité un air qui ressemble à une comptine qui ne vous a jamais quittée, de ces comptines qui – l’âge adulte arrivé - vous font sourire ou grandir, qui sait ?

 

PS : prochain texte le 16 décembre.

11 décembre 2019

Citation

 

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Quand cette visiteuse parisienne  lui avait dit en se mettant  face à lui   “Soyez donc résolu à ne plus servir, et vous serez libre.”,  il lui avait immédiatement répondu.

“ Ta gueule, on n'a pas tout à fait le même problème. Moi, je suis coincé pour des siècles et des siècles dans ce putain de musée  ! ”

Elle n’avait pas insisté et était partie. La prochaine fois, elle ne dirait cette citation de la Boétie qu’à ces collègues de travail, et encore…

 

 

 

 

 

9 décembre 2019

Routine

Le « Bonjour, ça va ? » appelle souvent un « oui, ça va et toi ? » ; ça ne peut qu’aller bien de toutes les façons, même si ça va mal, où l’autre à qui nous nous adressons, et qui ne va peut-être pas bien lui-même, ira encore plus mal, qui sait ?

D’ailleurs si vous allez mal et que vous le dites, vous ennuyez l’autre, même s’il va bien, et il finira par  vous fuir systématiquement ! Dans ce monde qui nous use, nous préférons fermer les yeux, souvent, bien souvent.

Parce que le problème du « ça va ? » c’est qu’il est souvent dit d’un ton enjoué, alors on se met à la place de l’autre – qui pourrait être nous  – et on n’a pas envie de le pousser dans ses retranchements l’autre, en répondant : « Non, ça va pas et toi ? ». Car il est vrai que commencer à se regarder soi-même, c’est la porte ouverte vers une longue, très longue introspection…

7 décembre 2019

S’ouvrir

L’autre jour, dans le bus, les yeux fermés, centrée sur ma respiration, je me demandais quel était le secret d’une vie réussie. A l’arrêt final,  j’en étais arrivée à la conclusion qu’une vie ne se réussissait pas, elle était, tout simplement, entre vents et marées, ouverte à soi et aux autres…  

 

4 décembre 2019

Les forces de l’ordre

Il y a bien longtemps – et cela n’a pas dû changer, bien au contraire -  j’avais entendu deux policiers dire  que lorsqu’ils voyaient des jeunes de banlieue qui détalaient à leur approche, c’était certainement parce qu’ils avaient quelque chose à se reprocher… Mouais, je veux bien ! Mais qu’est-ce qu’ils voudraient qu’ils fassent les jeunes de banlieue ? Qu’ils les attendent pour leur donner l’accolade et leur parler de leurs problèmes avec leurs parents ?

Je dois dire que moi-même  – alors que je pense entrer dans la catégorie des gens intégrés socialement -  la dernière fois que j’ai été arrêtée par des gendarmes mobiles sur le bord de la route je n’ai eu qu’une envie c’est de détaler car je me suis sentie en faute ; sans doute de vieux réflexes reptiliens réactivés par tout ce qu’on voit à la télé ! Tout, dans le comportement du gendarme à qui j’ai eu affaire, tendait à me prouver que j’étais coupable : « Descendez de voiture ! » « Suivez-moi ! » « Montez dans notre voiture ! » « Et le contrôle technique ? Vous auriez dû le faire ! » « Donnez-moi vos papiers ! » « Ce qu’on va faire de vos papiers ? On les garde et vous viendrez les rechercher dans nos bureaux ! ». Une soudaine bouffée de colère contre lui est montée mais je me suis contrôlée.

Total, une semaine plus tard, le même gendarme mobile sonnait chez moi pour me rapporter mes papiers – ordre du chef ! - parce qu’il avait commis une erreur. Ah, il n’était pas si fier sur mon palier, le regard terne, la botte moins conquérante, l’uniforme en berne et l’excuse aux lèvres. Je vous jure que j’ai tout fait pour ne pas l’humilier !

Tout ça pour dire que Jeudi 5 décembre, je serai dans la rue car cette réforme des retraites - comme toutes les précédentes depuis 1993 - n’a qu’un objectif : diminuer les retraites, sauf que, avec ce projet de retraite par points, nous allons encore plus loin dans la duperie. Maintenant, j’ose espérer que les policiers ne réagiront pas jeudi, comme ils l’ont fait depuis novembre 2018 dans la plupart des manifestations qui ont eu lieu. Par prudence, je garderai mon casque dans ma sacoche de vélo, au cas où… sans oublier un foulard, bien sûr.

 

PS : prochain texte, samedi matin. C'est fatigant une grève !

2 décembre 2019

Une autre vie

 

 

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Il lui avait fallu attendre 43 ans pour que cette révélation - vécue le jour de ces 19 ans - en Grèce, refasse surface. L’inconscient a d’étranges chemins qu’il parcourt au rythme de la mémoire intemporelle des choses.

Sans doute fut-ce aussi la souffrance surgie de ce Stabat mater de Vivaldi qui, dans un éblouissement, l’avait fait voyager dans le temps. Cette “Mater dolorosa” n’était-ce pas elle, aussi, elle qui marchait au rythme des violons du ciel ?

Son mari, voyant la tournure que prenaient les choses lui avait fait prendre rendez-vous avec le médecin généraliste qui, lui-même, lui avait donné l’adresse d’un psychiatre qui, lui-même - avec l'acceptation de son mari - l’avait conduit en “détention” psychiatrique.

Etrange, avait-elle pensé sans aucune colère, comme les chemins des uns peuvent être incompris des autres ?

 

PS : photo prise en Grèce, par une amie, il y a très très très longtemps...

 

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