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Presquevoix...

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30 mars 2009

Non ! (gballand)

Renoir- Non !
A chaque fois il lui opposait un non, pas avec elle, jamais avec elle ! Pourtant, avec les autres il ne se gênait pas. Il fallait voir comme il les entreprenait,  les serrait,  les pressait même. Il leur parlait souvent au creux de l’oreille,  à croire qu’il aurait voulu… Mais avec elle, non, jamais ; avec toutes, sauf elle.
Quand elle le lui reprochait, il lui disait juste qu’il ne l’avait pas épousée pour aller au bal ; et aussitôt, il en invitait une autre et leurs corps s’éloignaient dans une valse folle…

PS : peinture de Renoir, vue sur ce site.

29 mars 2009

Mes lunettes et Georges (gballand)

Je m’étais achetée une nouvelle paire de lunettes, j’en avais bien besoin, je n’y voyais plus. La rue, les êtres, la vie m’apparaissaient flous : je perdais pieds. Quand l’opticien a pris ma vieille paire, il m’a dit : «  Il était temps ! ». C’est vrai qu’il était temps ! J’ai eu du mal à choisir. J’en ai chaussé 10, 15, 20 avant d’élire la paire rare, celle qui me chausserait comme un gant. Le lendemain, je suis allée la chercher. J’ai déambulé chaussée de ma nouvelle paire ; tout le monde l’a remarqué. Même la concierge, elle m’a dit : « Vous avez l’air vraiment plus jeune ! ». J’ai pris une grande résolution pour mes lunettes : je les bichonnerai, chouchouterai, nettoierai, je les rangerai dans leur étui après usage et je ne les laisserai plus traîner n’importe où. Il faut dire que je les ai payées très cher. Georges m’a même fait une remarque sur leur prix – « Des lunettes de ce prix, tu es folle ma chérie, complètement folle ! » - De quoi se mêle t-il Georges ? Qu’est-ce qu’il connaît aux lunettes, il n’en a jamais portées !

En rentrant chez moi, j’ai buté dans l’escalier, mes lunettes sont tombées, mon cœur a chaviré. Je me suis précipitée pour les ramasser. Je les ai cueillies en équilibre sur le bord de la dernière marche. Je les ai observées à la lumière, elles n’avaient rien de cassé ! J’ai alors décidé d’exercer une surveillance rapprochée de mes lunettes, je ne les quitterai plus de l’œil.

Quand je me suis mise au lit, Georges m’a dit :

- Tu gardes tes lunettes ?

- Je lui ai répondu un peu énervée.

- Oui, pourquoi ?

- Parce que d’habitude tu ne les gardes pas.

Je l’ai regardé par-dessus mes lunettes sans lui répondre puis j’ai éteint la lumière de ma lampe de chevet. Georges a paru interloqué.

- Tu gardes tes lunettes pour dormir ?

J’ai rétorqué.

- Oui, je ne veux plus faire de rêves flous !

Georges ne m’a rien dit mais j’ai bien vu à son visage qu’il ne m’approuvait pas.

Le matin, je me suis réveillée fatiguée, j’avais mal dormi : forcément toute une nuit à surveiller ses lunettes ! Georges a dû me secouer deux fois pour que je me lève. Dans la salle de bain, j’ai regardé mes lunettes dans la glace : elles n’avaient pas bougé. Pour me laver, je n’ai pas enlevé mes lunettes. Georges m’en a fait la réflexion. Je n’ai pas cru bon devoir lui répondre : il n’a jamais porté de lunettes, il ne sait pas ce que c’est. Au bureau, j’ai peiné sur les comptabilités en cours. Ils n’ont rien dit de mes lunettes : seuls les chiffres comptent !

Quand je suis rentrée, Georges s’activait dans la cuisine. On a mangé « à la Georges » puis on a regardé la télé. Georges m’a fait remarquer que je touchais toujours mes lunettes. Je lui ai répondu que ça devait être une manie. Georges m’a signalé que ça devait être une manie récente. De quoi s’occupe t-il Georges ?

D’habitude j’ai du mal à accepter ce qui est nouveau mais avec ces lunettes, tout s’est passé harmonieusement : elles sont légères, elles s’adaptent, elles comprennent ce que mon regard veut ou ne veut pas voir. Oserais-je dire que ce sont des lunettes parfaites, des compagnes idéales ! Par contre, Georges ne me comprend plus ! Mes nouvelles lunettes le déstabilisent au point qu’il ne veut plus les accepter au lit. Je ne céderai pas. Je lui ai dit clairement :

- Georges, mes lunettes et moi sommes solidaires, c’est elles et moi ou personne !

Georges s’est tu mais la façon dont il m’a regardée m’a bouleversée ; c’était un regard perdu... Georges n’y voit  plus clair, il ne sait plus où il en est, son travail le fatigue, il doit faire du surmenage. Je lui ai conseillé de prendre un rendez-vous chez le médecin.

Le lendemain, quand je suis rentrée du travail, notre médecin de famille m’attendait. Je lui ai demandé s’il venait pour Georges. Il m’a dit que non, qu’il venait pour moi, que mon mari lui avait demandé de venir. J’ai été un peu étonnée. Je lui ai dit que je ne souffrais pas mais que Georges par contre... Il ne m’a pas écoutée et m’a parlé de mes lunettes. Je l’ai mis à la porte, de quoi se mêle-t-il ? Il y a bien assez de Georges et de ses obsessions. Quand je me suis couchée, j’ai entendu Georges rentrer. Il s’est précipité dans la chambre, l’œil inquiet.

- Alors, tu as vu le médecin ?

Je l’ai rassuré en lui disant que j’avais mis le médecin à la porte. Georges l’a très mal pris.

- Tu es folle, complètement folle ! M’a t’il asséné.

De quelle folie parle t-il ? Il n’a pas voulu se coucher à côté de moi.

- Tant que tu n’enlèveras pas tes lunettes, nous ne coucherons plus ensemble !

Nous ne nous comprenons plus. Mes lunettes sont entre moi et Georges. Je me demande pourquoi il ne les accepte pas. Il doit bien y avoir une raison mais laquelle ?

La dernière fois que Georges est entré dans la chambre, je leur parlais, je leur disais que j’étais peinée de son attitude à leur égard, qu’il devrait leur manifester plus d’humanité. Georges m’a demandé à qui je parlais. Je lui ai répondu que je parlais à mes lunettes. Il a claqué la porte de la maison en hurlant que j’étais folle à lier et que si je ne consultais pas rapidement un psychiatre, il partirait ! Un psychiatre ? Moi ? Georges est devenu fou ! La jalousie l’aveugle ! Pourtant dans un couple, surtout un couple marié depuis 25 ans, sans enfants, il doit bien y avoir de la place pour une nouvelle relation ! Vous ne trouvez pas ? Je savais que vous alliez être d’accord avec moi docteur. D’ailleurs c’est vrai, depuis que je suis ici, dans cette nouvelle maison où tout est blanc, reposant, avec des petites pilules de couleur différente le matin, le midi, au goûter, le soir, je me sens  mieux. Ici on me comprend. Ici, on m’écoute. Ici, on me respecte. Je me sens bien mieux qu’avec Georges. D’ailleurs, quand il vient me rendre visite Georges, je n’ai qu’une envie, c’est qu’il parte,  nous ne nous comprenons plus. Et puis maintenant, il fait exprès de me parler tout doucement, comme si j’étais malade. Pour qui se prend-il Georges ?

28 mars 2009

Quand ? (gballand)

Il avait raté sa mort comme il avait raté sa vie. Cet échec l'accablait. Quand connaîtrait-il enfin le succès ?

27 mars 2009

Un beau projet (MBBS)

Quand le téléphone sonne il sursaute. Il hésite avant de tendre le bras et de saisir le combiné. En fait, il déteste cet appareil intrusif qui par sa sonnerie péremptoire l’oblige à réagir, contre sa volonté. Il aimerait ignorer, il aimerait passer outre mais il n’en a jamais le courage espérant à chaque fois la nouvelle qui le libérerait de ses chaînes et de ses obligations.

- Allo.

- Tu en mets du temps pour répondre, je pourrais crever dix fois avant que tu te bouges !

- Comment vas-tu ?

- Bien mais ce n’est pas grâce à toi, tu ne viens jamais me voir.

- Je suis venu lundi, mercredi et hier, j’ai aussi des obligations, un travail…

- Parlons-en de ton travail, t’occuper des autres alors que j’ai tant besoin de toi…

- Tu as vu ton médecin aujourd’hui ?

- Ne change pas le sujet de la conversation, dès que quelque chose ne te plait pas, tu dévies mais je suis bien là, j’ai encore toute ma tête même si tu penses parfois le contraire. Tu soupires, je t’ennuie peut-être ? En fait, tu n’as jamais fait attention à moi, j’ai toujours eu l’impression d’être un fardeau pour toi depuis que ton pauvre père…

Il entend ses sanglots, il aimerait qu’elle s’étouffe avec…Elle renifle, se mouche et il attend la suite.

- Il fait beau aujourd’hui et je voulais aller sur la tombe de ton père, tu devrais venir avec moi, tu n’es plus venu te recueillir depuis…je n’ose compter les semaines de peur d’avoir honte pour toi.

Bon c’est décidé, il va la tuer, le tout est de savoir comment. Il va y réfléchir et cette pensée lui remonte tout de suite le moral, lui laissant enfin entrevoir une lueur au bout de son tunnel de fils unique enchainé. Tout guilleret par cette prochaine libération, il propose de conduire sa mère au cimetière et ils conviennent d’une heure de rendez-vous. Il repose le téléphone et un sourire se dessine sur ses lèvres. En voilà un beau projet…préparer et mettre en scène la mort accidentelle de sa mère…

27 mars 2009

Révélation (gballand)

gorilleC’est quand elle vit la photo dans l’encyclopédie animalière qu’elle feuilletait le soir avec son fils qu’elle se rendit à l’évidence : son patron était un gorille.
Elle avait déjà eu de sérieuses présomptions : quand elle l’entendait marmonner dans son bureau ou  quand elle le surprenait à la cantine entrain d’éplucher une banane. Mais là, plus de doutes possibles, une mutation irréversible s’opérait et elle devait en avertir le personnel.
Ce lundi-là, quand elle arriva au bureau avec une demi-heure d’avance, pour éviter les embouteillages, elle espéra ne pas tomber sur  Josiane. Josiane arrivait toujours très tôt, à croire qu’elle espérait une promotion du patron. Elle se demandait même si entre Josiane et lui...
Les lumières étaient éteintes, mais elle entendit des grognements lointains. Au fur et à mesure qu’elle avançait dans le long couloir sombre, les grognements redoublaient ; à tel point qu’elle se crut dans la jungle. Ça venait justement du bureau du patron. Tremblante, elle s’approcha à pas de loup, regarda par le trou de la serrure, et ce qu’elle vit la terrorisa. Elle courut aussitôt s’enfermer dans son bureau et n’en bougea plus. Son téléphone sonna à 8 h 30 précises, c’était le patron qui lui demandait de venir  avec le dossier Duranchon. Elle blêmit : le dossier Duranchon n’existait pas.
En parcourant les 50 mètres qui  la séparaient de son bureau, elle essaya de réfléchir à la meilleure attitude à prendre, mais elle n’arriva à aucune conclusion. Elle frappa. Il lui dit d’entrer d’une voix rauque. Dès qu’elle eut franchit le seuil de la porte, elle fut prise à la gorge par une forte odeur animale ; elle ne s’était donc pas trompée.
Le patron lui tournait le dos, sa silhouette massive occupait tout l’encadrement de la fenêtre. Il lui dit sans se retourner.
- Je vais devoir me séparer de vous Madame Bouton. Vous êtes bien trop curieuse.
Elle ne répondit rien et attendit, figée. C’est à ce moment là qu’il se retourna en se frappant le torse avec ses poings. Elle s’évanouit aussitôt.
Quand elle se réveilla, Josiane était à ses côtés avec un verre d’eau. Elle en fut presque rassurée, mais elle entendit des grognements lointains et Josiane se mit alors à pousser de petits cris perçants en fronçant le nez. Elle s’évanouit à nouveau.

* photo vue sur ce site : www.futura-sciences.com

26 mars 2009

La poêle (gballand)

Pourquoi  faisait-il  toujours exprès de parler quand elle pensait ? Pour qu’elle se perde et qu’elle ne se retrouve plus ? Elle ne pouvait plus penser tranquille dans cette maison et son coeur s’affolait comme un oiseau blessé.
« Tais-toi, je pense, tais-toi je pense, tais-toi je pense… » marmonnait-elle inlassablement pendant qu’il lui parlait ; mais il ne s’arrêtait pas, il ne s’arrêterait donc jamais ? Elle sentait que bientôt la marée de ses mots la submergerait  et elle ne savait pas nager.
C’est à cause de ça qu’elle l’avait assommé avec la poêle ; enfin le silence s’était fait.

25 mars 2009

Une journée de la jupe, sinon rien ! (gballand)

Extraordinaire ce film de Jean-Paul Lilienfeld vu sur Arte vendredi dernier. Une Isabelle Adjani parfaite, des élèves d’une authenticité époustouflante et des dialogues impeccables. Un film qui, dès le départ, glisse vers l'inconcevable et laisse le  sage   Entre les murs de Laurent Cantet    loin derrière lui…
Ce film ne  mériterait-il d’ailleurs pas d’être présenté dans les établissements scolaires dès la classe de troisième ? Que de débats pourraient être alimentés sur des thèmes qui secouent l’école d’aujourd’hui : les rapports filles-garçons,  l’intimidation et la loi du silence, la violence verbale, la laïcité, l’acceptation de la différence, le sens de l’école, les rapports professeurs-élèves etc.
Tenir une classe au bout de son flingue pour se faire entendre d’élèves qui ne veulent rien entendre … je me disais que peut-être...non, quand même pas… mais tout de même…
Quel professeur n’a jamais été traversé par ce fantasme de toute puissance, surtout lorsque l’impuissance est un rendez-vous quotidien ?

PS : ce film sort au cinéma dès aujourd’hui.

24 mars 2009

l'ardoise, la craie et l'éponge (MBBS)

« Dès qu’il se mit à parler, je sus que j’allais l’aimer. Il avait une voix chaude et enveloppante et un petit accent vieille France très attirant. Il savait écouter, il ne m’interrompait pas et quand il le faisait, c’était pour reformuler et ainsi être sûr que nous nous étions bien compris. Je lui téléphonais dès que je pouvais, inventant des prétextes futiles et anodins, cherchant à lui poser des questions dont je savais déjà la réponse. Le matin, au réveil, je pensais déjà à lui et au plaisir que j’aurais à retrouver le téléphone au bureau, outil précieux qui nous reliait tel un lien solide et stable. Nous n’abordions jamais des sujets personnels directement et quand il s’agissait de clore l’entretien, nous laissions toujours un temps s’écouler avant de dire le fatidique « au revoir » qui allait nous séparer. »

Elle soupira, le menton au creux de sa main, les yeux perdus dans je ne sais quel rêve.

- Et alors, que s’est-il passé ? ai-je demandé

Elle dirigea son regard vers moi, une moue apparut sur ses lèvres rouges.

- Rien !

- Comment rien ? ai-je questionné. Tu as fait sa connaissance ?

- Non.

- Vous n’avez jamais essayé de vous rencontrer ?

- Non.

- Mais c’est débile ! Visiblement, il te plaisait et peut-être que toi aussi tu lui plaisais, une rencontre aurait pu aboutir sur une relation plus…concrète, je ne sais pas moi, une idylle, une histoire d’amour…

Elle sembla se réveiller, me regarda droit dans les yeux et d’une voix posée me répondit.

- Et me retrouver face à un chauve, moche, plein d’acné, le mollet flasque, le ventre rond, la lèvre pendante et les yeux globuleux, non merci.

Sans voix, je réussis toutefois à dire.

- Et si ça avait été le contraire, si ton inconnu avait ressemblé à …Georges Clooney par exemple, tu ne penses pas que cela aurait valu la peine de tenter le challenge ?

- Non, entre rêver et affronter une réalité qui pourrait tout effacer, j’ai préféré l’ardoise immaculée à la craie et à l’éponge.

24 mars 2009

La visite (gballand)

« Non, désolé, il ne veut pas venir », c’est ce qu’on lui avait dit quand elle s’était présentée ce matin-là à 9 heures. Elle en avait été étonnée… Cela ne s’était-il pas bien passé la fois précédente ? Elle avait dit ou fait quelque chose de déplacé ? Elle avait eu un regard malveillant ? Elle l’avait gêné ?
Non il ne voulait pas venir, il fallait tout simplement l’accepter. Il avait certainement de bonnes raisons de ne pas vouloir venir. Après tout, était-ce si important  ? N’était-elle pas, une fois de plus, en train de se rendre responsable de choses qui ne lui appartenaient pas ?
Elle reviendrait et peut-être que la fois prochaine…

22 mars 2009

Le malheur des uns… (gballand)

« Faites vous-même votre malheur, téléphonez au 02 75 25 88 34  »
Il avait lu cette annonce dans Libération, et il avait téléphoné immédiatement. Sans doute fallait-il être un peu fou pour téléphoner, ça tombait bien, il l’était. La première fois qu’il avait appelé, personne n’avait répondu, la deuxième non plus. Ce n’est que la dixième fois qu’une voix de femme lui avait confirmé qu’il était bien chez la personne qui avait passé l’annonce.
- Vous voulez donc faire votre malheur ? S’enquit la voix.
- Oui.
- Pourquoi ?
Sa question l’avait un peu déstabilisé. Il pensait qu’il aurait tout de suite pu faire son malheur, sans avoir d’explication à fournir.
- Je n’ai pas envie de vous répondre.
- Alors je ne peux pas accéder à votre requête.
- Mais pourquoi toutes ses questions ? Insista-t-il énervé.
- Pour savoir si vous êtes apte à faire le saut. D’ailleurs il vaudrait mieux qu’on se voit. Je procède toujours ainsi avant de signer le contrat.
La voix était agréable, ferme, grave quoiqu’un peu voilée. Il se laissa convaincre et  rendez-vous fut fixé le lendemain, à la coupole. Elle avait dit qu’elle aurait un chapeau noir à voilette et qu’il ne pourrait la manquer.
Elle était installée près d’une large baie vitrée, habillée de noir. Ses mains arboraient d’étranges mitaines à dentelle et il se dit qu’elle en faisait peut-être un peu trop.
- Bonjour, dit-il en se plaçant devant elle, c’est moi qui vous ai téléphoné hier pour l’annonce.
Elle le regarda derrière sa voilette, puis elle souleva le tulle. Quand il découvrit son visage, il en eut le souffle coupé. Elle remit immédiatement sa voilette en place, comme si trop de choses avaient déjà été découvertes. Il finit par dire, la voix tremblante.
- Alors c’est toi !
- Alors c’est moi. Je me disais que cette annonce te ferait peut-être sortir de ta tanière.
- C’est réussi.
- Tu m’en veux ?
- A ton avis ?
Elle était devant lui et il aurait préféré l’oublier. Comment avait-elle su qu’il répondrait à cette annonce ? En deux ans, elle n’avait pas changé.
- Eh bien assieds-toi. Ne reste pas là, planté !
Il regarda la chaise qu’elle lui désignait, puis finit par s’asseoir sur le bord, prêt à s’enfuir au premier danger.
- Tu chasses les déprimés ? Lui dit-il enfin.
- Appelle ça comme tu veux.
- Beaucoup d’appels ?
- Toi et quatre autres. Je t’ai donné la préférence. Je verrai les autres après.
- Et que comptes-tu faire ?
- J’écris un livre, et plus si affinités.
Il la regarda sans comprendre, comme un enfant perdu.
-  Un livre sur quoi ?
- Je te laisse deviner.
Il préféra éluder la question.
- Tu n’as pas perdu ton talent de mise en scène.
Elle sourit et remonta sa voilette qui fit sortir de l’ombre son nez droit et ses yeux clairs.
- J’ai fait des études pour ça.
Il se souvint qu’elle avait suivi un cours de théâtre et qu’un temps, elle s’était dédié à la mise en scène dans un théâtre parisien.
- Tu as l’air contente de toi, semble-t-il ?
- Peut-être. Et toi ?
Ce « Et toi ? », prononcé sur un ton léger fut de trop, elle l’avait mal joué. Elle s’en rendit compte, mais une fraction de seconde trop tard. Il se pencha vers elle, la gifla, et se leva. Juste avant de partir, il lui asséna d’une voix tranchante.
- Ça ne te pas suffit de m’avoir conduit au suicide, il t’en faut d’autres ?
Cette fois-ci il marquait un point. A toute chose, malheur est bon, pensa-t-elle. Elle se souvint qu’elle avait rendez-vous avec son deuxième client à 11 h 00, il était temps de partir. Avec lui, elle avait déjà trop joué.

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