Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
12 mars 2009

La vieille (MBBS)

Tout paraissait si tranquille, pas un souffle d’air, le bruit de la mer comme musique de fond accompagnée de quelques cris de mouettes et un ciel bleu limpide comme le fond de ses yeux.

Couchée sur son transat, le regard caché derrière ses lunettes, elle observe les alentours, guettant le moindre indice lui signifiant quelque chose d’anormal. Quand a-t-elle commencé à se méfier, à surprendre ces regards entendus, à noter ces événements bizarres, à avoir peur ? Elle ne s’en souvient plus, l’angoisse ayant balayé toute notion de temps et de réalité. Depuis des semaines, elle fuit, de ville en ville, d’hôtels en pensions, de chambres en refuges précaires, dormant parfois même dans sa voiture, quand le contact avec le monde devient trop difficile à supporter. Sur cette plage désertée par les vacanciers tous retournés à leur routine, elle sent le soleil réchauffer ce corps qui n’en peut plus d’être en manque d’amour, qui aimerait être serré, bercé, enlacé comme elle le fit tant de fois à ses enfants, aux hommes qui ont partagé sa vie.

Sa main posée sur sa cuisse est tachée de points bruns, sa peau a perdu son élasticité et sa finesse sans parler de ce corps qui ne ressemble en rien à ce qu’elle fut, un jour, il y a si longtemps.

Seule, vieille, abandonnée, persécutée, elle se demande ce qui la pousse à vivre malgré tout…

 

- Maman, maman.

Carole lève les yeux de son livre et regarde son petit garçon courir vers elle. Il se jette dans ses bras et crie.

- J’ai trouvé un trésor, un trésor de chevaliers, viens voir, tu vas m’aider ! et de la tirer par la main hors de sa chaise.

Avec un petit soupir, elle pose son livre ne regrettant qu’à moitié de ne pas poursuivre sa lecture. Après tout, il fait trop beau pour s’immerger dans des histoires cafardeuses et l’héroïne de cette nouvelle ne la tente pas vraiement.

12 mars 2009

Paranoïa (gballand)

- Je suppose qu’il n’y a pas de fruit ? Lui dit-il d’une voix qu’elle jugea impatiente.
Toujours ces interrogations négatives ! Il l’accusait d’être paranoïaque, mais il y avait de quoi : « Je suppose qu’il n’y a pas de fruits » ce n’était quand même pas la même chose que  « Est-ce qu’il y a des fruits » ! S’il posait des questions simples, elle n’aurait pas l’impression d’être remise en cause en permanence.
Ne cherchait-il pas à la rendre folle, tout simplement ?

11 mars 2009

Adoption (gballand)

Quand il lui avait dit,  "Je voudrais que tu m'adoptes", elle avait cru à une plaisanterie, bien que rien ne le laissât présager ni dans son ton, ni dans l'expression de son visage. Elle ne releva pas son propos et  continua à manger sa cuisse de canard comme si de rien n'était ; après tout, elle ne le connaissait que depuis un mois. Deux jours plus tard, elle trouva dans sa boîte aux lettres le courrier suivant :

Marie

Hier, je t’ai demandé de m’adopter, mais tu n’as rien répondu. Ton indifférence m’a profondément blessé. Je préfère te quitter plutôt que d’être à nouveau déçu. Je trouverai sûrement une autre femme qui, elle, m’adoptera !

Christophe

Elle déchira sa lettre en plusieurs morceaux qu’elle mit dans sa poche. Une fois chez elle, elle emballa les morceaux dans un petit papier cadeau qu’elle referma consciencieusement. Sur le paquet, elle colla  une étiquette où elle écrivit « Je ne suis et ne serai jamais ta mère ! Va te faire soigner ! ». Puis elle glissa le paquet dans une enveloppe en papier kraft où elle écrivit l’adresse de Christophe en gros caractères.
Elle  contempla le paquet avec une certaine satisfaction et décida qu’elle le posterait le lendemain matin.

10 mars 2009

Le pouce (gballand)

- J’ai mal au pouce.
Elle répondit d’un ton distrait.
- Ah bon !
Malgré son indifférence, il continua à lui parler de son pouce qui le faisait, selon lui, terriblement souffrir.
- Il faut peut-être le couper et tu ne souffriras plus, concéda-t-elle.
Il s’énerva et répliqua.
- Oui, c’est ça, on coupe, on coupe, et quand on n’a plus rien à couper c’est qu’on est mort !
Elle préféra sortir de la pièce afin de couper court au long monologue qu’elle sentait venir.
Décidément, il vieillissait mal…

9 mars 2009

Une amie (MBBS)

- Quel cœur d’artichaut tu fais !

Les deux amies sont assises à la table d’un restaurant huppé de

la Riviera Vaudoise

, face à la baie vitrée qui surplombe le lac.

- Oui, je sais, mais cette fois c’est le bon, je t’assure. J’en suis follement amoureuse.

Lisa émiette un bout de pain avant de répondre.

- Tu m’avais dit la même chose avec Jean…

Un peu surprise par ce retour à cet amour difficile, Carole hésite une fraction de seconde avant d’éclater de rire.

- Tu as raison, mais je crois toujours que c’est le bon et je suis toujours sincèrement amoureuse. Ce n’est pas de ma faute si ça ne marche pas…mais peut-être as-tu raison, j’ai un cœur d’artichaut.

Le maître d’hôtel se présente à leur table avec la carte des vins. Elles demandent conseils et veulent des produits locaux. Il suggère alors un vin rouge valaisan au nom évocateur : Romance.

Alors que le nectar commandé est versé, elles lèvent leur verre à la nouvelle histoire d’amour de Carole. Des parfums de fruits rouges chatouillent leur odorat et elles dégustent par petites gorgées ce cru authentique en savourant l’instant présent. Lisa est songeuse, Carole s’en aperçoit et lui en demande la raison.

- Je pense à une phrase que j’ai lue quelque part, dont je ne connais pas l’auteur mais qui prend une signification particulière quand je pense à nous deux, à notre amitié. Une phrase qui dit l'essentiel et qui résume tout.

- Et qui est ?

- « Une amie, c’est quelqu’un qui sait tout de toi et continue à t’aimer quand même ! ».

8 mars 2009

Quand « l’amour » tue (gballand)

violence

Valparaiso (Chili) : en janvier dernier, Priscilla Solari et Cristian Rojas ont mis en place un projet artistique permettant de rendre visible, dans l’espace urbain, la violence qui s’exerce quotidiennement contre les femmes. A ces robes de mariées, sans visages, sont associées les armes avec lesquelles ces femmes ont été assassinées.
L’exposition montre 62 robes : 62, le nombre de femmes qui ont été tuées au Chili en 2007. 62 « anges » décapités par la violence masculine, 62 robes qui, de leurs yeux absents, attendent les bourreaux à venir pour leur chuchoter, de leur voix étranglée, qu’il faut en finir avec cet « amour » mortuaire.

* Ces informations  ont été lues, en partie, sur le site de « radioplaceres » une radio alternative de Valaparaiso.

PS : Je vous conseille de voir le film de Iciar Bollain « Te doy mis ojos » - sorti en France sous le nom de « Ne dis rien » - qui analyse parfaitement le mécanisme inexorable de la violence - ici masculine - dans un couple ; une violence qui tue tout, même ce qu’il y a de profondément humain chez un homme : le besoin d’aimer et d’être aimé.

7 mars 2009

Le masque (gballand)

bananasplitIls étaient installés à la terrasse du café de la Coupole et parlaient de tout et de rien. Lui, les tempes  grisonnantes, le complet impeccable ; elle, aurait pu être sa fille. Elle ne souvenait plus de ce que l’homme lui avait dit, mais elle avait répondu amusée.

- Vous pensiez avoir un masque ? Mais tout le monde vous a démasqué !

Quand elle vit son visage s’assombrir, elle continua.

- Vous êtes déçu ? Mais pourquoi être déçu quand la vérité de l'homme entre en scène.
Il lui répondit calmement.

- Vous me semblez bien jeune pour parler de la Vérité des hommes.

Elle ne se démonta pas et ajouta.

- Alors, ce n’est pas pour me  sauter  que vous êtes là, à discuter  et à faire semblant que vous vous intéressez à ma conversation ?

Il sourit vaguement,  s’arrêta sur son visage où il avait aimé ce reste d’enfance accroché au regard, puis conclut durement.


- Là, vous me bluffez, vous êtes plus intelligente que je ne l’aurais pensé. Eh bien, puisque vous êtes une fille avisée, passons aux choses sérieuses : quand m’accorderez-vous votre corps ? Je suis prêt à payer, très cher même.
- Eh bien jamais, monsieur le baiseur, lui dit-elle en affichant son plus beau sourire.


Et elle partit, sans payer l’énorme banana split dont elle s’était goinfrée.

PS : photo vue sur ce site 

6 mars 2009

Reconstruire ? (MBBS)

Son regard s’est fait suppliant.

- Dis, si d’un seul coup on pouvait reconstruire notre histoire, tu la verrais comment ?

Elle hausse les épaules et ne peut pas répondre, elle n’en a d’ailleurs pas envie. Pourquoi le mot « fin » est-il incapable de s’écrire sans pleurs, sans heurts et sans drames ? Pourquoi deux êtres qui se sont aimés, qui ont partagés leur vie ne peuvent pas se séparer comme ils se sont connus, simplement, avec tact et sensibilité ? Elle aimerait être ailleurs, ne plus voir ses yeux tristes, sa moue chagrine et ses mains qui se crispent sur la table. Elle le sent en deux phases et c’est la tristesse qui domine pour l’instant mais elle sait que la colère va prendre le dessus quand il réalisera que la rupture est inéluctable.

Cet homme elle l’aime mais leurs caractères sont si incompatibles que la vie est devenue un enfer. Elle aime ce qu’il n’aime pas, il préfère ce qu’elle déteste et ils peinent à partager ces petits détails qui font que la vie à deux est belle et intense.

Elle regarde au dehors. Le café est bondé, l’air est saturé d’humidité par les flocons que les clients déposent à terre en s’ébrouant comme des chiens. La neige tombe depuis le matin et le calme feutré qu’elle crée lui donne une envie folle de rentrer chez elle, de se glisser sous la couette, un livre à la main, de se plonger dans l’histoire et de ne plus penser à rien…

Elle revient à la réalité alors qu’il lui prend la main. Elle le regarde et se demande comment leur relation a commencé. Peut-être qu’il a raison, si ils pouvaient repasser le film de leur histoire, ils pourraient peut-être corriger les faux pas, les incompréhensions, les non-dits qui ont éparpillé les cailloux qui les ont fait trébucher…mais peut-on reconstruire ce qui est détruit ?

6 mars 2009

Ecrire (gballand)

Il avait un peu la manie d’écrire* des choses éparses qui s'accumulaient sur des carnets, c’est tout au moins ce qu’il faisait croire, le stylo à la main. De la matière brute, disait-il, content de lui.  Un jour vous verrez, avait-il coutume d’affirmer. Ses amis se moquaient gentiment de la fébrilité de sa prise de notes. Quelle œuvre construisait-il donc dans l’ombre ?


- Alors, ce roman que tu nous caches, c’est pour quand ? Etait la question la plus fréquente qui lui était posée.

Il laissait dire et souriait de façon énigmatique.Quand il mourut, on s’aperçut que ses notes n’étaient que du vent posé sur des pages blanches.

* phrase extraite du livre d’ Emmanuel Bove, le pressentiment.

5 mars 2009

Juste rêveuse (MBBS)

- Ah ! Te voilà, ce n’est pas trop tôt.

- Je n’ai pas droit à des vacances ?

- Des vacances, oui, mais ce n’est pas une raison pour me laisser tomber.

- Que vas-tu imaginer, jamais je ne te laisserais tomber…mais tu as raison, j’ai eu comme une sorte de flemme, doublée d’un vide total d’imagination. C’était le néant, peut-être par le fait que ma tête était pleine et que mon corps, vidé de son énergie par tous mes problèmes, refusait de fonctionner au niveau des idées.

- Et maintenant, que comptes-tu faire ?

- Et maintenant, que vais-je faire…comme le chantait si bien Gilbert Bécaud. Sais-tu qu’il neige à Lausanne ? Il faut que je retourne mettre des boules pour les oiseaux, j’aime les observer venir picorer, je cherche de quels oiseaux il s’agit dans mon grand livre et je découvre, à travers mes jumelles, des caractéristiques que je ne connaissais pas.

- C’est vrai que tu es une fan de la nature.

- Si peu, mais je me ressource à travers elle. J’aime la neige, je suis heureuse même si autour de moi, je n’entends que des gens râler. Nous sommes en hiver que diable, pour une fois que nous en avons un, blanc à souhait, comme dans les livres que j’ai lu tout au long de ma jeunesse. La seule chose qui me chagrine, c’est qu’en ville, d’immaculée, elle devient vite noire, balayant par sa laideur son effet apaisant. J’adore me lever alors qu’il a neigé toute la nuit. Il y a comme un silence feutré apaisant, un message qui nous dirait : levez le pied, prenez le temps de vivre, écoutez la nature, profitez du moment présent…

- Philosophe maintenant ?

- Tu te moques et tu as raison. Non, je ne prétends pas être philosophe, juste rêveuse…

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés