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Presquevoix...

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27 octobre 2011

L’ombre

Quand il lui avait dit, méprisant, " Tu t'es déjà regardée de l'intérieur ? ", elle avait senti que tout basculerait à nouveau. Son regard avait croisé le sien, elle lui avait souri, mais il avait répondu par un visage fermé. Alors elle avait baissé les yeux, comme d’habitude, toujours cette impression d'avoir commis une faute, mais laquelle ? Depuis l'enfance, des ombres gigantesques happaient chaque rayon de lumière qui glissait sous la porte de la cellule où on l’avait enfermée.

Il avait poursuivi.

- Tu es sale et tu ne me mérites pas. Je ne sais même pas pourquoi je reste avec toi. Je dois avoir pitié.

Et il lui avait tourné le dos. Le cycle recommençait. Cette fois-ci, elle n’avait eu qu’une semaine de répit. Elle avait remarqué que maintenant, les cycles étaient de plus en plus courts et ne lui permettaient plus de récupérer l’énergie qu’il lui arrachait.

Dans le silence de la nuit où elle vivait, elle se dit qu’un jour, peut-être, il la tuerait...

PS : texte écrit dans le cadre des "impromptus littéraires"

26 octobre 2011

Le mal de dos

Cela faisait un mois qu’il se plaignait de son dos  ;  sa femme commençait à trouver le temps long. Lorsqu’elle lui demanda de passer l’aspirateur dans leur chambre, il ouvrit un tiroir du bureau et en sortit un  certificat médical qu’il lui tendit en souriant. Elle le lut et constata, sidérée, que le médecin avait écrit.
« En raison de sa  lombalgie, M. Vivien ne pourra pas passer l’aspirateur pendant  deux mois. »

25 octobre 2011

Le tag

Quand elle récupéra sa voiture, juste après son dernier cours de 4 à 5, elle découvrit la chose. Au début, elle ne réussit pas à dire autre chose que « la chose », il fallait bien s’habituer. C’était énorme, sur sa portière avant gauche, et elle eut honte. Elle monta précipitamment, ferma la porte, mit le moteur en route et démarra. Au premier feu rouge, elle vit un piéton qui lui montra sa portière en  riant aux éclats. Elle  l’ignora mais une rougeur subite lui monta au visage. Elle pria pour que les autres feux ne passent pas au rouge. Hélas, le cinquième eu la mauvaise idée de prendre une couleur cramoisie et elle le grilla. Elle entendit une sirène et dut se rendre à l’évidence : c’était pour elle. Elle se rangea immédiatement sur le bas-côté de la route. Quand les deux policiers s’approchèrent de sa voiture et découvrirent la portière, ils ne purent s’empêcher de sourire. Elle le remarqua et enchaîna.

-    C’est pour ça que je l’ai brûlé – dit-elle en désignant la portière. Qu’est-ce que vous feriez, vous,  avec ça sur votre portière ?

-    Ah, ils ne vous ont pas ratée ! Remarqua l’un des policiers.

Et elle conclut.

-    Quand je pense que je leur enseigne les subtilités de la langue française et que ces petits connards me remercient en me taguant  une bite énorme sur la portière avant, il y a de quoi déprimer, non ?  Je me demande même si demain, j’irai travailler.

Les policiers compatirent et lui conseillèrent de porter plainte. Elle eut même droit à un petit signe amical de la main avant le départ.

24 octobre 2011

La vie de bureau

Quand elle arrivait au bureau, la première chose qu’elle faisait, c’était aller aux toilettes pour fumer un joint et mettre ses boules Quies. Ce n’est qu’à ces conditions que la journée se passait correctement. Le jeudi 20 octobre, juste avant d’entrer au Rectorat où elle travaillait depuis 10 ans, elle s’aperçut, paniquée, qu’elle n’avait pas ses boules Quies. Elle décida qu’elle irait en acheter à la pause repas. Seulement il y avait cette longue demi-journée qu’il faudrait bien passer dans le même bureau qu’Arlette ! Elle pria pour que le joint suffise…

23 octobre 2011

Les trois lunes

55Ils étaient debout, chancelants, face à la Seine, quand Kevin a dit.

- T’as vu, ya trois lunes !

Gérard lui a répondu.

- Ta gueule, t’es bourré, tu sais pas ce que tu dis. La lune, yen a qu’une, c’est prouvé !

Kevin n’a rien répondu. Gérard était vraiment trop con. Une seule chose l’intéressait : picoler ! La bouteille, c’était son biberon et il lui manquait plus que les couches.

Lui, maintenant, ça lui arrivait de ne pas boire. Par exemple le mercredi. Il faut dire que c’était le jour où il voyait sa fille. Il  y a deux mois, alors qu’il allait l’embrasser, elle lui avait dit, du haut de ses 10 ans.

- Papa, tu pues l’alcool, c’est dégoutant.

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Patrick Cassagne

22 octobre 2011

Le sourire

Il lui a demandé une baguette, elle la lui a donnée, et c’est à ce moment là qu’il a ajouté vertement.

-    Et puis vous pourriez sourire !

Drôle de monde où les clients  veulent condamner les vendeuses à sourire six jours sur sept et 8 heures sur 24…

21 octobre 2011

Comment faire disparaître un homme ?

Chaque jour, elle déposait un mot – ou deux -  dans sa poubelle ; les mots des lettres qu’il lui avait envoyées et qu’elle dépiautait consciencieusement. En désossant ses phrases, elle désossait son souvenir. Comme il ne lui avait écrit que 4  courtes lettres, elle en aurait  assez vite fini avec lui.

Le précédent, par contre, il lui avait fallu  douze longs mois pour le faire mourir, c’était un amoureux des mots. Il l’avait aimée un mois, à raison d’une lettre tous les deux  jours, et pas n’importe quelles lettres, des lettres longues et romantiques qu’elle avait  eu le tort de  croire.

Quant à l’avant avant dernier - un rustre - la seule missive qu’il lui avait écrite, c’était ces trois  phrases griffonnées à la hâte sur une enveloppe : « Marre de ta névrose. Je pars. Tout est fini entre nous. ». Elle l’avait achevé en une semaine.

20 octobre 2011

Le portrait

Il aimait dessiner. Depuis son enfance, ce plaisir ne l’avait jamais quitté et,  à 45 ans passés, il continuait à faire quelques portraits. Le dernier en date, c’était celui de sa mère.  Il en avait été particulièrement satisfait. Hélas, il l’avait lacéré au cutter deux jours plus tôt et il en avait été fort chagriné. Mais ne valait-il pas mieux tuer le portrait  plutôt que sa mère ?

19 octobre 2011

Le Haka du cours de français

Jugeant que la disposition au travail de ses élèves de première était insuffisante, Madame Déliran imagina qu’un  Haka avant chaque cours de français pourrait peut-être changer la donne. Dès que les élèves arrivaient, ils posaient leurs affaires sur les tables, enlevaient leurs manteaux, se mettaient en lignes, jambes écartées, dans la même position que les joueurs de l’équipe des All blacks, et l’exercice commençait. Après quelques réticences, ils s’étaient tous pris au jeu et maintenant, ils hurlaient à pleins poumons. Les  paroles - qui faisaient vibrer la salle de classe pendant 1 minute – avaient été trouvées par un groupe de trois élèves volontaires :

J’aime le français, j’aime la prose, j’aime les poèmes (ouhouhouh) rentrez dans le texte, que votre cœur vibre, que le cerveau percute, ouvrez votre cœur aux mots. Ecoutez-les résonner ! C’est le texte, c’est le texte, c’est la vie, c’est la vie ! Partez chercher la clef du texte ( ouhouh). C’est une rencontre ! Faites face ! Ne baissez pas les bras ; Soyez vifs, perspicaces, faites danser  le texte !

Depuis un mois que la méthode avait démarré, elle avait pu observer des changements notables ; c’est ce qu’elle avait expliqué aux collègues qui s’étaient plaints, auprès du proviseur, de  cris qu’ils jugeaient déplacés…

18 octobre 2011

La loi des deux A

Depuis le début du conflit, son mari se lavait tranquillement dans la salle de bain. Elle, elle regardait son fils qui hurlait dans leur chambre  en se roulant par terre. Elle était prête à lui donner une fessée  quand son mari lui a dit.

-    Tu connais la loi des deux A ?

La main suspendue, elle a répondu, surprise.

-    Quelle loi des deux A ?
-    Amour et Autorité ! Je te conseille de lire les fondamentaux de la psychologie.

Alors que l’enfant braillait toujours, son mari a pris son attaché case et lui a dit « A ce soir ma chérie ». Et il est sorti.  Quant à elle, à bout de nerfs, elle a aplati deux fois sa main sur les fesses de son fils.

-    Tiens, ça  c’est de la part de papa et ça de la part de maman ! Puis elle a tourné les talons pour aller dans la cuisine.

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